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TABLE     SUIVANT

TROISIÈME PARTIE

LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR

Nous avons à considérer maintenant la résurrection et les circonstances qui doivent l’accompagner. Il nous faudra étudier la résurrection du corps des hommes et la transformation de l’univers qui l’accompagne pour aboutir à un monde matériel nouveau.

A partir de cette question 35, nous abordons les grâces supplémentaires que Dieu nous a préparé en plus de l’unique grâce, celle qui seule nous rendra heureux, la vision béatifique. Dieu (question 36) a préparé pour nous des bienfaits inimaginables, jusque dans notre sensibilité et notre corps, jusque dans le monde physique qu’il transformera (questions 48, 49) pour que nous puissions l’admirer éternellement dans sa richesse et sa beauté. Quant à ceux qui auront choisi de se séparer de Dieu, Dieu qui respecte leur liberté leur rendra aussi l’intégrité de leur corps. Pourtant, la perversité de leur choix égoïste ne sera pas sans conséquences, par somatisation (question 47).

QUESTION 35: La résurrection des corps physiques

Article 1: La résurrection des corps doit-elle avoir lieu?

Article 2: Tous les hommes ressusciteront-ils?

Article 3: La résurrection est-elle naturelle?

QUESTION 36: La cause de la résurrection

Article 1: La résurrection du Christ est-elle la cause de la nôtre?

Article 2: La voix de la trompette sera-t-elle la cause de notre résurrection?

Article 3: Les anges coopéreront-ils à la résurrection?

QUESTION 37: Le temps et le mode de la résurrection

Article 1: La résurrection doit-elle être différée jusqu’à la fin du monde, pour que tous les hommes ressuscitent ensemble?

Article 2: Doit-elle avoir lieu immédiatement après le retour du Christ?

Article 3: La résurrection sera-t-elle instantanée?

QUESTION 38: Le point de départ de la résurrection

Article 1: Certains hommes n’auront-ils pas à ressusciter parce qu’ils ne mourront pas?

Article 2: L’homme doit-il nécessairement ressusciter à partir de ses cendres ou n’importe quelle autre matière peut-elle convenir?

QUESTION 39: L’état des ressuscités et d’abord leur identité

Article 1: L’âme reprendra t-elle le même corps?

Article 3: L’homme ressuscité sera-t-il le même homme?

QUESTION 40: L’intégrité du corps des ressuscités

Article 1: Tous les membres du corps humain ressusciteront-ils?

Article 2: Tout ce qui, dans le corps de l’homme fut vraiment humain ressuscitera-t-il?

QUESTION 41: La qualité du corps des ressuscités

Article 1: Les hommes ressuscités seront-ils immortels?30

Article 2: Les ressuscités auront-ils besoin de se nourrir?

Article 3: Le corps des ressuscités sera t-il sexué?

Article 4: Les ressuscités exerceront-il des relations sexuelles?

Article 5: L’âge des ressuscités

QUESTION 42: L’état corporel des élus comparé à celui des damnés

Article unique: L’état du corps des élus diffère-t-il de celui des damnés?

QUESTION 43: Quelques considérations sur le corps des élus

Article 1: Y aura-t-il de nouvelles sensations?

Article 2: La subtilité permet-elle au corps glorieux d’être dans un lieu déjà occupé par un corps non glorieux?

Article 3: La subtilité permet-elle à deux corps glorieux peuvent-ils occuper le même lieu?

Article 4: La subtilité rend-elle impalpable le corps glorieux?

Article 5: Le corps des élus est-il doué d’agilité?

Article 6: Les élus feront-ils usage de leur agilité?

Article 7: Leur mouvement sera-t-il instantané?

Article 8: La clarté sera-t-elle une prérogative du corps des élus?

Article 9: Le corps aussi a-t-il droit à une auréole?

Article 10: La clarté du corps glorieux peut-elle être vue par un oeil non glorifié?

Article 11: Le corps glorieux est-il nécessairement vu par un oeil non glorifié?

Article 12: Le corps glorieux est-il la même chose que le corps astral dont parle la philosophie orientale?

QUESTION 44: L’état corporel des damnés

Article 1: Les damnés ressusciteront-ils avec leurs difformités corporelles?

Article 2: Le corps des damnés sera-t-il incorruptible?

Article 3: Le corps des damnés sera-t-il impassible?

 

QUESTION 35 : La résurrection des corps physiques[1]

 A propos de la résurrection du corps de l’homme, il nous faut voir son fait, sa cause, son temps et sa manière, son point de départ et l’état des ressuscités[2]

La première question suggère les demandes suivantes :

Article 1: La résurrection des corps doit-elle avoir lieu?

Article 2: Tous les hommes ressusciteront-ils?

Article 3: La résurrection est-elle naturelle?

Article 1 : La résurrection des corps doit-elle avoir lieu ?[3]

Objection 1 : Elle est inutile. Nous avons vu que les morts gardent la partie essentielle de leur corps, à savoir leur psychisme. La chair en elle-même ne peut apporter qu’un poids supplémentaire, donc un moins, à l’âme.

Objection 2 : Job déclare : « L’homme se couche et ne se réveillera pas tant que subsistera le Ciel ». Mais le Ciel subsistera toujours puisque la terre elle-même, au dire de l’Ecclésiaste, « subsiste toujours ». Il n’y a donc pas de résurrection après la mort.

Objection 3 : Notre Seigneur prouve la résurrection par ces paroles de Dieu même : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob », et ajoute : « Or Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ». Mais, lorsqu’il parlait ainsi Abraham, Isaac et Jacob ne vivaient plus que par leurs âmes. Ce ne sont donc pas les corps, qui ressusciteront, mais seulement les âmes.

Objection 4 : Saint Paul semble prouver la résurrection par la récompense due aux saints pour leurs labeurs d’ici-bas : « Si nous n’avons d’espérance que pour cette vie seulement, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes ». Mais une récompense accordée à l’âme seule peut suffire, le corps n’est que son instrument, et l’instrument ne doit pas être récompensé comme celui qui s’en est servi. La preuve en est que l’âme seule est punie en purgatoire où pourtant chacune reçoit « ce qu’elle a mérité étant dans son corps ». Il n’est donc pas nécessaire d’admettre une résurrection des corps, mais seulement des âmes ce qui veut dire leur passage de la mort du péché et de la souffrance à la vie de la grâce et de la gloire.

Objection 5 : Le terme dernier d’un être marque son apogée ; c’est alors qu’il atteint sa fin. Mais l’état le plus parfait pour l’âme, c’est d’être séparée du corps : elle est plus semblable à Dieu et aux anges ; plus pure aussi, étant dégagée de tout ce qui n’est pas elle-même. L’état de séparation d’avec le corps est donc dernier pour l’âme. Elle ne reprendra donc pas son corps, pas plus que l’homme fait ne redevient enfant.

Objection 6 : La mort corporelle est le châtiment du péché originel, de même que la mort, séparation de l’âme d’avec Dieu, est le châtiment du péché mortel. Mais, après la sentence de damnation, le retour à la vie spirituelle est impossible. Il n’y a donc pas non plus de retour à la vie corporelle, de résurrection.

Objection 7 : L’apôtre écrit[4] : « Le corps semé animal ressuscitera spirituel ». Puis il dit : « La chair et le sang n’entreront pas en possession du royaume de cieux ». Donc il semble que la matière n’aura aucun rôle dans la résurrection.

 

Cependant : 1° L’Ecriture : « Je sais, dit Job[5], que mon Rédempteur est vivant et qu’au dernier jour, je me relèverai de la terre et de nouveau je serai recouvert de ma peau ». En 2 Tm 2,8, on lit : “[Les faux docteurs] se sont écartés de la vérité en prétendant que la résurrection avait déjà eu lieu, renversant ainsi la foi de plusieurs”. Il y aura donc une résurrection des corps.

2. Ce que l’Église enseigne par son Magistère[6] : « Il faut d’abord que tous ceux qui ont à enseigner discernent bien ce que l’Église considère comme appartenant à l’essence de sa foi, la recherche théologique ne peut avoir d’autres vues que de l’approfondir et de le développer. Cette sainte Congrégation, qui a la responsabilité de promouvoir et de protéger la doctrine de la foi, veut ici rappeler l’enseignement que donne l’Église au nom du Christ, spécialement sur ce qui advient entre la mort du chrétien et la résurrection générale ».

1. L’Église croit (cf. Credo) à une résurrection des morts.

2. L’Église entend cette résurrection de l’homme tout entier ; celle-ci n’est pour les élus rien d’autre que l’extension aux hommes de la résurrection même du Christ.

3 L’Église affirme la survivance et la subsistance après la mort d’un élément spirituel qui est doué de conscience et de volonté en sorte que le « moi » humain subsiste. Pour désigner cet élément, l’Église emploie le mot « âme », consacré par l’usage de l’Écriture et de la Tradition. Sans ignorer que ce terme prend dans la Bible plusieurs sens, elle estime néanmoins qu’il n’existe aucune raison sérieuse de le rejeter et considère même qu’un outil verbal est absolument indispensable pour soutenir la foi des chrétiens.

4. L’Église exclut toute forme de pensée ou d’expression qui rendrait absurdes ou inintelligibles sa prière, ses rites funèbres, son culte des morts, lesquels constituent, dans leur substance, des lieux théologiques.

 

Conclusion : On affirme ou l’on nie la résur­rection selon que l’on définit différemment la fin dernière de l’homme. Cette fin dernière, que tous désirent naturellement, c’est le bonheur. Certains ont pensé qu’il était possible d’en jouir en cette vie ; dès lors, point n’était besoin pour eux d’en admettre une autre dans laquelle l’homme atteindrait sa perfection dernière ils niaient donc la résurrection.

Mais cette opinion ne tient guère devant la variété des conditions humaines, la fragilité de notre organisme, l’imperfection et l’instabilité de la science et de la vertu... toutes choses qui empêchent le bonheur d’être parfait, comme saint   Augustin le développe aux derniers chapitres de la Cité de Dieu.

