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TABLE OBJECTIONS SUR LE FORUM     SUIVANT

DEUXIÈME PARTIE

CE QUI PRÉCÈDE LA RÉSURRECTION[1]

Pour atteindre le lien-clef LES TROIS ENFERS DES PATRIARCHES, voir Question 8, article 14

Il nous faut maintenant considérer la résurrection des corps qui a été promise à tous les hommes par le Sauveur: «l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’homme et sortiront: ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement»[2]. Et cette résurrection se produira dans le temps, à un instant que Dieu connaît[3]. Nous verrons donc successivement:

 

I- Ce qui précède la résurrection.

        II- La résurrection elle-même et ses circonstances.

III- Ce qui la suit.

 

Concernant le premier point, nous examinerons: 

A) Le destin individuel[4] de chaque homme 

1) La mort et la condition des âmes séparées de leur corps.

2) Le jugement particulier.

3) Les demeures des âmes après la mort.

4) Les suffrages par lesquels les vivants peuvent aider les défunts.

 

B) Le devenir du monde 

De même que le corps de chaque homme en particulier passe par la mort pour ensuite ressusciter, de même le monde dans son ensemble[5] doit avoir une fin qui précèdera l’apparition d’un monde nouveau, d’une Jérusalem céleste selon l’Apocalypse[6]. A ce sujet, il nous faudra voir:

1) les signes précurseurs de la fin de ce monde;

2) la conflagration de l’univers à la fin des temps.

 

L’HEURE DE LA MORT

QUESTION 8: la mort

Article 1: L'âme de l'homme survit-elle à la mort du corps?

Article 2: Après la mort, l’homme conserve-t-il une vie sensible ?

Article 3: La mort est-elle naturelle ?

Article 4: La mort est-elle instantanée ?

Article 5: L’homme reçoit-il de Dieu certaines révélations dans la durée qu’on appelle le moment de la mort ?

Article 6: Dans le moment de la mort, l’homme est-il délivré de la faiblesse du corps ?

Article 7: L’homme voit-il Dieu dans son essence au moment de la mort ?

Article 8: L’homme voit-il de manière sensible l’humanité sainte de Jésus au moment de la mort ?

Article 9: L’homme peut-il voir des personnes décédées avant-elle ?

Article 10: L’homme voit-il le démon à l’heure de la mort ?

Article 11: L’homme peut-il voir des personnes encore vivantes sur terre ?

Article 12: L’homme voit-il défiler sa vie, le bien et le mal commis ?

Article 13: Peut-il y avoir repentir dans le moment de la mort ?

Article 14: Cette révélation de l’Évangile fut-elle nécessaire à l’heure de la mort pour tous les hommes de tous les temps ?

Article 15: Le jugement dernier a-t-il lieu au moment de la mort ?

 

QUESTION 9: La condition des âmes séparées du corps.   

1) Les puissances sensibles demeurent-elles dans l’âme séparée?

2) Les actes des puissances sensibles demeurent-ils?

3) Les connaissances et les souvenirs de la vie passée demeurent-ils?

4) Comment s’exerce l’acte de l’intelligence dans l’âme séparée?

5) Comment s’exerce l’acte de la volonté?

6) L’âme séparée peut-elle entrer en contact avec une autre âme séparée ou avec un ange?

7) L’âme séparée voit-elle les hommes qui sont sur la terre?

8) Les âmes séparées peuvent-elles apparaître aux hommes?

 

QUESTION 8: la mort[7]

OBJECTIONS SUR LE FORUM

Cette question, nous en sommes conscients, aborde un domaine d’étude jamais encore approfondi de cette manière par la théologie. Pourtant, l’étude de la mort et des évènements qui l’accompagnent est d’une importance extrême pour le reste du traité. La question de l’apparition glorieuse du Christ donne l’intelligibilité du destin individuel de chacun.

 

Au sujet de la mort qui est pour chacun de nous le passage de ce monde à l’au-delà, quatorze interrogations nous paraissent nécessaires:

 

Article 1: L'âme de l'homme survit-elle à la mort du corps?

Article 2: Après la mort, l’homme conserve-t-il une vie sensible ?

Article 3: La mort est-elle naturelle ?

Article 4: La mort est-elle instantanée ?

Article 5: L’homme reçoit-il de Dieu certaines révélations dans la durée qu’on appelle le moment de la mort ?

Article 6: Dans le moment de la mort, l’homme est-il délivré de la faiblesse du corps ?

Article 7: L’homme voit-il Dieu dans son essence au moment de la mort ?

Article 8: L’homme voit-il de manière sensible l’humanité sainte de Jésus au moment de la mort ?

Article 9: L’homme peut-il voir des personnes décédées avant-elle ?

Article 10: L’homme voit-il le démon à l’heure de la mort ?

Article 11: L’homme peut-il voir des personnes encore vivantes sur terre ?

Article 12: L’homme voit-il défiler sa vie, le bien et le mal commis ?

Article 13: Peut-il y avoir repentir dans le moment de la mort ?

Article 14: Cette révélation de l’Evangile fut-elle nécessaire à l’heure de la mort pour tous les hommes de tous les temps ?

Article 15: Le jugement dernier a-t-il lieu au moment de la mort ?

 

Cette question, nous en sommes conscients, aborde un domaine d’étude jamais encore approfondi de cette manière par la théologie. Pourtant, l’étude de la mort et des évènements qui l’accompagnent est d’une importance extrême pour le reste du traité. La question de l’apparition glorieuse du Christ donne l’intelligibilité du destin individuel de chacun.

 

Article 1: L’âme[1] humaine survit-elle à la mort du corps ?[2] 

Objection 1: Le mot « âme » lui-même est piégé. Il porte les vestiges de certaines philosophies grecques dualistes comme celle de Platon. Il n’est plus possible de l’employer aujourd’hui, alors que nous savons que l’homme est un, substantiellement. 

Objection 2: Il ne semble pas que la mort soit la séparation de l’âme et du corps. Elle est plutôt la destruction de l’âme. En effet, l’âme est la forme du corps. Or la forme ne peut plus subsister quand la matière se corrompt.[3]  

Objection 3: En parlant de séparation de l’âme et du corps, on est amené à poser dans l’être humain deux parties essentiellement différentes. Or l’expérience montre que l’homme est un seul être.  

Objection 4: Si l’âme pouvait subsister après la disparition du corps, cela apparaîtrait par l’existence d’une activité vitale indépendante du corps. Mais cela n’est pas vrai de l’acte intellectuel pour lequel il faut toujours des images, phénomène d’origine corporelle.  

Objection 5: Il semble que l’âme est détruite après la mort d’après l’Ecriture et l’Église. On redit en effet lors de la liturgie des cendres la parole de Dieu au jardin d’Eden: «Tu es poussière et tu retourneras à la poussière.»[4] Si l’âme devait subsister après la mort, elle ne retournerait pas à la poussière.[5]

 

Cependant: Luc 23, 43: Le «bon larron » sera dès sa mort avec Jésus.

Luc 20, 38: Jésus répond à ceux qui ne croyaient pas en la survie actuelle des morts: «Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants.»

Act. 1, 59: Etienne demande au Seigneur d’être accueilli dès sa mort au ciel.

Ph 1, 21-26: Paul est certain d’être dès sa mort avec le Christ d’une façon définitive.

2 Co 12, 1-6: Paul a été déjà au paradis.

2 Tm. 4, 18: la confiance de l’apôtre d’entrer dès la mort dans le Royaume.

Ap. 6, 9: Les âmes des martyrs sont au ciel.

Ap. 14, 13: «Heureux dès à présent ceux qui sont morts dans le Seigneur ».

L’ecclésiaste 12, 7: «La poussière retourne à la terre comme elle en est venue et le souffle à Dieu qui l’a donné ». Donc la mort implique la survie de l’âme (autrement dit du « souffle » ) après la destruction du corps.

 

Conclusion : La mort est le passage de l’âme spirituelle de ce monde à l’au-delà. Elle présuppose la séparation de l’âme et du corps et n’aboutit pas à la destruction de l’âme. Pour mieux le comprendre, il faut considérer ce qu’est l’âme. Par expérience, nous pouvons constater chez nous l’existence d’actes vitaux d’espèces différentes tels que manger, imaginer, penser, aimer. Ces actes permettent de remonter aux puissances vitales qui les causent à savoir par exemple la puissance nutritive, l’imagination, l’intelligence, la volonté. Parmi ces facultés, certaines ne peuvent exister sans un organe biologique ce qui se manifeste clairement si on analyse leur objet et leur exercice qui sont indissociables de la matière. Ce sont les facultés corporelles. Elles peuvent être classées parmi les facultés de la vie végétative en tant qu’on les retrouve dans la vie des plantes ou parmi les facultés de la vie sensible en tant qu’elles nous sont communes avec les animaux.

Certaines facultés au contraire n’ont pas besoin d’un support biologique pour exister même si, dans l’état présent, elles ne s’exercent pas sans le corps, comme cela a été montré dans la première partie: L’intelligence et la volonté nous sont communes avec les anges. En ce sens, on peut appeler le troisième degré de vie «la vie spirituelle »

Les trois degrés de vie sont unis indissociablement pour former nature humaine. Cette unité se réalise par une cause efficiente vitale qu’on appelle l’âme car elle anime de l’intérieur la personne tout entière. Non seulement l’âme réalise l’unité en un seul être de deux natures différentes à savoir une nature corporelle et un esprit; Mais elle est source de leur vie. On le constate avec évidence pour le corps qui ne subsiste pas dans sa forme de corps humain mais se décompose dès qu’il n’est plus animé. La mort survient lorsque le corps se trouve soustrait à l’influence vivifiante de l’âme. Cela vient de la déficience du corps qui, à cause de la maladie, d’un accident ou de l’usure de la vieillesse perd son adaptation à l’âme.

C’est ici que commence la voie par laquelle Aristote entend démontrer la non matérialité donc l’incorruptibilité de l’âme humaine et de ses deux facultés spirituelles. Il analyse l’intelligence humaine et la volonté. Il constate que, même si nous ne pouvons pas penser sans nous aider avec des images (l’imagination nous est donc indispensable pour penser), nous pouvons cependant penser à des objets qui ne sont pas des images.

Illustration: Pour comprendre ce qu’est l’amour, nous pouvons avoir en tête un exemple concret d’attraction entre deux personnes. Nous pouvons en faire un dessin (un cœur blessé par exemple.) Mais la notion d’amour, ce que nous comprenons de l’amour, dépasse toute représentation. Il s’agit d’un concept abstrait. Nous sommes incapables de représenter cette pensée par une image. Cette pensée n’est pas matérielle. Elle la dépasse totalement. Elle est d’un autre ordre, spirituel.

De même, notre volonté peut aimer une réalité (une personne par exemple) uniquement parce que notre intelligence nous fait comprendre que cette personne est digne d’amour. Cela dépasse ce que nous pouvons ressentir pour elle (amour passion). Il s’agit d’un amour qui dépasse toute matière. Nous sommes capables d’aimer de manière spirituelle un bien spirituel. Notre amour volontaire n’est donc pas matériel. Il dépasse complètement les domaines du sensible, du psychologique.

“ Si les deux facultés de l’esprit humain ont un objet immatériel, c’est donc qu’elles-mêmes dépassent la matière. Elles ne peuvent avoir d’organe matériel. Toute faculté liée à un organe matériel produit une action matérielle. C’est parce que l’œil est fait de matière qu’il peut capter la lumière matérielle. Principe de causalité: “ toute cause (ici l’œil organique) produit un effet qui lui est proportionné (ici la vision de la lumière qui est matérielle.)”

De même, puisque l’intelligence humaine peut comprendre des réalités non matérielles, c’est donc qu’elle est elle-même immatérielle (donc qu’elle n’a pas d’organe.)

Aristote pose une autre conclusion nécessaire à son raisonnement: l’âme spirituelle (l’âme humaine, l’intelligence et la volonté) ne peuvent venir de l’action des parents lorsque, à travers l’acte sexuel, ils conçoivent un enfant. La matière (spermatozoïde et ovule) ne produit que de la matière. C’est donc que l’âme spirituelle vient « d’ailleurs » Aristote ne dit rien de plus. Mais saint Thomas d’Aquin conclura le raisonnement d’Aristote: “L’âme spirituelle vient d’ailleurs, c’est-à-dire qu’elle est créée immédiatement par Dieu, pour chaque enfant individuellement, après la conception. Seul Dieu, en effet, qui est un être spirituel et infini peut créer des réalités spirituelles.”

Ainsi lorsque le corps se soustrait, à cause de sa potentialité, à l’influence de l’âme, celle-ci se sépare de lui. Puisqu’elle n’est pas faite de cette matière que nous voyons se corrompre, mais d’autre chose dont la nature est spirituelle, c’est qu’elle survit, de même que les puissances spirituelles dont elle est source.

L’âme spirituelle subsiste après la mort C’est pourquoi Jésus a pu dire au bandit qui était crucifié à sa droite: «aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis». Le fait que l’âme subsiste après la mort est un article de foi selon l’enseignement du Saint Concile du Latran[6]. «Nous condamnons et réprouvons tous ceux qui affirment que l’âme intellective est mortelle.» Mais c’est aussi une vérité que la raison naturelle peut arriver à découvrir par ses propres forces.

 

Solution 1: A la différence de Platon, Aristote n’est pas dualiste. Il n’oppose pas l’âme, principe de la pensée au corps qui serait son fardeau et sa punition. Pour lui, l’être humain constitue un seul être complet, corps, sensibilité et esprit inclus. Il possède trois niveaux de vie qui s’exercent en harmonie:

-- Une vie végétative, commune avec les plantes. Elle est une vie purement physique. Elle s’exerce de manière inconsciente à travers une série d’organes. Ses facultés sont essentiellement celles de la nutrition, de la respiration, de la croissance, de l’adaptation et de la reproduction.

-- Une vie psychologique, commune avec les animaux supérieurs. Elle est le siège d’une certaine conscience sensible mais reste toujours liée à des organes (le système nerveux et le cerveau.) On peut citer, entre autre, parmi ses facultés: les cinq sens, les passions (amours et haines sensibles d’un bien sensible), l’imagination, la mémoire des images, l’estimative (intelligence animale de l’utile et du nuisible).

-- Une vie spirituelle enfin, commune avec les anges, et qui est le fait de deux facultés complémentaires: l’intelligence et la volonté (qui n’est autre que la faculté d’aimer de l’intelligence.) Ces deux facultés ne sont pas autre chose que l’ESPRIT.

Toute cette diversité appartient à un seul être, une personne humaine complète et unifiée. Or, pour expliquer l’unité qui apparaît au delà de la multiplicité des facultés, il faut bien accepter l’existence d’un principe d’unité. Aristote l’appelle l’ÂME (psyche en grec, anima en latin.) Selon lui, même les animaux et les plantes ont une âme puisqu’ils sont unifiés dans une grande diversité de matière et de facultés vitales. Mais, chez l’homme, l’âme fait exister non seulement un corps et un psychisme sensible, mais aussi un esprit. Son ÂME n’est donc pas seulement végétative ou animale mais SPIRITUELLE.

 

Solution 2: L’âme est la forme du corps. Mais elle est une forme qui subsiste par elle-même. On peut le montrer par la considération suivante: De même que l’intelligence humaine est séparée de la matière et donc incorruptible de même sa cause est nécessairement immatérielle et incorruptible car une cause ne peut produire un effet supérieur à elle. Quant à l’immatérialité de l’intelligence, on peut la découvrir en regardant son objet qui est, potentiellement, la connaissance de tout (du concret à l’abstrait, de l’être matériel à Dieu). Son objet n’est pas restreint à tel ou tel être particulier comme on le voit par exemple pour l’œil qui, étant un organe matériel (donc corruptible), n’atteint que tel domaine du monde matériel, à savoir le visible[7].

 

Solution 3: L’âme et le corps ne sont pas deux parties essentiellement différentes, comme le pensait Platon. De même que la forme de la statue est une avec sa matière pour former une seule oeuvre d’art de même pour l’âme et le corps. L’âme réalise l’unité substantielle de tout l’homme en informant le corps. Mais elle est aussi une forme subsistante. Elle peut donc continuer à exister lorsque l’intégrité humaine est brisée.

 

Solution 4: Le corps n’est pas requis pour l’acte intellectuel à la manière d’un organe mais en raison de l’objet qu’il fournit à savoir l’image qui est à l’intelligence ce que la couleur est à la vue. Le fait d’avoir besoin du corps pour son exercice n’empêche pas l’intelligence d’être subsistante. Dans l’au-delà, elle acquiert un nouveau mode d’exercice comme nous le verrons[8].

 

Solution 5: Quand Dieu dans le livre de la Genèse dit à l’homme qu’il est poussière et qu’il retournera à la poussière, il ne veut pas lui dire que toutes les parties de son être sont matérielles et donc corruptibles. En disant à l’homme qu’il est poussière, il lui signifie qu’il n’est rien quand il se sépare de la source de sa vie, Dieu. Par la mort l’homme sera conduit à expérimenter jusque dans la destruction de sa chair le caractère insensé de sa révolte contre Dieu.

OBJECTIONS SUR LE FORUM

Article 2: Après la mort, l’homme conserve-t-il une vie sensible ?  

Objection 1: L’argument d’Aristote pour prouver philosophiquement la survie de l’esprit consiste à montrer que l’objet de l’intelligence et de la volonté est immatériel. Les facultés le sont donc aussi. Or l’objet de toutes les facultés psychologiques (sensations, passions, imagination, mémoire sensible, estimative) est toujours lié à la matière. L’organe de ses facultés est connu, c’est le cerveau. Il est donc impossible qu’elles subsistent à la destruction du cerveau.

 

Objection 2: La phase de décorporation ressemble beaucoup à certaines expériences décrites dans la toxicomanie. Elle semble être l’effet d’une hallucination produite par le cerveau en détresse. Il semble abusif d’en conclure qu’après la mort, l’homme conserve-t-il un corps psychique ?

 

Objection 3: La rencontre avec un être de lumière, avec des proches décédés, tout cela fait penser à l’effet d’une réaction anesthésique du cerveau dans le stress de la mort approchée. On ne saurait fonder une doctrine sur une vision si critiquable.

 

Objection 4: On ne trouve trace nulle part de cette expérience de la mort approchée, ni dans la foi de l’Église, ni dans sa Tradition. Il est dangereux d’ajouter de telles expériences au domaine de la révélation.

 

Objection 5: Enfin, cette expérience de la mort approchée semble être dangereuse pour la foi. Là où est l’expérience, la foi disparaît.

 

Cependant: Saint Augustin se réfère souvent à l’Expérience de la Mort approchée, déjà bien décrite à son époque: Il reconnaît que ces personnes ravies hors de leurs sens corps, ont conservé «une certaine ressemblance de leur corps »[9], par laquelle elles peuvent être emportées vers des lieux corporels. « Je ne vois pas, dit-il, comment il pourrait en être autrement: l’âme garde quelque chose qui ressemble à un corps lorsque, le corps étant étendu privé de sentiment, mais sans être mort, elle voit ce qu’une foule de personnes rendues à la vie, après avoir éprouvé cette sorte de ravissement, ont raconté qu’elles avaient vu; je ne vois pas, dis-je, pourquoi elle ne l’aurait pas, une fois que, par la mort corpo­relle, elle a complètement quitté son corps ».

 

Conclusion: Le docteur Moody, psychologue américain, publia en 1978 son livre: La vie après la vie.[10] Il s’agit d’une étude faite auprès des américains ayant connu, à un moment, un état d’arrêt cardiaque ou même de mort clinique. En dépit des différences présentes pour chaque cas, écrit le docteur Moody, tant par les circonstances qui entraînent les approches de la mort que les différents types humains qui les subissent, il n’en reste pas moins que de frappantes similitudes se manifestent entre les témoignages qui relatent l’expérience elle-même. En fait, ces similitudes sont telles qu’il devient possible d’en dégager des traits communs, sans cesse répétés.

Voici donc un homme qui meurt et, tandis qu’il atteint le paroxysme de la détresse physique, il entend le médecin constater son décès. Il commence alors à percevoir un bruit désagréable, comme un fort timbre de sonnerie ou un bourdonnement et, dans le même temps, il se retrouve hors de son corps physique immédiat. Il aperçoit son propre corps physique à distance, comme en spectateur. Il observe de ce point de vue privilégié les tentatives de réanimation dont son corps fait l’objet. Il se trouve dans un état de forte tension émotionnelle. Au bout de quelques instants, il se reprend et s’accoutume peu à peu à l’étrangeté de sa nouvelle condition. Il s’aperçoit qu’il continue à posséder un “corps ” mais ce corps est d’une nature très particulière et jouit de facultés très différentes de celles dont faisait preuve la dépouille qu’il vient d’abandonner. Après cela, il se sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscur et long tunnel. Et soudain, une entité spirituelle d’une espèce inconnue, un esprit de chaude tendresse, tout vibrant d’amour (un être de lumière) se montre à lui. Cet être fait surgir en lui une interrogation, qui n’est pas verbalement prononcée, et qui le porte à effectuer le bilan de sa vie passée. L’entité le seconde dans cette tâche en lui donnant une vision panoramique, instantanée, de tous les événements qui ont marqué son destin. Bientôt, d’autres événements se produisent, d’autres êtres s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui venir en aide. Il entrevoit des parents et des amis décédés avant lui. Le moment vient ensuite où le défunt semble rencontrer devant lui une sorte de barrière ou de frontière, symbolisant apparemment l’ultime limite entre la vie terrestre et la vie à venir. Mais il constate alors qu’il faut revenir en arrière, que le temps de mourir n’est pas encore venu pour lui. A cet instant, il résiste car il est désormais subjugué par le flux des événements de l’après vie, et ne souhaite pas ce retour. Il est envahi d’intenses sentiments de joie, d’amour et de paix. En dépit de quoi il se retrouve uni à son corps physique. Il renaît à la vie.

Par la suite, lorsqu’il tente d’expliquer à son entourage ce qu’il a éprouvé entre temps, il se heurte à différents obstacles. En premier lieu, il ne parvient pas à trouver des paroles humaines capables de décrire de façon adéquate cet épisode supraterrestre. De plus, il voit bien que ceux qui l’écoutent ne le prennent pas au sérieux, si bien qu’il renonce à se confier à d’autres. Pourtant, cette expérience marque profondément sa vie et bouleverse notamment toutes les idées qu’il s’était faites jusque-là à propos de la mort et de ses rapports avec la vie.

On peut résumer ce tableau idéal en cinq grandes étapes[11]:

1) décorporation: la personne se trouve comme suspendue au-dessus de son corps; 2) tunnel noir; 3) vision de l’être de lumière; 4) vision de proches décédés précédemment; 5) le retour et ses conséquences psychologiques. L’ordre des étapes peut varier puisque certaines personnes affirment avoir vu l’être de lumière avant le passage dans le tunnel noir. D’autre part, certains témoignages s’arrêtent à la première ou deuxième étape, la mort clinique n’ayant apparemment pas assez duré.

 

Les propriétés du corps double ont pu être décrites d’une manière assez précise: Il s’agit tout d’abord d’un corps matériel, même s’il n’est pas composé de matière palpable. Il s’agit plutôt de matière sous forme d’énergie, de flux ondulatoire. C’est une sorte de champ magnétique, organisé sur lui même, un corps psychique. Il s’agit malgré tout d’un véritable corps humain, double du corps physique, ayant toute une vie psychologique et spirituelle: Il possède ses cinq sens, même si le toucher et le goût s’exercent différemment. L’imagination est entièrement présente, avec la mémoire et leur exercice cérébral. Des souvenirs disparus peuvent réapparaître intacts. Les émotions passionnelles sont présentent mais elles sont beaucoup plus paisibles. La joie, la paix, la peur et la tristesse s’exercent sans excès, comme si l’absence du corps physique les rendait plus contrôlables.

La vie spirituelle est, quant à elle, intensément présente. L’intelligence comprend ce qui leur arrive, la volonté se porte vers tel ou tel choix. Mais le plus étonnant demeure sans doute l’apparition de propriétés parapsychologiques nouvelles. Ce corps est fluide: il peut passer à travers les murs les plus épais, obéissant aux désirs de la volonté. Une femme raconte que, s’étant aperçu qu’elle mourrait, elle eut une pensée pour son mari et son fils présents dans la salle d’attente. Elle se retrouva aussitôt auprès d’eux, ayant traversé plusieurs pièces de l’hôpital à travers les murs. Elle décrivit après son réveil des détails sur cette salle d’attente qui ne laissent aucun doute de sa bonne foi.

Ce corps est agile: il peut se déplacer à volonté avec une vitesse incroyable. Un homme se voyant quitter son corps physique pensa intensément à son épouse qu’il avait laissé à l’étranger. Il se retrouva auprès d’elle, ayant franchi en quelques instants des milliers de kilomètres.

Ce corps est léger: il ne présente aucun des inconvénients du corps physique: fatigue, poids, inertie; Étant entièrement soumis à la volonté, il peut être appelé en ce sens “ corps spirituel »

Ce corps est parfait: il ne présente aucun des handicaps du corps physique. Une jeune fille, aveugle de naissance, pût décrire avec force de détails la couleur de ce qu’elle avait vu dans la pièce lors de son expérience. Un ancien combattant, amputé des deux jambes, eut la surprise de se voir tel qu’il était avant son accident.

Enfin, ce corps est doué de perceptions extrasensorielles nouvelles et qui lui apparaissent comme naturelle. Les témoins prétendent non seulement entendre les paroles proférées autours d’eux mais lire directement les sentiments et les pensées de chacun. C’est une sorte de télépathie a sens unique puisqu’ils sont, quant à eux, incapables d’attirer l’attention de qui que ce soit.

Chaque personne, chaque objet, leur apparaît nimbé dans une auréole de lumière aux couleurs vivantes ce qui rend leur perception de l’univers presque féerique. Selon les pensées et les sentiments de ceux qui sont dans la pièce, ces couleurs prennent des nuances différentes.

 

Solution 1: L’argument d’Aristote est logique. Le cerveau étant détruit, il est rationnellement logique que les facultés sensibles liées à cet organe soient détruites. Mais cela ne tient pas devant l’expérience. Or c’est le propre du philosophe de soumettre son raisonnement devant la réalité qui est maîtresse de sa science. Reste donc à savoir si l’expérience de la mort approchée est sûre et non imaginaire. C’est un problème d’ordre philosophique.

Face aux propriétés décrites du corps psychique, on est tenté de le rejeter dans le domaine imaginatif. L’hypothèse d’un effet psychique subjectif dû à la mort clinique a été émise. Il est vrai que les phases du tunnel et celles qui la suivent ne sont pas vérifiables. Mais la première phase (la décorporation) présente certaines propriétés qui excluent tout interprétation purement toxicologique et subjective. En effet, le fait de voir physiquement, à 10 ou 1000 kilomètres du lieu où se produit l’arrêt cardiaque, ce que fait telle personne précise à tel moment précis, les vêtements qu’elle porte est objectivement vérifiable. Si un tel effet est produit par l’état de détresse du cerveau, il n’en reste pas moins vrai qu’une « partie » de la conscience s’est nécessairement transportée à 10 ou 1000 kilomètres (voir solution 2).

Le problème n’est donc pas d’affirmer que ce n’est pas possible mais plutôt de se demander comment cela est possible. Certains philosophes ont donc essayé de se pencher sur l’historicité de la question. Il leur est apparu que le phénomène de la décorporation n’est pas nouveau. La psychologie le décrit comme propriété de certains hallucinogènes puissants. D’autre part, de longs traités pluriséculaires, écrits dans les traditions philosophiques chinoises, hindoues et tibétaines[12] en parlent. C’est d’ailleurs là qu’on trouve les plus profondes explications philosophiques du phénomène. Selon ces traditions, on peut discerner dans l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour former une seule personne: le corps physique, le corps astral et le corps mental.

1- Le corps physique est le siège des facultés végétatives comme la nutrition, la reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre corps, appelé le corps astral.

2- C’est le corps physique qui est source de l’existence du corps astral, au moins pour sa naissance. Selon ces traditions, après la mort du corps physique, le corps astral s’en sépare et subsiste d’où l’expérience de la décorporation. Le corps astral est, avec puis sans l’organe du cerveau, siège des facultés psychiques comme les sensations, les passions, l’imagination et la mémoire.

3- Le corps mental n’est autre que ce que nous appelons l’esprit, siège de l’intelligence et de la volonté. Ils ne lui donnent le nom de “ corps ” que par métaphore car selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement spirituel. Le corps mental est immortel et indestructible. C’est lui qui, dans la sagesse hindouiste, se réincarne à travers les âges.

Cette explication orientale traditionnelle, loin de s’opposer à la philosophie occidentale, semble au contraire prendre la réalité selon un regard complémentaire. Aristote distingue de la même façon trois degrés de vie mais son analyse s’attache moins à la cause matérielle de la vie. Le mérite de la philosophie orientale semble être ici de rendre intelligible un phénomène que l’Occident ne fait que découvrir. Cela ne reste bien sûr encore qu’une explication hypothétique, une piste de recherche qui devrait encourager la science à s’intéresser au phénomène. En effet, si le corps astral existe et est matériel, il doit y avoir moyen d’en mesurer la présence.

 

Solution 2: L’intérêt philosophique fut très vif aux USA et l’on s’efforça de vérifier la véracité des récits. Seule la décorporation peut-être objet d’une telle enquête scientifique. Pour les autres phases, le témoignage des patients ne peut être confronté à aucun moyen de mesure. Cette expérience de décorporation présente un intérêt unique. On ne peut qu’être frappé par le récit des victimes qui semble concorder en tout point avec la réalité. Or la victime est en état de mort clinique. Elle est allongée sur une table, son cerveau est en état de mort clinique transitoire. Elle ne peut, théoriquement, rien voir de ce qui l’entoure. Pourtant, on est obligé d’admettre qu’elle voit ce qui se passe et qu’elle le voit d’un point situé en dehors de son propre corps. Dans une salle de réanimation, un médecin eut l’idée de pousser les vérifications en fixant sur la face supérieure des armoires de petits autocollants, de telle façon qu’on ne puisse les voir que du plafond. On eut la surprise de recueillir, dans le témoignage de ceux qui prétendaient avoir connu une expérience proche de la mort, un certain nombre de mentions de ces autocollants. Il ne s’agit donc pas d’un rêve puisque les sensations éprouvées correspondent à la réalité sensible extérieure aux témoins en état de mort clinique.

A cause du perfectionnement des méthodes de réanimation, cette expérience se multiplie et met la science devant un nouveau phénomène paranormal. On est obligé d’affirmer, à moins de faire mentir les multiples vérifications effectuées, qu’il existe une décorporation. Ce phénomène reste inexpliqué mais on peut en décrire les conditions.

 

Solution 3: Les phases 3 et 4 (vision de l’être de lumière et de proches décédés) sont invérifiables par la science positive. En effet, si on analyse avec précision le témoignage de ceux qui ont frôlé la mort, ils n’affirment pas avoir vu avec leur seul oeil matériel, de la même manière qu’ils voyaient les infirmières s’agiter dans la pièce. Ils parlent aussi, accompagnant cette vision physique de la lumière, d’une vision intérieure, de l’intuition intellectuelle d’une présence. Elle leur semble puissante et ils manquent de mots pour décrire. Nous semblons être au-delà du monde sensible pour toucher à une dimension spirituelle, a priori plus subjective, peut-être même mystique, donc dépassant totalement la mesure des sciences de la matière.

La philosophie et la psychologie ont par contre leur mot à dire. Le docteur Moody, sans se prononcer définitivement, affirme son sentiment d’être en présence d’un phénomène réel. Selon lui, les maladies psychiques de type hallucinatoire ou hystérique, si elles produisent l’audition de voix et la vision de fantômes imaginaires, ont après coup un effet destructeur sur la personnalité. Les personnes s’enfoncent dans leurs névroses (angoisses, obsession, désespoir) et parfois sombrent définitivement dans leurs psychoses (paranoïa, schizophrénie.) Bien au contraire, l’expérience de mort approchée donne comme un souffle puissant de renouveau à leur vie. Pour nombre d’entre eux, la valeur première devient l’amour, selon deux formes significatives: l’amour de l’Être de lumière, qu’ils savent devoir rejoindre un jour (certains l’appellent Dieu, d’autres Jésus, Bouddha selon leur culture), et l’amour de leurs frères. En vue de ces deux amours, ils s’efforcent de progresser, d’éliminer leurs défauts, de développer leur intelligence. Selon le docteur Moody, de tels effets ne peuvent venir d’un état maladif d’hallucination mais d’une véritable expérience mystique. Son raisonnement est valable, tout en maintenant qu’il ne prouve pas mais suggère. Il apparaît comme un signe de la vérité du phénomène car “ d’un mauvais arbre ne sortent pas de bons fruits »

 

Solution 4: Il est faut de dire que la tradition des théologiens ne parle jamais de l’expérience de la mort approchée. Saint Augustin en faisait un du thème de sa théologie des fins dernières. Mais la précision logique de saint Thomas sur la nature des âmes séparées du corps, à la suite d’Aristote, fit disparaître cette expérience du domaine de la recherche.

L’Église, par la voix de son Magistère, ne s’est jamais prononcée à propos de l’expérience proche de la mort. En général, les théologiens reçoivent de sa part trois critères de discernement vis-à-vis des phénomènes paranormaux:

1) Une vision peut-être considérée comme valide si lorsque, entre autres choses, les effets qu’elle produit sur le comportement humain sont positifs: par exemple, si elle les porte à se rapprocher de Dieu ou encore à approfondir la connaissance de la religion.

2) Il est indispensable qu’une vision soit cohérente avec le message de la Bible, selon l’interprétation authentique du Magistère Romain. Ces deux critères ne suffisent pas à prouver aux yeux de l’Église qu’il y a bien eu vision. N’importe quel faussaire pourrait singer une apparente conversion et une grande orthodoxie.

3) L’Église demande en outre, avant de reconnaître une apparition, quelques miracles dont l’origine divine est manifeste. En l’absence de ce troisième critère, elle ne se prononce pas sur la N.D.E. C’est aux théologiens qu’il revient de rechercher si les critères 1 et 2 sont conformes. Le premier critère est manifestement vérifié. C’est justement dans le sens d’un retour au religieux que se sont senties poussées les personnes marquées par cette expérience. On peut même affirmer que la plupart d’entre elles, même si elles ne deviennent pas chrétiennes, se font sans le savoir disciple de Jésus Christ quand il disait: «Je vous donne deux commandements: tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et tu aimeras ton prochain comme toi même »[13]

Quant au deuxième critère, l’Expérience de mort approchée ne présente aucune contradiction avec la foi. Le Magistère solennel de l’Église ne dit rien de l’heure de la mort. Il laisse entièrement libre les théologiens et les philosophes dans leurs recherches sur cette étape.

Reste la tradition profonde qui court dans l’âme des chrétiens. Il n’est donc pas exclut que tout homme, au moment même de sa mort, qu’il soit baptisé, juif, païen ou athée, se retrouve face à l’humanité Sainte de Jésus. La Bible affirme avec force “toute chair se prosternera devant ta face et devant la face de l’agneau ». Saint Thomas d’Aquin précise que cette vision première qui suit la mort ne peut être aussitôt celle de Dieu tel qu’il est. Dieu, par son irruption brutale dans l’âme, empêcherait tout jugement car la liberté n’existerait plus. Il est si grand, si infini par sa bonté qu’il happerait à jamais l’âme en son sein. Or Dieu ne veut forcer la liberté de personne. Cette vision ne peut être que celle d’une image sensible de Dieu. La tradition profonde qui court chez les fidèles semble nette pour affirmer que tout cela se passe « au moment de la mort». Mais elle n’a jamais précisé ce qu’elle entendait par le moment de la mort. Certaines écoles théologiques pensent qu’il s’agit de l’instant précis où l’âme se sépare du corps. D’autres enseignent que ce moment peut durer plusieurs jours. La liturgie chrétienne penche plutôt pour cette deuxième opinion, d’où la coutume de veiller trois jours le corps des défunts. Marthe Robin pensait qu’il fallait prier pour les morts longtemps et que cette phase pouvait durer plusieurs jours.

Si l’on compare, maintenant, la théologie traditionnelle décrite ici avec le récit de ceux qui ont approché la mort, on est obligé d’admettre qu’il n’existe aucune opposition entre les deux. Bien au contraire, elle semble trouver dans ces récits une confirmation.

 

Solution 5: L’expérience de la mort approchée n’appartient pas au domaine de la foi mais de la philosophie. En ces temps où la foi est rejetée comme une attitude indigne d’un adulte doué d’esprit critique, Dieu semble avoir accepté de se mettre au niveau de l’homme. Pour se révéler, il parle un langage nouveau de sa part: aux astrologues Chaldéens, qui ne comprenaient que l’astrologie, il révéla sa naissance en faisant apparaître une étoile; aux bergers, prêts à croire le moindre miracle, il envoya un ange. Une telle condescendance de la part de Dieu fut expérimentée par saint Paul, apôtre des païens, qui vécut lui-même une expérience proche de celle-ci[14]: «Je connais quelqu’un, confie-t-il à propos de lui-même, qui, voici 14 ans (étais ce avec son corps ? Je ne sais; Etais-ce hors de son corps ? Je ne sais; Dieu le sait), cet homme là fut ravis jusqu’au troisième ciel. Et cet homme là (était-ce en son corps ? Je ne sais; Dieu le sait.) Je sais qu’il fut ravis jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire ”.

L’expérience de la mort approchée va plus loin puisqu’elle n’est pas le fait d’un seul homme. Elle présente l’intérêt théologique de confirmer le dogme du Concile Vatican I dans sa condamnation du fidéisme: «l’intelligence humaine peut, par ses propres forces, atteindre l’existence d’une vie après la mort.»

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Article 3: La mort est-elle naturelle ?  

Objection 1: Cela paraît évident: l’homme est composé d’éléments mixes aussi divers que l’esprit et la matière. De par son corps matériel, on peut même discerner en lui un programme génétique commun avec celui des animaux et qui, en ralentissant la division cellulaire, le conduit insensiblement et nécessairement vers la vieillesse. Si l’on objecte que ce programme n’est pas partie essentielle de la nature humaine et peut être modifié (voir les expériences déjà réalisées chez le rat)[15], on peut répondre que la durée de la vie n’en est que prolongée, les cellules n’ayant de toute façon pas la faculté de se régénérer à l’infini.

 

Objection 2: Dans l’Ancien Testament, la mort est considérée comme le sort commun de tous les hommes, qui sont comparés à l’herbe des champs[16] et qui retournera en poussière[17]. Elle est le chemin par où tout le monde s’en va[18]. Elle fait partie de la condition humaine[19] et quel vivant pourrait lui échapper ?[20] L’ecclésiastique devance les existentialistes en méditant sur la vanité de toute chose puisque tout est condamné à périr[21]. Donc la mort est naturelle à l’homme comme elle l’est à la bête.

 

Objection 3: Platon manifeste l’état naturel de l’âme lorsqu’elle est séparée de ce corps qui constitue pour elle une prison l’empêchant de contempler les essences éternelles pour lesquelles elle est faite. Saint Paul va dans son sens: «Qui me délivrera de ce corps de mort ? »[22] Il semble donc que la mort nous permet d’échapper à notre condition terrestre passagère et limitée, ordonnée à une mortification passagère de notre orgueil.

 

Objection 4: Si la mort n’était pas naturelle et voulue par Dieu, n’aurait-elle pas été détruite définitivement par le Christ lors de sa venue. Or nous constatons qu’il nous impose toujours de mourir.

 

Cependant: Saint Paul écrit: «Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché »[23]. Il fait allusion au récit de la Genèse où Dieu commande à l’homme de ne pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal sous peine de mort.[24] C’est donc que l’homme ne devait pas mourir.

 

Conclusion: Nous avons montré[25] la réalité d’un projet concret de Dieu au commencement, par lequel l’homme aurait été introduit corps et âme dans la vision béatifique sans passer par la mort. Nous avons montré qu’il ne s’agit pas là d’une simple hypothèse mais d’une volonté initiale de Dieu (si tant est qu’on peut, par analogie, parler de volonté initiale dans l’éternité) dont la réalisation matérielle est visible à travers la vie et la dormition de la Vierge Marie immaculée, dans les moments qui précédèrent son assomption. Ceci étant posé, doit-on dire que l’assomption de Marie, mystère proposé jadis aussi à Eve et Adam, est naturelle ? Au contraire, est-ce la mort qui l’est ?

Pour répondre à cette question, il convient de regarder sous quel aspect formel elle est posée. En effet, la mort est autre chose selon qu’on la regarde du côté du corps, de l’âme c’est-à-dire de la personne tout entière ou de Dieu. Prise du côté du corps, il est évident que la mort est naturelle. En effet, la matière minérale n’est pas parfaitement adaptée à devenir un corps vivant. Par nature, son état de stabilité n’est pas celui de l’édifice biologique, mais celui de molécules stables unies par les forces de l’interaction atomique. Ces forces sont faibles et absolument incapables par elles-mêmes de structurer les molécules de la vie. C’est pourquoi, dès que le principe vital (l’âme) a disparu, toute vie se désagrège. De même donc que, prise du côté de la matière, la mort est naturelle à tout être biologique, de même l’apparition à partir d’éléments minéraux de la vie n’est pas naturelle. Il n’en était pas différemment pour Adam et Eve, pour Jésus et pour Marie: Leur corps n’était pas différent du nôtre quant à son mode biologique de fonctionnement. Il était donc par lui-même vulnérable, capable de mourir comme on le voit pour Jésus à l’heure de sa passion. Ils n’étaient délivrés de la mort que par une aide spéciale des anges qui les protégeaient de tout danger et par l’action de Dieu qui fortifiait leur âme et serait venu les prendre dans sa gloire avant que l’âme soit devenue, de par ses forces naturelles, incapable d’assumer un corps devenu trop âgé.

Prise du côté de l’âme, on doit affirmer que la mort n’est pas naturelle à la personne humaine. En effet, l’âme spirituelle est par nature immortelle et elle donne vie à un être qui, au plus profond de son désir naturel, veut vivre toujours. Avec le corps, elle constitue un être qui ne saurait être brisé que par une violence substantielle. Ainsi, l’âme est par nature faite pour conserver à l’être tout entier son unité d’être. Si elle ne le peut, ce n’est pas de son fait mais à cause des limites de la matière vivante devenue non assumable. Voilà pourquoi l’homme ressent la mort comme le dépouillement le plus terrible. Il l’aborde d’une façon démunie et elle s’impose à lui comme un signe ultime de sa nature fragile.

Prise du côté de Dieu, la mort est, depuis le péché originel, voulue par lui pour le bien de l’homme. Elle est l’instrument ultime dont il use en vue de le conduire à la vie éternelle. Confronté ainsi à sa petitesse, l’homme est disposé à l’humilité et, par l’humilité à l’espérance d’un salut. Lorsque le salut lu est proposé, il ne lui est alors possible de le rejeter qu’à cause d’un orgueil plus fort que la mort. En conclusion, on peut dire que la mort est biologiquement naturelle, métaphysiquement contre-nature et théologiquement utile au salut depuis le péché originel.

 

Solution 1: La mort est naturelle au mode biologique de fonctionnement du corps humain; Mais, nous le verrons, il existe un autre mode de fonctionnement de la matière vivante, capable de se rendre entièrement soumise à la vitalisation de l’âme et qui sera commune à tous les vivants après la résurrection dans le monde nouveau.[26]

 

Solution 2: Dieu n’a pas révélé tout de suite à l’homme son projet d’amour après qu’il en eût oublié la nature dans les générations qui suivirent le péché originel. Il se tut durant de longs siècles, comme le rapporte Jésus lui-même: «Nombreux sont les hommes qui auraient voulu voir un seul de ces jours et ne l’ont pas vu »[27]. Mais cette ignorance qui les laissait dans une détresse vive à l’heure de leur mort servait en définitive à leur salut. Lorsqu’au terme d’une vie passée à poursuivre la gloire, les terribles guerriers[28] de jadis entraient dans la vieillesse, puis rendaient leur âme à Dieu, comme le plus humble de ses esclaves, il ne restait souvent en eux que confusion et regret. Lorsqu’à ce moment, s’attendant à rencontrer un juge terrible et dur, ils se retrouvaient face à leur ange gardien, ange de miséricorde, image du Dieu vivant qu’il représentait, accompagné souvent des êtres qu’ils avaient chéris durant leur vie, lorsqu’ils entendaient révéler l’existence d’un Dieu unique au pardon généreux, ils fondaient. Et lorsque la voix de leur ange leur annonçait, pour bientôt, la venue d’un Sauveur qui les délivrerait de tous leurs péchés, ils croyaient. Et ces pécheurs broyés par la vie s’écriaient: «Pardon Seigneur Dieu, car nous avons péché contre toi. Envoie ton Sauveur. Qu’il vienne nous délivrer, car nous voulons voir son visage.» Accompagnés de leur ange, ils considéraient l’état de leur âme, apprenaient à découvrir leur péché. Ils acceptaient de toute la générosité de leur cœur, en in éclairé sur Dieu, de subir un purgatoire aussi longtemps qu’il le fallait. Ils se plongeaient, eux-mêmes, sans récriminer, dans la solitude de ce purgatoire, pour que disparaisse en eux. Toute trace d’égoïsme. Puis cette oeuvre effectuée, ils s’en allaient retrouver Adam et Eve dans les limbes où ils attendaient, dans l’espérance, la venue du Sauveur promis. Cette attente n’était pas douloureuse car Dieu, en prévision de la venue future du Sauveur, les comblait de la grâce de sa présence invisible d’une manière bien plus forte encore que ce qu’avaient expérimenté Adam et Eve en Eden. Jésus décrivant les limbes où les patriarches attendaient sa venue, parle d’une eau pure qui comblait le pauvre Lazare[29]. Certes, Dieu ne se montrait pas encore à eux face à face. Il attendait pour cela son heure, l’heure où, face à Lucifer jusqu’ici triomphant, il ouvrirait les portes de la vision béatifique.

 

Solution 3: De même, les faiblesses de notre corps qui, de par son état provisoire de vie biologique empêche l’âme d’exercer toutes les potentialités qu’elle sent en elle, affaiblit la capacité intellectuelle, limite la liberté, mortifie la volonté par diverses échardes «plantées dans notre chair»[30] servent Dieu pour notre salut. Elles peuvent parfois, à l’exemple de Platon, nous lasser et nous amener à penser que ce corps est étranger à nous-mêmes. Il ne s’agit pourtant que d’une impression psychologique bien éloignée de la vérité que nous expérimentons chaque jour. Notre corps est notre être par mode de partie intégrante, comme notre esprit. C’est pourquoi saint Paul, pour manifester cette unité de notre être, écrit par ailleurs: «Nous ne voudrions pas mourir.» [31]

 

Solution 4: Vitalini Sandro [32] résout ainsi l’objection: «L’homme est donc invité à accomplir le geste du pauvre de Yahvé. En s’appuyant sur Jésus et en ayant foi en lui, il entre en possession de la vie, de la vie éternelle.[33] Celui qui possède cette vie triomphe de la mort. Mais étant donné que cette participation est progressive, la victoire sur la mort s’accomplit aussi au fur et à mesure que cette insertion progresse. La progression n’a donc rien d’automatique, car elle relève de la conversion. Il faut mortifier le vieil homme assujetti à la mort par des œuvres de mortification dont la dernière est la mort corporelle. La vie chrétienne implique un renoncement suprême: le don de la vie. C’est justement la force de la foi qui peut permettre l’oblation au lieu du désespoir. On s’appuie sur le Seigneur, sûr que rien n’est à craindre lorsqu’on se met entre ses mains. Nous relevons encore une fois le grand principe de la vie chrétienne qui est insérée dans la Trinité et qui ne peut être que dynamique. On vit pour mourir mais on meurt chaque jour pour vivre plus intensément. La mort corporelle est donc pour le croyant l’heureux passage de la dernière mortification à la vie éternelle qui sera plus plénière parce qu’elle rendra toute la personne plus apte à scruter la beauté de Dieu.»

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Article 4: La mort est-elle instantanée ? 

Objection 1: Il semble que la mort soit un processus instantané. En effet, elle est la séparation de l’âme et du corps. Or, l’on peut dire que, à l’instant qui précédait cette séparation, l’âme était encore unie au corps.

 

Objection 2: Le témoignage de ceux qui ont été ranimés après être passés près de la mort, que ce soit à la suite d’un arrêt cardiaque ou d’un accident semble confirmer ce fait. Elles ont perdu conscience et se sont retrouvées instantanément en dehors de leur corps qu’elles prétendaient voir allongé dans la position où elles l’avaient quitté. Elles ne racontent pas s’être vues quitter progressivement ce corps. Donc la séparation de l’âme et du corps est instantanée.

 

Objection 3: Les médecins définissent la mort par son caractère irréversible. Or la mort est irréversible à partir du moment où le cerveau est détruit. On peut donc dire avec certitude que l’instant de la mort se situe à ce moment, puisque seul un miracle divin peut provoquer un retour à la vie.

 

Objection 4: Il semble que la mort est instantanée et qu’elle surprend l’homme comme un voleur selon la parole du Seigneur[34]: «Je viendrai comme un voleur. Veillez et priez car vous ne savez ni le jour ni l’heure.» Celui qui soutient que la mort a une certaine durée ne peut comprendre de quelle manière la venue du Seigneur surprend l’âme. Au contraire, il devrait dire que le Seigneur vient en s’annonçant d’une manière progressive et non comme un voleur.

 

Cependant: La mort est la séparation de l’âme et du corps. Avant la mort, l’âme est présente au corps comme sa forme; après la mort, elle ne lui est plus présente. Mais le premier de ces deux termes, (l'avant) est un mouvement qualitatif, c’est-à-dire un devenir qui est nécessairement d’une certaine durée[35].

 

Conclusion: Le mot mort est difficile à définir. Il prend plusieurs sens selon la discipline qui l’étudie.

1- Au sens médical, le sens de l’expression « mort clinique » n’a cessé d’évoluer. Ils appellent mort clinique la destruction irréversible du corps. Elle est liée à un aspect organique, à l’étude de la cause matérielle. Au fur et à mesure que la médecine a progressé, elle a du en repousser plus loin les limites. Ainsi, on déclarait jadis un malade cliniquement mort en s’appuyant sur le fait qu’il ne respirait plus, puis par la constatation de l’arrêt de son cœur ou de l’arrêt de toute activité électrique du cerveau. En dernier lieu, on a dit qu’un malade pouvait être déclaré cliniquement mort lorsque son cerveau avait manqué d’oxygène un temps assez long pour être irrémédiablement détruit. Sauf exception, un cerveau humain resté plus de sept minutes sans oxygène, est cliniquement détruit. Il est vrai que dans ce cas le retour à une vie normale est impossible. Cependant, au plan philosophique, le fait que certains malades morts cérébralement continuent à vivre d’une vie végétative manifeste la présence du principe d’unité de leur vie, c’est-à-dire de leur âme[36].

2- Au sens philosophique, la mort est la séparation définitive de l’âme et du corps. C’est l’aspect formel de la mort. Dans l’expérience de la mort approchée, une certaine séparation se fait mais elle n’est jamais définitive. C’est pourquoi, il ne faut pas dire que ces gens sont morts mais qu’ils ont approché la mort.

3- Il existe une troisième définition de la mort, théologique celle-là. Elle seule intéresse notre sujet. Un homme est mort au moment où il entre dans l’autre monde. Avant, il se trouve dans la mort, c’est-à-dire entre deux mondes. De nombreux témoins revenus d’une N.D.E. affirment que le passage de la mort, d’un monde à l’autre, n’est pas le simple franchissement d’une porte. Ce passage est un cheminement vivant, accompagné d’apparitions et de révélations successives. Certains théologiens affirment que le mourant peut mettre plusieurs jours peuvent à le franchir. Nous verrons (Question 15, article 4), que plus d’une tradition religieuse décrivent ce passage, appelé « royaume de la mort » (shéol) comme une errance de plusieurs siècles.

 

Solution 1: Même si l’on prend la mort dans son sens philosophique, elle peut avoir deux sens, on peut vouloir signifier le moment précis où l’âme se sépare du corps. En ce sens, la mort est un phénomène instantané. Il est impossible de savoir exactement à quel moment se produit une telle séparation car l’âme est par nature immatérielle et donc non perceptible.

En un second sens, on peut vouloir parler du processus qui aboutit à cette séparation. En ce sens, la mort à une certaine durée car, comme tout mouvement, elle a un début, un devenir et une fin. Le terme final de ce mouvement qualitatif constitue la mort telle que nous en avons parlé au premier sens. Le début, appelé "agonie", implique expérimentalement et médicalement une certaine durée. Même s’il est impossible de dire avec précision le moment où se produit la séparation entre l’âme et le corps, on peut tout de même essayer de le conjecturer en s’appuyant sur des signes physiques. En effet, le fait que l’âme n’est plus active doit être discernable par quelques effets dans le corps qui ne vit que par elle.

 

Solution 2: L’expérience vécue par ces personnes n’est pas la mort accomplie mais seulement une approche de la mort. On peut le prouver facilement. Ces personnes sont revenues à elles sans qu’il y ait de miracle mais simplement à travers le mécanisme médical d’un réamorçage des fonctions végétatives du corps. Ces personnes n’étaient pas réellement mortes[37], au moins si l’on définit la mort comme un processus irréversible.

Si l’on insiste en disant qu’elles ont eu des contacts avec des êtres de l’au-delà comme des proches décédés depuis longtemps ce qui semble confirmer qu’elles étaient vraiment mortes, on peut répondre ceci: ces contacts eux-mêmes semblent s’être produits dans un domaine qui précède l’au-delà. Ces gens ne se disent pas mort mais disent plutôt qu’ils sont dans la mort, c’est-à-dire dans le passage qui relie les deux mondes. Dans l’expérience de la mort approchée, les témoins vivent la différence entre leur expérience et la mort réelle à travers l’apparition d’une limite symbolique mais pourtant réelle (rivière, porte, barrière) dont ils savent par intuition que, s’ils la franchissent, leur retour sur terre sera impossible.

 

Solution 3: Cette objection parle de la mort clinique[38]. Il s’agit d’une définition qui considère l’aspect organique de la mort. Elle n’aide pas la théologie qui a besoin de connaître le moment où l’âme entre dans l’autre monde, au-delà de ce passage intermédiaire qu’on appelle la mort, le shéol.

 

Solution 4: Quand Jésus dit qu’il vient comme un voleur, il ne veut pas signifier que l’âme surprise par la mort reste figée pour l’éternité dans l’état où elle a été trouvée de telle façon que celui qui aurait commis la veille avant de s’endormir un péché mortel et aurait omis de s’en repentir sur le champ serait irrémédiablement damné si la mort venait à le surprendre durant le sommeil. Il veut dire que celui qui ne maintient pas habituellement son âme dans la charité prête pour la mort, risque d’être surpris alors qu’il n’est pas prêt et que son éternité se décide.

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Article 5: L’homme reçoit-il de Dieu certaines révélations dans la durée qu’on appelle le moment de la mort ?[39] 

Objection 1: Il ne semble pas. L’homme qui meurt en état de péché mortel est immédiatement introduit en enfer selon les paroles du pape Innocent IV[40]. Il est donc inutile qu’elle reçoive une révélation puisqu’elle est déjà jugée.

 

Objection 2: Jésus dit à propos des pécheurs «même si un mort ressuscitait, ils ne croiraient pas »[41]. Il est donc inutile qu’une révélation soit donnée au moment de la mort puisque ceux qui n’ont pas cru sur la terre ne croiront pas plus à cet instant.

 

Objection 3: Jésus dit: «celui croira et sera baptisé sera sauvé »[42] ce qui signifie que celui qui n’a pas reçu le baptême ne peut être sauvé. Inutile donc qu’il reçoive une révélation au moment de la mort pour être sauvé.

 

Objection 4: On voit mal à quoi cela sert. Il suffit pour réaliser son salut que l’âme reçoive ces révélations après sa mort, c’est-à-dire après la séparation complète de l’âme et du corps. Inutile donc de poser d’hypothétiques révélations dans les moments troubles de la mort.

 

Objection 5: Cela parait inutile au moins pour ceux qui croient puisqu’ils n’ont pas besoin de recevoir la foi qu’ils ont déjà.

 

Objection 6: Récemment la discussion, grâce aux conceptions de H-U von Balthasar (et donc d’A. von Speyr), a pris une tournure différente.» Au jugement, le bien d’une vie humaine n’est pas opposé quantitativement au mal. Par ailleurs, la liberté humaine ne fait pas une sélection ponctuelle entre des biens finis mais elle transcende la finitude et décide à partir d’une autonomie absolue, qui la dépasse elle-même. C`est pourquoi la décision humaine, «le choix fondamental », doit être évalué qualitativement.» Ce choix fondamental. ne se fait cependant pas in abstracto, mais dans les différentes situations de vie qui se succèdent, dans une série d’actes et d’attitudes qui ont tous une pente vers la mort et qui nous révèlent aussi sans cesse la finitude de l’espace assigné à la liberté de choix. Il est difficile d’éclaircir la relation avec le choix fondamental, qui ne se laisse pas décomposer d’après les différentes situations; il y va sans aucun doute, primordialement de la sentence objective (c’est-à-dire le jugement de Dieu), d’une part, et, d’autre part, de son incarnation nécessaire dans les décisions toujours exigées par les situations. Et comme il ne s’agit pas d’une estimation qualitative mais de la qualité du choix fondamental se pose la question de savoir si un choix fondamental négatif, même s’il s’agit du dernier dans le temps d’une vie, a pu s`exprimer sans restriction dans toutes les situations d’une vie. Ici le juge cherchera «si, dans la vie de celui qu’il a à juger, quelque chose peut se laisser trouver qui a été saisi, peut se laisser saisir de son amour vivifiant, une possibilité au moins potentielle de foi, si donc dans l’homme qu’il a à juger, quelque chose est capable d’amour! D’un petit grain d’amour en réponse à tout l’amour qui lui est offert par Dieu.»[43]

 

Cependant: Il est écrit: "Tout homme verra-le salut de notre Dieu"[44] et « l’Évangile sera prêché à toutes les nations puis ce sera la fin»[45]. Il est donc annoncé que les hommes reçoivent la révélation de l’Évangile avant leur jugement dernier, surtout ceux qui n’ont aucunement entendu parlé du Christ auparavant.

C’est ce que confirme saint Pierre (1 Pierre 4, 6) : « C'est pour cela, en effet, que même aux morts a été annoncée la Bonne Nouvelle, afin que, jugés selon les hommes dans la chair, ils vivent selon Dieu dans l'esprit. »

C’est pourquoi sainte Faustine KOWALSKA, peut écrire[46]: «J’accompagne souvent les âmes agonisantes et je leur obtiens la confiance en la miséricorde divine. Je supplie Dieu de leur donner toute la grâce divine, qui est toujours victorieuse. La miséricorde divine atteint plus d’une fois le pécheur au dernier moment, d’une manière étrange et mystérieuse. A l’extérieur nous croyons que tout est perdu, mais il n’en est pas ainsi. L’âme éclairée par un puissant rayon de la grâce suprême se tourne vers Dieu avec une telle puissance d’amour, qu’en un instant elle reçoit de Dieu le pardon de ses fautes et de leurs punitions. Elle ne nous donne à l’extérieur aucun signe de repentir ou de contrition, car elle ne réagit plus aux choses extérieures. Oh! Que la miséricorde divine est insondable.

Mais horreur! Il y a aussi des âmes, qui volontairement et consciemment rejettent cette grâce et la dédaigne. C’est déjà le moment même de l’agonie mais Dieu, dans sa miséricorde donne à l’âme en son for intérieur ce moment de clarté. Et si l’âme le veut, elle a la possibilité de revenir à Dieu.

Mais parfois il y a des âmes d’une telle dureté de cœur, qu’elles choisissent consciemment l’enfer. Elles font échouer non seulement toutes les prières que d’autres âmes dirigent vers Dieu à leur intention, mais même aussi les efforts divins. »

 

Conclusion: En effet, on peut comparer l’entrée dans la vie éternelle à un mariage d’amour entre deux époux. Dieu serait l’époux et l’âme la fiancée. Pour que le mariage soit valide, il est évident qu’il faut que les époux échangent leur consentement sans y être contraints mais avec une pleine liberté. Pour cela, un certain nombre de conditions sont requises. Il faut que le futur conjoint soit capable d’aimer en général, c’est-à-dire qu’il ne soit pas complètement perverti par l’égoïsme. Cette disposition générale n’est autre que la bonne volonté mais, cela est évident, il ne suffit pas que Pierre soit en général un homme de bonne volonté pour qu’il épouse Marthe. Il faut en outre qu’il connaisse l’existence de Marthe et quelque chose de son cœur (ce qui correspond au plan surnaturel à la foi); Il faut en plus que les deux conjoints soient libres de tout autre lien donc qu’ils aient un certain espoir vis-à-vis de la possibilité du mariage (ce qui correspond au plan surnaturel à l’espérance.) En outre, s’il est arrivé jadis que l’un ait offensé gravement l’autre, il doit être prêt à en demander pardon (ce qui correspond au plan surnaturel à la contrition signifiée par le baptême de Jean). Une dernière disposition requise: il faut que, chacun par de vers soi, les futurs conjoints soient attirés l’un vers l’autre. Je veux parler ici du premier amour qui s’impose d’une manière non libre: lorsqu’un homme tombe amoureux d’une femme, cet amour s’impose à lui dans un premier temps sans qu’il en ait cherché la naissance (De même, au plan surnaturel, c’est toujours Dieu qui prend l’initiative d’attirer à lui l’homme. C’est ce que le Concile de Trente[47] appelle la prémotion divine.)

Tous ces éléments, s’ils constituent une disposition très proche au mariage, ne suffisent pourtant pas à le fonder. C’est pourquoi le Concile de Trente[48] enseigne qu’il ne s’agit là au plan surnaturel que de dispositions prochaines au salut mais que tous ces éléments (bonne volonté, attraction divine, foi, espérance, contrition), s’ils rendent juste un homme, ne le sanctifie pas. Ils ne méritent pas la vie éternelle. Il est évident en effet, pour qu’un mariage d’amour puisse avoir lieu, qu’il est nécessaire que chacun des conjoints se sachant aimé, ait choisi d’aimer l’autre: Après un temps convenable de fiançailles qui leur permet de se connaître mutuellement, il faut qu’ils choisissent de se donner l’un à l’autre pour la vie entière, à cause de leur amour, pour le meilleur et pour le pire. De même, pour ce mariage éternel qui fait entrer dans la vision de Dieu, il est nécessaire que l’âme, connaissant suffisamment le cœur de Dieu par la révélation qu’en donne Jésus-Christ, désire explicitement s’unir à lui, tel qu’Il est, avec les conditions surprenante de l’humilité et de l’amour. Il s’agit d’un acte de charité, et même d’une charité parfaite puisque nul n’entre dans la gloire sans elle, comme l’enseigne l’Église à propos du purgatoire. Ainsi, c’est la charité et la charité seule qui nous mérite la vie éternelle de même que c’est l’amour réciproque, libre et fervent qui conduit au mariage. Cette charité implique tous les éléments dispositifs dont nous avons parlé précédemment car nul ne peut aimer Dieu et désirer le voir face à face pour l’éternité s’il ne croit pas, n’espère pas, ne se repend pas et n’est pas attiré par sa présence.