Une seconde opinion admet donc une survie, mais pour l’âme seule, ce qui semble suffisant à satisfaire le désir du bonheur naturel à l’homme. Saint Augustin cite cette parole de Porphyre « L’âme ne peut être heureuse qu’en fuyant toute espèce de corps ». Donc il n’y aura pas de résurrection. Cette opinion n’était pas, chez tous ses tenants, conclusion des mêmes principes. Certains héré­tiques prétendaient que tous les êtres corporels venaient d’un principe mauvais, tous les êtres spirituels, d’un principe bon. Le seul moyen, pour l’âme, d’atteindre sa perfection suprême, c’était donc de quitter définitivement son corps, afin de pouvoir s’unir à son principe et y trouver sa béatitude. C’est pourquoi toutes les sectes manichéennes qui professent que c’est le diable qui a créé ou formé les êtres corporels nient la résurrection des corps. La fausseté de cette doctrine des deux principes a été établie au commencement du second livre des Sentences. D’autres ont prétendu que l’âme, elle seule, constitue toute la nature humaine, et qu’elle se sert du corps comme d’un instrument ou qu’elle est en lui comme le pilote dans le navire. Ainsi du moment que l’âme seule est béatifiée, le désir du bonheur, naturel à l’homme, est satisfait, sans qu’il soit besoin d’admettre la résurrection des corps. Aristote a suffisamment réfuté cette théorie de Platon en démontrant que l’âme est unie au corps comme la forme l’est à la matière. L’âme, privée de son corps charnel, est en état d’imperfection naturelle. Sa puissance vitale aspire à retrouver la perfection de l’être. Il est donc de toute évidence que, puisque l’homme ne peut trouver le bonheur en cette vie, il est nécessaire d’affirmer la résurrection de sa chair.

 

Solution 1 : Saint Thomas d’Aquin pensait que l’âme subsistait en se séparant de tout ce qui a un rapport quelconque avec la matière. Mais le fait que le mort conserve son psychisme à travers un corps subtil dont nous avons établi l’existence[7], ne change rien à la question de la résurrection de la chair. Nous en avons la preuve dans les évangiles. En voyant Jésus ressuscité, les disciples crurent voir un fantôme, c’est-à-dire justement un corps psychique séparé de sa chair. Pour démentir, Jésus se fit toucher d’eux et mangea avec eux du poisson, ce que ne peut pas faire un fantôme. Quant au fait de retrouver son corps physique, il est loin d’être inutile pour l’homme ressuscité, tant au plan de sa perfection naturelle que surnaturelle. Il lui rend la plénitude de son être et le sens du toucher et du goût adapté aux choses matérielles faites d’atomes et de molécules. Il permet donc que les élus reçoivent des joies et des plaisirs jusque dans leur chair. Il leur permet un contact avec les différents niveaux de l’univers, y compris celui qui est composé de matière atomique. Pour les damnés, il leur rend la liberté de jouir physiquement de leur choix, bien que cette liberté ne puisse pas produire en eux de vrais plaisirs physiques, leur âme et leur esprit étant perpétuellement dans le malheur.

Solution 2 : Le ciel ne cessera jamais de subsister quant à sa substance, mais seulement quant à sa forme et aux lois de la corruption qui s’exercent sur les transfor­mations des êtres terrestres ; c’est ce sens qu’il faut donner à la parole de saint Paul « La figure de ce monde passe ».

Solution 3 : À proprement parler, l’âme spirituelle d’Abraham, même unie à son psychisme mais privée de sa chair n’est pas Abraham, mais seulement une partie de lui-même ; et ainsi des autres. La vie de son âme ne suffirait donc pas pour qu’Abraham soit vivant en perfection ou pour que le Dieu d’Abraham soit le Dieu d’un vivant parfait, c’est-à-dire pleinement lui-même ; il y faut la vie du composé tout entier, de l’âme et du corps. Cette vie n’existait pas, à l’état de réalisation, au moment où Jésus prononçait ces paroles ; elle existait cependant potentiellement dans la réunion à venir de l’âme et du corps par la résurrection. Ces paroles de Notre Seigneur sont donc un argument très ingénieux, non moins qu’efficace en faveur de la résurrection.

Solution 4 : L’âme est unie au corps, non seulement comme l’agent à l’instrument, mais comme la forme à la matière ; c’est pourquoi l’opération est du composé, et non de l’âme seule. Or, comme la récompense de l’œuvre est due à l’ouvrier, c’est l’homme lui-même, composé d’âme et de corps, qui doit recevoir la récompense de ce qu’il a fait. Les péchés véniels sont appelés péchés, moins parce qu’ils ont absolument la nature du péché que parce qu’ils y prédisposent ; de même, les peines du purgatoire sont moins une punition qu’une purification ; le corps et l’âme sont purifiés séparément le corps par la mort et la dissolution, l’âme par le feu, l’esprit par l’absence de Dieu, le psychisme par le désir et la tristesse.

Solution 5 : Toutes choses égales d’ailleurs, l’état de l’âme unie au corps est plus parfait, parce qu’elle est une partie d’un tout et qu’une partie intégrale est faite pour le tout. Ce qui ne l’empêche pas d’être plus semblable à Dieu, à un certain point de vue. En effet, absolument parlant, un être ressemble le plus à Dieu, quand il a tout ce qu’exige sa nature, parce qu’alors il reflète le mieux la divine perfection. L’organe, qu’on appelle le cœur, est plus semblable à Dieu, qui est immuable, quand il est en mouvement que lorsqu’il s’arrête, car son mouvement, c’est sa perfection, son arrêt, c’est sa mort.

Solution 6 : La mort corporelle est la conséquence du péché d’Adam qui fut effacé par la mort du Christ elle doit donc disparaître, elle aussi ; Tandis que la mort spirituelle est la conséquence d’un péché dont on ne s’est pas repenti, et dont on ne pourra plus jamais se repentir, elle est donc éternelle.

Solution 7 : Il est parfaitement impossible de supposer que le corps se transformera en esprit. Il n’y a de passage réciproque qu’entre des êtres qui sont unis dans la matière. Or il ne peut y avoir participation commune à la matière entre êtres spirituels et êtres corporels, les substances spirituelles étant totalement immatérielles. Il est donc impossible que le corps se transforme en substance spirituelle.

Et la fausseté de ces opinions est évidente. Notre résurrection en effet semblable à la résurrection du Christ, comme l’écrit Paul aux Philippiens : « Il restaurera notre corps misérable à la ressemblance de son corps glorieux ». Mais le Christ après sa résurrection a eu un corps qu’on pouvait toucher, fait de chair et d’os. Au témoignage de saint Luc, il dit à ses disciples, après sa résurrection « Touchez et voyez, un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai ». Les autres hommes, quand ils ressusciteront, auront donc des corps que l’on pourra toucher faits de chairs et d’os. L’âme est unie au corps comme la forme à la matière. Or toute forme possède une matière déterminée ; il doit y avoir proportion en effet entre l’acte et la puissance. Mais l’âme étant spécifiquement identique, il semble qu’elle doive y avoir une matière spécifiquement identique. Le corps sera donc après la résurrection spécifiquement le même qu’avant. Il devra donc être fait de chairs, d’os et d’autres éléments semblables.

 

Article 2 : Tous les hommes ressusciteront-ils ?

Objection 1 : La résurrection n’aura lieu qu’à l’heure du jugement Mais il est dit dans les Psaumes « Les impies ne ressusciteront pas au jugement ». Tous les hommes ne ressuscite­ront donc pas.

Objection 2 :    La même conclusion négative semble res­sortir de ce texte de Daniel qui contient une certaine restriction « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront ».

Objection 3 :    La résurrection rendra les hommes sem­blables au Christ ressuscité ; c’est pourquoi l’Apôtre conclut que, puisque le Christ est ressuscité, nous aussi nous ressusciterons. Mais ceux-là seulement doivent devenir semblables au Christ ressuscité, qui ont porté son image, c’est-à-dire les bons.

Objection 4 :    La remise de la peine exige la disparition de la faute. Or, la mort corporelle est la peine du péché originel, qui n’est pas effacé chez tous les hommes. Tous ne ressusciteront donc pas.

Objection 5 :    C’est par la grâce du Christ que nous renaissons, et par elle aussi que nous ressusciterons. Mais les enfants qui meurent dans le sein maternel sont incapables de renaître, donc de ressusciter.

 

Cependant : Saint Jean écrit « Tous ceux qui sont dans le tombeau entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront ».

2. De même, saint Paul « Nous ressusciterons tous, etc. ».

3. La résurrection est nécessaire pour que les ressuscités reçoivent la peine ou la récompense qu’ils ont méritée. Or tous en sont là. Tous doivent donc ressus­citer.

 

Conclusion : Ce qui a sa raison d’être dans la nature même d’une espèce doit se retrouver également en tous ceux qui en font partie. Telle est la raison d’être de la résurrection, c’est que l’âme séparée du corps est incapable de réaliser la perfection dernière de l’espèce humaine. Aucune âme ne restera donc éternellement séparée de son corps. Il est donc nécessaire que tous les hommes ressuscitent, aussi bien qu’un seul.

 

Solution 1 : Il s’agit ici de la résurrection spirituelle, qui ne sera pas le partage des impies, lorsque les consciences seront examinées au jugement. On pourrait dire encore qu’il s’agit des impies tout à fait infidèles, qui ne ressusci­teront pas pour être jugés, puisqu’ « ils sont déjà jugés ».

Solution 2 : « Beaucoup, c’est-à-dire, tous » comme l’explique saint Augustin. Cette manière de parler se rencontre souvent dans l’Écriture.

Solution 3 : En cette vie, les méchants comme les bons sont conformes au Christ par l’humanité, mais non par la grâce. Tous aussi lui seront conformés par la vie naturelle qui sera rendue à tous. Mais les bons seuls lui ressembleront par la gloire.

Solution 4 : Ceux qui sont morts avec le péché originel en ont subi la peine en mourant. Quant à ce péché lui-même, il leur est remis par la miséricorde de Dieu et à la prière d’adoption des parents du Ciel qui les accueille. Leur cas n’est donc pas différent des autres hommes.