De tout cela, nous pouvons tirer la conclusion suivante:

1°) Puisque l’Église nous enseigne qu’ «aussitôt après la mort », le choix de l’âme est fait au point qu’elle est conduite en enfer ou au contraire promise à la gloire.[49]

2°) Puisque d’autre part, l’expérience nous montre que les conditions de ce choix lucide ne sont pas données à tous les hommes durant ce que nous voyons de leur vie terrestre (les païens non visités par les missionnaires, les chrétiens ignorants de leur foi etc.).[50]

3°) Puisque enfin nous savons que Dieu veut proposer à tout homme cette vie, au point que nul ne peut se damner pour l’éternité qu’à cause d’un blasphème parfaitement lucide contre cette révélation, appelé par notre Seigneur le «blasphème contre l’Esprit Saint.»[51]

 

Nous pouvons conclure que, nécessairement, tout homme reçoit la révélation du Salut de Dieu dans ce moment que nous avons appelé « l’heure la mort », « la onzième heure », moment ultime de la vie terrestre qui précède la mort. Par cette grâce donnée par Dieu, chacun peut alors se porter vers Dieu ou le rejeter, en fonction de ce qu’il s’est fait pendant sa vie terrestre[52].

 

Solution 1: Il est nécessaire d’affirmer que l’homme reçoit de Dieu certaines révélations dans le moment de la mort, c’est-à-dire dans le devenir immédiat qui précède l’entrée dans l’autre monde. La raison en est que bien des hommes arrivent à la porte de l’autre monde en état de mort spirituelle, sans aucun amour pour Dieu, mais sans qu’il y ait de leur part une entière culpabilité. Parmi eux, certains enfants sont en état de mort spirituelle sans aucune culpabilité personnelle, mais à cause du choix posé pour eux jadis par Adam et Eve. La foi nous enseigne que tout homme qui arrive de l’autre côté de la mort en état de péché mortel est damné pour toujours. Dieu qui est juste, ne peut damner indistinctement tous ces humains selon la parole même de Jésus[53]: «Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, dans ce monde et dans l’autre mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne sera pas remis, ni dans ce monde ni dans l’autre. ».

Pour mieux établir ce raisonnement, il faut procéder avec ordre. En premier lieu, il faut définir les différentes raisons qui peuvent faire qu’un homme ou un enfant vivent en état de mort spirituelle. En second lieu, il faut rappeler la justice de Dieu qui sonde en vérité les raisons du péché mortel. En troisième lieu, il faut montrer que, nécessairement, Dieu ne condamne que celui qui s’obstine, malgré une série de révélations suffisantes, dans son refus de la vie spirituelle (blasphème conscient volontaire et libre contre l’Esprit Saint).

1- Qu’est ce que l’état de mort spirituel (autrement dit, dans son sens le plus général, le péché mortel[54]) ? C’est une notion analogique qui signifie simplement : « pas de grâce sanctifiante, séparation d’avec la présence mystique de Dieu ». Un homme en état de mort spirituelle peut l’être pour plusieurs raisons. Il y a trois sortes de péchés mortels :

Le premier est lié à une ignorance (c’est péché contre le Verbe à qui on attribue dans la Trinité la Connaissance). Le péché originel est de cet ordre. Il existe donc un péché mortel non volontaire, ce qui prouve l’extrême largeur de cette notion théologique. Voilà pourquoi saint Augustin met dans une séparation éternelle de Dieu les enfants morts en état de péché originel. Certains adultes peuvent aussi commettre des péchés mortels à cause d’une ignorance préalable: en effet s’ils avaient su parfaitement la gravité du péché et de ses conséquences contre Dieu, contre le prochain et contre eux-mêmes, ils n’auraient jamais péché. C’est ce que veut exprimer l’apôtre quand il dit[55]: «Si le Christ n’est pas ressuscité, mangeons et buvons car demain nous mourrons ». Le péché d’ignorance peut être une faute mortelle en tant que l’homme met sa fin dernière dans les créatures mais il est en partie excusable à cause de l’ignorance qui lui est conjointe.

Le second est un péché lié à une faiblesse (péché contre le Père à qui on attribue dans la Trinité la puissance). Certains commettent des péchés mortels parce que leur volonté est détournée de sa fin par l’action des puissances sensibles qui les entraînent vers leur fin particulière. Ils savent qu’ils font le mal mais ils ne peuvent s’en empêcher. Ainsi, celui qui se livre à la débauche à cause de son amour pour le plaisir peut savoir d’une manière générale que Dieu ne consent pas à de tels actes et pourtant il y cède dans certains cas particuliers à cause de l’entraînement de son désir sensible. Sa volonté se détourne alors de Dieu pour mettre sa fin dernière en autre chose que Dieu. Dans cette mesure, il s’agit d’un péché mortel, selon les paroles de l’apôtre aux Romains[56]: «les passions perverses produisent en nos membres des fruits de morts », même si ce péché mortel est en partie excusable à cause de la faiblesse qui en est l’origine[57].

Enfin, le troisième est le péché contre l’Esprit Saint (lucide, conscient, libre contre l’amour). Certains peuvent commettre des péchés mortels avec une pleine connaissance qui exclut l’ignorance et une pleine maîtrise de soi qui exclut la faiblesse. Leur acte est alors pleinement volontaire et c’est avec pleine responsabilité qu’ils se détournent de Dieu. Un tel péché de malice volontaire, quand il ne présuppose aucune ignorance et aucune faiblesse déterminante est appelé par Jésus le péché contre l’Esprit Saint, car il s’oppose à l’amour qui est attribué en Dieu par appropriation à l’Esprit Saint. Seul le péché contre l’Esprit Saint épuise ce qui est contenu sous la notion de péché mortel car l’homme porte alors son intention sur une fin en sachant et en voulant que cette fin le détourne de Dieu. Ici-bas, un tel péché est rare car peu d’hommes sont capables des deux conditions énoncées. Jésus en a accusé avec justesse certains théologiens de son temps. Ils avaient décidé de le mettre à mort, tout en sachant parfaitement que sa mission venait de Dieu. Aucun théologien ne peut ignorer que Dieu seul et non Satan peut ressusciter un mort.

2- Dieu est juste. La question qui pose débat est : tout homme qui meurt en état de péché mortel est-il damné pour l’éternité ? C’est la conviction de la foi de l’Église « Tout homme qui meurt en état de péché mortel est conduit en enfer aussitôt après la mort »[58]. C’est aussi celle de saint Augustin et de saint Thomas. Saint Augustin en conclut : « Péché originel : limbes éternelles, enfer sans souffrance ; Païens dans l’ignorance de l’évangile : damnation ; Chrétiens faibles en état de péché contre le Père : damnation car tout homme qui meurt en état de péché mortel est damné. Voilà où en est le débat.

Or, pour qu’il y ait un jugement juste, certaines conditions sont requises en celui qui est jugé. En premier lieu, il doit savoir de quoi il est accusé et pour qu’elles raisons. C’est pourquoi le premier acte des juges dans les procès est d’énoncer le délit commis et de préciser sur quel point du droit il s’oppose. Celui qui ignore complètement ce dont on l’accuse et pourquoi on l’accuse ne peut bien évidemment pas être jugé avec justice.

Jésus, à la différence de bien des hommes, juge en fonction des intentions qui sont source des actes, selon cette parole: «Dieu sonde les reins et tes cœurs ». Or l’homme, dans sa condition terrestre, n’agit pas toujours en fonction d’intentions parfaitement éclairées et pleinement libres. Comme cela a été montré[59], bien des péchés mortels commis dans le monde n’ont pas leur source première dans la malice de la volonté, mais dans la faiblesse de la chair et dans l’ignorance de l’intelligence

 

3- Ainsi, dans le moment qui précède la séparation définitive de l’âme et du corps, il convient que le juste juge qui juge les intentions supprime toute ignorance préalable aux péchés. Il faut donc qu’il révèle à l’homme certaines choses essentielles à son salut tels que l’amour de Dieu, l’existence d’un Sauveur, la malice du péché. Si l’homme, malgré cette révélation, maintient obstinément sa volonté dans le péché, il peut être jugé pour des actes dont il est vraiment responsable. C’est pourquoi Jésus dit, à propos du péché d’ignorance: «Si je n’étais pas venu et ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché; mais maintenant ils n’ont pas d’excuse à leur péché.»[60]

De même, pour le péché de faiblesse[61], il convient que l’homme au moment de sa mort et avant son jugement soit délivré des passions du corps qui s’entraînaient à pécher. De la même façon, celui qui délivré de sa faiblesse au moment de sa mort, maintient obstinément sa volonté dans le péché, peut être jugé pour des actes dont il prend la pleine responsabilité. Ce n’est donc pas n’importe quel péché mortel qui introduit l’homme immédiatement après sa mort dans la damnation éternelle mais seulement le péché contre l’Esprit Saint, c’est-à-dire le péché mortel «parfait » qui implique pleine conscience, pleine volonté et liberté. C’est pourquoi le même pape Innocent IV écrit: «Puisque la Vérité affirme dans l’Evangile que si quelqu’un a blasphémé contre l’Esprit Saint, il ne lui sera pas pardonne ni dans ce monde ni dans le monde à venir»[62], elle nous fait comprendre que certaines fautes sont déliées dans le siècle présent, mais d’autres dans le siècle futur »[63]. Les péchés qui sont pardonnés dans le siècle futur, c’est-à-dire au moment de la mort sont les péchés contre le Fils (c’est-à-dire les péchés d’ignorance car on attribue en Dieu au Fils par appropriation la science) et les péchés contre le Père (c’est-à-dire les péchés de faiblesse puisque le Père est considéré comme la puissance en Dieu par appropriation.) Après la mort, les seuls péchés qui subsistent sont les péchés véniels, c’est-à-dire les restes de l’attachement au péché, et les fautes contre l’Esprit Saint, c’est-à-dire l’obstination orgueilleuse dans le péché. Les restes du péché sont purifiés par le purgatoire; Les péchés mortels qui subsistent et qui, comme on l’a vu sont des blasphèmes contre le Saint Esprit, conduisent en enfer où il n’y a plus d’autre amour dans l’intention du pécheur que l’amour de soi.

 

Solution 2: Il existe deux manières d’être incroyant: en un premier sens, cela peut-être par haine de la foi alors même qu’elle a été entendue et reçue dans le coeur. Il convient que la foi soit prêchée à ces hommes là au moment de la mort afin que, s’ils maintiennent avec obstination leur refus, ce soit en pleine conscience et liberté. Il s’agit alors de la première espèce du péché contre l’Esprit Saint, c’est-à-dire le refus de croire à la vérité suffisamment manifestée[64].

En un second sens, cela peut être par ignorance de la foi selon ce que dit l’apôtre: «Comment peut-on croire sans avoir entendu ? »[65] Une telle incroyance n’est pas coupable. Elle est donc supprimée au moment de la mort, à cause de la bonté et de la justice de Dieu qui veut sauver tous les hommes.

 

Solution 3: Jésus ne parle pas ici du baptême au sens sacramentel mais d’abord de ce que signifie et réalise ce baptême, à savoir l’entrée dans la grâce de Dieu qui est la communication de la grâce sanctifiante. Or une telle entrée en grâce peut avoir lieu jusqu’au dernier moment, c’est-à-dire jusqu’au moment de la mort accomplie.

 

Solution 4: Dans l’hypothèse (semble-t-il erronée, voir article 2) où l’âme humaine perdrait après la mort les facultés de sa vie psychique, elle serait moins bien disposée à poser un acte pleinement humain qu’à l’heure de la mort. Après la séparation complète de l’âme et du corps, la volonté humaine se comporterait d’une manière comparable à celle des anges: elle se porterait tout entière vers son objet, suivant en cela l’acte d’une intelligence devenue intuitive. Mais ce mode d’élection, propre aux anges, est disproportionné par rapport à l’exercice normal de l’intelligence humaine. Il implique une puissance intellectuelle que l’homme ne possède pas. Le propre de l’homme est de connaître les réalités spirituelles par l’instrument d’images sensibles dont l’intellect agent extrait l’intelligibilité. Ainsi, une telle connaissance intuitive lui serait moins claire car trop éblouissante. C’est pourquoi le choix doit être réalisé dans le mode adapté à l’homme, c’est-à-dire par une intelligence unie à son psychisme. C’est pourquoi, au moment de la mort, l’âme reçoit la grâce de l’apparition visible de Jésus dont le corps glorieux devient pour elle source de la plénitude de la révélation spirituelle de l’Evangile. Voilà pourquoi un choix humain et libre est possible durant notre vie terrestre et, selon la foi catholique, «aussitôt après la mort», l’âme est définitivement fixée sur son destin éternellement choisi.

Nous insistons sur ce point: ce n’est donc pas l’âme mais l’homme tout entier qui choisit, durant sa vie terrestre, son destin éternel.

 

Solution 5: Même les croyants reçoivent la révélation de Jésus Christ au moment de leur mort. En effet, nul ne peut prétendre connaître sur terre la profondeur du mystère du salut. Il reste bien souvent des préjugés et des erreurs qui doivent disparaître avant le jugement dernier. La prédication opérée par Jésus purifie la foi de toute ignorance essentielle.

Seule la Vierge Marie, à cause de sa sainteté inégalable, aurait pu être introduite directement dans la Vision de l’essence divine de son Fils. Cependant, il est évident que celui-ci s’est montré à elle au jour de sa dormition, dans son corps, son âme humaine. La foi de Marie, avant même de voir la divinité ce son Fils, en a toujours vécue.

 

Solution 6: Cette hypothèse de Balthasar concernant le salut présente certains avantages. Elle montre l’importance de la vie terrestre dans son ensemble comme orientation vers le salut. Elle manifeste d’autre part comment Dieu reconnaît et bénit tout acte bon, naturel ou surnaturel dans sa créature. Mais elle présente des inconvénients par rapport à ce que nous avons exposé de la foi de l’Église qui nous obligent à la considérer comme insuffisante: 1) Le premier d’entre eux (et le moins important sans doute puisqu’il suffirait de modifier la position de Balthasar et de situer ce qu’il décrit à l’heure de la mort et non après la mort) est la non concordance de sa position avec la constitution «Benedictus Deus » du pape Benoît XII de l’an 1336. Il y est dit: «Nous affirmons en plus: comme Dieu l’a ordonné communément, les âmes de ceux qui sont morts chargés d’un péché effectivement grave descendent immédiatement en enfer, où elles subissent des peines infernales.»[66] Nulle âme ne saurait être conduite au ciel à cause d’un acte ou même de toute une vie passée dans le bien, qu’il soit humain ou surnaturel si, dans le moment ultime de sa vie, face à Jésus qui se révèle, elle ne s’appuie pas sur ce passé pour poser un acte actuel de charité envers lui. Ainsi, nous sommes d’accord avec Balthasar pour reconnaître ce «petit grain d’amour» que Jésus manifeste à tout homme dans sa vie passée, mais nous affirmons en plus que Jésus en attend un autre, actuel, surnaturel et parfait, ayant la qualité du «oui » que se disent mutuellement les époux le jour de leur mariage. Sans cet acte (c’est-à-dire dans le cas où une créature refuserait obstinément de le poser), nul n’entre au Ciel après la mort.

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Article 6: Dans le moment de la mort, l’homme est-il délivré de la faiblesse du corps ? 

Objection 1: Tant que l’âme n’est pas séparée du corps, elle reste liée aux faiblesses du corps. Elle ne peut donc être libérée de la faiblesse de la sensibilité avant que la mort soit totalement accomplie.

 

Objection 2: Jésus met en garde l’homme contre le péché en disant «veillez et priez car vous ne connaissez ni le jour ni l’heure où le fils de l’homme viendra»[67]. Il veut signifier par là qu’il faut se garder de tout péché, même des péchés de faiblesse car un seul péché mortel, si nous sommes surpris par la mort, peut conduire en enfer.

 

Objection 3: Dieu a imposé à l’homme sa faiblesse afin qu’il apprenne l’humilité[68]. Si donc cette faiblesse est supprimée au moment de la mort, l’homme risque de s’enorgueillir à cause de la pleine maîtrise qu’il a de lui-même. Cela semble contradictoire avec la sagesse de Dieu qui veut conduire tout homme à la vision de son essence. Donc l’homme n’est pas délivré de la faiblesse au moment de la mort.

 

Cependant: Nul ne peut se porter d’une manière absolument libre vers une fin s’il est entraîne par quelque passion du corps.

 

Conclusion: De même que le péché lié à une ignorance est supprimé au moment de la mort par une révélation concernant la nature du salut préparé par Dieu, de même il est nécessaire que le péché de faiblesse qui est très souvent mortel soit supprimé. Et cette nécessité vient de la fin du jugement particulier auquel aboutit la mort. Ce jugement détermine le sort éternel de l’âme par rapport à Dieu. Or une âme ne peut être damnée que pour des actes dont elle est pleinement responsable ce qui n’est pas entièrement le cas du péché de faiblesse à cause de s’entraînement de la passion subi par la volonté. Ainsi, dans le moment qui précède la séparation de l’âme et du corps, le corps est rendu par Dieu léger pour l’âme de telle manière que la volonté ne peut plus subir l’entraînement du foyer de péché. Dans cette situation, si un homme s’obstine à maintenir sa volonté fixée sur le péché, ce ne peut être qu’à raison d’un péché contre l’Esprit Saint comme l’impénitence finale. Au contraire, si l’homme se repent au moment de sa mort, il reçoit le pardon de Dieu et peut être sauvé, même si c’est à travers un feu[69], c’est à dire en passant par le purgatoire.

 

Solution 1: La mort, telle que nous l’entendons dans cette question, est le devenir progressif qui aboutit à la séparation de l’âme et du corps physique, mais non des facultés du psychisme. Ce devenir implique une certaine durée au fur et à mesure de laquelle le lien qui unit l’âme au corps physique devient de plus en plus tenu. Au point de départ, l’intelligence ne peut s’exercer sans le concours des images données par l’organe du cerveau et la volonté sans entraîner avec elle les appétits du corps sensibles. Au terme final, l’intelligence s’exerce d’une manière plus aisée car les images lui sont apportées par des facultés sensibles bien réelles s’exerçant pourtant de manière séparée de l’organe du cerveau. Pour l’intelligence, l’exercice devient aisé, comme si le poids de la matière dont se plaignait Platon n’était plus un obstacle mais au contraire une harmonie. Pour la volonté, aucune entrave n’affaiblit sa capacité à se porter vers le bien.

En fait, cette libération de la faiblesse à Dieu pour cause. De même qu’après le péché d’Adam et Eve, il avait imposé à toute leur descendance le fomes peccati (foyer de péché) qui diminuait sans la supprimer la liberté de chacun, de même, il en libère chaque homme à l’heure du passage. La personne expérimente alors un état de profond calme psychologique, comparable à celui d’Adam et Eve en Eden. C’est un fruit de la rédemption. Le foyer du péché est cette propension lourde de notre sensibilité à chercher son propre bien (valorisation, autonomie, sécurité) en opposition avec les volontés de l’esprit. Depuis le péché originel, ces instincts de notre sensibilité sont devenus difficiles à contrôler. Ils entraînent souvent notre volonté, malgré son désir profond.

 

Solution 2: Le péché mortel quel qu’il soit, même s’il a des circonstances atténuantes dans l’ignorance ou la faiblesse, peut conduire l’homme au péché contre l’Esprit Saint lorsque l’ignorance et la faiblesse disparaissent. Rien ne prouve en effet que l’homme se repente toujours de ses péchés au moment de la mort, à cause de l’attachement à soi qui est présent dans tout péché et qui subsiste même après la mort. Cet amour déréglé de soi peut conduire et conduit souvent à la révolte définitive contre Dieu, car l’arbre à tendance à tomber du côté où il penche, comme nous le verrons.[70]

 

Solution 3: Dieu veut conduire tout homme à la vision de son essence mais pas à n’importe quel prix. Comme nous l’avons montré, il convient que l’homme désire librement entrer dans cette gloire. C’est pourquoi il est nécessaire que tout élément qui conditionne de l’extérieur cette liberté disparaisse comme la violence, la faiblesse, la peur. Dieu n’impose donc à l’homme l’état de faiblesse qui aboutit à la mort que sur cette terre et en préparation du jugement dernier que la mort inaugure.

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Article 7: L’homme voit-il Dieu dans son essence au moment de la mort ?[71] 

Objection 1: Il est nécessaire que l’homme voie l’essence de Dieu au moment de la mort. Nous avons montré que la vision béatifique devait être précédée d’un choix libre. Or nul ne peut choisir ce qu’il ne connaît pas donc l’âme voit Dieu dans son essence au moment de la mort.

 

Objection 2: Dieu veut que tout homme soit sauvé. En montrant son essence sainte dès le moment de la mort, il pourrait réaliser ce salut pour tous puisque nul ne peut plus pécher en voyant Dieu. Il semble donc qu’il agit ainsi dans sa bonté.

 

Cependant: S’il en était ainsi, l’homme serait confirmé et stabilisé dans le bien dès le moment de la mort. Or il n’en est pas ainsi puisque certains d’entre eux seront damnés selon cette parole du Seigneur:[72] «Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le Diable et ses anges ». Donc l’homme ne voit pas l’essence de Dieu dès le moment de la mort.

 

Conclusion: La béatitude qui consiste à voir Dieu dans son essence ne peut être donnée avant le jugement personnel de l’âme. En effet, voir l’essence de Dieu, c’est voir l’essence de la bonté. L’âme qui voit Dieu se trouve donc réellement et totalement dans le bonheur absolu. Or personne ne peut vouloir ou agir sinon en vue du bonheur. Il est en effet impossible de se détourner du bien comme tel. Ainsi l’homme, s’il était uni dès le moment de la mort au Bien Incréé ne pourrait plus pécher en ce sens qu’il ne serait plus capable de liberté. Dans cette hypothèse parfaitement opposée à ce qu’est Dieu, la liberté happée et figée comme peut l’être le papillon dans la flamme d’une lampe. Il ne voudrait jamais s’en séparer, non par choix libre mais par force ce qui, on le sait par les paroles de Jésus, n’est pas la manière dont Dieu veut le salut de l’homme. Il veut s’unir à lui comme on le fait dans un mariage[73].

 

Solution 1: Il n’est pas nécessaire, pour se porter vers un bien de connaître d’expérience tout ce qui est impliqué dans ce bien mais simplement de connaître la raison générale de sa bonté. Ainsi, dans le mariage humain, il n’est pas nécessaire pour s’engager d’avoir expérimenté la sexualité mais il est nécessaire de savoir qu’il y aura une vie sexuelle. De même, il n’est pas nécessaire que l’homme voie l’essence de Dieu pour se porter vers Dieu, il est seulement nécessaire qu’il comprenne qu’il verra Dieu et que Dieu est à l’image de Jésus, à la fois le Tout-puissant et le plus humble et aimant, jusqu’au mépris de soi. On le voit sur terre chez ceux qui aiment Dieu plus que tout, sans avoir vu son essence.

 

Solution 2: La bonté de Dieu est aussi Sagesse. Or Dieu dans sa sagesse a créé l’homme avec un libre arbitre. C’est donc selon le mode de la nature de sa créature qu’il se donne à lui, c’est-à-dire après un acte de son libre arbitre, ce qui ne serait pas possible si Dieu manifestait son essence dès le premier instant.

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Article 8: L’homme voit-il de manière sensible l’humanité sainte de Jésus au moment de la mort ?[74] 

Objection l: Il semble que cela n’est pas possible: Jésus est actuellement glorifie et son corps glorieux est invisible à l’œil humain à cause de sa nature supérieure, qui est spirituelle.

 

Objection 2: Nul ne peut voir s’il n’a les yeux ouverts. Or le corps, dans le moment qui précède la mort, est dans une situation limite telle que ses fonctions sensitives ne fonctionnent plus. Il n’est donc plus en mesure de voir quoique ce soit.

 

Objection 3: Aucun texte de l’Ecriture n’enseigne cela. On ne doit rien ajouter à la Révélation sous peine de malédiction selon l’apocalypse[75].

 

Cependant: L’Ecriture dit[76]: «Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé». De même dans l’Evangile, le Seigneur annonce: «les puissances des cieux seront ébranlées et alors on verra le Fils de l’homme venant dans une nuée avec grande puissance et grande gloire»[77], parole qui peut s’appliquer à la fin générale du monde aussi bien qu’à la fin de ce petit monde qu’est l’homme. Jésus le dit encore plus concrètement au Grand Prêtre qui l'interrogeait, avant sa condamnation à mort : "Es-tu le Christ, le Fils du Béni ?" "Je le suis, répond Jésus, et vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel."[78]

 

Conclusion: Nous avons montré qu’il est nécessaire que l’homme reçoive dans le moment de la mort certaines révélations de la part de Dieu concernant son salut. Or la parole de Dieu faite chair, c’est Jésus Christ lui-même selon saint Jean: «et le Verbe s’est fait chair et il a demeure parmi nous »[79]. Dans l’humanité du Christ, Dieu a façonné une image de sa divinité, une image parfaitement adaptée au mode de la connaissance humaine qui s’appuie sur ce qui est senti pour s’élever à ce qui est compris par l’intelligence. Il convient donc que la révélation de la gloire réalisée dans le moment de la mort le soit par le Christ Jésus. C’est pourquoi l’Ecriture dit[80]: «Il n’existe pas d’autre nom sous le ciel que celui de Jésus par lequel nous devons être sauvés». Ce n’est donc pas par des paroles mais par la rencontre bouleversante avec Jésus, la Parole faite chair, que se fera l’ultime révélation précédant le jugement dernier. Elle est donnée non seulement aux hommes qui ne connaissent pas Jésus, c’est-à-dire aux païens, mais aussi aux croyants. Car nul chrétien, aussi contemplatif soit-il sur terre ne soupçonne l’intensité de lumière et d’amour qui rayonne de l’humanité Sainte de Jésus. On raconte de saint Thomas qu’il cessa d’écrire sa somme théologique à la suite d’une apparition du Christ. Il confia à son secrétaire qu’il n’écrirait plus car il avait compris en un instant qu’il ne savait rien.

Quant aux mode de cette révélation, elle est décrite métaphoriquement par l’apôtre Jean dans ses visions[81]: «Je me retournais pour regarder la voix qui me parlait et, m’étant retourné, je vis au milieu de sept candélabres comme un Fils d’homme, revêtu d’une longue robe serrée à la taille par une ceinture d’or. Sa tête avec ses cheveux blancs, est comme de la laine blanche, comme la neige, ses yeux comme une flamme ardente, ses pieds pareils à l’airain précieux que l’on aurait purifié au creuset, sa voix comme la voix des grandes eaux. Dans sa main, il y a sept étoiles et de sa bouche sort une épée acérée, à double tranchant, et son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son éclat. A sa vue, je tombais à ses pieds comme mort mais il posa sur moi sa main droite en disant, ne crains pas. »

En parlant de Fils d’homme, saint Jean veut nous signifier que ce n’est pas Jésus en tant qu’il est Dieu qu’il a vu; Sa longue robe est la plénitude de toutes les vertus que tient la plus grande d’entre elles: la charité qui est comme une ceinture d’or; les cheveux blancs symbolisent la sagesse qu’on attribue d’habitude aux vieillards; la blancheur rappelle la pureté du cœur de Jésus; ses yeux sont comme une flamme ardente car il émane d’eux un amour qui enflamme celui qu’il regarde ses pieds sont pareils à l’airain car Jésus est le rocher sur lequel tout homme peut et doit s’appuyer, il nous l’a montré dans le creuset de sa crucifixion; Sa voix est comme celle des cascades car tout homme l’entendra. Dans sa main se trouvent sept étoiles, c’est-à-dire la grâce qu’il peut donner si quelqu’un la demande; quant à l’épée acérée, elle est sa parole qui dévoile dans chaque âme le péché là où il est, ne laissant rien de caché dans la conscience; tout son être rayonne comme le soleil car il éclaire de sa vive lumière tout homme qui arrive en sa présence[82].

On peut résumer la révélation ainsi décrite de cette manière: à sa mort, l’âme encore liée à son corps voit avec les yeux de sa chair l’humanité Sainte de Jésus, selon le mode voulu par lui, de telle façon qu’elle découvre comme dans un miroir la lumière de Dieu et l’amour de Dieu. Dans cette lumière, l’homme découvre à quel point il est ténèbres et péché, «néant devant Dieu» selon les paroles de Sainte Catherine de Sienne. Il s’agit d’une révélation à la fois bouleversante car elle remet en question notre connaissance limitée de Dieu[83], et effrayante car elle fait toucher du doigt ce que nous sommes vraiment (Dies Irae)[84].

 

Solution 1: Le corps glorieux de Jésus obéit parfaitement à sa volonté: il se rend donc visible au gré de sa volonté et selon le mode qu’il veut. Il adapte la vision de son humanité en fonction du bien de chaque homme à qui il se montre.

 

Solution 2: La vision du corps glorieux du Christ se fait avec les facultés de la vie sensible. La raison en est que le corps de Jésus est un corps physique et non un corps intelligible. Il existe une autre personne dont le corps physique est présent dans l’autre monde. C’est la Vierge Marie. Le mystère de son assomption trouve ici son sens ultime car Dieu, l’Etre aux qualités masculines (Toute-puissance, éternité, justice) et féminines (humilité[85], amour, miséricorde) peut être révélé dans une plus grande plénitude par l’apparition de Jésus et Marie unis. Il faut donc admettre que les facultés sensitives de l’homme peuvent s’exercer un certain temps après l’arrêt de ses fonctions végétatives. Cela correspond d’ailleurs au témoignage de ceux qui sont passés près de la mort. D’après eux, la vie sensible demeure et s’exerce avec un mode supérieur au mode habituel.

Quant au fait qu’il faut avoir des yeux ouverts pour voir, cela ne prouve rien car Jésus peut imprimer directement dans l’œil et dans l’imagination l’image de son humanité Sainte[86]. Une autre explication a été apportée plus haut[87]. Nous la devons aux philosophies de l’Extrême Orient. Les facultés psychiques survivraient par la survie d’un corps fait d’une matière psychique que l’âme a le pouvoir de maintenir vivant au-delà de la disparition du corps physique.

 

Solution 3: Dans le cas qui nous occupe, des textes explicites existent, bien qu’ils puissent être appliqués aussi au retour définitif de Jésus qui aura lieu à la fin du monde. Ce fait apparaît clairement dans l’évangile selon saint Mathieu[88]: «Comme les jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme. En ces jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge, qui les emporta tous. Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme. Alors deux hommes seront aux champs: l’un est pris, l’autre laissé; deux femmes en train de moudre: l’une est prise, l’autre laissée. Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître. » Jésus parle de son «avènement», ce qui semble signifier sa dernière Parousie, celle de la fin du monde. Or pour s’expliquer, il dit «qu’en ce jour-là, deux hommes seront aux champs: l’un sera pris, l’autre laissé.» Cela ne peut signifier que l’heure de la mort individuelle de cet homme.

Un autre texte peut aller dans le sens de l’identification par Jésus entre les mystères de la mort individuelle et ceux de la fin politique du monde: «En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas.»[89] Ce texte et d’autres analogues semble annoncer la fin du monde et la Parousie générale en en fixant la date à la génération de ceux qui ont connu Jésus. En apparence, cela ne s’est pas réalisé car on pense ici à son retour universel lors de la fin des fins. Or il existe une Parousie au cours de l’histoire qui marque chaque génération tout aussi réellement que la Parousie définitive qui fera s’arrêter le cycle des générations. En effet, moins de cent ans après que Jésus a prononcé ses paroles prophétiques, toute la génération qui les avait entendues avait réellement et historiquement connu la Parousie. Cela ne s’était pas réalisé d’un seul coup mais par la somme des parousies individuelles à la mort de chacun.