Solution 5 : Nous renaissons par la grâce du Christ qui nous est donnée ; nous ressuscitons par la grâce qui lui a fait prendre notre nature et notre ressemblance. Ceux qui meurent dans le sein maternel, quoique la grâce du Christ ne leur ait pas infusé la vie surnaturelle, du moins en ce monde, peuvent la recevoir au moment de leur entrée dans l’autre. Et, puisqu’ils ont la même nature humaine que le Christ, du fait qu’ils possèdent tous les éléments essentiels de cette nature, ils ressuscitent comme lui.

 

Article 3 : La résurrection est-elle naturelle ?[8]

Objection 1 : « L’universalité, dit saint Da­mascène, est le caractère de ce qui est naturel dans les individus qui ont la même nature ». Or, la résurrection doit être universelle ; elle est donc naturelle.

Objection 2 :    « Ceux qui ne veulent pas croire docilement à la résurrection, dit saint Grégoire, devraient en être convaincus par leur raison. L’univers ne nous montre-t-il pas partout et tous les jours des images de notre résurrection ? » Et il cite la lumière, dont la disparition est comme l’impie mort, et le retour, comme une résurrection ; les arbres, qui ne perdent leur verdure que pour la voir renaître ; les graines qui pourrissent et meurent, mais ensuite germent et revivent. Or, la raison ne peut apprendre des phénomènes naturels rien que de naturel. La résurrection l’est donc aussi.

Objection 3 :    Ce qui n’est pas naturel est l’effet d’une certaine violence, et ne dure pas. Or, ce que la résurrection aura refait durera éternellement. Elle est donc naturelle.

Objection 4 :    L’unique fin à laquelle tend la nature est ce qu’il y a de plus naturel. Mais cette fin, c’est la résurrection et la glorification des saints, comme le dit saint Paul.

Objection 5 :    La résurrection est un mouvement dont le terme est la perpétuelle union de l’âme et du corps, et un mouvement est naturel, quand son terme l’est aussi. Or, la perpétuelle union de l’âme et du corps est naturelle : l’âme étant faite pour le corps, il est naturel à celui-ci (l’être toujours vivant par l’âme, comme à l’âme de vivre toujours en lui. La résurrection sera donc naturelle.

 

Cependant : « De la privation à la possession, il n’y a pas de retour naturel ». Or, la mort est la privation de la vie. Donc, la résurrection ou retour à la vie, n’est pas naturelle. D’autre part, le mode naturel à l’homme, c’est d’être engendré par un autre homme. La résurrection ne sera donc point naturelle, puisque le procédé sera tout différent.

 

Conclusion : On peut considérer trois espèces de mouvement ou action dans un être par rapport à sa nature. 1° Le mouvement ou action dont la nature n’est ni le principe ni le terme, et qui peut provenir soit d’un principe surnaturel, comme dans la glorification du corps, soit d’un principe quelconque, comme dans la pierre lancée en l’air par un mouvement violent et ayant pour terme un repos qui ne l’est pas moins. 2° Le mouvement dont le principe et le terme sont tous les deux naturels, telle la pierre qui descend de son propre poids. 3° Le mouvement, dont le terme est naturel, quoique le principe ne le soit pas ; ce principe est tantôt supérieur à la nature : par exemple, dans la vue miraculeusement recouvrée, le terme est naturel, mais le miracle ne l’est pas ; tantôt simplement extérieur, comme dans le forçage des fleurs et des fruits. En aucun cas, le principe ne saurait être naturel sans que le terme le soit aussi, parce que les principes naturels sont déterminés à certains effets, au delà desquels ils sont inopérants.

- Le mouvement ou action de la première espèce ne peut en aucune façon être dit naturel, mais miraculeux ou violent. - Celui de la seconde est absolument naturel. - Celui de la troisième ne l’est que relativement au terme naturel auquel il aboutit ; par ailleurs, il est miraculeux, artificiel ou violent. Est «naturel », à proprement parler que « ce qui est selon la nature », c’est-à-dire ce qui possède cette nature et les propriétés qui en découlent. Donc, à moins d’une restriction, un mouvement ne peut être dit naturel, s’il n’a pas la nature pour principe.

Quoique le terme de la résurrection soit naturel, il est impossible que son principe le soit. La nature, en effet, est « principe de mouvement dans l’être où elle est » ; principe actif, comme dans le déplacement des corps lourds ou légers, les changements naturels des corps vivants ; principe passif, comme dans la génération des corps simples. Le principe passif d’une génération naturelle est une puissance passive naturelle, à laquelle correspond toujours une puissance active naturelle aussi, peu importe d’ailleurs, quant à la question présente, que ce principe actif ait pour objet la perfection dernière, c’est-à-dire, la tomme ou seulement une prédisposition nécessaire, comme pour l’âme humaine, selon la doctrine catholique ou même pour toutes les formes, selon l’opinion de Platon et d’Averroès.

Or, il n’existe aucun principe actif naturel de la résurrection, ni pour unir le corps et l’âme, ni pour préparer cette union, puisque la seule prédisposition qui soit naturelle, c’est l’évolution du germe humain. Donc, même en admettant qu’il y ait dans le corps une certaine puissance passive, une inclination quelconque à sa réunion avec l’âme, elle serait hors de toute proportion avec ce qu’exige un mouvement pour être naturel. Dès lors, absolument parlant, la résur­rection est un miracle ; on ne peut l’appeler naturelle que relativement à son terme, ainsi qu’on l’a expliqué.

 

Solution 1 : Saint Damascène parle des caractères communs à tous les individus et qui ont leur nature pour principe. En effet, si, par miracle, tous les hommes devenaient blancs ou se trouvaient réunis dans le même lieu comme au temps du déluge, cela ne ferait ni de la blancheur, ni de cette localisation, des caractères naturels de l’homme

Solution 2 : Les phénomènes naturels ne peuvent aller jusqu’à démontrer ce qui n’est pas naturel, mais ils peuvent servir à en persuader ; car la nature est comme un symbole du surnaturel, par exemple, l’union du corps avec l’âme représente l’union de l’âme béatifiée avec Dieu. De même, les exemples allégués par saint Paul et saint Grégoire servent à nous persuader de la résurrection qui est un article de foi.

Solution 3 : Il s’agit ici d’un mouvement dont le terme est contraire à la nature. Or, il n’en sera point ainsi dans la résurrection. L’argument ne porte donc pas.

Solution 4 : L’action de la nature tout entière est subor­donnée à celle de Dieu. Or, de même qu’un art inférieur tend toujours à une fin que peut seul réaliser l’art supérieur qui achève l’œuvre ou se sert de l’œuvre déjà achevée, de même, la nature, à elle seule, est impuissante à réaliser la fin dernière à laquelle elle aspire. La réalisation de cette fin ne peut donc pas être naturelle.

Solution 5 : S’il ne peut y avoir de mouvement naturel qui ait pour terme un repos violent, il peut cependant y avoir un mouvement qui ne soit pas naturel et qui ait pour terme un repos naturel.

 

QUESTION 36 : La cause de la résurrection

 

Trois demandes :

Article 1: La résurrection du Christ est-elle la cause de la nôtre?

Article 2: La voix de la trompette sera-t-elle la cause de notre résurrection?

Article 3: Les anges coopéreront-ils à la résurrection?

 

Article 1 : La résurrection du Christ est-elle la cause de la nôtre ?

Objection 1 : « Poser la cause, c’est poser l’effet ». Mais la résurrection du Christ n’a pas été aussitôt suivie de celle des autres hommes. Elle n’est donc pas la cause de notre résurrection.

Objection 2 : Un effet exige la préexistence de sa cause. Or, la résurrection aurait eu lieu même si le Christ n’était pas ressuscité, car Dieu aurait pu sauver les hommes d’une autre manière. La résurrection du Christ n’est donc pas la cause de la nôtre.

Objection 3 : Un même phénomène, commun à tous les êtres d’une même espèce, a une seule et même cause. Or, la résurrection est commune à tous les hommes. Donc, comme celle du Christ n’est pas la cause d’elle-même, elle ne l’est pas non plus de la résurrection des autres hommes.

Objection 4 : L’effet doit avoir une certaine ressemblance avec sa cause. Mais la résurrection des méchants ne ressemblera en rien à celle du Christ. Elle ne l’aura donc point pour cause.

 

Cependant : « Dans un genre quelconque, ce qui est premier est cause de tout le reste ». Or, la résurrection corporelle du Christ le fait appeler « les prémices de ceux qui dorment » ; « le premier-né d’entre les morts ». Sa résurrection sera donc la cause de celle des autres hommes.

2. La résurrection du Christ a plus de rapport avec notre résurrection corporelle qu’avec notre résurrection spirituelle ou justification. Or, la résurrection du Christ est la cause de celle-ci. « Il est ressuscité pour notre justification ». Donc elle est la cause de celle-là.

 

Conclusion : Le Christ est appelé le Média­teur entre Dieu et les hommes, en vertu de sa nature humaine ; aussi est-ce par l’entremise de celle-ci que les dons de Dieu parviennent aux hommes. L’unique remède à la mort spirituelle, c’est la grâce donnée par Dieu ; l’unique remède à la mort corporelle, c’est la résurrection opérée par Dieu. Ainsi, de même que le Christ a reçu de Dieu les prémices de la grâce, et que sa grâce est cause de la nôtre : « C’est de sa plénitude que nous avons tous reçu, et grâce sur grâce » ; de même, le Christ est le premier ressuscité et sa résurrection est cause de la nôtre. Comme Dieu, il en est la cause, pour ainsi dire, équivoque ; comme Dieu-homme ressuscité, il en est la cause prochaine et, en quelque sorte, univoque.