La Révélation plénière ne se trouve pas tout entière dans la lettre de l’Ecriture, mais aussi dans la Tradition et la confirmation du Magistère. Ainsi, poussée par l’Esprit Saint, l’Église fut contrainte de proclamer les dogmes de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie et de son assomption alors qu’ils ne sont pas présents d’une manière littérale dans la Bible. Avant même cette proclamation, l’Esprit n’avait pas attendu pour en susciter la foi dans le cœur de certains saints et dans le peuple de Dieu. De même, la tradition de l’Église n’est pas totalement muette sur cette Parousie à l’heure de la mort. Outre sainte Faustine, nous trouvons le passage suivant chez saint Thomas d’Aquin[90]: « A un homme qui, sans y mettre d’obstacle, suivrait la raison naturelle pour chercher le bien et éviter le mal, on doit tenir pour très certain que Dieu révélerait par une inspiration intérieure les choses qu’il est nécessaire de croire ou lui enverrait quelque prédicateur de la foi, comme Pierre à Corneille. » De manière plus récente, l’un des textes les plus beaux est à trouver chez Mgr d’Hulst sur le salut des incroyants.[91] «Notre Sauveur est au-dessus de ses propres lois, et il ne demande permission à personne pour sauver une âme qui l’a plutôt ignoré que trahi. Dans ce dernier combat de l’agonie, (…) il y a certainement une sollicitation suprême de la miséricorde; il y a une apparition (je prends ce mot dans le sens métaphysique et le plus large), une apparition de Jésus; il y a le souvenir, tout d’un coup ranimé, de ces fragments épars d’instruction religieuse oubliés depuis l’enfance. (…) Et quand l’âme est droite, quand elle a péché par ignorance, faiblesse ou entraînement, quand elle n’a pas commis et multiplié ces grands crimes de trahison intérieure, de résistance à la voix de Dieu entendue, de mauvaise foi dans la calomnie et le blasphème; de guerre impie faite à la croyance et à la vertu des autres; alors se réalise pour elle la personne de Jésus crucifié.» [92]

C’est ce qu’enseigne saint Jérôme «Le jour du Seigneur est aussi bien la Parousie lointaine que le jour de la mort.»[93]

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Article 9: L’homme peut-il voir des personnes décédées avant-elle ?[94] 

Objection l: Cela ne parait pas possible. Les personnes décédées n’ont plus de corps. Elles sont comme des anges et ne peuvent être vues par l’œil matériel. Elles ne peuvent donc apparaître au moment de la mort.

 

Objection 2: La vision de l’humanité Sainte de Jésus suffit amplement pour révéler à l’âme la nature du bonheur éternel et la manière de l’atteindre. Car Jésus est l’image parfaite de Dieu. Il est donc superflu que des personnes décédées apparaissent avec lui.

 

Objection 3: Parmi les proches décédés, il est possible que certains soient damnés. Il semble inconvenant qu’ils soient rendus présents pour provoquer la conversion de l’âme. Les damnés en effet voudraient que chacun le soit avec eux.

 

Cependant: L’apôtre parle de «l’avènement du Seigneur Jésus avec tous ses saints »[95]. C’est donc accompagné de personnes déjà décédées que le Seigneur se montrera à la fin de notre vie. Le Concile Vatican II appuie cette fonction essentielle des morts[96]: «Étant en effet plus intimement liés avec le Christ, les habitants du ciel contribuent à affermir plus solidement l’Église en sainteté. Ils ajoutent à la grandeur du culte que l’Église rend à Dieu sur la terre et l’aident de multiples façons à se construire plus largement[97]. Car admis dans la patrie et présents au Seigneur[98] par Lui avec Lui et en Lui ils ne cessent d’intercéder pour nous auprès du Père offrant les mérites qu’ils ont acquis sur terre par l’unique Médiateur de Dieu et des hommes le Christ Jésus[99] servant le Seigneur en toutes choses et complétant en leur chair ce qui manque aux souffrances du Christ en faveur de son corps qui est l’Église[100] Ainsi leur sollicitude éternelle est du plus grand secours pour notre infirmité.»

 

Conclusion: La finalité de la révélation qui accompagne la mort est d’amener l’homme à se tourner vers Dieu, s’il ne l’a déjà fait et à le faire davantage s’il est déjà vivant de la vie de grâce sanctifiante, de la même façon que toute prédication de l’Evangile. Dans ce but, Jésus donne dès cette terre à ses apôtres des pouvoirs extraordinaires qui manifestent extérieurement la vérité du message. Au moment de la mort, la manifestation de la gloire du corps de Jésus est suffisante par elle-même car elle manifeste en plénitude la vérité et la bonté de l’Evangile[101]. Elle n’a donc pas besoin d’être accompagnée d’autre chose qu’elle-même. L’homme peut alors répondre par la foi qui justifie au contraire se détourner de la foi.

Mais la présence des personnes que l’agonisant a chéri dans sa vie terrestre et qui l’ont précédé dans la mort peut constituer un surcroît de délicatesse de la part de Jésus et manifester efficacement son immense amour. C’est pourquoi il arrive qu’il les rende présents. Car l’amour se nourrit d’actes de délicatesses qui le révèle. Il peut s’agir de la présence des proches décédés comme les parents ou les amis; il peut aussi s’agir de la présence des saints que la personne a particulièrement vénérés durant sa vie; C’est pourquoi la Sainte Vierge s’engage dans ses apparitions à être présente lors de la mort de celui qui la prie d’une manière particulière selon les paroles de l’Ave Maria: «et à l’heure de notre mort.» Le cas de la Vierge Marie est cependant particulier, comme nous l’avons suggéré plus haut. Elle a un rôle unique dans le plan rédempteur de Dieu, à titre d’image féminine de Dieu et de collaboratrice unique dont le oui, par opposition au non d’Eve, à fait entrer la Vie dans le monde.

La finalité de la présence des saints ou des proches décédés étant de manifester à l’homme avec délicatesse l’amour de Dieu, Jésus adapte ces présences en fonction de la sensibilité de chacun. Il est donc probable que certains protestants ne reçoivent à l’heure de leur mort ni la visite de la Vierge Marie ni celle des saints. Ils reçoivent la visite de Jésus seul qui respecte leur sens de l’unique rédemption opérée par lui, même si ce sens erroné se trouve très vite rectifié.[102]

 

Solution 1: Deux hypothèses: 1) Les morts n’ont plus aucun rapport avec leur corps. Ils sont des esprits séparés. Dans ce cas, dit saint Thomas, ils sont rendus visibles par le ministère des anges qui façonnent pour l’occasion une image de leur corps. Quant à la Sainte Vierge qui est déjà glorifiée avec son corps, elle apparaît en exerçant sa propre puissance. 2) Les morts conservent la partie psychique de leur corps (le corps astral des philosophies extrême orientales). Dans ce cas, ils peuvent apparaître par leur propre force.

 

Solution 2: L’apparition des proches décédés ou de la Vierge n’est pas une nécessité absolue puisque Jésus est à lui seul image parfaite de Dieu. Mais elle convient comme un surcroît de délicatesse divine, car c’est par la délicatesse manifestée que naît l’amour.[103]

 

Solution 3: Quant aux personnes damnées, elles ne sont pas rendues présentes par le ministère des anges bons qui ne sauraient utiliser la tromperie dans leurs actions. Il est par contre possible qu’elles soient rendues présentes par l’action du démon qui fait tout ce qu’il peut pour entraîner l’âme avec lui dans la perdition. Ainsi, les proches qui sont en enfer peuvent accompagner le démon dans d’ultime tentative d’entraîner après lui les âmes. Les âmes du purgatoire qui sont saintes et déjà unies intentionnellement avec Dieu peuvent être visibles de la même manière que les âmes du paradis. Mais, à la différence des élus du ciel, elles ne sont pas visibles immédiatement dès qu’elles en expriment le désir. Elles sont en effet, pour leur bien et de leur propre volonté, séparées du reste du monde[104].

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Article 10: L’homme voit-il le démon à l’heure de la mort ?[105] 

Objection 1: Cela ne parait pas possible. Le démon est l’ennemi de Dieu et cherche à entraîner l’âme à sa perdition éternelle. Dieu ne peut donc permettre sa présence jusque dans le terme ultime de la vie qui précède le jugement dernier.

 

Objection 2: le règne du démon a été vaincu par le Christ selon cette parole de l’Ecriture: «Vous avez vaincu le Mauvais»[106]. Son pouvoir sur l’homme a été détruit. Il parait donc incroyable qu’il puisse se manifester à l’heure de la mort en même temps que Jésus.

 

Objection 3: Le démon est un ange déchu. Il n’a pas de corps et ne peut donc pas être vu.

 

Cependant: L’apocalypse de Jean écrit: «Le dragon se lança à la poursuite de la femme. Mais elle reçut les deux ailes du grand aigle. Le serpent vomit alors un fleuve d’eau derrière la femme pour s’entraîner dans ses flots. Mais la terre vint au secours de la femme.»[107] La femme peut représenter selon un des sens possibles l’âme au moment de la mort. On voit que jusqu’au bout, malgré l’aide de Dieu signifiée par les ailes et par la terre, le démon poursuit l’homme, jusque dans le moment de la mort.

 

Conclusion: Sans le vouloir, quoiqu’il fasse, les démons servent le plan de salut de Dieu sur les hommes.

1- Au cours de sa vie terrestre, les attaques principales du démon sur l’homme consistent dans les tentations. Le diable ne tente l’homme que pour lui nuire en le précipitant dans le péché. Il fait cela de sa propre initiative à cause de sa malice qui lui fait haïr le dessein de Dieu sur l’homme. Mais ces attaques sont permises par Dieu et utiles pour l’homme car il sait se servir avec ordre des divers maux en les orientant vers le bien de la préparation de son salut. En effet, par ces épreuves, l’orgueil de l’homme est flagellé ; parfois même, il naît un peu d’humilité et de désir d’un salut ; Mieux encore, chez quelques-uns, tout cela augmente l’amour en disposition la charité.

2- Dans la deuxième étape, au moment de la mort, alors que le destin individuel de chaque homme se prépare, il est absolument nécessaire (d’une nécessité morale) que le royaume de l’amour de soi soit présenté à l’âme. Car l’homme est amené à opter avec son libre arbitre entre deux royaumes, le règne de l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ou le règne de l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu selon saint Augustin. Il convient que le démon qui est à la tête du règne du péché, soit l’ambassadeur de cette révolte contre l’humilité et l’amour du Royaume de Dieu.

Le démon est d’abord présent comme séducteur, selon l’Ecriture «le séducteur du monde entier, fut jeté sur la terre... frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés »[108]. Son effort consiste alors à manifester à l’homme le bien relatif, apparent mais réel aux yeux de l’égoïste qui peut être présent dans les péchés. L’homme en péchant, c’est-à-dire en s’opposant au Dieu de l’humilité et de l’amour, devient maître du bien et du mal, c’est-à-dire, selon la Genèse, il devient comme un Dieu pleinement libre. Il peut donc obtenir en enfer, s’il est suffisamment porté à cela, la liberté divine que donne l’exaltation de soi, accompagné de la solitude et du feu qui en découle. Dans cette présentation, il y a de la part de Lucifer une exigence de vérité.

Le démon est ensuite présent comme accusateur selon l’Ecriture: «Il est l’Accusateur de nos frères»[109], c’est-à-dire qu’il rappelle à l’homme ses péchés passés en s’efforçant de le faire désespérer du pardon de Dieu. Mais cette présence ultime du démon, démultipliée à cause du fait qu’elle est la dernière possibilité qui lui est laissée, n’est tolérée par Dieu que dans la mesure où cela est nécessaire au choix ultime de l’homme. Dieu ne permet pas que l’homme soit tenté au-delà de ses forces. C’est pourquoi la moindre conversion du cœur de l’homme vers Dieu fait cesser toute attaque de l’ennemi selon l’apocalypse: «la terre vint au secours de la femme » [110]. Il faut remarquer enfin que nous trouvons une annonce cachée de cette venue du démon dans l’Ecriture dans le texte suivant: «Quand on vous emmènera pour vous livrer, ne vous préoccupez pas de ce que vous direz, mais dites ce qui vous sera donné sur le moment: ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit Saint »[111]. Le démon se faisant accusateur en évoquant toutes nos fautes passées et en appelant à son aide le souvenir de la souffrance que nous avons causée pour nos frères sera vaincu par notre plus petit regard d’amour pour Dieu.

 

Solution 1: Dieu ne permet la présence du démon que parce qu’il sait pouvoir s’en servir pour sa gloire; et la gloire de Dieu selon saint Augustin c’est le bien de l’homme.

 

Solution 2: Pour le moment, durant notre vie terrestre, le règne du démon sur l’homme a été vaincu en tant que la passion du Christ a préparé à l’homme un remède, par lequel il peut se protéger contre les assauts de l’ennemi. Aidé par la grâce, l’homme peut vaincre le démon et, par là, mener jusqu’à l’héroïsme son amour pour Dieu et pour ses frères. A l’heure de la mort, cette victoire se manifeste plus glorieusement de manière à ne pas être entraîné infailliblement dans la perte de la mort éternelle. A la fin du monde, le dernier mal provisoire sera lui-même détruit, à savoir la mort elle-même [112]: « Le dernier ennemi qu’il détruira, c'est la Mort; car Dieu a tout mis sous les pieds du Christ. Mais lorsqu'il dira: "Tous est soumis désormais", c'est évidemment à l'exclusion de Celui qui lui a soumis toutes choses. »

 

Solution 3: Le démon a gardé après son péché les puissances naturelles que Dieu lui ait données lors de sa création. Il lui est donc possible de se rendre visible, dans la mesure où Dieu le permet, et quand il veut.

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Article 11: L’homme peut-il voir des personnes encore vivantes sur terre ?  

Objection 1: On voit mal comment cela serait possible. Si l’homme, au moment de sa mort, voit l’humanité sainte de Jésus, il faut que ses facultés sensibles soient élevées par lui au-dessus de leur capacité naturelle, comme on le voit chez ceux qui ont des apparitions et qui sont en extase. Or l’homme ne peut être en même temps hors du monde sensible habituel et dans ce monde. Il ne peut donc voir les personnes encore vivantes sur terre.

 

Objection 2: Au moment de la mort, les premières facultés qui cessent de fonctionner sont les facultés liées au cerveau car, d’après les médecins, le cerveau est l’organe le plus sensible au manque d’oxygène. Il y a une perte de la conscience telle qu’elle implique une séparation par rapport à notre monde. Donc l’homme ne peut voir des personnes encore vivantes sur terre.

 

Objection 3: Si des personnes encore vivantes sont rendues visibles à celui qui est en train de mourir, ce ne peut être qu’à leur insu. On voit mal le Seigneur agir ainsi.

 

Cependant: Le Seigneur ne néglige rien de ce qui peut être utile au salut de ceux qu’il appelle à son admirable lumière. Il peut donc arriver que des personnes encore vivantes soient rendues visibles si le bien l’exige.

 

Conclusion: De même qu’il peut être bon que le salut de l’âme que Jésus soit accompagné par des défunts qui sont déjà sauvés, de même il peut être convenable que soient rendues visibles des personnes encore vivantes sur la terre. Cela arrive principalement quand ceux qui sont sur la terre offrent des prières et des sacrifices à l’intention de celui qui est mort. Ils sont alors rendus visibles et donc coopérants efficaces à l’œuvre de rédemption.

C’est ce qu’enseigne en un certain sens le Concile Vatican II[113], sans toutefois aller jusqu’à parler de la possibilité du mode sensible de la communion entre les saints du ciel, ceux de la terre et ceux qui vivent l’heure de la mort: «Tous cependant [les trois «états» de l’Église] à des degrés divers et sous des formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu et envers le prochain, chantant à notre Dieu le même hymne de gloire. En effet, tous ceux qui sont du Christ et possèdent son Esprit, constituent une seule Église et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ[114]. Donc, l’union de ceux qui sont encore en chemin avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ ne connaît pas la moindre intermittence; Au contraire, selon la foi constante de l’Église, cette union est renforcée par l’union des biens spirituels.»

 

Solution 1: Jésus a le pouvoir de rendre visible en même temps que son corps glorifié certaines réalités du monde présent comme on le voit d’ailleurs dans le récit de certaines apparitions authentifiées par l’Église.[115]

 

Solution 2: Relativement à la puissance naturelle de celui qui meurt, de telles visions sont impossibles mais pas si l’on considère la puissance de Dieu et des anges qui réalisent cet effet.

 

Solution 3: C’est parce que ceux qui sont sur terre se répandent en prières pour le défunt que le Seigneur manifeste parfois cette prière à celui pour qui elle est adressée. Ce n’est donc pas totalement à l’insu de la personne qui prie. Cette prière, venant visiblement pour l’agonisant d’une personne qui est sur la terre plongée dans l’obscurité totale de la foi bouleverse encore davantage que celle des saints du Ciel car elle implique un amour et une foi dépourvus de l’appui de la Vision béatifique. Il est donc certain qu’elle possède auprès du mourant une vertu démultipliée en vue de sa conversion. On voit donc pourquoi il est si important de prier pour ceux qui meurent.[116]

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Article 12: L’homme voit-il défiler sa vie, le bien et le mal commis ?  

Objection 1: Cela n’est pas possible: les souvenirs du passé sont souvent irrémédiablement oubliés. Quant à ceux qui demeurent dans la mémoire sensible, ils disparaissent immédiatement avec la destruction du cerveau qui est leur siège.

 

Objection 2: Bien des péchés passés ont été effacés par la pénitence. Il est donc inutile qu’ils soient ramenés à la mémoire au moment de la mort.

 

Objection 3: Il serait ridicule qu’un homme mûr revoie les fautes commises durant son enfance selon l’apôtre: «quand nous étions enfants, nous agissions comme des enfants[117]. «Or ce qui est de l’enfant a disparu depuis longtemps.

 

Cependant: Le récit de ceux qui sont passés près de la mort rapporte souvent qu’ils voient défiler le film complet de leur vie.

 

Conclusion: Nous avons montré qu’il est nécessaire que l’homme, au moment de sa mort, reçoive de Dieu les révélations indispensables à son salut car l’Evangile doit être prêché à tous. La parole de Dieu est donnée grâce à la vision du Verbe fait chair c’est-à-dire Jésus Christ. Or la vision de la lumière du Verbe incarné a pour premier effet de manifester à l’homme la nuit qui est en lui. A cela, nul esprit créé ne peut échapper selon cette parole de Job:[118] «Il convainc même ses anges d’égarement.» L’homme est donc confronté à revivre sa vie à la lumière de Jésus[119]. Chaque acte bon et chaque acte mauvais est manifesté et rien de ce qui est caché dans la conscience ne le demeure. La nécessité de cette relecture de la vie terrestre est manifeste pour la raison suivante: C’est par les actes de la vie terrestre que l’homme devient ce qu’il est au moment de sa mort. C’est donc en voyant sa vie que l’homme peut connaître ce qu’il est vraiment aux yeux de Dieu. Il peut connaître aussi ce que Dieu attendait de lui durant sa vie et, comme dans un miroir, qui est Dieu. « Il faut que nous soyons mis à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun retrouve ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, soit en bien, soit en mal.»[120]

 

Solution 1: On peut donner deux explications possibles de la manière dont les souvenirs passés reviennent à l’esprit et à la conscience au moment de la mort. Cela peut être à cause d’une loi naturelle du psychisme humain qui, dans la situation qu’est la mort, fait remonter à la surface les souvenirs enfouis dans la mémoire sensible. Car la mémoire humaine garde la trace de toutes actions, même si de tels souvenirs restent inconscients et ne peuvent ressurgir que dans certaines situations. Il faut se souvenir qu’à l’heure de la mort, la faculté de la mémoire sensible s’exerce d’une manière nouvelle, beaucoup plus efficace, puisqu’elle semble subsister malgré la disparition de l’organe matériel qu’est le cerveau.

Autre explication: Cela peut être aussi un effet de la providence divine ou du ministère des anges qui connaissent chacun selon son mode, les méandres de notre vie.

 

Solution 2: Même les péchés mortels passés qui ont été effacés par la pénitence sont ramenés à la mémoire non à cause de la condamnation qu’ils auraient mérité s’ils n’avaient été pardonnés mais à cause de la miséricorde de Dieu qui se dévoile dans le pardon.

 

Solution 3: Rien de ce qui a été commis durant la vie humaine n’est indifférent au salut éternel car la vie tout entière prépare le jugement dernier. Ainsi, les actions bonnes et mauvaises commises dans l’enfance, de même qu’elles ont des conséquences sur la vie d’adulte, en ont aussi par rapport à la vie éternelle

A propos du jugement dernier, le cardinal Gouyon écrit un texte qui peut aussi illustrer le moment de la mort:[121] «Alors tout apparaîtra: nos efforts comme nos lâchetés, mais surtout notre amour et notre refus. La conclusion se tirera d’elle-même. L’homme qui cherchait Dieu sera ébloui de la rencontre, mais sans doute ressentira-t-il le regret de s’être trop souvent dérobé à un amour qui est ici capable de le satisfaire. L’amertume de ces refus lui causera une souffrance passagère qui permettra sa purification, sans lui enlever l’espérance. Nous voyons ce que nous aurions dû faire et que nous n’avons pas fait[122]. Cela devrait suffire à ce délai que nous appelons le purgatoire mais qui porte en lui-même la promesse de cette possession de Dieu sans mesure et sans fin que sera le ciel.»

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Article 13: Peut-il y avoir repentir dans le moment de la mort ? 

Objection 1: La foi de l’Église affirme que toute personne qui meurt en état de péché mortel et sans avoir été lavée par la pénitence est directement condamnée à la peine éternelle de l’enfer. Il ne semble donc pas qu’il puisse y avoir de repentir au moment de la mort.

 

Objection 2: Si c’est le cas, il suffit pour être sauvé de se convertir au dernier moment et il n’est nul besoin de vivre une vie parfaite. Cette doctrine semble donc encourager le péché.

 

Objection 3: La foi catholique enseigne de manière solennelle qu’il ne peut y avoir repentir que pendant la vie terrestre, le temps de la mort étant celui de la récompense ou de la peine. C’est ce qui apparaît clairement dans la Constitution dogmatique de Benoît XII: «En outre, nous définissons que, selon la disposition générale de Dieu, les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent aussitôt après leur mort en enfer, où elles sont tourmentées de peines infernales.» Donc il ne peut y avoir de repentir à l’heure de la mort.

 

Cependant: A une mère qui demandait au curé d’Ars si sa fille était sauvée, alors qu’elle s’était suicidée, celui-ci répondit: «entre le pont et l’eau, elle s’est convertie ». ce qui signifie que jusqu’au dernier moment la conversion est possible.

 

Conclusion: Tant que l’âme se trouve dans cette vie, le repentir est possible. La raison vient non de la nature de la connaissance humaine mais des limites provisoires où Dieu l’a plongée. Le vouloir de l’homme est en effet proportionné au mode de sa connaissance.

La nature de la connaissance de l’homme, ici-bas comme dans l’au-delà, consiste à se porter vers l’intelligible en l’abstrayant du sensible. Pour cela, elle utilise une capacité d’abstraction appelée « intellect agent ».

1- Ici-bas : Or, ici-bas, avant comme après le péché originel, le sensible est obscur. Il ne reflète que difficilement l’essence de la réalité. L’intellect agent n’abstrait qu’avec difficulté à partir des images leur signification. En conséquence, la volonté de l’homme qui se porte vers ce que l’intelligence lui présente comme bien, n’est pas immuable et inflexible. Demain l’objet lui apparaîtra sous des aspects nouveaux et ce qui est désiré aujourd’hui sera repoussé avec la même ardeur sous l’impulsion des raisons nouvelles que l’on vient de découvrir. Beaucoup de gens séduisant sont pervers et inversement. La séduction du péché empêche d’en voir pleinement les conséquences amères.

Après le péché originel, une deuxième limite est venue perturber davantage la liberté des choix. Il s’agit de la révolte des passions. La volonté de l’homme peut être amenée à se porter sur un objet parce que le choix est perturbé par une orientation puissante et non contrôlée des passions trompeuses. C’est pourquoi, lorsque la passion disparaît nous changeons souvent nos vouloirs.

Pour ces deux raisons (difficulté à comprendre et faiblesse de la sensibilité), nos choix terrestres sont fragiles. Il est donc toujours possible de revenir en arrière losqu’apparaît une raison qu’on n’avait pas précédemment discernée. C’était déjà en partie vrai pour Adam et Eve, au moins pour la première raison, d’où la possibilité pour eux d’un salut.

2- Dans le passage de la mort, la nature de la connaissance humaine ne change pas dans son essence (abstraction à partir d’images) mais dans son mode. Le perfectionnement se fait dans la connaissance, non seulement à cause de la puissance de l’intellect agent qui est augmentée qu’à cause de la nature des objets sensibles. 1- L’intellect agent exerce son abstraction d’une manière nouvelle à savoir sans aucune difficulté, de manière pourtant humaine et non angélique. Les sensations elles-mêmes deviennent plus puissantes. Ce nouveau mode de connaissance se met en œuvre à cause d’une certaine séparation du psychisme vis-à-vis de l’organe matériel du cerveau. Les images nécessaires au mode de la connaissance humaine sont apportées de manière limpide par la faculté sensible qui s’exerce sans l’organe du cerveau, comme nous l’avons montré (a. 2.). La connaissance de l’heure de la mort devient intuitive quoique appuyée sur le sensible. 2- D’autre part, la réalité sensible est transfigurée. 1- Une propriété, propre aux corps glorieux, est donnée aux réalités sensibles. Il s’agit de la « clarté ». Elle signifie que le sensible devient, sans qu’il n’y ait plus d’erreur possible, révélateur de l’essence des réalités.

3- Les faiblesses des passions, le fomes peccati est lui-même détruit. Les passions se soumettent à la volonté, les névroses et les peurs disparaissent. Un état de paix psychologique, proche de l’état originel revient. Ainsi, la volonté qui suit l’intelligence peut se porter vers ce qui lui apparaît le bien sans aucune hésitation et sans qu’aucune raison nouvelle ne puisse modifier son choix, dans un sens ou dans un autre.

En conséquence et pour ces trois raisons, le choix de l’heure de la mort est parfaitement conscient, volontaire et libre. Qu’il se fasse dans un sens ou dans l’autre, il est définitif et irréformable, non parce que l’homme ne pourrait pas changer, mais parce qu’il ne le voudra jamais. L’image ne constitue plus un obstacle à la signification intellectuelle qu’elle porte en elle. Ainsi, en voyant le corps du Christ et des saints, l’intelligence peut saisir de manière intuitive en un seul regard, l’intelligibilité du mystère de l’Evangile. De même, l’image du démon est suffisante pour révéler les avantages de l’enfer et de sa liberté, ainsi que le feu qui lui est associé. L’erreur n’est plus possible face à la Parousie, «comme l’éclair traverse le ciel de l’Orient à l’occident », disait Jésus[123].

En conclusion, il faut remarquer qu’on ne peut jamais présumer du salut ou de la damnation de personne, même s’il semble que cette personne est morte en état de péché mortel, selon cette parole de Jésus: «tout péché et blasphème seront remis aux hommes mais quiconque aura parle contre le Saint Esprit, cela ne lui sera pas remis ni en ce monde, ni dans l’autre»[124]. Quant au blasphème contre l’Esprit Saint, il ne peut être remis car il est commis par un homme en dehors de toute passion aveuglante et trompeuse. Celui qui le commet demeure donc ferme et immuable dans ses résolutions, comme nous le verrons.[125]

 

Solution 1: Il peut y avoir repentir et conversion car l’intelligence est, souvent pour la première fois, confrontée à la totalité de l’enjeu. De nouveaux motifs de jugement apparaissent presque nécessairement, sauf peut-être pour certains hommes (souvent théologiens de haut niveau) qui, dès cette terre, sont capables de choisir en pleine conscience le paradis ou l’enfer. La connaissance est surélevée à un mode pleinement humain en ce sens que les inconvénients dénoncés par Platon à propos du poids du corps disparaissent. Ainsi, cette conversion au bien et au mal est pour la première fois si lucide qu’elle constitue un choix définitif, maintenu après la mort pour l’éternité. 

Solution 2: Celui qui pèche sa vie durant en espérant se convertir au dernier moment fait un mauvais calcul. En effet, tout péché est fondé comme sur une racine par l’amour désordonné de soi qui engendre l’orgueil, le rejet des volontés de Dieu. Chaque acte de péché fortifie et augmente cet amour déréglé de soi et rend de plus en plus difficile le renoncement à un tel amour. Ainsi, arrivé au moment de la mort, il est fréquent que l’homme ne puisse plus (c’est-à-dire ne veuille plus tant il est devenu un être individualiste) se convertir, c’est-à-dire renoncer à l’amour désordonné de soi, à cause de la trop grande force de cet amour. L’enfer correspond tout à fait à son goût, malgré les inconvénients que nous décrirons plus loin. Cela aboutit à la damnation non à cause de l’absence de miséricorde divine mais à cause de l’orgueil de celui qui se damne. Il est donc gravement imprudent, sous prétexte de la miséricorde de Dieu, de laisser le règne du péché envahir son âme durant le temps de sa vie terrestre.[126] 

Solution 3: Le moment de la mort n’est pas la mort consommée mais l’introduction dans la mort. Il fait encore partie de la vie terrestre, tout en constituant la porte ouverte sur l’éternité. Il est intermédiaire entre les deux mondes. L’entrée dans l’autre monde est d’ailleurs souvent décrite par ceux qui ont vécu une expérience de mort approchée comme une barrière au delà de laquelle il n’y a plus de retour. Il n’y a donc pas d’opposition avec la foi catholique.

OBJECTIONS SUR LE FORUM

 

Article 14: Cette révélation de l’Evangile fut-elle nécessaire à l’heure de la mort pour tous les hommes de tous les temps ?  

Objection 1: Dieu n’impose pas à l’homme des exigences impossibles à réaliser. Or entre le péché originel et la rédemption, il était impossible aux hommes de vivre durant leur vie terrestre de la charité: la connaissance de Dieu avait été perdue et, comme le dit Jésus lui-même, «l’Esprit Saint n’avait pas encore été donné.[127]» Quelques particuliers le reçurent en prévision de la Venue future du Messie mais la grande masse du peuple mourut en ignorant tout de l’Évangile.

 

Objection 2: De même, à notre époque, des millions meurent sans la charité, sans la foi et même dans le péché le plus grave, estimant qu’ils peuvent vivre ainsi dans leur certitude sincère qu’il n’y a rien après la mort. Dieu ne leur demandera donc pas la charité pour les sauver. Il ne la demandera qu’aux seuls chrétiens.

 

Objection 3: Que dire des enfants morts en bas âge et sans le baptême ?

 

Objection 4: Si la charité est exigée depuis toujours par Dieu durant la vie terrestre, on ne voit pas pourquoi les âmes de ceux qui moururent avant la venue du Christ durent attendre dans les enfers l’accomplissement de la passion du Christ avant d’entrer dans la gloire. On ne voit pas non plus pourquoi Jésus descendit aux enfers s’il n’eût pas à leur révéler l’Évangile.

 

Cependant: L’homme n’est lui-même que dans sa vie terrestre et après sa résurrection, c’est-à-dire dans son état d’âme unie à son corps. Or il est nécessaire que pour un choix qui engage toute son éternité, l’homme soit en pleine possession de ses moyens. Nous savons que cela ne se produira pas après la résurrection, chacun étant à cette époque déjà fixé sur son destin éternel. C’est donc que cela se produit pour tout homme durant sa vie terrestre. Enfin, puisque ce salut est conditionné par la charité, c’est donc que la charité est proposée à tout homme durant sa vis terrestre.

Saint Pierre annonce cette Visite du Messie pour les païens eux-mêmes (1 Pierre 2, 12) : « Ayez au milieu des nations une belle conduite afin que, sur le point même où ils vous calomnient comme malfaiteurs, la vue de vos bonnes oeuvres les amène à glorifier Dieu, au jour de sa Visite. »

 

Conclusion: Platon et Boros considérèrent l’union de l’âme et du corps comme nuisible au choix de l’esprit car ils ne surent pas distinguer le mode terrestre de la vie spirituelle et sa déviation due soit à un état provisoire d’obscurité du sensible, soit aux conséquences du péché originel. Il est clair que notre intelligence se trompe souvent dans sa connaissance du réel et que notre volonté ne se porte ici-bas qu’avec difficulté vers ce que l’intelligence lui propose comme bon, même lorsque cette dernière ne se trompe pas. La faute n’en est pas à l’esprit lui-même mais à l’obscurité du sensible d’une part, à l’imaginaire, aux passions et à la vie sensible révoltée contre l’esprit d’autre part.

Cependant, lorsqu’il s’agit de l’orientation dernière qui doit décider de notre éternité, il n’est pas convenable qu’elle se fasse à travers un choix non pleinement humain. C’est l’homme tout entier qui doit se porter vers bien, dans un choix libre et conscient. Il convient donc qu’il soit délivré de tout ce qui pourrait nuire à la liberté de son choix. Le premier obstacle l’obscurité du sensible. Dans le passage de la mort, le sensible devient lumineux. Il révèle pleinement la nature des choses. Le second obstacle est le foyer intérieur du péché. Nous avons vu de quelle façon Dieu en libère l’homme avant sa mort (a. 5). Le troisième est la peur extérieure ou la violence. Les anciens peuples soumis à toutes sortes de terreur sur Dieu ou les dieux pouvaient en être délivrés facilement par une simple révélation.

C’est pourquoi il convient que Dieu libère l’homme de ces trois obstacles. Dieu est amour et fait tout en vue de lui communiquer la vision béatifique. Nous pouvons donc être très certains qu’il a toujours agi ainsi, en tout temps, même avant la passion du Christ et en prévision de cette passion. Il supprimait toute faiblesse et ignorance, il rendait possible le choix des anciens à travers une prédication de l’Évangile parfaite et adaptée au mode de notre connaissance.

 

Solution 1: Selon l’opinion de Balthasar, les âmes de ceux qui moururent avant la venue du Christ descendaient toutes dans un état d’attente angoissante sans aucune connaissance de leur sort futur si ce n’est une espérance très vague d’une rédemption à venir. Ils attendirent comme des ombres durant les siècles qui précédèrent la descente de Jésus aux enfers. Il est vrai qu’il existe dans l’Ecriture des textes qui décrivent ainsi le shéol. Job parle du «royaume des ombres où il n’y a aucune joie. » [128] L’existence de ces «limbes» est attestée en plusieurs endroits dans l’Ecriture. De nombreuses religions primitives décrivaient aussi les morts à la manière d’ombres hantant les lieux de leur ancienne vie. Cet état, nous le verrons[129], est encore attesté par de nombreux saints après la venue du Christ. Mais il n’est jamais considéré par eux comme un état permanent, mais plutôt comme une demeure provisoire, un purgatoire particulier et rare qui prolonge la vie terrestre de ceux qui meurent en étant maladivement attachés à la terre. Ces âmes en peine peuvent en être délivré par la prière et les explications de ceux qui sont sur la terre.

Au cours des temps, l’Esprit Saint conduisit petit à petit les Juifs dans une plus grande intelligence du mystère de la mort. Ils comprirent que le triste et éphémère séjour des ombres ne disait pas tout du mystère. Ils différencièrent dès l’Ancien Testament trois enfers distincts en fonction de l’état de ceux qui y descendaient: un enfer des damnés pour les pervers, un lieu de purification pour les justes morts sans être tout à fait nets de toute souillure[130], et un lieu ou régnait la grâce appelée par Jésus «le sein d’Abraham»[131]. Pour signifier cette grâce, Jésus parle dans le même texte d’une eau pure où le riche aurait bien voulu se rafraîchir. Si la grâce régnait dans une demeure des enfers, c’est donc que les âmes des morts avaient reçu la prédication de l’Evangile; s’ils vivaient de la charité, c’est donc qu’ils attendaient la venue future du Messie, en connaissaient la nature, y croyaient et se tournaient vers de Dieu en reconnaissance joyeuse pour le salut à venir. Ils attendaient sa visite et vivaient de Dieu dans le cœur à cœur de la charité par anticipation de la Rédemption. De même, certains pouvaient rejeter par avance cette rédemption et se plonger en enfer éternel.

En conséquence, on doit admettre qu’ils recevaient comme nous une révélation à l’heure de leur mort, non par le Christ cependant, celui-ci n’étant pas encore né, mais par un messager qui représentait efficacement Dieu et leur révélaient la bonne nouvelle du Salut futur. Si l’on suit les livres anciens des morts tels qu’ils apparaissent dans les diverses religions préchrétiennes, ce messager était un ange du Seigneur, mandaté par lui comme Gabriel le fut à Marie[132]. Il se laissait voir à travers une image de corps façonné pour l’occasion, de telle façon que l’homme arrivé à l’heure de sa mort connaisse comme il convient à la nature humaine, c’est-à-dire saisisse l’intelligence du salut à travers la gloire sensible de l’apparition de l’ange. Aujourd’hui, cette révélation est faite par le Christ lui-même. Mais, à cette époque, la gloire de l’ange de la mort suffisait à rendre le choix final des hommes définitif vers l’enfer ou le paradis promis et espéré.

 

Solution 2: Cette objection trouve sa solution dans les articles précédents.

 

Solution 3: Comme tout être humain, les enfants parviennent au salut par le choix libre de leur charité. Au moment de leur mort, ils sont accueillis comme n’importe qui par la communion des saints. A la prière de l’Église du Ciel et de la terre, ils sont libérés du péché originel si cela n’a pas déjà été obtenu précédemment par le baptême. Cette libération signifie que l’Esprit Saint propose son inhabitation à leur âme, par l’instrument de l’apparition sensible d’un messager de Dieu, qu’il soit ange avant la Rédemption ou Jésus Christ après la Rédemption[133]. Cette vision à la foi sensible et intelligible à le pouvoir par sa gloire, d’éveiller suffisamment leur intelligence pour rendre possible un choix libre. Ils se tournent infailliblement vers l’amour car ils sont petits et incapables de retour sur eux-mêmes.

 

Solution 4: Selon Balthasar à la suite d’Adrienne von Speyr, Jésus est descendu aux enfers pour vivre jusqu’au bout la condition de l’homme, y compris dans le mystère de son shéol. Selon lui, il a éprouvé l’état de la damnation des réprouvés. Ce faisant, tout en l’homme était sauvé. Nous ne le suivons pas jusqu’au bout dans sa contemplation des abaissements du Christ: en effet, il nous paraît que si Jésus a pu s’identifier au pécheur au point de devenir «péché» devant Dieu, il n’a jamais pu éprouver l’état des damnés de l’enfer qui se caractérise par une volonté consciente et métallique de rejeter Dieu: «il n’a pas commis le péché. »[134] Nous pensons de plus que toutes les descriptions prophétiques laissées par Adrienne sur le désespoir du Christ peuvent s’expliquer non par une descente dans la situation des damnés de l’enfer mais par celle de ceux qui subissent les abandons de la vie terrestre et du purgatoire. « Il s’est fait péché pour nous.[135] » Ainsi, à la suite du pape Jean-Paul II nous préférons adhérer à l’opinion selon laquelle toute rédemption fut accomplie au moment de la mort de Jésus, selon ses propres Paroles. Sa descente aux enfers ne fut donc pas un moment de souffrance de plus, tout ayant été souffert avant, mais celui du don glorieux aux âmes de la vision béatifique qu’ils espéraient de toute la force de leur charité depuis qu’elle leur avait été promise à l’heure de leur mort. Quant à ces âmes (excepté celles qui étaient errantes entre deux monde dans le shéol), nous estimons qu’elles avaient déjà été jugées individuellement: les damnés avaient déjà rejeté par avance le Christ et son Salut, par un jugement lucide et définitif posé à l’heure de leur mort devant l’Ange du Seigneur. De même, les élus avaient déjà répondu par la charité à cette Révélation.

OBJECTIONS SUR LE FORUM

 

Article 15: Le jugement dernier a-t-il lieu au moment de la mort ?

 

Objection 1: Il semble que le jugement dernier peut avoir lieu avant la mort et même dès cette terre, si l’on en croit la parole du Seigneur: «Qui ne croit pas est déjà jugé car il n’a pas cru au nom du Fils unique»[136].

 

Objection 2: L’homme qui est en état de péché mortel s’est séparé volontairement de Dieu. Or la moindre faute mortelle peut être jugée par Dieu par une sentence éternelle qui ratifie cette séparation dont l’homme s’est rendu responsable. Donc le jugement dernier a lieu au moment de la mort.

 

Objection 3: La durée d’une vie entière est suffisante pour choisir le camp de Dieu ou celui du démon. Ce sont donc les actes de notre vie qui nous jugent et nous valent le salut ou la réprobation éternelle. Le jugement a donc bien lieu au moment de la mort.

 

Objection 4: Nous avons montré que l’homme est rendu capable, à la lumière de l’apparition glorieuse de Jésus, de discerner le bien et le mal dans son cœur et dans sa vie passée. Or il s’agit bien là d’un jugement. Donc le jugement dernier a lieu au moment de la mort.

 

Cependant: Tant que l’âme n’est pas entrée dans l’autre monde, elle est en état de voie. Le repentir est possible. La sentence du juge ne peut donc être prononcée. Ainsi le jugement dernier ne peut avoir lieu au moment de la mort mais seulement après la mort.

 

Conclusion: Dans tout jugement, plusieurs éléments sont nécessaires. Il faut d’abord, comme nous l’avons dit, qu’il y ait énoncé par le juge de la faute dont est accusé le prévenu. Et cette faute ne peut être connue par un simple soupçon mais elle doit être mise à la connaissance de celui qui juge par des preuves sûres. Il faut en second lieu que le prévenu puisse se défendre et se justifier. Il faut enfin que le juge délibère pour déterminer la gravité de la faute et la sentence encourue.

Il en est de même dans le jugement dernier. Mais aux yeux de Dieu qui regarde d’abord les intentions de l’homme, une faute est définitivement considérée comme telle quand elle est pleinement volontaire, c’est-à-dire quand elle est commise sans qu’aucune ignorance ou faiblesse ne viennent en amoindrir la pleine responsabilité. Alors seulement, le juste juge fixe la sentence éternelle. Mais dans le moment de la mort, il peut demeurer une certaine hésitation dans l’âme selon ce que nous avons dit à l’article précédent. Tant qu’il demeure une telle potentialité, la faute n’est pas considérée par Dieu comme pleinement consommée. Elle n’est donc pas soumise au jugement dernier mais seulement à un jugement provisoire qui manifeste à l’âme ce qu’il y a de mauvais en elle. De même, la sentence définitive et éternelle ne peut être prononcée qu’après la mort, c’est-à-dire lorsque l’âme a choisi définitivement et éternellement sa fin dernière.

 

Solution 1: On peut donner plusieurs interprétations à ces paroles: en un premier sens, elles peuvent être adressées à l’intention des pharisiens et des chefs du peuple dont Jésus connaissait déjà la perfidie. En effet ceux-ci ne crurent pas en Jésus non pour un motif d’ignorance puisqu’ils reçurent de lui tous les signes annoncés par les prophètes, ceux qui devaient confirmer sa mission divine. Sachant qu’il venait de Dieu, il semble qu’ils voulurent l’éliminer pour préserver le pouvoir qu’ils avaient peur de se voir enlever. En ce sens, on peut dire qu’ils commirent un blasphème contre l’Esprit Saint, selon les paroles mêmes du Seigneur. En ce sens, on peut dire que tout homme qui dès cette terre ou au moment de la mort, rejette le Nom de Jésus alors même qu’il sait que ce Nom est venu de Dieu est déjà jugé car il reste obstiné dans son péché. En un second sens, les paroles de Jésus peuvent signifier un jugement provisoire et terrestre: ceux qui ne croient pas sont, tant qu’ils ne croient pas, exclus de la grâce et de la rédemption.

 

Solution 2: C’est à cause de sa très grande miséricorde que Dieu repousse le plus loin possible l’énoncé de la sentence éternelle que mérite toute faute mortelle. Dieu connaît trop ce qu’il y a d’ignorance et de faiblesse dans le cœur de l’homme pour lui appliquer une stricte justice distributive. S’il le faisait, nous serions tous, sauf la Vierge Immaculée, damnés pour l’éternité.

 

Solution 3: Un seul acte de repentir, jusqu’au dernier moment peut valoir à l’homme la grâce de sa justification. C’est pourquoi Jésus nous a donné la parabole des ouvriers de la dernière heure qui, malgré l’heure tardive de leur conversion aux oeuvres de Dieu, reçoivent la même récompense que ceux qui ont peine toute la journée, à savoir la vision béatifique.

 

Solution 4: Le jugement de discernement doit précéder cet autre jugement dont l’objet est de déclarer coupable ou innocent le prévenu. Quant à la sentence énonçant la peine ou la récompense, elle ne peut vernir qu’en dernier lieu car elle découle des deux autres. Cependant, le jugement de discernement qui a lieu au moment de la mort ne doit pas être identifié avec celui qui constitue le jugement dernier, juste après la mort, car l’homme est encore en état de convertir sa volonté vers le bien ou vers le mal. Il ne fait que préparer l’âme au jugement ultime et définitif en la portant à choisir, d’un choix libre et réfléchi, entre la charité et l’égoïsme.  


NOTE

[1] Le mot «âme », en tant que porteur d’un aspect fondamental de l’espérance chrétienne, est donc considéré comme faisant partie du langage fondamental de la foi, ancré dans la prière de l’Église, et indispensable à une vraie communion dans la réalité de cette foi. Aussi les théologiens ne peuvent-ils pas en disposer à leur gré.

[2] Dans la Somme théologique, voir: âme. De l’âme en général. Ia Question 87 à 90;

[3] Voir Ecclésiastique, 3, 16-22; 10, 4-10;

[4] Genèse 3, l9;

[5] Voir aussi Job 14, 1-22;

[6] Bulle «Apostolici Reginimus » de Léon X, 1513;

[7] Voir Somme Théologique, Ia Question 75, a.2;

[8] Voir notre traité, Question 9 article 4;

[9] Commentaire littéral du livre de la Genèse, Chap. 32;

[10] La vie après la vie, docteur Moody, Robert Laffont, 1977 page 35.

[11] Voir docteur Kenneth King;

[12] Voir l’étude du bouddhisme tibétain.

[13] Luc 10, 27;

[14] 2 Corinthiens 12, 1-4;

[15] La Recherche, juin 1989, n° 21, p. 800-802

[16] Psaume 103;

[17] Genèse 3, 19;

[18] Josué 23, 14;

[19] Psaume 48, 7-15;

[20] Psaume 88, 49;

[21] Qohélet 1, 2 et 6, 6;

[22] Romains 7, 24;

[23] Romains 5, 12

[24] Genèse 2, 17

[25]Question 1, article 6

[26] Question s 39, 40;

[27] Luc 17, 22;

[28] Genèse 4, 22;

[29] Luc 16, 24

[30] 2 Corinthiens 12, 7;

[31] 1 Corinthiens 15, 51;

[32] Théologie de l’au-delà, Fribourg Université, Suisse, 1980, p. 13;

[33] Jean 11, 25;

[34] Luc 12, 39;

[35] Du même coup, le problème de la mort apparente et de la mort réelle s’est posé.

[36] Bien que celle-ci ne puisse plus manifester l’exercice de ses capacités spirituelles au moyen du corps. Il faut aussi distinguer le cas de ces personnes avec d’autres dont on peut maintenir indéfiniment une apparence de vie qui, en fait, n’est plus qu’un fonctionnement mécanique des organes alimentés en oxygène et nourris par transfusion. Ils ne présentent plus d’unité vitale mais une simple juxtaposition de fonctions végétatives plus ou moins concordantes. Ce signe indique l’absence du principe vital unificateur.

[37] Voir Docteur Raymond MOODY, La vie après la vie, Paris, 1980; Voir aussi les études du Docteur Kübler-Romains ss sur les expériences de mort approchée (N. D. E. Near Death Experience.)

Ces considérations peuvent nous paraître assez étranges dans une analyse théologique, mais il n’est pas superflu d’en tirer une conclusion importante pour notre étude: le processus qui amène à la situation irréversible de la mort ne semble pas s’opérer instantanément. Son déroulement complexe et en partie mystérieux semble s’étendre sur une longueur de temps considérable, même s’il n’est plus mesurable selon nos catégories.

Si l’on veut conceVoir la mort comme la situation qui se détermine là où la vie se retire de l’organisme humain, on devra admettre que cela se fait, normalement, avec une certaine lenteur. Ces cas de réanimation, et peut-être un jour les cas des hibernés réveillés, montrent que celui qui revient à la vie a parcouru seulement une partie du tunnel qui est le processus de la mort, une partie qui parait déjà coïncider avec la mort, mais qui n’est pas la mort, puisque l’on peut justement en revenir; ceci nous montre la complexité du phénomène et le mystère qui l’entoure encore et qui ne sera pas dévoilé sur terre d’un point de vue médical, car on ne peut pas aVoir une expérience scientifique d’une situation dont on ne revient pas.

[38] En 1966, l’Académie de Médecine a donne une nouvelle définition des signes de la mort certaine: si le trace électro-encéphalographique est rectiligne ce qui manifeste la disparition de tout courant électrique, dans l’état actuel de la science, on peut affirmer au bout de 48 heures que le sujet est mort.

[39] Nous employons l’expression «l’homme»et non «l’âme»pour signifier que la séparation d’avec le corps n’est pas faite. C’est l’homme tout entier -corps et âme- qui vit ces évènements.

Dans une série d’études très remarquées et très discutées sur cette question, le cardinal Billot a donné au passage un très bel exposé de la théologie thomiste de l’Enfer. Prenant son point d’appui sur cette étude, Mgr Glorieux a soulevé un autre problème. Lorsqu’un pécheur paraît obstiné, si loin de Dieu qu’il semble comme virtuellement damné, ne doit-on pas penser qu’il y a encore pour lui la possibilité d’accueillir certaines grâces au moment de la mort ? Du même coup, le problème de la mort apparente et de la mort réelle s’est posé. L’influence de la philosophie existentialiste a fait mieux comprendre comment l’homme, qui est esprit, se construit lui-même en ce sens que les options particulières qui jalonnent sa vie donne a celle-ci une orientation sans que pour autant celle-ci, surtout dans le mal, soit définitive; Finalement, le problème de l’éternité des peines a conduit à cet autre: peut-on être damné pour un péché mortel ? La théologie du péché, la distinction entre les péchés, la purification du péché en cette vie ou dans l’autre vie sont aujourd’hui un problème théologique plus actuel que celui du feu de l’enfer ou de l’éternité des peines. L’homme, image de Dieu, est paru à la découverte de son âme, et de sa relation avec le créateur par la médiation de Jésus-Christ et de l’Église. L’eschatologie n’est pas un domaine séparé, on ne peut en traiter sans toucher à mille autres choses.

[40] Lettre à l’évêque de Tuscullum, 06 mars 1254;

[41] Luc 16, 31;

[42] Marc 16, 16;

[43] H-U von Balthasar, Théssalonicien éodramatik 4, ibid. 268-270. Les citations de ce texte sont tirés du commentaire de la première lettre de saint Jean par Adrienne von Speyr, alors que la note en bas de la page fait référence à Mechtilde de Magdehourg. La mystique du Moyen-Age y décrit comment le Père céleste s`approche d’une âme chargée de péchés et lui dit: «Ai-je seulement trouvé quelque chose de bien en toi ?

[44] Isaïe 52, 10;

[45] Mathieu 24, 14;

[46] Journal de sœur Faustine, édition J. Hovine, p. 542.

[47] Concile de Trente, Décret sur La justification, Ch. 5;

[48] Idem Chapitre 6, «LA FOI CATHOLIQUE», p. 347;

[49] Voir par exemple: la constitution Benedictus Deus de benoît 12, FC page 511

[50] Voir ce qu’en dit saint Paul aux Romains.

[51] Voir la lettre d’Innocent IV à l’évêque de Tusculum (6 mars 1254), «LA FOI CATHOLIQUE»,. page 608. La solution de Saint Augustin qui consiste à admettre la damnation éternelle des païens qui, sans faute de leur part, meurent sans la grâce, des enfants morts sans baptême etc. ne peut être retenue car, tout en tenant compte de 1 et 2, elle ne tient pas compte de 3. De. même, la solution de Luther qui prétend que la foi seule suffit pour le salut ne peut être retenue car elle ne tient pas compte de la solution 6. Quant à la thèse de Calvin enseigne que Dieu prédestine certains à l’enfer, elle est indigne.

[52] L’OPTION AU MOMENT DE LA MORT

Diverses thèse concernant l’heure de la mort et l’orientation qui l’accompagne vers l’enfer ou le paradis ont été soutenues. Lorsqu’on parlera du jugement particulier, on reviendra sur la thèse de l’option définitive dans la mort qui a été émise par plusieurs théologiens (Glorieux, Boros.) Nous situons dans ce tableau les différentes possibilités que présentent les thèses suivantes à la question de l’option avant et après la mort:

 

THESE

 

 

 

AVANT LA MORT

 

 

HEURE DE LA MORT

C’est-à-dire avant la séparation de l’âme et du corps

«DANS »LA MORT, c’est-à-dire après la séparation du corps

CLASSIQUE

Option de la personne toujours imparfaite

 

Fixation de l’âme séparée du corps dans le péché mortel

BOROS, GLORIEUX

Option de la personne toujours imparfaite

 

Option de l’âme «délivrée »du corps

VITALINI

Option de la personne toujours imparfaite

 

Ratification définitive de la personne

NOTRE THESE

Option de la personne toujours imparfaite

Option de la personne liée à son corps mais délivrée du foyer du péché »et face à la gloire du Christ

APRES

Fixation de l’âme séparée du corps de manière volontaire et libre

 

 

LA THESE CLASSIQUE

Elle affirme que l’homme peut opter et toujours changer d’orientation pendant sa vie terrestre car ses choix restent toujours imparfaits, vue son inaptitude à saisir la plénitude du bien. Lorsque par la mort l’âme se sépare du corps, celle-ci reste fixée dans le dernier choix accompli pendant la vie terrestre et ne peut plus s’en séparer.

Difficultés de cette thèse: La doctrine classique peut nous laisser déconcertés lorsqu’elle affirme que l’âme est fixée dans le dernier choix accompli par l’homme pendant sa vie. Ce choix entraîne en effet des conséquences éternelles; il devrait donc être parfaitement lucide, ce qui n’est pas le cas sur terre. L’âme subirait donc un choix qu’elle n’aurait pas pleinement voulu ? Cette thèse s’oppose aussi à la foi qui dit que le salut est explicitement proposé à tout homme durant sa vie.

 

LA THESE DE BOROS

Elle tâche donc d’éliminer cette contradiction en affirmant que le choix de l’homme, pour entraîner des conséquences éternelles, doit être parfaitement lucide, comme celui de l’ange.

On cite saint Jean Damascène: «La mort est tour les hommes ce que la chute est pour les anges» (De Fide orthodoxa, 2, 4.) Selon Boros c’est seulement dans la mort que l’âme humaine, délivrée de tout attachement secondaire et de toute distraction, peut accomplir l’option plénière pour ou contre l’Être et la Vérité. Cette thèse a été critiquée dans ce sens qu’elle réduirait l’importance des options terrestres pour privilégier une option dans la mort, dont l’Ecriture ne parle pas.

Difficultés de cette thèse: Négation de l’utilité de la vie terrestre, du corps; Contradiction avec la foi qui enseigne que le choix est définitif avant la mort.

 

THESE DE VITALINI

Elle veut à la fois tenir compte de la contradiction qui apparaît dans la thèse classique (choix imparfait pour une fixation éternelle) et des critiques contre la thèse plus moderne (minimisation des choix terrestres) pour soutenir que la personne humaine, c’est-à-dire son moi essentiel, débouchant par la mort sur l’Être qui est l’amour, ne se trouve pas par cette rencontre paralysée, mais qu’elle est encore en mesure de ratifier librement ses choix terrestres. Ceux-ci gardent donc tout leur sérieux et vont orienter la personne dans cette suprême ratification qui implique l’accueil ou le refus de l’amour.

Difficultés de cette thèse: Contradiction avec la foi qui enseigne que le choix est définitif avant la mort.

 

NOTRE THESE

Elle affirme que Dieu, après une phase de la vie terrestre ou le choix est imparfait tant à cause du manque de connaissance plénière que de l’état de faiblesse de la volonté, rend l’homme tout entier (et non seulement l’âme après la mort) capable d’une option libre absolument par la manifestation de l’Evangile et la libération du foyer du péché (Fomes peccati) au moment de la mort. Dans ce moment, l’homme est encore lié à son corps, il est donc capable de connaissance et de choix selon le mode humain lié au sensible, la connaissance de l’Evangile étant à la fois sensible et spirituelle dans la vision du Christ glorieux. D’autre part, l’homme opte librement et non nécessairement dans le sens des options de sa vie terrestre. Ceux-ci jouent le rôle d’un conditionnement de la liberté d’où le sérieux du rôle du passé dans l’orientation de la vie éternelle.

Difficultés de cette thèse: Aucune contradiction avec la foi mais un grave problème philosophique: Comment un choix aussi lucide est-il possible à l’heure de la mort, c’est-à-dire alors que le coma réduit le cerveau à l’impuissance ?

[53] Mathieu 12. 31.

[54] Attention, il s’agit ici de la définition de l’école thomiste, telle qu’elle était utilisée par l’Église jusqu’au Concile de Vatican II. Actuellement, l’Église préfère appeler péché mortel le seul péché contre le Saint Esprit. Il faut donc toujours vérifier son vocabulaire dans les discussions.               

[55] 1 Corinthiens 15, 32;

[56] Romains 7, 5;

[57]Saint Thomas, Somme Théologique, IIa IIae, Question 14, 1;

[58] Benoît XII, Constitution «Benedictus Deus» (29 janvier 1336) «LA FOI CATHOLIQUE», page 511.

[59] Saint Thomas, Somme Théologique, Ia IIae Question 76, 77 et 78;

[60] Jean 15, 22;

[61] Voir article suivant;

[62] Mathieu 12, 31;

[63] op. cit. Innocent IV;

[64] Voir question 11, article 4;

[65] Romains 10, 14,

[66] Dentzinger- Schönmetzer, 1002;

[67] Luc 21, 36;

[68] De telles épreuves, comme toutes les souffrances de la vie terrestre ont pour unique finalité de disposer le cœur de l’homme à l’humilité de sa condition et, ce faisant, de l’orienter au désir d’un salut qu’il reçoit en la personne de Jésus Christ. Une méditation de Pascal sur l’agonie nous manifeste cette disposition que la mort vécue dans la lumière du sacrement des malades peut réaliser. Ces souffrances dispositrices de l’agonie n’étant plus utiles lorsqu’il s’agit de choisir pour l’éternité, elles disparaissent aussitôt que la mort commence son oeuvre de séparation de l’âme et du corps.

 «Oui, au moment de la mort, je serai seul! Les vanités ne m’accompagneront pas, ni l’argent, ni les souvenirs qui me seront inutiles, sauf pour me convaincre de mes péchés et me combler de remords. J’aurai vécu seul mais je ne sentirai ma solitude que devant le problème du posthume. J’aurai passé ma vie à interroger les livres, les prêtres, je n’aurai rencontré que Dieu, Jésus. Voici donc la vérité, je suis seul avec Dieu. Des lors, aujourd’hui, il n’y a que Dieu qui compte, Dieu, c’est-à-dire ma conscience, l’opinion que j’ai de moi-même, la route de mon devoir. II ne s’agit pas de ce que l’on pense de moi, mais de ce que Dieu pense.» Je mourrai seul, Blaise PASCAL

[69] I Corinthiens 3, 15;

[70]Voir dans ce traité, Question 11;

[71] Cette question est d’une extrême importance face à l’imprécision de certains traité de théologiens qui parlent abusivement de vision de face à face avec Dieu pour des gens qui sont confrontés à une apparition de Jésus dans son humanité. Jésus est Dieu mais on ne voit pas l’essence de Dieu face à face quand on voit son humanité.

[72] Mathieu, 25, 41;

[73] «Le don de cette vision suppose une préparation pour laquelle personne ne peut être contraint »Vitalini Sandro, Théologie de l’au-delà; Université de Fribourg-Suisse, 1980, p. 27;

[74] «Conformément à l’Ecriture, l’Église attend la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus Christ (Dei Verbum 1, 4), considérée cependant comme distincte et différée par rapport à la situation qui est celle des hommes immédiatement après leur mort.» Congrégation pour la doctrine de la foi, lettre sur quelques questions concernant l’eschatologie, 17 mai 1979; En effet, à la fin du monde, le retour du Christ en gloire sera manifesté à toute la dernière génération, d’un seul coup. (Voir Question 25);

[75] Apocalypse 22, 18.

[76] Zacharie 12, 10;

[77] Luc 21, 27;

[78] Marc 14, 62.

[79] Jean I, 14;

[80] Actes 4, 17;

[81] Apocalypse I, 12-17;

[82] «Pour condamner purement et simplement, il faudrait que le Juge divin ne rencontre pas le moindre élément positif capable de relativiser le refus du pécheur. Ce serait, dans le «conditionnel»johannique («si quelqu’un ne demeure pas en moi»), le côté négatif réalisé de manière radicale. Une simple remise extrinsèque du péché, sans effet intérieur sur le coupable, ne suffirait pas pour une absolution. Pareil acquittement ne pourrait le béatifier intérieurement; ce serait pour lui une contradiction insurmontable, une humiliation permanente, et même une incitation à la révolte contre une contrainte extérieure; «Le pardon, pour être total, n’est pas seulement à offrir, il doit se recevoir» (E.saint Lewis) Voilà ce qu’il est permis de dire avec assurance si l’on maintient comme vérité chrétienne que celui qui nous juge est le même qui est venu non pour juger, mais pour sauver (Jn 12, 47.) Aussi cherchera-t-il tous les détours possibles pour ramener à lui un homme égaré dont il a porté la faute; et s’il n’y arrive pas, son dernier geste ne sera quand même pas le rejet (qu’on se rappelle les protestations de Nédoncelle, Martelet, Ratzinger rapportées ci-dessus.) II ne pourra agir que passivement en abandonnant le coupable à sa volonté aveuglée. Une fois de plus, dans cette éventualité, vient à l’esprit l’idée de tragédie, non seulement pour l’homme mais pour Dieu lui-même.

Serait-il possible de s’avancer encore plus loin ? Non pas en posant des principes, mais, au meilleur cas, en formulant des hypothèses ? On le peut, car la question de l’enfer, replacée dans la perspective de «l’auto-jugement», n’est envisageable sérieusement que comme question personnelle et existentielle.» Garder une conception naïve de la double issue de l’histoire de l’humanité, tout autant que s’ériger en contradicteur absolu de cette représentation, exposent au danger de penser l’eschatologie à partir du spectateur externe et non pas selon l’angle de vue de l’individu concerné...L’appréciation de l’endurcissement effectif d’un homme, sa résistance au Christ n’entre pas, en dépit de tous les signes extérieurs contraires, dans nos attributions, elle dépasse notre compétence

.BALTHASAR H.U, La dramatique divine 4, «le dénouement », Culture et Vérité Namur, 1993, p. 272-273;

[83] Revoir à ce sujet la question 7, article 7;

[84] Voir question 7, article 10; Voir Balthasar «L’amour seul est digne de foi », Aubier 1966, chap. 6 «l’amour comme révélation dans le Christ»

[85] « Je suis le maître et le Seigneur, dit Jésus à Pierre (Jean 13, 15). Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous. » Ce jour-là, au grand scandale de Pierre, Jésus révéla aux hommes l’autre mystère scandaleux du cœur de Dieu, outre son amour infini, son humilité. « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix! » Philippiens 2, 6.

[86] Voir à cet égard dans la Somme de Théologie: «Intellect. De la manière dont notre intellect comprend les choses corporelles »Ia. q. 89;

[87] article 2;

[88] Mathieu 24, 37 à 41;

[89] Mathieu 24, 34-35;

[90] SAINT THOMAS D’AQUIN, De Veritate, 14, 11, article 1.

[91] Mgr d’Hulst, Lettres de direction, 1906, p. 40-41;

[92] Voir aussi, Ibidem p. 51-52

[93] «Jérôme In Joelem, c. II; p. L. p. 965 B. La formule est très remarquable pour cette époque.

[94] Commençons par un simple constat: le nombre des chrétiens vivant actuellement sur terre est incomparablement plus faible que le nombre de ceux qui, dans le Christ, ont quitté cette vie. Si être un membre vivant de l’Église consiste à appartenir au Christ, la mort, qui n’est certes pas la fin de la communauté dans le Christ, ne peut pas non plus briser la communauté de l’Église. D’ou il suit que la partie de loin la plus grande de l’Église vit par-delà le seuil de la mort terrestre. Ce fait incontestable est-il aussi une évidence pour la conscience ecclésiale d’aujourd’hui ?