La cause efficiente univoque produit un effet dont la forme est semblable à la sienne. Mais il faut distinguer. En certains cas, la forme même, par laquelle l’effet ressemble à sa cause, est le principe direct de l’action productrice de l’effet telle la chaleur du feu. En d’autres, ce n’est pas cette forme elle-même, mais les principes dont elle est issue : par exemple, si un homme blanc engendre un homme blanc, la blancheur n’est pas le principe actif, mais on peut dire néanmoins qu’elle est la cause de ce caractère, parce que c’est en vertu des principes par lesquels il est blanc que le père engendre un fils qui l’est aussi.

C’est de cette manière que la résurrection du Christ est cause de la nôtre. Ce qui a ressuscité le Christ, cause efficiente univoque de notre résurrection, nous ressuscitera également, et c’est la puissance divine qu’il partage avec son Père « Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels ».

La résurrection même du Christ, Homme­-Dieu, est pour ainsi dire, la cause instrumentale de la nôtre. En effet, le Christ agissait divi­nement en usant de son corps comme d’un instrument : saint Damascène en donne comme exemple le lépreux que Jésus guérit en le touchant.

 

Solution 1 : Une cause suffisante produit aussitôt son effet direct et immédiat ; mais il en va autrement de l’effet dont un intermédiaire la sépare : par exemple, la chaleur, si intense soit-elle, ne se communique pas tout d’un coup, mais peu à peu, en faisant passer l’objet du froid au chaud, parce que son moyen d’action, c’est le mouvement. La résurrection du Christ ne cause pas la nôtre directement, mais moyennant le principe qui l’a causée elle-même, c’est-à-dire, la puissance divine, qui nous ressuscitera comme elle a ressuscité le Christ. La puissance divine elle-même agit toujours par le moyen de la volonté divine, qui est en rapport immédiat avec l’effet à produire. La résurrection des hommes ne devait donc pas suivre sans délai celle du Christ, mais elle la suivra à l’heure marquée par la volonté de Dieu

Solution 2 : La puissance divine ne dépend pas de telles ou telles causes secondes au point de mie pouvoir produire leurs effets sans elles ou au moyen d’autres causes. Elle pourrait, par exemple, entretenir la vie sur la terre indépendamment des influences célestes, qui, cependant, selon l’ordre providentiel, en sont la cause normale. De même, la divine Providence a voulu que, dans le plan choisi par elle pour l’humanité, la résurrection du Christ fût la cause de la nôtre. Elle aurait pu choisir un autre plan, et alors, la cause de notre résurrection eût été celle que Dieu lui aurait assignée.

Solution 3 : Cet argument suppose des êtres de même espèce, ayant tous le même rapport avec la cause première de tel effet auquel l’espèce tout entière doit participer. Il n’en est pas de même ici. L’humanité du Christ est plus proche que la nôtre de la divinité dont la puissance est la cause première de la vie. La résurrection du Christ a donc pour cause immédiate la divinité, qui n’est cause de la nôtre que par l’intermédiaire du Christ ressuscité.

Solution 4 : La résurrection de tous les hommes aura une certaine ressemblance avec celle du Christ par la vie naturelle, que tous partagèrent avec lui et que tous retrouveront pour ne plus la perdre. Mais les saints, qui ressemblèrent au Christ par la grâce, lui ressembleront aussi par la gloire

 

Article 2 : La voix de la trompette sera-t-elle la cause de notre résurrection ?

Objection 1 : « Croyez, dit saint Damascène, que la résurrection aura pour causes la volonté, la puissance, l’intelligence divines ». Ces causes étant suffisantes, il n’y a pas lieu d’en ajouter une autre.

Objection 2 : À quoi bon la voix de la trompette, puisque les morts sont incapables de l’entendre ?

Objection 3 : Si une voix est cause de la résurrection, cela ne peut être qu’en raison d’une puissance qu’elle a reçue de Dieu : « Il donnera à sa voix la puissance », dit le Psaume ; et la Glose ajoute : « de ressusciter les morts ». Mais lorsqu’une puissance est donnée à un être, même par miracle, l’acte qui s’ensuit n’en est pas moins naturel ; par exemple, la vision de l’aveugle-né est naturelle, quoiqu’il ait recouvré la vue par un miracle. La résurrection serait donc naturelle ; ce qui est faux.

 

Cependant : 1° « Au son de la trompette divine, écrit saint Paul, le Seigneur lui-même descendra du Ciel, et ceux qui sont morts clans le Christ ressusciteront d’abord ».

2° « Ceux qui sont dans les tombeaux, dit saint Jean, entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront ». Or, cette voix, le Maître des Sentences l’appelle une trompette.

 

Conclusion : La cause doit être, d’une manière ou d’une autre, jointe à son effet : le moteur et le mobile, l’ouvrier et l’œuvre, sont ensemble, dit Aristote. Or, le Christ ressuscité est la cause univoque de notre résurrection. Il faut donc qu’il l’opère par quelque signe sensible.

Certains disent que ce signe sera la voix même du Christ commandant la résurrection, comme « il commanda à la mer et calma la tempête ».

D’autres disent que ce sera l’apparition du Fils de Dieu dans le monde : « Comme l’éclair part de l’orient et brille jusqu’à l’occident, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme ». Ils s’appuient sur l’autorité de saint Grégoire, d’après lequel le son de la trompette signifie simplement la manifestation du Fils de Dieu comme juge. Cette apparition est appelée sa « voix » en tant qu’elle aura la puissance d’un commandement ; car aussitôt la nature entière s’empressera de refaire les corps des hommes. Aussi l’Apôtre, quand il décrit l’avènement du Christ, parle-t-il d’un « ordre donné ».

Cette voix, quelle qu’elle soit d’ailleurs, est appelée parfois « un cri », comme celui du héraut qui cite à comparaître. - Ailleurs elle est appelée le son de « la trompette », soit à cause de son éclat, soit par comparaison avec ce qui se passait sous l’Ancien Testament : la trompette annonçait l’assemblée, excitait au combat, conviait aux fêtes ; de même, les ressuscités seront convoqués au grand conseil du jugement, au combat que « l’univers livrera aux insensés », à la célébration de la fête éternelle

 

Solution 1 : Saint Damascène mentionne trois choses : la volonté divine qui commande, la puissance qui exécute, la facilité de l’exécution qu’il exprime par le mot « signe », par une comparaison empruntée aux actions humaines. Une chose semble facile, quand une parole suffit pour qu’elle soit faite ; mais, combien plus, lorsque, sans même ouvrir la bouche, au premier signe de notre volonté, celle-ci est exécutée par ceux qui eu sont chargés. Le signe fait par nous est cause de l’exécution, parce que c’est l’expression de notre volonté. Le signe fait par Dieu, dont l’exécution sera la résurrection, sera le signal donné par lui, auquel toute la nature obéira eu ressuscitant les morts. Ce signal est identique à « la voix de la trompette », comme on le voit par ce qui a été dit.

Solution 2 : Il en sera de cette voix, quelle qu’elle soit, comme des paroles qui sont la forme des sacrements et qui ont le pouvoir de sanctifier, non parce qu’elles sont entendues, mais parce qu’elles sont proférées ; De même encore, la voix réveille le dormeur par le mouvement de l’air dont elle frappe son oreille et non par la connaissance qu’il en a, puisque celle-ci suit le réveil et n’en est donc pas la cause.

Solution 3 : Cet argument porterait si la puissance donnée à cette voix était venait de son propre être achevé, car alors ce qui viendrait d’elle aurait pour principe une puissance devenue naturelle. Mais il n’en sera pas ainsi, et la puissance qu’elle aura sera semblable à celle des paroles sacramentelles.

 

Article 3 : Les anges coopéreront-ils à la résurrection ?

Objection 1 : La résurrection est l’œuvre d’une puissance plus grande que la génération. Or, en celle-ci, l’âme est unie au corps sans le ministère des anges. Il en sera donc de même pour la résurrection.

Objection 2 :    Si certains anges devaient y coopérer, ce seraient les Vertus, qui ont pour fonction d’opérer les miracles. Or, mention est faite des Archanges. C’est donc qu’aucune coopération ne sera requise.

 

Cependant : « Le Seigneur descendra du Ciel à la voix de l’Archange, et les morts ressusci­teront ».

 

Conclusion : « De même, dit saint Augustin, que les corps plus grossiers et inférieurs sont régis, d’après certaines lois, par ceux qui sont plus subtils et plus puissants, de même Dieu gouverne tous les corps par les esprits cloués de la vie raisonnable ». Saint Grégoire dit aussi quelque chose de semblable. D’où il suit que Dieu se sert du ministère des anges pour tout ce qui regarde le monde matériel. Or, la résur­rection comporte quelque chose de matériel, à savoir, la préparation de la matière destinée à la reconstruction des corps humains. Dieu en chargera ses anges. Mais c’est sans leur ministère qu’il réunira à leurs corps les âmes que lui seul aussi a créées, et qu’il glorifiera les corps comme lui seul glorifie les âmes. C’est à ce ministère angélique que certains appliquent le mot « voix », d’après le Maître des Sentences

 

Solution 1 : Elle vient d’être donnée.

Solution 2 : C’est surtout l’archange saint Michel qui remplira ce ministère, lui qui est le prince de l’Église ; Après l’avoir été de la Synagogue, Comme le dit Daniel. Mais il agira sous l’influence des Vertus et des Ordres angéliques supérieurs. De même, les anges gardiens coopéreront à la résurrection de ceux qui leur étaient confiés. Cette voix peut donc être dite celle d’un ange ou de plusieurs.

 

QUESTION 37 : Le temps et le mode de la résurrection

 

Il s’agit maintenant du temps et du mode de la résurrection.

Quatre demandes :

Article 1: La résurrection doit-elle être différée jusqu’à la fin du monde, pour que tous les hommes ressuscitent ensemble?

Article 2: Doit-elle avoir lieu immédiatement après le retour du Christ?

Article 3: La résurrection sera-t-elle instantanée?

 

Article 1 : La résurrection doit-elle être différée jusqu’à la fin du monde, pour que tous les hommes ressuscitent ensemble ?