SCHONBORN, (C.) o p: L’état de pèlerin, de purification et de gloire (La communion des saints selon Vatican II) Communio n° XIII 1; janvier-février 1988, p. 7;

[95] I Théssaloniciens 3, 13;

[96] Lumen Gentium 49

[97] I Corinthiens 12, 12-27

[98] 2 Corinthiens 5, 8;

[99] cf I Timothée II, 5;

[100] cf Colossiens I, 24;

[101] «Tout homme qui porte son regard sur la norme absolue, sur le Fils de l’Homme transpercé qui est présent en vérité à l’état caché dans tous ses frères, sur «l’agneau égorgé «, «sans défaut et sans tâche», «prédestiné avant la fondation du monde » (1 Pierre I, 19-20, Apocalypse 13, 8), sera tellement accablé par la grandeur de l’Unique et par sa propre bassesse méprisable qu’il n’aura aucunement le temps de réfléchir à la situation d’autres hommes. Le simple aspect de cette nonne lui dit qu’il n’y correspond et ne subsiste en aucune manière, et qu’il reste définitivement au-dessous du seuil de ce qui est exigé.» BALTHASAR H. U, Jugement, Communio, 1980, n°3, p. 27;

[102] «En ce qui concerne les objections de type protestant contre le culte des saints et le commerce avec eux, il faut d’abord dire que l’amputation chirurgicale d’une partie aussi essentielle de l’organisme spirituellement vivant de l’humanité chrétienne signifie une mutilation et une atrophie tout à fait déplorables de cet organisme. Mais c’est aussi le plus parfait malentendu que de comprendre le culte des saints comme une sorte de déviation du rapport immédiat à Dieu. En effet de même que l’amour du prochain n’est pas une déviation de l’amour de Dieu, de même le culte des saints qui sont bien nos prochains n’est pas non plus une déviation. C’est à cela que l’on croit lorsque l’on fait appel à l’amour du prochain d’un homme défunt. Car les saints ne sont pas des dieux mais des hommes d’un grand amour plus fort que la mort et qui leur donne donc le pouVoir d’agir ici même de là-bas.» Lazarus, komm heraus, quatre écrits de Valentin TOMBERG, avec une introduction de Romains bert Spaemann, Bâle, 1985, p. 65 s. Voir aussi «La Vierge Marie dans la communion des saints », G. CHANTEREINE, Communio 1989/t, p. 28;

[103] On pourrait introduire ici une foule de témoignages patristiques, théologiques, liturgiques et hagiographiques. Qu’on se rappelle seulement les promesses d’un saint Dominique, disant qu’il serait plus utile à ses frères au ciel que sur la terre ou bien d’une sainte Thérèse de l’Enfant Jésus: «Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre ». Saint Cyprien peut être cité comme représentant d’une «nuée de témoins » : «Nous considérons le paradis comme notre patrie (..): Pourquoi alors ne pas nous hâter de courir Voir notre patrie (..) ? Un grand nombre d’êtres chers nous attend là-bas une foule imposante de parents de frères et sœurs d’enfants se languit de nous, et déjà délivrée du souci de son propre rachat ne se préoccupe plus que de notre salut. Nous hâter sous leurs yeux et nous jeter dans leurs bras quelle grande joie pour eux et pour nous à la fois! » (De Mort. 26. PL 4, 601);

[104] Voir Question 9, a.8;

[105] Voir à ce sujet RIVIERE J.» Le rôle du démon au jugement particulier chez les Pères »Rev SR, t. 4, 1924, p. 43-64; DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE, t.8, col. 1788-1789 et 1803; Nous ne parlons pas ici du jugement particulier mais l’analogie est à remarquer.

[106] I Jean, II, 13;

[107] Apocalypse 12, 13;

[108] Apocalypse 12, 9;

[109] Apocalypse 12, 10;

[110] Voir la révélation de Jésus à la bienheureuse sœur FAUSTINA KOWALSKA: «Je promets que l’âme qui vénérera ma miséricorde ne périra pas. Je lui promets également la victoire sur ses ennemis, particulièrement à l’heure de sa mort. Je la défendrai moi-même comme ma gloire.» (22 février 1932.)

[111] Marc 13, 11

[112] 1 Corinthiens 15, 26.

[113] Lumen Gentium 49;

[114] Ephésiens 4, 16

[115] Par exemple à Pontmain où les enfants, tout en voyant la Vierge leur apparaître dans le ciel, ne perdaient pas contact avec les personnes qui les entouraient.

[116] SCHONBORN (C.) o p.: «L’état de pèlerin de purification et de gloire » (La communion des saints selon Vatican II), Communio, n° 13, 1, janvier-février 1988;

[117] I Corinthiens 13, 11;

[118] Job 4, 18;

[119] «C’est donc l’homme finalement qui se juge lui-même: le Christ ne prononce aucune condamnation, seul l’homme peut mettre une limite au salut. Il faut enfin nous rappeler que le Christ n’est pas là tout seul: tout le sens de sa vie terrestre a été de se construire un corps, de se créer sa «plénitude «Son corps, c’est lui. C’est pourquoi la rencontre avec le Christ s’opère dans la rencontre avec les siens, dans la rencontre avec son corps.» RATZINGER J, La mort et l’au-delà, Communio-Fayard 1994, p. 214;

[120] 2 Corinthiens 5, 10;

[121] Quel avenir pour le monde ? Lettre pastorale du cardinal Gouyon à l’occasion de la Toussaint D. C n° 1706, octobre 1996;

[122] Martelet, op. cité, p. 4I;

[123] Mathieu 24, 27;

[124] Mathieu 12, 32;

[125] Question 11. Pour illustrer la possibilité de cette conversion au moment de la mort, nous pouvons citer ce texte saisissant de la mystique allemande Adrienne von Speyr. Dans une vision prophétique, elle voit des âmes hésitantes, entre conversion et damnation. Elle décrit par mode symbolique l’état de leur choix; Communio, n°VII, 1 – Janvier-février 1981 «L’expérience du samedi saint »

[126] Cet État d’opposition lucide, même s’il peut paraître rare, reste en tout cas possible et se prolonge, par un choix définitif et libre, après la mort: Comme l’affirme Boros: «Quiconque, au jour le jour, toute une vie durant, fait l’expérience de sa vanité, peut se dire qu’il pourrait bien aboutir à l’enfer. J’aboutirai la quand je suffoquerai de ma médiocrité personnelle, quand je me serai totalement identifié à mon néant essentiel. C’est alors que je serai perdu.» BOROS, L.: De l’esprit propre à inspirer une nouvelle définition des fins dernières, en Concilium, 32, 1968, 67-76, 75.

[127] Jean 7, 39;

[128] Job 10, 21;

[129] Question 17, article 5;

[130] Voir 2 Macchabées 12, 46;

[131] Luc 16, 23;

[132] L’Anubis des Egyptiens antiques, le messager de la mort des bouddhistes. On pourrait citer dans toutes les anciennes religion le nom du messager charger d’accueillir les morts dans l’au-delà.

[133] Voir notre traité, Question 18, article 5;

[134] 2 Corinthiens 5, 21;

[135] 2 Corinthiens 5, 21;

[136] Jean 13, 18;

 

QUESTION 9: La condition des âmes[140] séparées du corps

 

Il s’agit maintenant de regarder l’état des âmes après leur séparation complète avec le corps physique. A ce sujet on se demandera [141]:

 

1) Les puissances sensibles demeurent-elles dans l’âme séparée?

2) Les actes des puissances sensibles demeurent-ils?

3) Les connaissances et les souvenirs de la vie passée demeurent-ils?

4) Comment s’exerce l’acte de l’intelligence dans l’âme séparée?

5) Comment s’exerce l’acte de la volonté?

6) L’âme séparée peut-elle entrer en contact avec une autre âme séparée ou avec un ange?

7) L’âme séparée voit-elle les hommes qui sont sur la terre?

8) Les âmes séparées peuvent-elles apparaître aux hommes?

 

Article l: Les puissances sensibles demeurent-elles dans l’âme séparée?  

Objection 1: «L’homme, dit saint Augustin, est composé de deux substances: une âme et un corps, une âme avec sa raison, un corps avec ses sens[1]. » Or, les puissances sensitives dépendent du corps. Donc, dans l’âme séparée du corps, elles ne sont plus. 

Objection 2:     Aristote, parlant de la séparation de l’âme d’avec le corps, s’exprime ainsi: «Il faut recher­cher s’il y a, en dernière analyse, quelque chose de permanent. Ce n’est pas impossible pour certains êtres, l’âme, par exemple, sinon tout entière, du moins cette partie qui est l’entende­ment, car peut-être l’âme tout entière ne peut avoir cette propriété»[2], c’est-à-dire que ses puis­sances sensibles ou végétatives périssent avec le corps. 

Objection 3: Parlant de l’intelligence ou entendement, Aristote dit qu’elle est un autre genre d’âme «et le seul qui puisse être isolé du reste comme l’éternel du périssable. Quant aux autres parties, il est manifeste qu’elles sont inséparables du corps, à l’encontre de ce que prétendent certains philosophes »[3], et, par conséquent, qu’elles ne subsistent plus dans l’âme séparée.  

Objection 4:     Un tout n’est plus entier s’il lui manque quelque partie. Mais les puissances de l’âme sont considérées comme des parties de l’âme. Si la mort lui en enlevait quelques-unes, elle ne serait donc plus entière: ce qui est inadmissible.

 

Cependant: Saint Augustin dit: «L’âme se sépare du corps, emportant tout avec elle: la sensibilité, l’imagination, la raison, l’intellection, l’intelligence, l’appétit concupiscible et l’appétit irascible»[4] saint Augustin dit encore: «Nous croyons que seul l’homme possède une âme subsistante qui, séparée du corps, continue à vivre et garde vivants ses sens et son intelligence.»[5]

Il appuyait ses dires sur des expériences de mort approchée, déjà fréquentes à son époque. Les expériences de mort approchée se multipliant de nos jours et étant de mieux en mieux étudiées, on est obligé d’admettre au plan philosophique le fait d’une survie, non seulement des puissances de la vie sensible mais de leurs actes.

 

Conclusion: Cette question a reçu diverses réponses. Certains philosophes niaient la survie de la sensibilité après la mort. La réponse la plus logique à cet égard était soutenue par saint Thomas d’Aquin, à l’école d’Aristote. Selon lui, il est évident que certaines opérations, qui ont les puissances de l’âme pour principe, ne sont pas de l’âme seule, à propre­ment parler, mais du composé humain, puisqu’elles s’accomplissent au moyen du corps, par exemple, voir, entendre, etc. De ces puissances, le composé humain est donc le sujet, l’âme en est le principe actif, de même que la forme est le principe des propriétés de l’être composé de matière et de forme. Certaines opérations, au contraire, sont accomplies par l’âme, indépendamment de l’orga­nisme, par exemple, comprendre, considérer, vouloir; étant donc propres à l’âme, il s’ensuit que les puissances d’où elles émanent ont l’âme non seulement pour principe, mais encore pour sujet. Dès lors, puisque sujet et propriétés de­meurent ou disparaissent ensemble, il est néces­saire que l’âme séparée garde les puissances dont l’action est indépendante de l’organisme, mais qu’elle perde celles dont l’action dépend, c’est-à-dire celles qui appartiennent à l’âme sensitive et à l’âme végétative. Pour saint Thomas, les puissances sensibles et les autres du même ordre, étant liées un organe, demeurent dans l’âme séparée, non pas formellement, mais radicale­ment, à la manière dont les effets sont contenus dans leurs causes; en d’autres termes, l’âme sépa­rée conserve l’énergie capable de produire à nou­veau ces puissances, si elle retrouve son corps. Mais tant que l’âme reste séparée du corps, elle est incapable d’exercer les facultés sensibles.

Cette opinion semble la plus raisonnable à première vue. Mais elle est battue en brèche par l’expérience suffisamment documentée de ceux qui ont approché la mort. En effet, on constate toujours dans leur témoignage la présence d’actes sensibles. De même, les âmes des connaissances et des amis déjà décédés depuis longtemps qu’ils rencontrent au cours de leur expérience sont dotées du même corps psychique qu’eux.

C’est pour cette raison que certains penseurs, du côté de l’Egypte ancienne, de l’hindouisme, des anciennes traditions animistes, ont cherché une autre explication. Ils ont distingué dans l’homme deux espèces de puis­sances matérielles. Les unes sont les actes des organes physiques faits de matière âlpable (atomique). Elles dérivent de l’âme dans le corps physique et dispa­raissent avec lui. Ce sont les facultés de la vie végétative. Mais les autres sont l’acte d’une autre sorte de matière physique, appelée corps psychique ou astral, ce sont les facultés de la vie sensible. Le corps psychique est constitué de matière dont l’état est plus subtil que celui de la matière atomique. C’est une forme d’énergie qui peut subsister après la disparition du corps physique en s’appuyant sur l’âme qui possède le pouvoir de le faire durer[6]. Il est le siège des facultés sensibles. Par lui, l’âme rend le corps sensible à la vision, à l’audition, etc., même après la disparition du corps physique.

Cette distinction entre deux corps faits de matière, s’emboîtant l’un dans l’autre à la manière de poupées russes semble être seule capable de rendre raison de la survie hors du corps physique décédé d’un double matériel, doté des facultés sensibles.

 

Solution 1: La science moderne n’a pour le moment aucun moyen expérimental de visualiser l’existence et la survie de l’âme dans son lien avec un corps psychique. Pourtant, rien ne s’oppose scientifiquement à ce qu’un état de la matière, différent dans ses propriétés de ce qui est connu, puisse exister. Il paraîtrait incroyable à un homme du XVIIIème siècle qu’il puisse exister des ondes capables de porter le signal de la radio. Il en est sans doute de même pour nous vis-à-vis du corps astral.

L’objection soulevée par saint Augustin porte sur la possibilité de survie de ce corps fait de matière psychique alors que son support physique, le corps physique et le cerveau, a cessé d’exister. On peut expliquer cette survie de la manière suivante. Il existe une grande distance entre les facultés spirituelles (intelligence et volonté) et les corps physiques composés d’atome. Mais rien n’empêche que la distance soit moindre entre ce même esprit et un état subtil de la matière, à tel point que l’esprit, par ses propres forces, ait le pouvoir de le garder vivant sans l’aide du corps physique.  

Solution 2: Le domaine de la matière psychique semble être digne de recherche au plan de la science physique. Il ouvre des perspectives sur un nouvel état de la matière dont les propriétés ne nous sont connues que par des accumulations de témoignages concordants et certaines expériences sur les particules élémentaires. C’est tout le domaine du cerveau, qu’il soit humain ou animal qui s’en trouvera probablement éclairé.  

Solution 3: L’expérience montre effectivement que l’organe du psychisme (sensations, imagination, mémoire, passions et estimative) est le cerveau. Mais un autre genre d’expérience, tout aussi crédible montre que, après l’arrêt complet de l’activité du cerveau, ces facultés s’épanouissent dans un nouvel exercice plus performant. De nouvelles sensations apparaissent (couleurs inconnues par exemple) et de nouvelles facultés se manifestent (lecture directe des pensées de l’autre, etc.) Certains pensent que ces témoignages relèvent du rêve, ce qui est contredit, nous l’avons montré, par le fait que c’est la réalité elle-même, de manière objective, qui informe le sens et non une série d’images immanentes au sujet. Le réel étant le maître du philosophe, il est nécessaire de sortir de ce qui est simplement logique pour expliquer ce qui est vrai. 

Solution 4: En perdant son corps physique qui est une partie de lui-même, l’âme humaine garde la racine des facultés végétatives mais perd totalement leur exercice qui est purement physique. Par contre, elle garde ce qui est essentiel dans l’organe des facultés psychiques à savoir la matière subtile qui est leur support réel, le cerveau n’étant semble-t-il que le support dispositif à leur naissance et à leur épanouissement.


[1] Commentaire de Qohelet, chap. 19;

[2] Métaphysique, chap. 3 n° 5;

[3] De anima, chap. 2;

[4] De l’esprit et de l’âme, Chap. 15;

[5] Commentaire dulivre de Qohelet, Chap. 16;

[6] Pour les anciens Egyptiens, la survie du Bâ (esprit) et du Kha (corps double psychique) est dépendante de la survie de la momie du corps physique.

OBJECTIONS SUR LE FORUM

 

Article 2: Les actes des puissances sensibles demeurent-ils dans l’âme séparée? 

Objection 1: Ce qui exige l’union de l’âme et du corps ne saurait demeurer dans l’âme séparée. Or, toutes les opérations des puissances sensibles exigent cette union, puisque toutes exercent leur activité par l’entremise d’un organe corporel. Cette activité doit donc être refusée à l’âme séparée. 

Objection 2: Aristote dit que «le corps ayant disparu, l’âme n’a plus ni souvenir ni amour. »[147] Et il en va de même pour tous les actes des puissances sensibles. 

Objection 3: Parmi les actes des facultés sensibles, certains sont indissociables du corps physique comme les activités liées à la reproduction et à la nutrition. Donc ces actes là au moins disparaissent. 

Objection 4: L’âme sent au moyen du corps car cet acte est non celui de l’âme elle-même, mais du composé auquel elle donne le pouvoir de sentir. C’est ainsi que l’on dit que la chaleur chauffe. En l’absence du corps physique, l’âme ne peut donc plus avoir de sensation. Cela paraît pour le moins évident pour le sens du toucher. 

Objection 5: Si par l’amour, la joie, la tristesse, etc. on entend des passions de la sensibilité, elles ne sont pas dans l’âme séparée, puisque, par définition, elles supposent un mouvement du cœur et de l’organisme. Si l’on entend des actes de la volonté, faculté intellectuelle, elles sont dans l’âme séparée; c’est ainsi que le plaisir qui, en un sens, est une passion de la sensibilité, comporte un autre sens suivant lequel Aristote l’attribue à Dieu qui, dit-il, «jouit toujours d’un plaisir unique et simple». 

Objection 6: Le mot mémoire peut désigner deux choses: une puissance de la sensibilité, selon qu’elle a pour objet les images sensibles du temps passé. Cette mémoire fait défaut à l’âme séparée; c’est en ce sens qu’Aristote dit: «Le corps disparu, l’âme n’a plus le sou­venir. »[148] Il peut désigner encore «une partie de l’image»des choses spirituelles dans la partie intellectuelle de l’âme; car elle fait abstraction de toute différence de temps et a pour objet l’intelligible, au delà du présent et du futur aussi bien que du passé. Cette mémoire persiste dans l’âme séparée.

 

Cependant: Saint Augustin, se référant à l’expérience de la mort approchée, reconnaît que ces personnes ravies hors de leurs sens corps, possèdent «une certaine ressemblance de leur corps », par laquelle elles peuvent être emportées vers des lieux corporels et éprouver quelque chose de semblable aux images des sens. Or, on ne peut comprendre que l’âme ait «une ressemblance de son corps », sinon parce qu’elle la voit.

Augustin affirme encore: «L’âme séparée du corps jouit ou souffre, selon qu’elle l’a mérité, de ces choses»[149], à savoir, l’ima­gination, l’appétit concupiscible et irascible, qui sont des puissances sensibles. « Ce n’est pas le corps qui éprouve la sen­sation, mais l’âme. »[150]Il dit encore un peu avant: «Il y a cepen­dant certaines choses que l’âme ressent par elle-même, indépendamment du corps, comme la crainte, etc.» Elle peut donc aussi les ressentir, séparée du corps.

 

Conclusion: La solution de cette question découle de la précédente. Si l’âme séparée du corps physique garde un corps fait de matière psychique, siège de toutes les facultés sensibles, il en garde aussi tout naturellement les actes.

Plusieurs différences sont cependant relevées dans les témoignages entre les actes sensibles d’ici-bas et ceux de l’heure de la mort:

1) D’abord, il semble que l’exercice des actes est beaucoup plus facile qu’ici-bas. La raison en est de la subtilité et de la légèreté de la matière psychique, beaucoup plus aisément soumise aux commandements de la volonté que la matière physique du cerveau. C’est pourquoi aussi les handicaps n’existent plus. « Les aveugles voient et les boiteux marchent.» C’est que le corps physique a disparu, laissant place à son double qui semble non vulnérable.

2) Ensuite, les facultés semblent beaucoup plus riches et diversifiées: sensations nouvelles, capacité à se déplacer à volonté et de manière immédiate dans divers lieux, télépathie, etc. Libéré du poids de la matière physique, il semble que le psychisme a plus de facilité à exprimer ses nombreuses potentialités cachées.

La raison de cette nouvelle liberté du psychisme est, nous l’avons montré, ordonnée au choix qui accompagne l’heure de la mort. La disparition du poids du corps physique entraîne une parfaite libération des facultés sensibles des conséquences du péché originel. La connaissance et le choix de l’homme redeviennent donc parfaitement humains, délivrés de tout ce qui en diminuait provisoirement la liberté.

 

Solution 1: L’organe corporel des facultés sensible demeure, nous l’avons montré. Le corps psychique, né du corps physique, possède une vie propre qui s’appuie sur sa proximité avec l’esprit qui le fait subsister après la mort. 

Solution 2: Dieu qui a créé la matière a su remédier à ce qui aurait constitué un inconvénient majeur pour l’homme et son salut. En effet, si l’homme devait perdre tout ce qui a d’une certaine manière un rapport avec son psychisme après la mort, il perdrait du même coup toutes ces informations qui font la matière de la connaissance humaine et qui le distingue des purs esprits que sont les anges. Il perdrait le souvenir des visages, les émotions et, chose plus grave pour le choix de son éternité, les souvenirs des circonstances sensibles de tous ses actes bons ou de tous ses péchés. Cela constituerait une amputation certaine et même une rupture dommageable au salut. Dieu permet donc que l’homme soit arraché à cette vie par la perte d’une partie de lui-même (son corps physique) sans que cela n’affecte l’essentiel de lui-même, à savoir l’exercice spirituel et sensible de son esprit.  

Solution 3: Nous concédons cette objection. Parmi les actes sensibles, certains s’exercent au service de la vie de l’esprit et d’autres au service de la vie du corps. La raison en est que la vie sensible est intermédiaire et au service de la vie végétative et de la vie spirituelle. Le corps physique ayant disparu, le désir sexuel et l’instinct de nutrition qui sont essentiellement liés au corps disparaissent dans leur acte mais non dans leur racine, c’est-à-dire dans les potentialités de l’âme.  

Solution 4: Le sens du toucher ne peut plus s’exercer sur la matière physique, le corps physique ayant disparu. Mais rien n’empêche qu’il s’exerce sur la matière dont est composé le corps psychique, à savoir sur cette «matière psychique »dont nous avons déjà parlé. Cet état de la matière, encore scientifiquement inconnu, est probablement présent partout, de même que partout où se trouve la matière physique se trouve le rayonnement atomique. C’est donc une nouvelle face du monde qu’atteint l’âme dans sa séparation du corps physique.  

Solution 5: En sens contraire, nous pouvons affirmer que ce sont des vraies sensations et non une métaphore de sensations qui demeurent après la mort. 

Solution 6: La mémoire sensible demeure dans l’âme séparée. L’intelligence n’est donc aucunement privée des images acquises durant la vie terrestre. En vue du choix, les souvenirs apparemment oubliés et cependant enfouis dans la mémoire peuvent reparaître de manière entièrement limpide. Ils sont utilisés par les révélations qui accompagnent la mort.   

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Article 3: Les souvenirs de la vie terrestre passée demeurent-ils? 

Objection 1:     Cela ne parait pas possible. Les souvenirs sont dans la mémoire sensible et peuvent disparaître dès cette vie comme on le voit chez les personnes âgées. Il parait donc évident qu’ils disparaissent complètement avec la destruction totale de la mémoire. 

Objection 2: Si l’âme est en état de péché mortel, c’est qu’elle se considère elle-même comme sa fin ultime. Au contraire, si elle a répondu à la grâce de Dieu proposée jusque dans les derniers moments précédant la séparation d’avec le corps, elle est justifiée et peut être sauvée. Il n’est donc pas nécessaire que soient rappelées après la mort ou à l’heure du jugement dernier chacune les circonstances de la vie humaine. Un tel rappel est par contre nécessaire dans le moment de la mort et après la résurrection des corps, lors du jugement général de l’humanité où chaque action sera révélée à tous.  

Cependant: On doit affirmer que tous les faits de la vie humaine dans leurs moindres détails sensibles doivent subsister pour le jugement dernier. Car la bonté ou la malice de nos actes peut être conditionnée ou même parfois déterminée par de telles circonstances. Or un juge juste ne peut prononcer une sentence que s’il connaît parfaitement l’acte qu’il a commis.

Conclusion: De même que le jugement humain s’appuie sur le témoignage extérieur, de même le jugement divin porte sur le témoignage de la conscience, selon ce verset du livre des rois: «l’homme voit les choses qui paraissent au dehors tandis que Dieu voit l’intérieur du cœur »[151]. Mais on ne peut porter un jugement parfait sur quelqu’un que si les témoins ont déposé au sujet de tous les faits qui doivent être jugés. Il faut donc, puisque le jugement personnel a lieu après la séparation de l’âme et du corps, que la conscience de celui qui est jugé garde mémoire de toutes les choses sur lequel il doit porter. C’est pour cette raison que Dieu permet qu’aucun des souvenirs de la vie terrestre ne puisse disparaître.

Au sujet de la connaissance et des souvenirs, il faut considérer ce qui en eux dépend d’une faculté corporelle comme la mémoire sensible et l’imagination et ce qui dépend de la seule intelligence. Comme nous l’avons montré dans la première partie, les habitus des sciences acquises durant la vie terrestre ont leur siège est l’intelligence; mais le mode d’exercice de ces habitus se fait par le recours aux images. C’est donc ces deux mémoires qui doivent subsister afin que la science acquise demeure tout entière et non seulement dans ses principes généraux.

Ainsi, après la mort, l’âme humaine garde d’une manière naturelle ce qui est la substance même de la vie morale et qui trouve son siège dans les facultés spirituelles: les volontés, les intentions et les choix qui ont dirigé la vie humaine ainsi que la connaissance des biens qui ont été poursuivis. De même, elle garde d’une manière plénière les souvenirs des circonstances sensibles particulières de la vie terrestre, qui étaient gardés dans la mémoire sensible et dans l’imagination comme par exemple le souvenir des lieux géographiques, des formes de visages, des sons de voix.

 

Solution 1: L’homme ne possède pas seulement une mémoire spirituelle mais aussi une mémoire sensible dont le siège est le psychisme et qui coopère de manière essentielle à la connaissance humaine, qu’elle soit spéculative et pratique. Après la mort, les souvenirs de la mémoire sensible demeurent donc comme on l’a dit, ainsi que la mémoire spirituelle qui est essentielle à la subsistance de la personnalité morale. La raison en est que le jugement dernier et la sentence définitive du juge porte non seulement sur l’intention radicale qui finalise l’âme alors qu’elle entre dans la mort, (à savoir l’amour égoïste ou l’amour de charité) mais aussi sur les circonstances de ses actes qui ont participé à leur bonté ou à leur perversion. 

Solution 2: Il est essentiel que la vie spirituelle de l’homme reste elle-même non seulement à l’heure du choix (l’heure de la mort), mais aussi quand il vit de ce choix (après la mort.) Dieu respecte la liberté du choix définitif de ses créatures en ne permettant pas que l’homme subisse une quelconque diminution. Ce n’était pas le cas durant la vie terrestre dont la finalité était une préparation progressive au choix par la croissance de la maturité et de l’humilité.

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Article 4: Comment s’exerce l’acte de l’intelligence dans l’âme séparée? 

Objection 1: Il semble que l’intelligence séparée connaisse les réalités par simple intuition de leur essence et non de la même manière qu’ici-bas, par abstraction à partir des images. En effet, le mode de connaissance propre aux anges lui est nécessaire sous peine de ne pouvoir connaître les réalités séparées des corps comme Dieu.  

Objection 2: Les anges sont de purs esprits, de nature supérieure à l’homme. Ils ne peuvent pas être vus à travers une image sensible de leur essence. Dans cette hypothèse, la connaissance qui en résulterait serait à la fois mensongère (puisque les anges n’ont pas de corps) et insuffisante, puisque aucune image créée ne peut être adéquate à la perfection spirituelle de leur nature.  

Objection 3: Après la mort l’intelligence subsiste et a donc un mode d’exercice bien différent puisqu’elle est appelée à voir, dans leur essence, les réalités immatérielles comme Dieu. Il lui convient alors de connaître en se tournant vers ce qui est de soi intelligible, de la même manière que les substances séparées. Dieu infuse à l’âme des espèces de la même manière qu’il le fait pour les anges. L’âme y a part quoique sous un mode moins élevé. Par l’intermédiaire de ces espèces, elle connaît ce qui lui est nécessaire d’une manière intuitive et directe. Cette connaissance dépasse en qualité et en sûreté ce qui existe sur terre tant à cause de la supériorité de la lumière divine qu’à cause de l’absence de possibilité d’erreur issue des phantasmes de l’imagination. 

Objection 4: Ici-bas, c’est parce que l’intellect agent extrait l’intelligibilité à partir des images sensibles des choses que la connaissance est si fragile et soumise au risque d’erreurs. En effet, les images sont trompeuses. La méchanceté n’est pas inscrite sur les visages, de même que la quiddité n’apparaît pas de manière évidente dans l’image des choses. Ce mode de connaissance paraît donc indigne de l’autre monde.  

Cependant: Le propre de l’intelligence humaine, c’est de connaître les réalités spirituelles à partir de leur image sensible. Elle n’est pas de la même nature que l’intelligence angélique qui, n’étant pas naturellement unie à un corps, connaît directement les essences des choses à l’aide de formes intelligibles infusées au moment de leur création. Or Dieu meut chaque nature selon son mode propre. Donc l’intelligence humaine connaîtra toujours en s’appuyant sur les images.

 

Cependant: Le propre de l’intelligence humaine, c’est de connaître les réalités spirituelles à partir de leur image sensible. Elle n’est pas de la même nature que l’intelligence angélique qui, n’étant pas naturellement unie à un corps, connaît directement les essences des choses à l’aide de formes intelligibles infusées au moment de leur création. Or Dieu meut chaque nature selon son mode propre. Donc l’intelligence humaine connaîtra toujours en s’appuyant sur les images.

 

Conclusion: Nous avons montré qu’à l’heure de la mort comme après la mort, l’âme conserve la partie sensible d’elle-même. L’acte d’intelligence s’exerce donc en ayant recours aux images. Mais la connaissance humaine peut se porter sur deux sortes d’objets. Certains lui sont par nature inférieurs comme les réalités matérielles. D’autres lui sont supérieurs comme les esprits, les anges et surtout Dieu.

1) En ce qui concerne la connaissance des réalités matérielles, certains théologiens dont saint Thomas d’Aquin, ont suggéré que l’intelligence humaine dans l’autre monde reçoit directement de Dieu des espèces intelligibles de la même universalité que celles qui sont données aux anges. Mais s’il en était ainsi, elle n’obtiendrait pas par ce moyen une connaissance parfaite des réalités parce qu’elle n’a pas autant de capacité intellectuelle que les anges. Sa connaissance serait seulement générale et confuse. C’est ce qui se voit en quelque façon chez les enfants: ceux en effet qui ont une intelligence plus faible, ne pénètrent parfaitement les conceptions universelles des intelligences plus vigoureuses que si on leur explique en détail. Or il est évident que, parmi les substances individuelles, les âmes humaines sont, dans l’ordre de la nature au degré le plus bas.

C’est pourquoi il faut parler autrement. La limite de la connaissance humaine ici-bas vient à la fois à la fois du fonctionnement pesant de l’organe du cerveau et de l’obscurité des images des choses, qui ne sont qu’un pâle reflet de l’extérieur de la réalité. Dans l’autre monde, ces deux limites disparaissent.