Objection 1 : Il y a une plus grande harmonie entre la cause et les effets qu’entre les effets eux-mêmes, comme aussi entre la tête et les membres qu’entre les membres eux-mêmes. Or, le Christ, tête de l’humanité, n’a pas différé sa résurrection jusqu’à la fin du inonde. Donc les saints qui meurent avant cette date doivent faire de même.

Objection 2 :    La résurrection du Christ est la cause de la nôtre. Or, certains membres, plus unis au chef, sont ressuscités sans délai ; on croit que ce privilège fut accordé à la Sainte Vierge. On peut donc croire aussi que la promptitude de la résurrection dépend de la conformité au Christ par la grâce et le mérite.

Objection 3 : L’état du Nouveau Testament est plus parfait, représente mieux l’image du Christ, que celui de l’Ancien Testament. Or, plusieurs saints, morts avant le Christ, sont ressuscités en même temps que lui : « Plusieurs saints, qui dormaient dans leurs tombeaux, ressuscitèrent ». À plus forte raison, les saints du Nouveau Testament doivent donc ressusciter sans attendre la fin du monde.

Objection 4 :    Après la fin du monde, il n’y aura plus d’années. Mais il doit y en avoir un grand nombre entre la résurrection des premiers ressus­cités et celle des autres : « Je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause du témoi­gnage de Jésus et de la parole de Dieu... Ils eurent la vie et régnèrent avec le Christ pendant mille ans ; mais les autres morts n’eurent point la vie, jusqu’à ce que les mille ans furent écoulés ». Tous les morts n’attendront donc pas la fin du monde pour ressusciter ensemble.

Objection 5 : À propos de cette résurrection immédiate on s’est demandé[9] si on peut l’admettre, étant donné que l’Écriture parle d’une résurrection finale ; d’autre part l’Écriture ne conçoit pas la vie d’une âme séparée. On émet donc l’hypothèse que l’homme qui meurt participe à la vie du corps ressuscité du Christ. Cette hypothèse du Père Benoît est profonde et tend à coïncider avec l’affirmation de la résurrection immédiate. En effet, ce qui subsiste dans l’éternité c’est la plénitude du corps du Christ unifié par l’Esprit du Père. Dès que l’homme communie à ce corps, il vit par l’Esprit ; dès qu’il entre, par sa mort, en communion plus plénière avec ce corps, on peut dire qu’il est vraiment ressuscité, participant de la vie pascale de Jésus. Dans cette perspective, le dogme de l’assomption assume une signification typologique exceptionnelle : la Vierge Marie est le type de tous ceux qui se sont endormis dans le Christ pour vivre aussitôt après dans la plénitude de sa vie. L’attente ne se porterait donc pas sur la résurrection du corps, mais sur le renouvellement cosmique, achèvement de l’œuvre du Père par son Fils dans l’Esprit. Mais si cette thèse, que l’on reprendra à propos de la résurrection de la chair (c. 7), reste au niveau de la recherche, elle peut néanmoins corriger ce qui est trop humain dans la position qu’affirme l’immortalité naturelle. Dans celle-ci, la créature parait atteindre la vie d’une façon presque autonome. Il faudra alors rappeler que même l’immortalité n’est qu’un don purement gratuit de la part de Dieu. Si Dieu nous a voulus capables de vaincre la mort, c’est justement parce qu’il nous a crées pour nous associer a sa vie à jamais. [10]

 

Cependant : 1. « L’homme, dit Job, ne se réveillera pas tant que subsistera le Ciel, on ne le fera pas sortir de son sommeil ». Or, le Ciel doit subsister jusqu’à la fin du monde.

2. « Tous les saints que leur foi a rendus recommandables n’ont pas obtenu l’objet de la promesse », c’est-à-dire, la béatitude complète de l’âme et du corps, « parce que Dieu nous a fait une condition meilleure pour qu’ils n’obtinssent pas sans nous la perfection du bonheur », qui consistera, ajoute la Glose, « dans l’accroissement de la joie de chacun des élus par celle de tous les autres ». Mais la glorification du corps aura lieu eu même temps que leur résurrection : c’est alors que « le Christ transformera notre corps si misérable, en le rendant semblable à son corps glo­rieux » ; c’est alors que « les fils de la résurrection seront comme les anges de Dieu dans le Ciel ». Tous les hommes doivent donc ressusciter ensemble, à la fin du monde.

 

Conclusion : Lors de sa passion, le Christ a sauvé l’homme tout entier, selon qu’il est corps et âme. Et l’on peut distinguer deux manières dont cette rédemption est appliquée à l’homme :

1° Selon qu’il participe à la nature humaine, en le libérant de la faute originelle et de ses conséquences comme la maladie et la mort.

2° Selon qu’il est une personne individuellement appelée au salut, en ouvrant à chacun les portes du Ciel.

Il convenait sous ces deux aspects que la pleine réalisation de ce salut soit différée et ne soit pas communiquée à l’homme aussitôt après la résurrection du Christ. En ce qui concerne chaque personne humaine prise en particulier, la vision de l’essence divine n’est communiquée qu’au terme d’une vie terrestre éprouvante et d’un purgatoire dont la finalité est de libérer l’âme de ses péchés. Et ce gouvernement de Dieu sur l’homme est convenable puisqu’il permet à beaucoup d’être sauvés. En ce qui concerne la nature humaine le péché originel a été effacé dès l’achèvement de la passion du Christ dont les fruits sont communiqués à chacun par le bain du baptême mais les conséquences de ce péché ne devaient pas disparaître avant la fin du monde. Ces conséquences sont principalement le désordre qui règne dans la nature humaine et dans l’univers matériel qui, originellement, étaient parfaitement en harmonie. Ce désordre qui manifeste à l’homme son impuissance et sa condition de créature, évite à beaucoup le péché de l’orgueil et dispose à l’humilité et au désir de Dieu.

Il convient que les conséquences du péché originel soient détruites d’un seul coup, au dernier jour, lorsque Dieu ressuscitera nos corps et transformera l’univers en un monde nouveau et cela pour trois raisons :

1° Parce que le monde passager et son désordre n’auront plus aucune utilité au bien de l’homme après le retour du Christ.

2° Parce que la gloire de Dieu et son salut en seront manifestés d’une façon digne du rédempteur qui sera exalté dans la mesure même ou il a été abaissé lors de sa passion. Selon Isaïe[11] : « Les lieux accidentés se changent en plaine et les escarpements en large vallée. Alors la gloire de Yahvé se révèlera et toute chair, d’un coup, la verra, car la bouche de Yahvé a parlé ». Selon saint Augustin, la gloire de Dieu consiste dans le salut de l’homme.

3° Parce que la puissance du démon sur la nature humaine sera elle-même devenue inutile. Dieu la permettait pour le bien de l’âme dont la droiture en était éprouvée dans le temps de la vie terrestre. En conséquence cette puissance du mal, devra être détruite complètement selon Isaïe[12] : « Comment a fini le tyran, a fini son arrogance lui qui frappait de coups les peuples avec emportement et sans relâche ? Il s’est couché, on ne monte plus pour nous abattre ».

 

Solution 1 : Entre la tête et les membres, une plus grande harmonie qu’entre les membres eux-mêmes est nécessaire pour qu’elle agisse sur eux, par contre, la causalité quelle exerce sur les membres, qui ne l’exercent pas les uns sur les autres, rend ceux-ci différents de la tête et ressemblants entre eux ; D’où il suit que la résurrection du Christ, et on ne peut le dire d’aucune autre, est comme le type de notre résurrection ; Et la foi au Christ ressuscité nous donne l’espoir de ressusciter nous-mêmes. Sa résurrection devait donc précéder celle des autres hommes, qui ressusciteront ensemble à la fin du monde.

Solution 2 : Certains membres du Christ peuvent être plus dignes, plus conformes à celui qui est la tête, mais sans partager ni son titre ni son influence. Leur conformité au Christ ne leur donne donc aucun droit à une résurrection anticipée et typique. Si ce privilège a été accordé à quelques-uns, c’est seulement par une grâce toute spéciale.

Solution 3 : Saint Jérôme hésite, à ce sujet, entre une résurrection temporaire, comme celle de Lazare destinée simplement à leur permettre de rendre témoignage au Christ ressuscité, et une résurrection définitive, suivie d’une « ascension en corps et en âme à la suite du Christ montant aux cieux ». Cette seconde alternative paraît plus probable. Une vraie résurrection semble mieux en harmonie avec un vrai témoignage au Christ vraiment ressuscité. D’ailleurs, ce n’est point à cause d’eux-mêmes que leur résurrection fut aussi prompte, mais afin de témoigner de celle du Christ et fonder ainsi la foi du Nouveau Testament. Il convenait donc mieux aussi que ces ressuscités fussent des justes de l’Ancien Testament. Il faut ajouter que si l’Évangile mentionne leur résurrection avant celle du Christ, c’est par une anticipation dont les historiens sont coutumiers. De fait, personne n’est définitivement ressuscité avant le Christ, « prémices de ceux qui dorment du dernier sommeil » ; quoiqu’il y ait eu des résurrections temporaires comme celle de Lazare.

Solution 4 : Comme saint Augustin le rapporte, certains hérétiques prirent occasion de ces paroles pour admettre que certains doivent ressusciter avant les autres et régner mille ans sur la terre avec le Christ : de là, leur nom de Chiliastes ou de Millénaires. Il montre donc qu’il faut les interpréter autrement et les entendre de la résurrection spirituelle par laquelle les pécheurs recouvrent la vie de la grâce. La seconde résurrection sera celle des corps. « Le royaume du Christ », c’est l’Église, dans laquelle règnent avec lui non seulement les martyrs, mais tous les élus, « une partie étant prise ici pour le tout ». -Ou encore, s’il s’agit du royaume glorieux du Christ, les martyrs sont spécialement nommés, « parce que ceux-là surtout règnent après leur mort qui ont combattu jusqu’a la mort pour la vérité ». Le mot « millénaire » ne signifie point un nombre déterminé, mais désigne tout le temps qui s’écoule maintenant, et pendant lequel, maintenant, les saints règnent avec le Christ. Le nombre mille désigne l’universalité mieux que le nombre cent : cent, c’est le carré de dix ; mais mille, c’est un nombre achevé, le produit de dix multiplié deux fois par lui-même, dix fois dix dizaines. Les Psaumes emploient ce mot dans le même sens : « La parole que Dieu a affirmée pour mille générations », c’est-à-dire, pour toutes.

Solution 5 : Cette hypothèse méconnaît la différence entre l’être et l’amour. Notre union au Christ après notre mort sera une union d’amour. Dès cette terre, pour signifier ce que réalise la charité, le Christ nous compare à son corps dont nous ne faisons, par analogie avec l’unité vitale qui est celle du corps, partie à titre de membres. Mais cette analogie ne prétend pas dire autre chose que cette profondeur mystique de la grâce. Nous expérimentons qu’au plan de notre être, nous sommes créés par Dieu de telle façon que nous continuons d’exister avec ou sans la charité. Notre existence est naturelle, même si elle est déjà un don gratuit de Dieu. De même, après la mort, la survie et l’exercice des activités spirituelles de notre âme seront naturels. Il est inutile de poser une quelconque intervention supplémentaire du Christ pour expliquer la survie des âmes, voulue par Dieu de par la nature de sa création. Les objections modernes à cette survie viennent d’une phobie du risque de dualisme âme-corps, phobie démontée largement par le Cardinal Ratzinger[13]. C’est pourquoi les âmes de l’enfer, pourtant séparées tant au plan de l’amour que de la présence du corps physique du Christ, survivent et choisissent à chaque instant leur destin sans amour.

Cette hypothèse n’est pas raisonnable au plan métaphysique puisqu’elle donne au corps du Christ un rôle qui n’est pas le sien, à travers une compénétration des essences très opposée à l’autonomie ontologique voulue par Dieu pour chacune de ses créatures spirituelles ; D’autre part, elle rend inutile la résurrection finale et son caractère très concret, démontré par Jésus lors de ses apparitions au lac de Tibériade. Elle en arrive en fait à confondre fusion (donc au plan de l’être) et union (d’amour). Par contre, si elle est réinterprétée pour les âmes des élus comme une participation d’ordre amoureuse comparable à l’unité harmonieuse du corps et de ses membres, elle retrouve un sens acceptable : acceptable seulement car ce n’est pas au corps du Christ que nous participerons mais à la Trinité tout entière, Père, Verbe fait chair et Saint Esprit.

 

Article 2 : Doit-elle avoir lieu immédiatement après le retour du Christ ?

Objection 1 : Cela ne semble pas. Après le retour du Christ certains seront encore au purgatoire où ils n’auront pas fini leur temps. Il est nécessaire que la résurrection soit différée jusqu’à ce qu’ils soient complètement purifiés.

Objection 2 : Ce qui est ignoré des anges l’est aussi, et à plus forte raison, des hommes ; car ce que ceux-ci peuvent découvrir par leur raison, les anges en ont une connaissance naturelle beaucoup plus nette et certaine. D’autre part, s’il s’agit de révélations, elles sont faites aux hommes par le ministère des anges. Or, « quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges du Ciel ».

Objection 3 : Plus que tous les autres, les apôtres furent mis dans les secrets de Dieu, eux qui, selon saint Paul, « eurent les prémices de l’Esprit », c’est-à-dire, explique la Glose, qu’ils l’eurent « avant les autres et en plus grande abondance ». Cependant à leur question Jésus fit cette réponse : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps et les moments que le l’ère a fixés de sa propre autorité ».

Objection 4 : Si déjà la philosophie et la médecine nous montrent la difficulté d’admettre que l’activité de l’âme puisse se poursuivre après la mort sans le corps physique, nous ne voyons pas de raison pour penser, d’un point de vue théologique, à un retard jusqu’à la fin de ce monde, avant que la personne puisse se réaliser dans la vie du Christ. Rien n’empêche la Toute Puissance divine d’opérer la résurrection au moment même de la mort. Nous arrivons alors à cette analogie : de même que le Christ-Tête ressuscite pleinement dans sa personne, ainsi l’âme de chaque individu au moment de sa mort communie à la Tête, recevant d’elle sa corporéité, se relie comme membre d’une façon nouvelle à l’humanité de Jésus, médiation irremplaçable pour le contact plénier avec Dieu ; cette insertion implique donc la reconstitution immédiate de la corporéité personnelle qui met à la personne d’épanouir sa vie dans le pneuma du Ressuscité. [14]

 

Cependant : Saint Paul dit[15] : « Le Seigneur descendra du Ciel et les morts qui sont dans le Christ ressusciteront en premier lieu ; après quoi nous les vivants, nous qui seront encore là, nous serons réunis à eux et emportés sur des nuées pour rencontrer le Seigneur dans les airs ». Donc la résurrection suivra immédiatement le retour du Christ.

 

Conclusion : Comme nous l’avons montré, la résurrection des corps est différée chez les élus comme chez les damnés pour que la gloire de Dieu soit manifestée d’un seul coup dans l’humanité à la fin du monde. Or cette fin du monde terrestre sera inaugurée par le retour du Christ. Après cette venue, quand tous les hommes auront été jugés individuellement, il n’y aura plus à attendre aucun évènement dans le monde terrestre qui sera devenu inutile. Tous les hommes dont Dieu avait prévu la naissance seront arrivés au terme de leur épreuve. Il n’y aura donc plus aucun obstacle à ce que la résurrection soit réalisée immédiatement. En conséquence, on doit dire que cet évènement suivra immédiatement le retour du Christ.

 

Solution 1 : Le purgatoire n’est pas un temps extérieur comparable à celui de la terre. Il est plutôt une souffrance dont la durée intérieure parait à l’âme d’autant plus longue qu’elle désire Dieu. Dieu peut donc faire subir à une âme toute sa purification en un instant. L’âme n’en éprouve pas moins l’impression d’avoir subit le purgatoire pendant un long temps.

Solution 2 : Cette objection s’applique à la date du retour du Christ que personne ne connaît. En effet, selon saint Augustin : « Le dernier âge de l’humanité qui s’étend de l’avènement du Seigneur jusqu’à la fin du monde, comprendra un nombre de générations qu’on ne saurait déterminer » ; de même que le dernier âge de l’homme, la vieillesse, n’a point de limites aussi fixes que les autres, mais parfois, à lui seul, « dure autant que tous les autres ensemble ». Il n’y a, en effet, que deux moyens de connaître l’avenir : la raison ou la révélation. Or, la raison est impuissante à supputer le temps qui doit s’écouler jusqu’à la résurrection, celle-ci devant coïncider avec l’arrêt du mouvement du ciel. C’est par le mouvement que la raison peut calculer et aussi prévoir, pour un temps déterminé, ce qui doit arriver. Or, le mouvement du ciel ne permet pas d’en connaître le terme ; car il est circulaire, et donc de telle nature qu’il puisse durer plusieurs milliard d’années.

D’autre part, aucune révélation n’est faite à ce sujet, afin que tous les hommes se tiennent toujours prêts à paraître devant le Souverain Juge. Aux apôtres qui l’interrogeaient Jésus répondit : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité ». « Par cette parole, dit saint Augustin, il coupe, pour ainsi dire, les doigts à tous 1es « calculateurs et leur ordonne de se tenir tranquilles ». Ce qu’il a refusé de révéler à ses apôtres qui le lui demandaient, il ne le révélera à personne.

C’est pourquoi tous ceux qui jusqu’ici ont voulu calculer se sont trompés. « Les uns, dit saint Augustin, parlent de quatre cents, d’autres de cinq cents, et même de mille ans, à partir de l’ascension du Seigneur jusqu’à son dernier avènement ». Leur erreur est flagrante, telle sera toujours celle de leurs imitateurs.

Mais, si l’on ne connaît pas la date de la fin du monde qui sera marquée par le retour du Christ, on sait par contre que cette venue sera suivie immédiatement par deux évènements : 1° La résurrection des corps et la transformation du monde ; 2° le jugement général de l’humanité.

Solution 3 : Lorsque le Christ sera revenu dans sa gloire accompagné des saints et des anges, chacun saura avec certitude que la résurrection est imminente. Ainsi, ce ne seront pas seulement les apôtres qui seront dans le secret de Dieu mais tous les hommes.

Solution 4 : Nous avons déjà répondu à cette hypothèse[16]. Rappelons seulement que l’humanité du Christ est médiatrice irremplaçable pour le cœur à cœur avec Dieu tel que nous pouvons le réaliser ici-bas. En effet, il n’existe pas d’autre Médiateur de la grâce si ce n’est à travers lui. Cependant, dans la vision béatifique, nous verrons cette fois sa divinité face à face, sans l’intermédiaire de son humanité qui nous sera plutôt rendue visible par sa divinité[17]. C’est pourquoi, dit saint Paul, le Christ remettra toute Royauté à son Père, c’est-à-dire à la Sainte Trinité tout entière. Cette objection confond donc la Vie surnaturelle du cheminement d’ici-bas avec celle du Ciel.

 

Article 3 : La résurrection sera-t-elle instantanée ?

Objection 1 : Le prophète Ezéchiel la décrit ainsi : « Les os se rapprochèrent les uns des autres ; et je vis : voici que des muscles et de la chair avaient crû au-dessus d’eux, et qu’une peau les recouvrait, mais il n’y avait point d’esprit en eux ». La résurrection ne sera donc point instantanée, puisque les corps devront être refaits avant que les âmes leur soient réunies.

Objection 2 :    Ce qui exige plusieurs actions successives ne peut être instantané. Or, la résurrection en exige trois : la collection de la matière, la recons­truction du corps, l’infusion de l’âme.

Objection 3 : Le son est toujours mesuré par le temps. Or, le son de la trompette sera cause de la résurrection.

Objection 4 : Aucun mouvement local n’est instantané. La préparation de la matière ne peut donc pas l’être, et pas davantage la résurrection :

 

Cependant : 1° « Nous ressusciterons tous, écrit saint Paul, en un instant, en un clin d’œil ».