D’abord, l’intelligence acquiert une nouvelle facilité d’exercice puisque les organes du psychisme, qui participent à son exercice, tout en subsistant, sont rendus plus subtiles et légers. Le corps psychique à la particularité d’être entièrement soumis à l’âme qui le fait subsister sans que le poids de la matière moléculaire du cerveau vienne en ralentir l’exercice. D’autre part, les images des choses deviennent beaucoup plus lumineuses, allant jusqu’à révéler la nature intime des réalités matérielles. Le sens devient absolument adapté à la perception de la matière selon toutes ses dimensions, au point de pénétrer sa structure intime. Ainsi, la connaissance humaine est perfectionnée au point que, sans quitter son exercice naturel, elle devient capable de pénétrer par elle-même l’essence des réalités matérielles, avec simplicité et sans erreur.

2) En ce qui concerne la connaissance des réalités spirituelles, il faut parler différemment selon que l’on parle des créatures ou du Créateur.

Lorsqu’il s’agit des créatures, hommes ou anges, les témoins d’une expérience de mort approchée décrivent dans le détail une surélévation de la connaissance qui reste tout à fait semblable, quant à son mode de fonctionnement, à celle d’ici-bas. Ils racontent que la vision de l’être de lumière (le Christ, un ange ?) comme celle des proches décédés se fait à travers une perception sensible. Ils voient avec leurs yeux matériels un corps de lumière dans le premier cas et un corps psychique semblable au leur dans le deuxième cas. Mais ces corps ont la particularité de ne pas cacher l’intériorité spirituelle. Bien au contraire, à travers ce corps, ils obtiennent de manière immédiate et intuitive la connaissance de la nature et des pensées actuelles de l’être à qui ils sont confrontés. C’est ce que nous avons appelé la vision du corps glorieux[1]. En effet, le corps sensible, tout en jouant son rôle habituel de médium pour la connaissance de l’intelligible, n’est plus un obstacle mais un support parfait d’où l’intellect agent peut extraire sans perte essentielle l’intelligibilité spirituelle. Il permet d’entrer dans l’intimité de la personne à qui appartient ce corps.

Par contre, lorsqu’on parle de la vision du Créateur, au moins de cette vision directe et face à face que nous appelons vision béatifique, on doit reconnaître qu’aucune image sensible ne peut permettre à l’homme d’en connaître l’intelligibilité. Dieu se fait donc, sans aucun intermédiaire créé, l’objet de l’intelligence. Il s’agit d’un mode nouveau de connaissance où l’intellect agent n’a pas de place, comme nous l’avons montré.[2]

 

Solution 1: Ce qui rend cette question difficile, c’est d’abord la constatation des limites de la forme de connaissance par abstraction des images, telle que nous l’expérimentons ici-bas. Mais on doit répondre que ce n’est pas ce mode de connaissance qui est limité. C’est son exercice tant à cause de la faiblesse de notre intellect agent que de l’obscurité des images. Ces obstacles étant levés, la connaissance humaine peut atteindre, selon la mesure de chacun, son objet, à savoir une adéquation au réel délivrée de l’erreur à la réalité.

L’autre difficulté vient du fait qu’il n’existe pas que des réalités unies à des corps. Dieu en particulier ne peut être connus de cette manière. Cependant, nous avons montré qu’à l’heure de la mort, une image sensible de Dieu communiquée à l’âme par l’intermédiaire de la Parousie du Christ ou d’un ange, suffit à fonder un choix qui engage l’éternité. Qu’un tel choix définitif et sans erreur soit possible pour la volonté alors qu’elle s’appuie sur une connaissance intellectuelle extraite par l’intellect agent de l’image contemplée, montre le haut degré de perfection de cette connaissance. Quand il s’agira de voir l’essence de Dieu face à face, il en sera tout autrement comme nous l’avons dit.

 

Solution 2: Pour communiquer avec les hommes, les anges disposent de deux moyens. Ils ont le pouvoir de façonner pour nous une image rayonnante quoique sensible de leur nature spirituelle, si parfaitement adaptée à notre nature sensible qu’elle permet à notre intellect agent de connaître avec une grande perfection leur essence supérieure. L’intellect agent de l’homme est capable d’en extraire la quiddité et ce mode de connaissance lui est à la fois naturel et performant. D’autre part, les anges ont le pouvoir de communiquer directement dans l’intellect passif de l’homme des concepts, de la même manière qu’ils procèdent entre eux pour communiquer. Mais ce deuxième type de connaissance, très supérieur à la capacité naturelle de l’intelligence humaine, est pour nous source d’une connaissance moins parfaite car elle est moins adaptée à notre nature. C’est de ces deux manières, semble-t-il, que procède l’ange de la mort par la manifestation d’un corps de lumière. Et elles sont suffisantes pour donner, sans erreur, une connaissance de ce qui est utile au choix de l’âme. 

Solution 3: Nous l’avons dit, ce mode de connaissance par infusion directe des concepts dans l’intelligence est possible mais insuffisant pour une connaissance parfaite adaptée à l’homme. C’est pourquoi elle est portée et accompagnée par une connaissance sensible et abstractive. 

Solution 4: Sur terre, les images sont trompeuses car Dieu a voulu que les corps ne livrent que la partie superficielle de leur rayonnement sensible. Il a permis ce secret des choses dans le but unique de soumettre l’homme à l’expérience de la faiblesse de sa nature. C’est une première école dont le but est l’acquisition, si ce n’est de l’amour, au moins de l’humilité. Dans l’autre monde, il n’en est plus ainsi. L’heure du choix libre étant arrivée, le visage des méchants comme des bons manifeste à nu l’état de leur âme. La vérité et la bonté ne sont plus séparés de la beauté. Il est impossible de dissimuler. Les corps physiques rayonnent de la structure de leur organisation. C’est pourquoi la connaissance à partir des images ne laisse plus de place à l’erreur.


[1] Voir la question précédente, article 8 ou la Parousie du corps glorieux du Christ est décrite.

[2] Question 2, article 1;

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Article 5: Comment s’exerce l’acte de la volonté dans l’âme séparée? 

Objection 1: Il ne semble pas qu’elle s’exerce en restant immuablement fixée sur l’objet de son élection car le libre arbitre est une propriété de la volonté qui ne peut disparaître de cette manière après la mort.

 

Objection 2: On prétend que la volonté reste fixée sur son objet à cause de l’infaillibilité de l’intelligence qui lui présente le bien et le mal. Or l’intelligence, même après la mort, peut se tromper puisqu’elle peut conduire l’âme à se séparer de Dieu. Il doit donc être possible que, se rendant compte de son erreur, elle revienne en arrière.

 

Cependant: La volonté est l’appétit intellectuel. Elle suit le mode d’exercice de l’intelligence. Si donc l’intelligence lui présente d’une manière parfaite et limpide un bien, elle s’y porte d’un seul coup et ne revient pas sur son choix.

 

Conclusion: Après la mort, la volonté de l’homme se porte vers son objet d’une manière entière et définitive. La cause de cette stabilité, il faut la prendre dans la condition de l’état qui suit la séparation d’avec le corps physique. L’intelligence appréhende infailliblement son objet à la manière dont nous saisissons tout de suite les premiers principes et en avons l’intuition. La connaissance est parfaitement adaptée à l’homme. Elle devient limpide et dénuée d’erreur sur le bien et le mal. La volonté, quant à elle, se comporte par rapport à l’intelligence qui la meut comme le mobile par rapport au moteur. Elle suit donc l’intelligence et se porte immuablement vers ce qu’elle lui présente comme un bien de la même façon que celle-ci adhère immuablement au vrai. Si donc nous considérons l’âme séparée avant son adhésion, elle peut librement se fixer sur tel objet ou son contraire (sauf s’il s’agit d’objets voulus naturellement comme le bonheur); mais après cette adhésion, elle se fixe définitivement sur l’objet de son choix. De là vient que l’on a coutume de dire que le libre arbitre de l’homme, tant qu’il est sur la terre, est capable de se porter sur des objets opposés aussi bien avant l’élection qu’après; Tandis que le libre arbitre de l’homme après sa mort est capable de se porter vers des objets opposés avant l’élection mais pas après.

 

Solution 1: C’est en pleine liberté que la volonté se porte sur son objet et ne varie plus. Elle ne veut plus revenir sur son choix à cause de la parfaite connaissance du bien qui l’a orienté et qui ne peut, à cause de sa perfection, varier au cours du temps. Si la volonté humaine varie dans ses choix tant qu’elle est soumise aux conditions terrestres, c’est à cause de la connaissance de notre intelligence liée aux sens, qui est progressive et mobile, ouverte vers les contraires.  

Solution 2: Quand l’âme choisit de se séparer de Dieu, elle le fait à cause d’un certain bien qui lui parait suffisamment absolu pour relativiser le mal des peines de l’enfer. Ce bien est l’exaltation de soi. Une telle détermination de l’intelligence est suffisamment lucide et sûre pour ne pas varier en enfer, d’où l’obstination des damnés et l’éternité de l’enfer.

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Article 6: L’âme séparée peut-elle entrer en contact avec une autre âme séparée ou avec un ange?  

Objection 1: L’homme est par nature un être sensible. Il ne peut donc communiquer qu’à travers des signes sensibles comme le langage articulé. Après la mort, il n’y aura plus de langage articulé puisque le corps physique aura disparu. Donc il sera impossible de communiquer avec les autres.  

Objection 2: Il y a deux sortes de langage: le langage intérieur par lequel on se parle à soi-même, et le langage extérieur par lequel on parle à un autre. Mais le langage extérieur se fait au moyen d’un signe sensible comme la parole, le geste ou à l’aide d’un membre corporel comme la langue ou le doigt: toutes choses qui ne peuvent convenir à une âme séparée.  

Objection 3: L’ange est d’une nature intellectuelle supérieure à l’âme séparée. Il conçoit des pensées d’une intelligibilité supérieure que l’âme humaine ne peut saisir à cause de sa faiblesse. On doit donc dire que les anges ne peuvent communiquer avec les âmes séparées.

 

Cependant: Le jugement individuel de l’âme a lieu après la séparation de l’âme et du corps. Or ce sera un jugement public. Il est nécessaire que l’âme puisse entrer en contact avec ses accusateurs, ses défenseurs et ses juges. Donc une âme peut communiquer avec d’autres âmes.

 

Conclusion: Après la séparation de l’âme et du corps physique, l’intelligence humaine s’exerce son mode habituel mais avec une nouvelle perfection grâce à l’extrême agilité et légèreté du corps psychique qui lui reste uni. Elle trouve donc son exercice parfait et découvre à quel point l’état terrestre était handicapant. C’est ce que pourrait signifier le mythe de la caverne de Platon.

Or quand un homme ici-bas veut communiquer avec un autre, il le fait selon le mode de son intelligence, c’est-à-dire qu’il manifeste par les signes sensibles que sont les mots et le langage articulé, le concept mental qu’il porte en lui. Il doit convertir sa pensée sous forme d’une élocution et il appartient à l’autre de convertir à nouveau cette élocution en un contenu conceptuel.

Dans l’au-delà, un tel langage sera possible puisque l’intelligence sera liée à son corps psychique. Il ne sera plus nécessaire puisque le langage pourra avoir un nouvel exercice bien supérieur. Nous avons dit en effet que le corps psychique a la propriété d’être lumineux en ce sens qu’il ne constitue plus un obstacle entre l’intériorité de l’être et celui qui le voit. Il y aura donc un langage nouveau, propre à l’homme transporté dans l’autre réalité et très original. Il suffira de regarder le corps de l’autre pour comprendre son intériorité et la pensée qu’il voudra communiquer. Si une âme, par sa volonté, ordonne son concept mental en vue de le manifester à une autre âme, aussitôt cette dernière en prendra connaissance en lisant le visage lumineux de l’autre: De cette manière, l’âme pourra parler à une autre âme. Car parler à autrui, ce n’est pas autre chose que lui manifester sa propre pensée. Le langage sera universel puisqu’il ne passera pas comme ici-bas par des signes conventionnels. D’autre part, il sera parfait puisque les «mots »employés seront les concepts eux-mêmes. Chacun pourra exprimer ses pensées sans être trahi par les mots.

 

Solution 1: Il convient que l’intelligence humaine s’exprime par l’intermédiaire de signes venant du corps à cause de l’opacité du corps ici-bas. Cependant, cet état de la matière n’est que provisoire et lié à la «vallée de larmes » où l’homme est en apprentissage. Cependant, par nature, le corps peut prendre d’autre mode de fonctionnement comme on le voit à l’heure de la mort où seule sa partie psychique demeure et à la résurrection où le corps physique palpable sera rendu.  

Solution 2: Le langage extérieur qui se fait par la voix ne nous est nécessaire qu’à cause de l’obstacle du corps actuellement non "lumineux". C’est pourquoi il ne convient ni aux anges ni aux âmes séparées qui ne connaissent que le langage intérieur. Or ce langage ne consiste pas seulement à se parler à soi-même en formant un concept, mais aussi à ordonner, par le moyen de la volonté pour les anges et de la sensibilité pour les hommes, le concept en vue de le manifester à un autre. Ainsi, ce n’est que par métaphore qu’on parle de la langue des purs esprits pour signifier la puissance qu’ils ont de manifester leur pensée.  

Solution 3: L’ange a la capacité d’adapter les concepts intelligibles qu’il conçoit à la portée de l’intelligence à qui il les communique, de la même manière que le professeur dont la science est supérieure à celle de l’élève peut tout de même la lui communiquer progressivement. L’ange a reçu de Dieu une faculté de produire des images sensibles de ce qu’il veut communiquer aux hommes, comme on le voit dans les nombreuses apparitions relatées par la Bible. Il lui est donc tout à fait possible de communiquer avec les hommes.

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Article 7: L’âme séparée voit-elle les hommes qui sont sur la terre? 

Objection 1: Cela semble possible. L’âme humaine, lorsqu’elle est séparée du corps, devient comme un ange selon saint Marc[154]. Or les anges ont la capacité naturelle de savoir ce que font les hommes sur la terre, sans quoi ils ne pourraient être envoyés en mission auprès d’eux. Il doit en être de même pour les hommes.  

Objection 2: L’intelligence est faite pour connaître ce qui est. Si donc elle ne peut connaître ce qui se passe sur la terre après la mort, c’est qu’elle est frustrée de son objet. Or une telle frustration ne peut être naturelle car un être ne peut aspirer à une chose qui est hors de sa portée. Donc l’intelligence humaine peut voir ce qui se passe sur la terre.  

Objection 3: Les âmes qui sont au paradis voient les hommes puisqu’il est recommandé de leur adresser nos prières de demandes. Si elles leur étaient inconnues, de telles prières seraient inutiles ce qui est contraire à la foi.

 

Cependant: Job écrit à propos des morts: «Si ses fils honorés, il ne s’en rend pas compte.»[155] Donc l’âme séparée ne peut voir les hommes qui sont sur terre.

 

Conclusion: L’âme séparée du corps physique peut exercer l’acte des facultés sensibles puisque ces facultés demeurent, comme nous l’avons montré[156]. Elle peut donc de manière naturelle voir les hommes qui sont sur la terre, du moins si on entend par là la vision corporelle qui se fait avec les yeux. De plus, les témoins d’une mort approchée affirment que leurs sens s’exercent de manière plus performante. Ils ont accès de manière directe aux images présentes dans la pensée des hommes qui sont autours d’eux.

Cependant, une telle théorie semble contredire les diverses autorités de l’Ecriture comme les paroles de Job qui veulent décrire l’état des âmes justes conduites dans les limbes des patriarches. Elle contredit aussi les récits de ceux qui ont approché la mort et qui racontent passer dans une autre dimension séparée de la nôtre et ouverte par le passage dans un tunnel noir. Il semble donc qu’on doive affirmer que les âmes séparées ne peuvent voir les actions des hommes qui sont sur la terre, non par nature mais à cause d’une disposition de Dieu.

Pour le comprendre, il faut saisir la raison de la séparation entre le monde des morts et celui des vivants. Elle correspond à une volonté explicite de Dieu qui conduit par étape l’homme à la vision de sa lumière. Avant la mort, l’homme vit une première étape de purification dont la finalité commune pour tous est la découverte de sa propre misère. Pour se faire, le gouvernement de Dieu consiste à laisser l’homme dans les propres lois de son péché. Dieu se cache et ordonne à ceux qui sont avec lui de se cacher. Il n’intervient que très rarement et par exception de manière directe (miracles, apparitions, prophéties). La deuxième étape est la mort elle-même où Dieu révèle sa lumière. Mais tant que l’homme est encore en chemin, qu’il n’est pas entré dans la pleine lumière de la Vision, il lui est difficile de comprendre les raisons de cette séparation. Sa tendance naturelle consisterait plutôt à se montrer et à témoigner auprès des vivants de ce qu’il fait. En agissant ainsi, il compromettrait le plan de Dieu et nuirait dangereusement à la préparation spirituelle des hommes. C’est pourquoi le Seigneur interdit strictement la pratique de l’évocation des morts selon le Deutéronome: «On ne trouvera chez toi personne qui fasse passer au feu son fils ou sa fille, qui pratique divination, incantation, mantique ou magie, personne qui use de charmes, qui interroge les spectres et devins, qui invoque les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à Yahvé ton Dieu, et c’est à cause de ces abominations que Yahvé ton Dieu chasse ces nations devant toi.»

Après l’entrée de l’âme dans la vision, il en est tout autrement. Non seulement les saints voit en voyant Dieu tout ce qu’ils désirent, mais ils peuvent, à leur simple désir, se rendre sur terre auprès de chacun. Ils ont entière liberté pour cela car leur volonté est totalement une avec Dieu. S’ils prennent une quelconque initiative, elle ne peut qu’être celle de Dieu tant leur volonté est une avec celle de Dieu.

 

Solution 1: La nature intellectuelle de l’ange étant supérieure, elle peut recevoir de Dieu des espèces intelligibles suffisamment lumineuses pour connaître les choses en leur nature universelle et aussi en leur singularité. Il n’en est pas de même pour les âmes qui sont incapables de saisir les singuliers à travers des formes universelles. Elles doivent donc en recevoir la science à travers le sensible, ce qui leur est possible dans là mesure où elles restent unies à leurs sens après la mort. Etant séparées du monde des vivant, cette perception leur est interdite tant qu’elle n’ont pas achevé le chemin de leur purification. Cependant, les âmes des morts peuvent recevoir certaines nouvelles des vivants à travers des révélations constantes des esprits supérieurs et à chaque fois qu’une âme les rejoint en passant par la mort. Mais une telle connaissance est indirecte. Donc qui ne sont pas dans la Vision béatifique ne peuvent voir ce que les hommes font sur terre. 

Solution 2: Une faculté peut être empêchée d’atteindre son objet à cause d’un obstacle extérieur à elle-même. Ainsi l’aveugle ne peut voir les couleurs non à cause de l’absence de la faculté de voir qui existe réellement dans son âme mais à cause d’un obstacle dans l’instrument de la vision qui est l’œil. De même, après la mort, l’intelligence ne peut connaître ce qui se passe sur la terre à cause de la séparation provisoire que lui impose Dieu, pour le bien de sa purification. 

Solution 3: Les âmes glorifiées voient nos actions de trois manières: 1) A travers l’essence de Dieu qu’elles contemplent face à face et qui porte en elle tout ce qui est connaissable dans le monde; 2) D’autre part, elles reçoivent de la part des anges avec qui elles sont unies par la charité des révélations intimes et intuitives concernant le gouvernement de Dieu sur les habitants de la terre. 3) Enfin, elles peuvent se rendre elles-mêmes sur la terre et voir, de leurs yeux sensibles et par les sens intérieurs nos actions. Elles le font sans voyeurisme mais dans la même attitude intérieure que Dieu quand il nous voit, à cause de leur union totale à la sainteté de Dieu.

OBJECTIONS SUR LE FORUM

 

Article 8: Les âmes séparées peuvent-elles apparaître aux hommes?  

Objection 1: Cela semble confirmé par le témoignage de nombreux hommes dignes de foi qui prétendent avoir vu apparaître des âmes défuntes du purgatoire ou même des saints du Ciel, comme Jeanne D’Arc pour sainte Catherine ou encore des âmes de l’enfer, comme les enfants de Fatima. 

Objection 2: Dans le livre de Samuel, on voit le roi Saül évoquer l’esprit du prophète Samuel par le ministère d’une nécromancienne[157]: «Elle vit un spectre qui monte de la terre, il ressemblait à un vieillard drape dans un manteau.» Ceci semble prouver que les esprits des morts peuvent apparaître, au moins en s’appuyant sur la médiation d’un médium.  

Objection 3: Il serait inutile de prier les saints pour soi-même ou pour les autres s’ils ne pouvaient en aucune manière agir efficacement en retour. Or celui qui peut agir peut aussi apparaître, donc les âmes séparées peuvent apparaître aux hommes.  

Objection 4: Selon le Seigneur[158]: «Nous serons comme des anges.» Or les anges peuvent agir sur les hommes et leur apparaître en se façonnant un corps apparent. Donc les âmes séparées peuvent apparaître aux hommes.  

Objection 5: L’expérience montre que, en invoquant les esprits des morts par des méthodes spirites, on obtient des réponses par l’intermédiaire d’un langage codé ou encore d’apparitions fantomatiques.

 

Cependant: Le riche, plongé dans l’Hadès, supplie Abraham d’envoyer quelqu’un auprès de ses cinq frères vivants sur terre. Il n’aurait pas parlé ainsi s’il avait pu le faire lui-même. Donc les âmes séparées ne peuvent pas apparaître.

 

Conclusion: L’âme humaine séparée du corps physique ne peut apparaître aux hommes, du moins si elle s’appuie sur les seules forces de sa nature. La raison en est qu’elle est, parmi les natures spirituelles, la moins parfaite de toutes. Plus une nature spirituelle est parfaite, plus la connaissance qu’elle a des réalités est universelle et simple. Et c’est un principe dans toute la création que la capacité d’action suit l’universalité de la connaissance. Ainsi Dieu qui est l’essence de la perfection connaît toutes choses à travers un seul concept qui est sa propre essence. La puissance de son action est proportionnée à la perfection de son esprit: ainsi Dieu peut-il tout faire de ce qui est faisable. Les anges qui sont intermédiaires entre Dieu et les hommes connaissent par l’intermédiaire de diverses espèces intelligibles. Plus ils sont proches de Dieu par leur essence, plus leur connaissance naturelle se simplifie et s’approfondie. Par leur seule puissance intellectuelle, et sans nécessité de facultés de connaissances sensibles, ils sont capables de connaître tous les singuliers matériels. Aussi sont-ils par nature capables de mouvoir tous les corps matériels, par la seule puissance de leur esprit. Ils peuvent apparaître aux hommes en se façonnant des corps provisoires, comme on le voit dans le livre de Tobie à propos de l’ange Raphaël [159]: «Vous avez cru me voir manger; ce n’était qu’une apparence ». De même, les anges peuvent influencer les hommes soit en agissant sur l’organe de leur imagination, soit en mouvant de l’extérieur leur faculté motrice ce qui peut être vu dans les cas de possessions démoniaques.

L’homme enfin, qui est le plus faible des esprits ne connaît les réalités que progressivement, à travers ses sensations dont il abstrait l’intelligible. Sa connaissance part donc du singulier. De même, il est ordonné par nature à ne mouvoir qu’un seul corps qui est le sien. Il lui est impossible d’imprimer un mouvement à autre chose par la seule action de sa volonté. Tout mouvement local imprime à un autre corps passe par l’intermédiaire de son propre corps. Cet instrument peut être la main ou, plus rarement, un magnétisme émis par le psychisme comme on le voit chez ceux qui déplacent de minuscules objets à distance. Il s’agit d’une faculté très faible et exceptionnelle qui joue surtout dans le domaine des particules.

Après la mort, tout lien étant coupé avec son corps physique, l’âme devient par les seules forces de sa nature incapable de provoquer une action sur les corps physiques, sauf pour l’exception suivante: Etant encore unie à son corps psychique, elle garde semble-t-il tout de même un certain pouvoir de réaliser par elle-même quelques signes faibles et fragiles de sa présence. Elle ne peut donc se faire entendre ou apparaître par elle-même que de manière débile et inefficace (apparitions fantomatiques, impressions de froid). De même, étant incapable de savoir ce que font les hommes, comme on l’a montré précédemment, elle se trouve plongée dans un autre monde, selon saint Luc[160]: «Entre nous et vous, un grand abîme a été fixé, afin que ceux qui voudraient passer d’ici chez vous ne le puissent, et qu’on ne traverse pas non plus de là bas chez nous».

 

Solution l: Il peut arriver que des défunts apparaissent aux hommes, mais ces apparitions ne sont pas dues aux seules capacités de leur puissance naturelle. Elles sont provoquées par le ministère des anges qui les ordonnent au bien de l’homme: ainsi, la misère des âmes de l’enfer rappelle aux tièdes la gravité extrême du péché mortel; la détresse des âmes du purgatoire les invite à offrir leurs prières pour leur salut définitif; quant aux saints du paradis, ils peuvent apparaître à volonté puisqu’ils sont surélevés par la puissance de Dieu qui les rend plus puissants que les anges. Ils manifestent aux hommes la proximité de leur aide.  

Solution 2: A propos de cette apparition de Samuel, saint Augustin écrit[161]: «Il n’est pas déraisonnable de croire que, par une permission de Dieu, et par un ordre secret qui échappait à la pythonisse et à Saül, l’âme d’un juste, sans subir aucunement l’influence des artifices et de la puissance magique, ait pu se montrer aux regards du roi, qu’il devait frapper du jugement de Dieu. Ou bien, il faudrait penser que ce fut pas vraiment l’esprit de Samuel, arraché à son repos, mais un fantôme et une illusion imaginative, produite par les artifices diaboliques. La Sainte Ecriture lui donnerait alors le monde Samuel en suivant le procédé commun, qui consiste à donner le non des choses aux images qu’elles représentent»La plupart du temps, lors des séances de spiritisme, ce ne sont pas les morts qui apparaissent mais les démons qui trouvent par ce moyen un mode efficace d’accès à l’intelligence de l’homme naïf. Lorsqu’il s’agit des morts eux-mêmes, ce ne sont pas les âmes saintes du paradis qui réprouvent avec Dieu ces pratiques, mais les esprits errants et peu évolués de morts qui s’appuient sur le psychisme d’un médium ou du groupe. Dans ce cas, les messages sont à leur image, très mondains. 

Solution 3: Les âmes qui sont dans la vision de Dieu sont en quelque sorte une seule chose avec Dieu puisque leur volonté est parfaitement conforme à celle de Dieu. Elles ne veulent donc rien d’autre que ce que Dieu veut. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’apparaître aux vivants, elles sont revêtues de la puissance divine qui les en rend capables. Mais elles ne peuvent se rendre visibles sans cette aide de Dieu ou des anges, à la différence du Christ et de la Vierge Marie qui, étant unis à leur corps, peuvent apparaître par eux-mêmes.  

Solution 4: Dans l’au-delà, les âmes seront comme les anges en ce sens que leur esprit s’exercera de manière analogue en perfection et acuité à celle des anges mais non en ce qu’il aura la même puissance que le leur. C’est pourquoi, le fait que les anges puissent apparaître ne prouve pas que les hommes le puissent par eux-mêmes.  

Solution 5: La pratique de l’évocation des esprits est strictement interdite par le Seigneur[162]: «Celui qui s’adresse aux spectres et au devins, se prostituant à leur suite, je me tournerai vers cet homme là et je le retrancherai du milieu de son peuple». De même l’Église a renouvelé sans cesse ces interdictions. La raison en est que celui qui s’adonne à de telles pratiques en arrive immanquablement, à cause de la fascination que provoque sur lui l’enseignement des esprits, à perdre la foi en Dieu pour se tourner vers le culte des « dieux » de l’au-delà, ce que la Bible appelle se prostituer. Et il est certain que les esprits qui se manifestent aux spirites ne sont pas les bons anges puisque ces derniers suivent en tout les volontés de Dieu exprimées par l’Ecriture et l’Église et qui interdisent ces pratiques. Ce ne peut être que très faiblement les esprits des morts puisqu’ils sont pratiquement incapables par nature sans l’aide préalable de la puissance des anges ou de Dieu de se manifester clairement aux vivants. La plupart du temps, il s’agit donc de l’action des anges rebelles, c’est-à-dire des démons qui n’hésitent pas à se déguiser en prenant l’apparence des esprits des morts pour mieux nuire aux hommes. En effet, leur pouvoir sur nous est habituellement limité à celui de la tentation qui consiste à incliner nos penchants sensibles vers des actes mauvais. Dans le spiritisme, leur pouvoir atteint directement l’intelligence de l’homme qu’ils peuvent enseigner à volonté.


NOTE

[1] Cette deuxième partie a pour but d’établir le plus précisément possible ce que nous vivrons au terme de notre pèlerinage sur la terre. La mort (I) qui vient séparer notre âme de notre corps, nous laisse démunis et fragiles. C’est le moment que choisit le Christ pour nous montrer sa gloire. Nous voyons son Sacré Cœur (2), nous comprenons son amour et le pourquoi de notre vie terrestre. Nous sommes invités alors à choisir de l’aimer en retour et de renoncer pour toujours à toute forme d’égoïsme. Notre choix est libre et Jésus le respectera toujours(3.) Celui qui choisit, dans la logique de sa vie passée, de rejeter son Dieu(4), s’établit lui-même(5) en enfer(6); Celui qui se tourne vers son Sauveur reçoit la promesse d’entrer dans la vision béatifique (7.) S’il lui reste quelque attachement à lui-même, in s’en libèrera par l’amour assoiffé qui règne au purgatoire(8.)

(1) question 8; (2) question 8; (3) question I0; (4) question 11; (5) question 13 (6) Question 12 (7) questions 1 et ss; 20, 2I, 22, 23, 24. (8) questions 15, 16, 17.

[2] Jean 5, 29;

[3] Voir les questions sur la fin du monde, à la fin de ce traité.

[4] Précisons avec Balthasar «L’amour seul est digne de foi », Aubier-Montaigne 1966, p. 117, que si nous parlons ici du salut individuel de chacun, il ne s’agit pas de son salut «égoïste»: il suffit de contempler l’amour de Dieu révélé à la croix pour se rendre compte qu’il s’agirais là d’un contresens. Voir à ce sujet, «communion des saints », Communio 1988, 1;

[5] Le Nouveau Testament laisse une place importante à une eschatologie politique mais nul ne peut la comprendre qu’en discernant qu’elle est entièrement assumée, portée, finalisée par l’eschatologie de chaque personne. Notre plan montre que nous maintenons un passé, présent et futur dépendant du Christ déjà venu, qui se racontent comme un gigantesque drame centré sur l’évènement glorieux final qui révèlera à tous le sens du premier avènement douloureux.

[6] Apocalypse 3, 12.

[7] Bibliographie utile pour cette question:

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«Regards chrétiens sur l’au-delà »Médiaspaul, 1994

Voir aussi ses articles: «Le Père, Dieu en son Mystère »Paris, cerf, 1987, 3ème édition 1993, p. 238-249.

«Une réflexion sur la mort chrétienne », Vie Théssalonicien érèsienne, 1976, n° 64, 252-258.

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«La résurrection de Jésus, mystère du salut », lère éd. 1950, Cerf, Paris 248-253

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[8] Le mot «âme », en tant que porteur d’un aspect fondamental de l’espérance chrétienne, est donc considéré comme faisant partie du langage fondamental de la foi, ancré dans la prière de l’Église, et indispensable à une vraie communion dans la réalité de cette foi. Aussi les théologiens ne peuvent-ils pas en disposer à leur gré.

[9] Dans la Somme théologique, voir: âme. De l’âme en général. Ia Question 87 à 90.

[10] Voir Ecclésiastique, 3, 16-22. 10, 4-10.

[11] Genèse 3, l9.

[12] Voir aussi Job 14, 1-22.

[13] Bulle «Apostolici Reginimus » de Léon X, 1513.

[14] Voir Somme Théologique, Ia Question 75, a.2.

[15] Voir notre traité, Question 9 article 4.

[16] Commentaire littéral du livre de la Genèse, Chap. 32.

[17] La vie après la vie, docteur Moody, Romains bert Laffont, 1977 page 35.

[18] Voir docteur Kenneth King.

[19] Voir l’étude du bouddhisme tibétain.

[20] Luc 10, 27.

[21] 2 Corinthiens 12, 1-4.

[22] La Recherche, juin 1989, n° 21, p. 800-802

[23] Psaume 103.

[24] Genèse 3, 19.

[25] Josué 23, 14.

[26] Psaume 48, 7-15.

[27] Psaume 88, 49.

[28] Qohélet 1, 2 et 6, 6.

[29] Romains 7, 24.

[30] Romains 5, 12.

[31] Genèse 2, 17.

[32]Question 1, article 6.

[33] Question s 39, 40.

[34] Luc 17, 22.

[35] Genèse 4, 22.

[36] Luc 16, 24

[37] 2 Corinthiens 12, 7.

[38] 1 Corinthiens 15, 51.

[39] Théologie de l’au-delà, Fribourg Université, Suisse, 1980, p. 13.

[40] Jean 11, 25.

[41] Luc 12, 39.

[42] Du même coup, le problème de la mort apparente et de la mort réelle s’est posé.

[43] Bien que celle-ci ne puisse plus manifester l’exercice de ses capacités spirituelles au moyen du corps. Il faut aussi distinguer le cas de ces personnes avec d’autres dont on peut maintenir indéfiniment une apparence de vie qui, en fait, n’est plus qu’un fonctionnement mécanique des organes alimentés en oxygène et nourris par transfusion. Ils ne présentent plus d’unité vitale mais une simple juxtaposition de fonctions végétatives plus ou moins concordantes. Ce signe indique l’absence du principe vital unificateur.

[44] En 1966, l’Académie de Médecine a donne une nouvelle définition des signes de la mort certaine: si le trace électro-encéphalographique est rectiligne ce qui manifeste la disparition de tout courant électrique, dans l’état actuel de la science, on peut affirmer au bout de 48 heures que le sujet est mort.

[45] Voir Docteur Raymond MOODY, La vie après la vie, Paris, 1980. Voir aussi les études du Docteur Kübler-Romains ss sur les expériences de mort approchée (N. D. E. Near Death Experience.)

Ces considérations peuvent nous paraître assez étranges dans une analyse théologique, mais il n’est pas superflu d’en tirer une conclusion importante pour notre étude: le processus qui amène à la situation irréversible de la mort ne semble pas s’opérer instantanément. Son déroulement complexe et en partie mystérieux semble s’étendre sur une longueur de temps considérable, même s’il n’est plus mesurable selon nos catégories.

Si l’on veut conceVoir la mort comme la situation qui se détermine là où la vie se retire de l’organisme humain, on devra admettre que cela se fait, normalement, avec une certaine lenteur. Ces cas de réanimation, et peut-être un jour les cas des hibernés réveillés, montrent que celui qui revient à la vie a parcouru seulement une partie du tunnel qui est le processus de la mort, une partie qui parait déjà coïncider avec la mort, mais qui n’est pas la mort, puisque l’on peut justement en revenir. ceci nous montre la complexité du phénomène et le mystère qui l’entoure encore et qui ne sera pas dévoilé sur terre d’un point de vue médical, car on ne peut pas aVoir une expérience scientifique d’une situation dont on ne revient pas.

[46] Nous employons l’expression «l’homme»et non «l’âme»pour signifier que la séparation d’avec le corps n’est pas faite. C’est l’homme tout entier -corps et âme- qui vit ces évènements.

Dans une série d’études très remarquées et très discutées sur cette question, le cardinal Billot a donné au passage un très bel exposé de la théologie thomiste de l’Enfer. Prenant son point d’appui sur cette étude, Mgr Glorieux a soulevé un autre problème. Lorsqu’un pécheur paraît obstiné, si loin de Dieu qu’il semble comme virtuellement damné, ne doit-on pas penser qu’il y a encore pour lui la possibilité d’accueillir certaines grâces au moment de la mort? Du même coup, le problème de la mort apparente et de la mort réelle s’est posé. L’influence de la philosophie existentialiste a fait mieux comprendre comment l’homme, qui est esprit, se construit lui-même en ce sens que les options particulières qui jalonnent sa vie donne a celle-ci une orientation sans que pour autant celle-ci, surtout dans le mal, soit définitive. Finalement, le problème de l’éternité des peines a conduit à cet autre: peut-on être damné pour un péché mortel? La théologie du péché, la distinction entre les péchés, la purification du péché en cette vie ou dans l’autre vie sont aujourd’hui un problème théologique plus actuel que celui du feu de l’enfer ou de l’éternité des peines. L’homme, image de Dieu, est paru à la découverte de son âme, et de sa relation avec le créateur par la médiation de Jésus-Christ et de l’Église. L’eschatologie n’est pas un domaine séparé, on ne peut en traiter sans toucher à mille autres choses.

[47] Lettre à l’évêque de Tuscullum, 06 mars 1254.

[48] Luc 16, 31.

[49] Marc 16, 16.

[50] H-U von Balthasar, Théssalonicien éodramatik 4, ibid. 268-270. Les citations de ce texte sont tirés du commentaire de la première lettre de saint Jean par Adrienne von Speyr, alors que la note en bas de la page fait référence à Mechtilde de Magdehourg. La mystique du Moyen-Age y décrit comment le Père céleste s`approche d’une âme chargée de péchés et lui dit: «Ai-je seulement trouvé quelque chose de bien en toi?

[51] Isaïe 52, 10.

[52] Mathieu 24, 14.

[53] Journal de sœur Faustine, édition J. Hovine, p. 542.

[54] Concile de Trente, Décret sur La justification, Ch. 5.

[55] Idem Chapitre 6, «LA FOI CATHOLIQUE», p. 347.

[56] Voir par exemple: la constitution Benedictus Deus de benoît 12, FC page 511

[57] Voir ce qu’en dit saint Paul aux Romains.

[58] Voir la lettre d’Innocent IV à l’évêque de Tusculum (6 mars 1254), «LA FOI CATHOLIQUE»,. page 608. La solution de Saint Augustin qui consiste à admettre la damnation éternelle des païens qui, sans faute de leur part, meurent sans la grâce, des enfants morts sans baptême etc. ne peut être retenue car, tout en tenant compte de 1 et 2, elle ne tient pas compte de 3. De. même, la solution de Luther qui prétend que la foi seule suffit pour le salut ne peut être retenue car elle ne tient pas compte de la solution 6. Quant à la thèse de Calvin enseigne que Dieu prédestine certains à l’enfer, elle est indigne.

[59] L’OPTION AU MOMENT DE LA MORT

Diverses thèse concernant l’heure de la mort et l’orientation qui l’accompagne vers l’enfer ou le paradis ont été soutenues. Lorsqu’on parlera du jugement particulier, on reviendra sur la thèse de l’option définitive dans la mort qui a été émise par plusieurs théologiens (Glorieux, Boros.) Nous situons dans ce tableau les différentes possibilités que présentent les thèses suivantes à la question de l’option avant et après la mort:

 

THESE

 

 

 

AVANT LA MORT

 

 

HEURE DE LA MORT

C’est-à-dire avant la séparation de l’âme et du corps

«DANS »LA MORT, c’est-à-dire après la séparation du corps

CLASSIQUE

Option de la personne toujours imparfaite

 

Fixation de l’âme séparée du corps dans le péché mortel

BOROS, GLORIEUX

Option de la personne toujours imparfaite

 

Option de l’âme «délivrée »du corps

VITALINI

Option de la personne toujours imparfaite

 

Ratification définitive de la personne

NOTRE THESE

Option de la personne toujours imparfaite

Option de la personne liée à son corps mais délivrée du foyer du péché »et face à la gloire du Christ

APRES

Fixation de l’âme séparée du corps de manière volontaire et libre

 

 

LA THESE CLASSIQUE

Elle affirme que l’homme peut opter et toujours changer d’orientation pendant sa vie terrestre car ses choix restent toujours imparfaits, vue son inaptitude à saisir la plénitude du bien. Lorsque par la mort l’âme se sépare du corps, celle-ci reste fixée dans le dernier choix accompli pendant la vie terrestre et ne peut plus s’en séparer.

Difficultés de cette thèse: La doctrine classique peut nous laisser déconcertés lorsqu’elle affirme que l’âme est fixée dans le dernier choix accompli par l’homme pendant sa vie. Ce choix entraîne en effet des conséquences éternelles. il devrait donc être parfaitement lucide, ce qui n’est pas le cas sur terre. L’âme subirait donc un choix qu’elle n’aurait pas pleinement voulu? Cette thèse s’oppose aussi à la foi qui dit que le salut est explicitement proposé à tout homme durant sa vie.

 

LA THESE DE BOROS

Elle tâche donc d’éliminer cette contradiction en affirmant que le choix de l’homme, pour entraîner des conséquences éternelles, doit être parfaitement lucide, comme celui de l’ange.

On cite saint Jean Damascène: «La mort est tour les hommes ce que la chute est pour les anges» (De Fide orthodoxa, 2, 4.) Selon Boros c’est seulement dans la mort que l’âme humaine, délivrée de tout attachement secondaire et de toute distraction, peut accomplir l’option plénière pour ou contre l’Être et la Vérité. Cette thèse a été critiquée dans ce sens qu’elle réduirait l’importance des options terrestres pour privilégier une option dans la mort, dont l’Ecriture ne parle pas.

Difficultés de cette thèse: Négation de l’utilité de la vie terrestre, du corps. Contradiction avec la foi qui enseigne que le choix est définitif avant la mort.

 

THESE DE VITALINI

Elle veut à la fois tenir compte de la contradiction qui apparaît dans la thèse classique (choix imparfait pour une fixation éternelle) et des critiques contre la thèse plus moderne (minimisation des choix terrestres) pour soutenir que la personne humaine, c’est-à-dire son moi essentiel, débouchant par la mort sur l’Être qui est l’amour, ne se trouve pas par cette rencontre paralysée, mais qu’elle est encore en mesure de ratifier librement ses choix terrestres. Ceux-ci gardent donc tout leur sérieux et vont orienter la personne dans cette suprême ratification qui implique l’accueil ou le refus de l’amour.

Difficultés de cette thèse: Contradiction avec la foi qui enseigne que le choix est définitif avant la mort.

 

NOTRE THESE

Elle affirme que Dieu, après une phase de la vie terrestre ou le choix est imparfait tant à cause du manque de connaissance plénière que de l’état de faiblesse de la volonté, rend l’homme tout entier (et non seulement l’âme après la mort) capable d’une option libre absolument par la manifestation de l’Evangile et la libération du foyer du péché (Fomes peccati) au moment de la mort. Dans ce moment, l’homme est encore lié à son corps, il est donc capable de connaissance et de choix selon le mode humain lié au sensible, la connaissance de l’Evangile étant à la fois sensible et spirituelle dans la vision du Christ glorieux. D’autre part, l’homme opte librement et non nécessairement dans le sens des options de sa vie terrestre. Ceux-ci jouent le rôle d’un conditionnement de la liberté d’où le sérieux du rôle du passé dans l’orientation de la vie éternelle.

Difficultés de cette thèse: Aucune contradiction avec la foi mais un grave problème philosophique: Comment un choix aussi lucide est-il possible à l’heure de la mort, c’est-à-dire alors que le coma réduit le cerveau à l’impuissance?

[60] Saint Thomas, Somme Théologique, Ia IIae Question 76, 77 et 78.

[61] Attention, il s’agit ici de la définition de l’école thomiste, telle qu’elle était utilisée par l’Église jusqu’au Concile de Vatican II. Actuellement, l’Église préfère appeler péché mortel le seul péché contre le Saint Esprit. Il faut donc toujours vérifier son vocabulaire dans les discussions.               

[62] Luc 16, 13.

[63] 1 Corinthiens 15, 32.

[64] Romains 7, 5.

[65]Saint Thomas, Somme Théologique, IIa IIae, Question 14, 1.

[66] Jean 15, 22.

[67] Voir article suivant.

[68] Mathieu 12, 31.

[69] op. cit. Innocent IV.

[70] Voir question 11, article 4.

[71] Romains 10, 14,

[72] Dentzinger- Schönmetzer, 1002.

[73] Luc 21, 36.

[74] De telles épreuves, comme toutes les souffrances de la vie terrestre ont pour unique finalité de disposer le cœur de l’homme à l’humilité de sa condition et, ce faisant, de l’orienter au désir d’un salut qu’il reçoit en la personne de Jésus Christ. Une méditation de Pascal sur l’agonie nous manifeste cette disposition que la mort vécue dans la lumière du sacrement des malades peut réaliser. Ces souffrances dispositrices de l’agonie n’étant plus utiles lorsqu’il s’agit de choisir pour l’éternité, elles disparaissent aussitôt que la mort commence son oeuvre de séparation de l’âme et du corps.

 «Oui, au moment de la mort, je serai seul! Les vanités ne m’accompagneront pas, ni l’argent, ni les souvenirs qui me seront inutiles, sauf pour me convaincre de mes péchés et me combler de remords. J’aurai vécu seul mais je ne sentirai ma solitude que devant le problème du posthume. J’aurai passé ma vie à interroger les livres, les prêtres, je n’aurai rencontré que Dieu, Jésus. Voici donc la vérité, je suis seul avec Dieu. Des lors, aujourd’hui, il n’y a que Dieu qui compte, Dieu, c’est-à-dire ma conscience, l’opinion que j’ai de moi-même, la route de mon devoir. II ne s’agit pas de ce que l’on pense de moi, mais de ce que Dieu pense.» Je mourrai seul, Blaise PASCAL

[75] Le foyer du péché est cette propension de notre sensibilité à chercher son propre bien (valorisation, autonomie, sécurité.) Depuis le péché originel, ces instincts de notre sensibilité sont devenus difficiles à contrôler. Ils entraînent souvent notre volonté, malgré son désir profond. Au moment de la mort, le foyer du péché est éteint par Dieu. La personne expérimente alors un état de profond calme psychologique, comparable à celui d’Adam et Ève en Eden. C’est un fruit de la rédemption.

[76] I Corinthiens 3, 15.

[77]Voir dans ce traité, Question 11.

[78] Cette question est d’une extrême importance face à l’imprécision de certains traité de théologiens qui parlent abusivement de vision de face à face avec Dieu pour des gens qui sont confrontés à une apparition de Jésus dans son humanité. Jésus est Dieu mais on ne voit pas l’essence de Dieu face à face quand on voit son humanité.

[79] Mathieu, 25, 41.

[80] «Le don de cette vision suppose une préparation pour laquelle personne ne peut être contraint »Vitalini Sandro, Théologie de l’au-delà. Université de Fribourg-Suisse, 1980, p. 27.

[81] «Conformément à l’Ecriture, l’Église attend la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus Christ (Dei Verbum 1, 4), considérée cependant comme distincte et différée par rapport à la situation qui est celle des hommes immédiatement après leur mort.» saint Congrégation pour la doctrine de la foi, lettre sur quelques questions concernant l’eschatologie, 17 mai 1979.

En effet, à la fin du monde, le retour du Christ en gloire sera manifesté à toute la dernière génération, d’un seul coup. (Voir Question 25).

[82] Apocalypse 22, 18.

[83] Zacharie 12, 10.

[84] Luc 21, 27.

[85] Jean I, 14.

[86] Actes 4, 17.

[87] Apocalypse I, 12-17.

[88] «Pour condamner purement et simplement, il faudrait que le Juge divin ne rencontre pas le moindre élément positif capable de relativiser le refus du pécheur. Ce serait, dans le «conditionnel»johannique («si quelqu’un ne demeure pas en moi»), le côté négatif réalisé de manière radicale. Une simple remise extrinsèque du péché, sans effet intérieur sur le coupable, ne suffirait pas pour une absolution. Pareil acquittement ne pourrait le béatifier intérieurement. ce serait pour lui une contradiction insurmontable, une humiliation permanente, et même une incitation à la révolte contre une contrainte extérieure. «Le pardon, pour être total, n’est pas seulement à offrir, il doit se recevoir» (E.saint Lewis) Voilà ce qu’il est permis de dire avec assurance si l’on maintient comme vérité chrétienne que celui qui nous juge est le même qui est venu non pour juger, mais pour sauver (Jn 12, 47.) Aussi cherchera-t-il tous les détours possibles pour ramener à lui un homme égaré dont il a porté la faute. et s’il n’y arrive pas, son dernier geste ne sera quand même pas le rejet (qu’on se rappelle les protestations de Nédoncelle, Martelet, Ratzinger rapportées ci-dessus.) II ne pourra agir que passivement en abandonnant le coupable à sa volonté aveuglée. Une fois de plus, dans cette éventualité, vient à l’esprit l’idée de tragédie, non seulement pour l’homme mais pour Dieu lui-même.

Serait-il possible de s’avancer encore plus loin? Non pas en posant des principes, mais, au meilleur cas, en formulant des hypothèses? On le peut, car la question de l’enfer, replacée dans la perspective de «l’auto-jugement», n’est envisageable sérieusement que comme question personnelle et existentielle.» Garder une conception naïve de la double issue de l’histoire de l’humanité, tout autant que s’ériger en contradicteur absolu de cette représentation, exposent au danger de penser l’eschatologie à partir du spectateur externe et non pas selon l’angle de vue de l’individu concerné.. L’appréciation de l’endurcissement effectif d’un homme, sa résistance au Christ n’entre pas, en dépit de tous les signes extérieurs contraires, dans nos attributions, elle dépasse notre compétence

.BALTHASAR H.U, La dramatique divine 4, «le dénouement », Culture et Vérité Namur, 1993, p. 272-273.

[89] Revoir à ce sujet la question 7, article 7.

[90] Voir question 7, article 10. Voir Balthasar «L’amour seul est digne de foi », Aubier 1966, chap. 6 «l’amour comme révélation dans le Christ»

[91] Voir à cet égard dans la Somme de Théologie: «Intellect. De la manière dont notre intellect comprend les choses corporelles »Ia. q. 89.

[92] article 2.

[93] Mathieu 24, 37 à 41.

[94] Mathieu 24, 34-35.

[95] Mgr d’Hulst, Lettres de direction, 1906, p. 40-41.

[96] Voir aussi, Ibidem p. 51-52

[97] «Jérôme In Joelem, c. II. p. L. p. 965 B. La formule est très remarquable pour cette époque.

[98] Commençons par un simple constat: le nombre des chrétiens vivant actuellement sur terre est incomparablement plus faible que le nombre de ceux qui, dans le Christ, ont quitté cette vie. Si être un membre vivant de l’Église consiste à appartenir au Christ, la mort, qui n’est certes pas la fin de la communauté dans le Christ, ne peut pas non plus briser la communauté de l’Église. D’ou il suit que la partie de loin la plus grande de l’Église vit par-delà le seuil de la mort terrestre. Ce fait incontestable est-il aussi une évidence pour la conscience ecclésiale d’aujourd’hui?

SCHONBORN, (C.) o p: L’état de pèlerin, de purification et de gloire (La communion des saints selon Vatican II) Communio n° XIII 1. janvier-février 1988, p. 7.

[99] I Théssaloniciens 3, 13.

[100] Lumen Gentium 49

[101] I Corinthiens 12, 12-27

[102] 2 Corinthiens 5, 8.

[103] cf I Timothée II, 5.

[104] cf Colossiens I, 24.

[105] «Tout homme qui porte son regard sur la norme absolue, sur le Fils de l’Homme transpercé qui est présent en vérité à l’état caché dans tous ses frères, sur «l’agneau égorgé «, «sans défaut et sans tâche», «prédestiné avant la fondation du monde » (1 Pierre I, 19-20, Apocalypse 13, 8), sera tellement accablé par la grandeur de l’Unique et par sa propre bassesse méprisable qu’il n’aura aucunement le temps de réfléchir à la situation d’autres hommes. Le simple aspect de cette nonne lui dit qu’il n’y correspond et ne subsiste en aucune manière, et qu’il reste définitivement au-dessous du seuil de ce qui est exigé.» BALTHASAR H. U, Jugement, Communio, 1980, n°3, p. 27.

[106] «En ce qui concerne les objections de type protestant contre le culte des saints et le commerce avec eux, il faut d’abord dire que l’amputation chirurgicale d’une partie aussi essentielle de l’organisme spirituellement vivant de l’humanité chrétienne signifie une mutilation et une atrophie tout à fait déplorables de cet organisme Mais c’est aussi le plus parfait malentendu que de comprendre le culte des saints comme une sorte de déviation du rapport immédiat à Dieu. En effet de même que l’amour du prochain n’est pas une déviation de l’amour de Dieu, de même le culte des saints qui sont bien nos prochains n’est pas non plus une déviation. C’est à cela que l’on croit lorsque l’on fait appel à l’amour du prochain d’un homme défunt. Car les saints ne sont pas des dieux mais des hommes d’un grand amour plus fort que la mort et qui leur donne donc le pouVoir d’agir ici même de là-bas.»

Lazarus, komm heraus, quatre écrits de Valentin TOMBERG, avec une introduction de Romains bert Spaemann, Bâle, 1985, p. 65 s. Voir aussi «La Vierge Marie dans la communion des saints », G. CHANTEREINE, Communio 1989/t, p. 28.

[107] On pourrait introduire ici une foule de témoignages patristiques, théologiques, liturgiques et hagiographiques. Qu’on se rappelle seulement les promesses d’un saint Dominique, disant qu’il serait plus utile à ses frères au ciel que sur la terre ou bien d’une sainte Théssalonicien érèse de l’Enfant Jésus: «Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre »Saint Cyprien peut être cité comme représentant d’une «nuée de témoins «: «Nous considérons le paradis comme notre patrie (..): Pourquoi alors ne pas nous hâter de courir Voir notre patrie (..)? Un grand nombre d’êtres chers nous attend là-bas une foule imposante de parents de frères et sœurs d’enfants se languit de nous, et déjà délivrée du souci de son propre rachat ne se préoccupe plus que de notre salut. Nous hâter sous leurs yeux et nous jeter dans leurs bras quelle grande joie pour eux et pour nous à la fois! » (De Mort. 26. PL 4, 601).

[108] Voir Question 9, a.8.

[109] Voir à ce sujet RIVIERE J.» Le rôle du démon au jugement particulier chez les Pères »Rev SR, t. 4, 1924, p. 43-64. DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE, t.8, col. 1788-1789 et 1803. Nous ne parlons pas ici du jugement particulier mais l’analogie est à remarquer.

[110] I Jean, II, 13.

[111] Apocalypse 12, 13.

[112] Apocalypse 12, 9.

[113] Apocalypse 12, 10.

[114] Voir la révélation de Jésus à la bienheureuse sœur FAUSTINA KOWALSKA: «Je promets que l’âme qui vénérera ma miséricorde ne périra pas. Je lui promets également la victoire sur ses ennemis, particulièrement à l’heure de sa mort. Je la défendrai moi-même comme ma gloire.» (22 février 1932.)

[115] Marc 13, 11

[116] Lumen Gentium 49.

[117] Ephésiens 4, 16

[118] Par exemple à Pontmain où les enfants, tout en voyant la Vierge leur apparaître dans le ciel, ne perdaient pas contact avec les personnes qui les entouraient.

[119] SCHONBORN (C.) o p.: «L’état de pèlerin de purification et de gloire » (La communion des saints selon Vatican II), Communio, n° 13, 1, janvier-février 1988.

[120] I Corinthiens 13, 11.

[121] Job 4, 18.

[122] «C’est donc l’homme finalement qui se juge lui-même: le Christ ne prononce aucune condamnation, seul l’homme peut mettre une limite au salut. Il faut enfin nous rappeler que le Christ n’est pas là tout seul: tout le sens de sa vie terrestre a été de se construire un corps, de se créer sa «plénitude «Son corps, c’est lui. C’est pourquoi la rencontre avec le Christ s’opère dans la rencontre avec les siens, dans la rencontre avec son corps.» RATZINGER J, La mort et l’au-delà, Communio-Fayard 1994, p. 214.

[123] 2 Corinthiens 5, 10.

[124] Quel avenir pour le monde? Lettre pastorale du cardinal Gouyon à l’occasion de la Toussaint D. C n° 1706, octobre 1996.

[125] Martelet, op. cité, p. 4I.

[126] Mathieu 24, 27.

[127] Mathieu 12, 32.

[128] Question 11. Pour illustrer la possibilité de cette conversion au moment de la mort, nous pouvons citer ce texte saisissant de la mystique allemande Adrienne von Speyr. Dans une vision prophétique, elle voit des âmes hésitantes, entre conversion et damnation. Elle décrit par mode symbolique l’état de leur choix. Communio, n°VII, 1 – Janvier-février 1981 «L’expérience du samedi saint »

[129] Cet État d’opposition lucide, même s’il peut paraître rare, reste en tout cas possible et se prolonge, par un choix définitif et angéliquement libre, après la mort: Comme l’affirme Boros: «Quiconque, au jour le jour, toute une vie durant, fait l’expérience de sa vanité, peut se dire qu’il pourrait bien aboutir à l’enfer. J’aboutirai la quand je suffoquerai de ma médiocrité personnelle, quand je me serai totalement identifié à mon néant essentiel. C’est alors que je serai perdu.» BOROS, L.: De l’esprit propre à inspirer une nouvelle définition des fins dernières, en Concilium, 32, 1968, 67-76, 75.

[130] Jean 7, 39.

[131] Job 10, 21.

[132] Question 17, article 5.

[133] Voir 2 Macchabées 12, 46.

[134] Luc 16, 23.

[135] L’Anubis des Egyptiens antiques, le messager de la mort des bouddhistes. On pourrait citer dans toutes les anciennes religion le nom du messager charger d’accueillir les morts dans l’au-delà.

[136] Voir notre traité, Question 18, article 5.

[137] 2 Corinthiens 5, 21.

[138] 2 Corinthiens 5, 21.

[139] Jean 13, 18.

[140] Rappel de la polémique moderne sur la notion d’âme:

L’idée que parler de l’âme n’est pas conforme à la Bible s’est imposée à tel point que le nouveau Missale romanum de 1970 lui-même bannit de la liturgie des morts le mot.» anima », qui a également disparu du rituel des funérailles.

Qu’est-ce qui a bien pu ruiner aussi rapidement une tradition aussi solidement implantée depuis l’époque de l’Église primitive et toujours tenue pour capitale? L’apparente évidence des textes bibliques, à elle seule, n’y aurait certainement pas suffi. La force d’impact des nouvelles réflexions vint sûrement, pour une bonne part, de ce que la conception dite biblique d’une absolue indivisibilité de l’homme rejoignait l’anthropologie moderne, de caractère scientifique, qui situe l’homme tout entier dans son corps et ne peut rien saVoir d’une âme qui pourrait en être séparée.

Fort heureusement, le Magistère de l’Église n’a pas manqué de rappeler l’absolue valeur du concept d’âme séparée, survivant après la mort. Le Cardinal Ratzinger écrit par exemple: «En ce qui concerne l’état intermédiaire entre la mort et la résurrection, de qui est important, c’est que l’Église maintienne fermement la continuité et l’existence autonome de l’élément spirituel dans l’homme, après sa mort, élément doué de conscience et de volonté, de telle sorte que le «moi de l’homme continue à exister. Pour désigner cet élément, l’Église se sert du terme «âme»Les rédacteurs du texte romain savent bien que ce mot «âme »se rencontre dans la Bible avec des sens multiples, mais ils constatent qu’ «il n’y a pas de raison sérieuse de rejeter ce terme et y voient même l’outil linguistique nécessaire au maintient de la foi de l’Église »Cardinal Ratzinger, Communio, mai 1980, p. 5.

 «la notion de l’âme telle que l’ont utilisée la liturgie et la théologie jusqu’à Vatican II n’a pas plus à Voir avec l’Antiquité que l’idée de résurrection. C’est une notion strictement chrétienne. elle n’a donc pu être formulée que sur la base de la foi chrétienne dont elle exprime, en anthropologie, la conception de Dieu, du monde et de l’homme. C’est pourquoi le concile de Vienne en sa troisième session, le 6 mai 1312, a dû défendre à juste titre cette définition de l’âme considérée comme une notion adéquate à la foi: «De plus nous réprouvons [.. ] comme erronée [.. ] toute doctrine qui met en doute inconsidérément que la substance de l’âme raisonnable [.. ] soit en vérité et par elle-même la forme du corps humaine »! La bulle Benedictus Deus (DS 109) citée plus haut, suppose cette explication anthropologique dans sa doctrine de la vision définitive de Dieu.» RATZINGER J, La mort et l’au-delà, Communio-Fayard, 1994, p. 156.

[141] Bibliographie utile pour cette question: BOROS L. Mysterium Mortis, Olten-Fribourg, 1962, franç. Mulhouse 1956

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«La mort et l’au-delà », coll. témoignage, La Pierre qui vire, 1954.

COMMUNIO, dans la revue:

Immortalité de l’âme. A/ Numéros: B. Articles: Paul Toinet, «Résurrection et immortalité de l’âme » (1, 2, p. 22-33). Ysabel de Andia, «Revêtir l’immorlalilé » (V, 3, p. 48-59.) C. Passages: 1, 2, p. 7-8. I, 4, p. 82-83. 5, 3, p. 14-15. 17. 5, 6, p. 11. 10, 1, p. 78.

Mort. A Numéros: Mourir, (I, 2.) «Après la mort » (V, 3.) B. Articles: Jean-Marie Dubois de Montreynaud,.La mort, c’est la vie » (V, 1, p. 80-83). Michel Costanlini, «Giotto: la vie, la mort (sauvées) (VI, 1, p. 35-47). Pierre-Marie Gy, «La lex orandi dans la liturgie des funérailles) (VI, 1, p. 72-77). Hans-Urs von Balthasar, «La mort engloutie par la vie » (VII, 10, 14). Philippe Cormier, «Cette maladie n’est pas mortelle » (IX, 5, p. 52-74). Hans-Urs von Balthasar, «Du bon usage de la mort » (IX, 5, p. 75-80). Frédéric Comby, «Ces vieillards qui ne peuvent plus mourir » (IX, 6, p. 91-102.) C. Passages: 1, 3, p. 39, 42-43. I, 5, p 17-18. II, 3, p. 25, 53, 59. 3, 1, p. 51-53. 4, 5, p. 19-21. 5, 1, p. 34-35, 69. VI, 1, p. 23, 22-23, 57-58, 61, 64-65. VII, 1, p. 6-7, 29. 8, 6, p. 14-18. 9, 3, p. 7, 109-110. 9, 4, p 34-36. 9, 5, p. 7, 41, 44-45. 10, 1, p 27, 5051. 10, 3 p 99-100; 10, 4, p. 56; 10, 5-6, p. 32. 161.

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-Comment l’âme unie au corps comprend les choses corporelles Ia, Question 84.

-Comment elle se connaît elle-même Ia Question 87.

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RATZINGER J, 1. La foi chretienne hier et aujourd’hui, Paris, 1969

--2. La mort et l’au-delà Paris, 1980.

REDEMPTORISTES de Dreux, «La mort», fiches, 1954.

TROIFONTAINE R.» Je ne meurs pas», Paris 1960. «J’entre dans la vie», 1963.

[142] Commentaire de Qohelet, chap. 19.

[143] Métaphysique, chap. 3 n° 5.

[144] De anima, chap. 2.

[145] De l’esprit et de l’âme, Chap. 15.

[146] Commentaire dulivre de Qohelet, Chap. 16.

[147] De anima, Chap. 4.

[148] De anima, chap. 4.

[149] De l’esprit et de l’âme, Chap. 15.

[150] Commentaire de la Genèse, Chap. 24.

[151] 1 Romains 16, 7.

[152] Voir la question précédente, article 8 ou la Parousie du corps glorieux du Christ est décrite.

[153] Question 2, article 1.

[154] Marc 12, 25.

[155] Job 14, 21.

[156] Question 8, a.2.

[157] I Samuel 28, 27.

[158] Luc 20, 36.

[159] Tobie 12, 19.

[160] Luc 16, 26. Ce texte de saint Luc s’applique en fait à décrire la distance qu’il existe entre deux demeures de l’au-delà. On peut cependant en étendre la portée jusqu’à la terre où le riche aurait bien aimé se rendre pour alerter ses frères.

[161] Question s diverses, Livre II, chapitre 3.

[162] Lévitique 20, 6.

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