2. L’action d’une puissance infinie est instan­tanée. Or, « croyez, dit saint Damascène, que la résurrection sera l’œuvre de la puissance divine », qui est infinie.

 

Conclusion : Dans la résurrection, certaines choses seront confiées au ministère des anges ; d’autres seront réservées à la toute-puissance divine. Les premières ne seront pas faites en un instant, au sens philosophique du mot, un temps indivisible, mais en un temps imperceptible. Les secondes seront instantanées, c’est-à-dire, accomplies par Dieu à l’instant même où les anges auront achevé leur œuvre. L’activité inférieure reçoit, en effet, de l’activité supérieure sa dernière perfection.

 

Solution 1 : Ezéchiel s’adressait à un peuple grossier ; aussi a-t-il décrit l’une après l’autre les phases de la résurrection, quoique tout doive être instantané : tout comme Moïse, pour se rendre intelligible au même peuple, avait divisé en six jours la création du monde, qui a de fait été faite en plusieurs ères géologiques.

Solution 2 : Ces opérations sont successives, si l’on regarde leur nature, mais elles ne le sont pas au point de vue du temps soit qu’elles aient lieu au même instant, soit que, à l’instant même où l’une s’achève, l’autre soit faite.

Solution 3 : Il en est ici comme des paroles sacra­mentelles : c’est au dernier instant que l’effet se produit.

Solution 4 : La collection de la matière qui exige le mouvement local, sera faite par les anges, mais en un temps imperceptible, à cause de la facilité d’action qui est leur privilège.

 

QUESTION 38 : Le point de départ de la résurrection[18]

 

Deux demandes :

Article 1: Certains hommes n’auront-ils pas à ressusciter parce qu’ils ne mourront pas?

Article 2: L’homme doit-il nécessairement ressusciter à partir de ses cendres ou n’importe quelle autre matière peut-elle convenir?

 

Article 1 : Certains hommes n’auront-ils pas à ressusciter parce qu’ils ne mourront pas ?

Objection 1 : C’est contre tous ceux qui naissent avec le péché originel qu’a été portée la sentence : « Tu es poussière et tu retourneras en poussière ». Or, tous ceux qui doivent ressusciter au dernier jour, sont nés, nés vivants ou mort-nés, avec le péché originel. Tous doivent donc ressusciter après être morts.

Objection 2 : Le corps humain contient de nombreux éléments étrangers à la vraie nature humaine. Or, tous ces éléments doivent disparaître. Il faudra donc que tous les corps soient réduits en cendres.

Objection 3 : La sainte Écriture, qui enseigne la résurrection des corps, enseigne aussi « leur reformation ». Or, de même que tous les hommes doivent mourir afin de pouvoir vraiment ressusciter, de même tous les corps doivent être dissous afin de pouvoir être refaits. De plus, la justice divine n’a pas seulement infligé à l’homme la peine de mort, mais encore la dissolution de son corps : « Tu es poussière et tu retourneras en poussière ». De son coté, l’ordre naturel exige non seulement la séparation de l’âme et du corps mais encore la dissociation des éléments dont celui-ci est composé : le vinaigre ne peut redevenir vin qu’après une décomposition radicale.

 

Cependant : À la fin du monde, certains seront trouvés vivants et ne mourront pas d’après saint Paul[19] : « Nous ne mourrons pas tous ». Donc ceux là ne ressusciteront pas de leurs cendres.

 

Conclusion : Les mêmes raisons qui démontrent que certains hommes ne doivent pas mourir avant de ressusciter, démontrent aussi que certains ne ressusciteront pas mais seront simplement transformés dans leur manière d’être. Cependant, pour ceux qui seront morts lors du retour du Christ, on doit affirmer qu’ils ressusciteront à partir de la matière de la terre.

 

Solution 1 : Par exception, la dernière génération de l’humanité échappera à la mort, manifestant par là la victoire totale réalisée par le Christ à la croix et qui a détruit non seulement le péché mais aussi ses conséquences.

Solution 2 : Un effet peut être obtenu par des actions différentes. Ainsi peut-on aller à Rome en passant par plusieurs routes. De même, la transformation du corps de l’homme en un corps impassible peut provenir de la résurrection des corps à partir d’une matière minérale, pourquoi pas à partir des cendres du cadavre comme semble l’indiquer la tradition antique du culte des reliques ou de la transformation qualitative pour ceux qui seront trouvés en vie.

Solution 3 : En stricte justice, l’homme qui naît en état de péché originel mérite non seulement la mort pour son corps mais aussi la séparation éternelle d’avec Dieu puisqu’il s’en est sépare en Adam. Mais la justice de Dieu est miséricordieuse. C’est pourquoi il libère chaque homme du péché originel par le baptême issu de la rédemption de son fils. De même, il libérera certains hommes de l’exigence de la mort, à la fin du monde, en l’honneur de la victoire opérée par le Christ et manifestée par son retour.

 

Article 2 : L’homme doit-il nécessairement ressusciter à partir de ses cendres ou n’importe quelle autre matière peut-elle convenir ?

Objection 1 : La pratique liturgique de l’Église a été, dès les temps apostoliques, de conserver pieusement les reliques en vue de leur résurrection future. Si ces restes du corps des saints ne devaient pas ressusciter, ce serait toute la tradition la plus profonde de l’Église qui aurait failli.

Objection 2 : Si Dieu n’utilise pas les cendres du corps décomposé, l’homme ne retrouvera pas à la résurrection son propre corps, mais un autre, ce qui s’oppose à la foi.

Objection 3 : Le Christ est le modèle de notre résurrection. Or la matière de son cadavre qui a été utilisée pour ressusciter. Donc il en sera de même pour nous.

 

Cependant : Il est facile, à partir d’arguments de la simple raison, de prouver que Dieu n’utilise pas les cendres du cadavre.

1° Au cours de sa vie, le corps humain renouvelle sans cesse sa matière. Si toute cette matière devait ressusciter, les corps pèseraient plusieurs tonnes.

2° Le corps humain peut être décomposé en ses éléments ou devenir la chair d’autres animaux. Or les éléments sont homogènes. La chair du lion ou de tout autre animal l’est aussi. Puisque, ni dans celle-ci, ni dans ceux-là, il n’y a d’inclination naturelle à une âme déterminée, il n’y en a donc pas non plus dans le corps après sa dissolution.

3° À toute inclination naturelle correspond un agent naturel, autrement, « la nature ferait défaut dans une chose nécessaire ». Or, il n’existe aucune puissance naturelle capable de réunir des cendres à l’âme qui les animait. Donc il n’y a pas en elles d’inclination naturelle pour cette âme.

 

Conclusion : Le terme de cendres est employé dans la tradition chrétienne en référence à des pratiques plus anciennes. On donne le nom de cendres à tout ce qui reste du corps humain après sa dissolution pour deux raisons :

1° C’était une coutume générale, chez les certains peuples de l’Antiquité, de brûler les cadavres et d’en conserver les cendres. D’où l’emploi de ce mot pour désigner les restes des mortels.

2° Ce qui rend nécessaire cette dissolution, c’est le foyer de convoitise dont le corps humain est infecté tout entier et qui exige une purification non moins radicale, puisque celle-ci est due à un foyer, le nom de cendres convient donc bien à son résidu, à ce qui reste du corps humain après sa décomposition.

Les anciens des diverses civilisations ont eu trois opinions au sujet du rapport entre l’âme et les cendres de la décomposition de son cadavre.

1° Pour les Égyptiens anciens, le corps humain ne devait jamais être réduit à ses premiers éléments car il restait toujours dans les momies une certaine force de cohésion qui leur donnait non seulement une inclination naturelle pour l’âme qui fut la leur –ils croyaient comme les chrétiens à la résurrection de la chair-, mais qui en outre permettait par sa force à l’âme de ne pas se décomposer elle-même. De là venait leur volonté de conserver intacte la forme des cadavres et la pire des vengeances consistait à détruire une momie. Cette opinion, comme d’ailleurs celle des témoins de Jéhovah qui disent que l’âme est le sang de l’homme, est facilement battue en brèche par la simple étude philosophique de la nature de l’âme humaine. L’âme ne peut dépendre dans sa survie de l’état du corps car elle est d’une nature différente. « Etant douée d’actes qui dépassent la matière, elle est nécessairement au delà de toute matière », dit Aristote. De même, si l’on objecte que c’est la partie psychique –le Ka des anciens égyptiens- que l’âme spirituelle emmène avec elle qui ne peut subsister qu’en s’appuyant sur la matière du corps, il faut répondre que c’est impossible. Si le psychisme est capable de survivre et de s’exercer avec une nouvelle plénitude dans les heures qui suivent la mort alors que l’organe du cerveau est déjà irrémédiablement détruit, c’est qu’il trouve sa force ailleurs, c’est-à-dire dans l’âme elle-même.

2° La seconde opinion prétend que les éléments résultant de la décomposition du corps humain, ayant été unis à une âme humaine, en gardent plus d’énergie et, par conséquent une certaine inclination à lui être réunis. C’est une opinion de nouveau mise à la mode dans les courants du Nouvel Age. On en retrouve les principes dans l’homéopathie qui attribue à la matière minérale une « mémoire » de son passé. Cette théorie est loin d’être démontrée. En tout état de cause, si une telle inclination existe, elle ne peut être que très faible. Elle ne peut pas justifier la nécessité pour Dieu d’utiliser pour la résurrection exclusivement les cendres du cadavre. On peut le découvrir à la simple observation de la puissance de l’âme humaine telle que nous l’observons ici-bas. Au cours de la vie, elle est capable d’unir dans un seul être une matière, puis une autre et de renouveler sans cesse sa matière.

La troisième opinion n’admet dans les cendres humaines, aucune inclination naturelle à ressusciter, mais seulement une loi providentielle en vertu de laquelle elles seront réunies à l’âme de préférence aux autres éléments. C’est cette opinion qui est la vraie. C’est pourquoi on doit dire qu’à la résurrection, Dieu utilisera indifféremment telle ou telle matière pour rendre à l’homme son vrai corps, car ce qui fait que tel corps est le sien, ce n’est pas l’identité des atomes, mais leur organisation vitale par l’âme.

 

Solution 1 : Il est convenable que certains restes qui ont été matière du corps humain soient plus particulièrement utilisés par Dieu lors de la résurrection. C’est en effet cette matière qui a été instrumentalement utilisée pour la vie humaine terrestre. Elle a été utile à l’homme dans l’épreuve. Il convient qu’elle lui soit utile dans l’obtention de sa fin. C’est pourquoi la coutume générale de l’Église vénère les reliques des saints qu’elle considère comme des signes de leur future résurrection. Mais il ne s’agit pas d’une nécessité venant de la matière elle-même, mais d’un acte volontaire de Dieu qui, parfois, se plait à honorer matériellement la chair de ses serviteurs. Ainsi permet-il aussi de manière exceptionnelle, à titre de témoignage d’une particulière pureté du corps, la conservation miraculeuse du cadavre de certains saints.

Solution 2 : De même que le corps enfant et le corps devenu adulte sont parfaitement le corps de tel homme alors qu’ils ne possèdent parfois plus un seul atome en commun, de même pour la résurrection. En effet, l’identité du corps vient de deux choses : 1° De l‘âme qui est sa forme et qui lui donne d’être ; 2° Du chiffre biologique transmis par les parents et qui détermine la matière. Ainsi, pour ressusciter identique, le corps n’a pas besoin d’assumer les atomes lui ayant un jour appartenu, ce qui serait impossible vu la quantité de matière que nous assimilons au cours d’une vie et ce qui élimine définitivement toute question comme celle du cannibalisme etc.

Solution 3 : Le Christ est ressuscité de son propre cadavre. Cela n’était pas nécessaire pour qu’il soit vraiment ressuscité mais pour que nous croyions en sa résurrection.

A l’argument Cependant : Dieu ne se sert pas nécessairement des cendres. Cela ne signifie pas qu’il les méprises toutes. Ce n’est pas par nécessité mais par respect pour le corps que Dieu utilise une certaine partie de la matière qui, jadis, a composé le corps.

 

 

QUESTION 39 : L’état des ressuscités et d’abord leur identité[20]

 

Il s’agit maintenant de l’état des ressuscité : tous les hommes ressusciteront, qu’ils soient bons ou mauvais. Certains caractères corporels seront communs aux bons et aux mauvais : l’identité, l’intégrité, la qualité. C’est ce que considérerons dans un premier temps.

Nous verrons dans un deuxième temps les caractères propres au corps des élus : l’impassibilité, la subtilité, l’agilité et la clarté. Nous verrons enfin ce qui concerne le corps des damnés.

Au sujet du premier, on demande :

Article 1: L’âme reprendra t-elle le même corps?

Article 3: L’homme ressuscité sera-t-il le même homme?

Article 1 : L’âme reprendra t-elle le même corps ?[21]

Objection 1 : Saint Paul semble nier cette identité dans la comparaison qu’il emploie à ce sujet : « Ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps qui sera un jour, c’est un simple grain ».

Objection 2 : Toute forme exige une matière, et tout agent, un instrument, en harmonie avec leur commune condition ; le corps est, par rapport à l’âme, matière et instrument. Or, après la résurrection, l’âme ne sera plus la même, mais ou toute céleste ou toute animale, selon la vie qu’elle aura menée ici-bas. Elle devra donc reprendre un corps, qui, comme elle, ne soit plus le même.

Objection 3 : La mort résout le corps humain en ses éléments, qui, dès lors, n’ont plus rien de commun avec lui que leur caractère de matière première, caractère qu’ils partagent avec tous les autres principes matériels. Le corps humain refait avec les éléments qui lui ont appartenu n’est donc pas plus identique à lui-même que s’il était refait avec des éléments quelconques.

Objection 4 : Il est impossible qu’une chose soit la même quand ses parties essentielles ne sont plus les mêmes. Or, la forme du composé humain ne peut pas se retrouver la même. Donc le corps humain ne sera plus le même. –La mineure se prouve ainsi : Ce qui tombe dans le néant ne peut en sortir identique à lui-même ; en effet, il en va de l’existence, qui est l’acte de l’être, comme de tout autre acte : s’il est interrompu, c’est un acte nouveau et différent qui lui succède. Or la forme du composé humain, étant corporelle, est réduite à néant par la mort, comme aussi les qualités contraires qui entrent en composition. La forme qui réparait n’est donc pas identique à la première.

Objection 5 : L’opinion du Cardinal Gouyon est la suivante[22] : « Le comment de cette résurrection que l’Église a dès les premiers temps intégré à son Credo reste un mystère. On peut penser toutefois à en approcher. Au cours de notre vie, ce qui fait le caractère personnel de notre corps, ce ne sont ni ses tissus ni ses cellules qui sont en perpétuel renouvellement, mais sa relation à son histoire et ses relations au monde inscrites au plus profond de la partie spirituelle de notre être. Notre corps ressuscité devra se trouver ajusté à ces empreintes en même temps qu’au monde des hommes et des choses que nous retrouverons lui-même transformé ». Donc pour ressusciter semblable, il suffit de retrouver ses souvenirs et relations, pas l’identité de sa chair.

 

Cependant : 1° « Dans ma chair je verrai Dieu, mon Sauveur ». Ainsi s’exprime Job ; et il parle de la vision qui suivra la résurrection : « Au dernier jour, je me relèverai de terre ». C’est donc bien le même corps qui ressuscitera.

2° « La résurrection, c’est le relèvement de ce qui est tombé » dit saint Damascène. Or, ce qui tombe par la mort, c’est le corps que nous avons maintenant. C’est donc bien lui aussi, le même, qui ressuscitera.

 

Conclusion : Certains philosophes admettaient la réunion de l’âme et du corps, mais ils commettaient deux erreurs. La première portait sur le mode de réunion qui, d’après quelques-uns, n’était autre que la voie ordinaire de génération. La seconde portait sur le corps repris par l’âme qu’ils prétendaient n’être pas le même, mais un autre : soit d’une espèce différente (hindouisme), corps de l’animal, chien, lion, etc., auquel l’âme avait ressemblé par ses mœurs bestiales ; soit de la même espèce (bouddhisme), un corps humain auquel, après avoir vécu moralement ici-bas et après des siècles de félicité posthume, l’âme désirerait être réunie et le serait.

Cette opinion suppose deux principes également faux. 1° Dans ces hypothèses, l’âme n’est pas unie au corps essentiellement, comme la forme l’est à la matière, mais accidentellement comme le moteur l’est au mobile ou l’homme au vêtement Dès lors, on peut regarder l’âme comme préexistant au corps, avant que la génération ait rendu possible son union avec lui ; comme capable aussi de s’unir à différents corps. 2° Il n’y a entre l’intelligence et la sensibilité qu’une différence de degré : le privilège de l’intelligence attribué à l’homme signifie simplement une sensibilité plus excellente résultant d’un organisme parfait. Une âme humaine pourrait donc passer dans le corps d’un animal, surtout si elle en a vécu la vie (opinion évolutionniste moderne). - Mais Aristote, dans son traité de l’âme, a montré la fausseté de ces deux principes, et, par conséquent, de l’opinion qui repose sur eux.

Certains hérétiques ont partagé les mêmes erreurs philosophiques et sont donc réfutés, eux aussi. -D’autres, parmi lesquels un évêque de Constantinople cité par saint Grégoire, ont prétendu que les âmes seraient unies à des corps célestes ou à des corps subtils comme l’air. -D’ailleurs, toutes les affirmations de ces hérétiques sont erronées parce qu’elles sont incompatibles avec une vraie résurrection telle que l’Écriture l’enseigne. Il ne peut y avoir résurrection que si l’âme reprend le même corps : ressusciter, c’est se relever ; c’est celui-là même qui est tombé qui doit se relever. La résurrection concerne donc le corps qui tombe par la mort plutôt que l’âme qui continue de vivre. Dès lors, si l’âme ne reprend pas le même corps, il ne s’agit plus de résurrection, mais de son union avec un nouveau corps

 

Solution 1 : Une comparaison est toujours imparfaite. Le grain qui sort de terre n’est pas le même que celui qui y fut jeté : il ne lui est pas non plus semblable, puisqu il a des feuilles que l’autre n’avait point. Le corps ressuscité sera bien le même corps, mais transformé ; non plus mortel, mais devenu immortel.

Solution 2 : Après la résurrection, l’âme ne sera pas essentiellement différente de ce qu’elle était ici-bas ; elle sera glorieuse ou malheureuse, ce qui ne constitue qu’une différence accidentelle. Il n’est donc pas nécessaire qu’elle soit unie à un corps nouveau ; il suffit qu’elle soit réunie au même corps, mais transformé, de façon qu’il s’harmonise avec l’âme.

Solution 3 : Ce qui est essentiel pour que le corps de l’homme soit le même après la résurrection, ce n’est pas que la matière qui le compose soit matériellement la même. Cela est d’ailleurs impossible car, au cours de la vie humaine, la matière qui compose le corps humain se renouvelle sans cesse, au point que si le corps glorieux devait assumer tous les éléments matériels qui ont à un moment donné fait partie du corps humain, ses dimensions seraient énormes. Ainsi, l’identité du corps humain se prend non de la matière mais de la forme. Et cette forme est substantiellement l’âme elle-même ; en second lieu elle est la forme du corps, c’est-à-dire l’organisation intime que l’âme assume au moment de la conception par les parents. Cette forme organique ne subsiste dans son organisation que par la vertu de l’âme. À la mort, elle se décompose avec le corps.

Ceci posé, pour comprendre de quelle manière la résurrection permet à l’âme d’assumer le vrai corps de l’homme, il suffit d’affirmer deux choses : 1° Il faut que la forme substantielle soit la même. Il faut donc que ce soit la même âme. D’ailleurs, l’âme ne peut en aucune manière assumer un autre corps que le sien puisqu’elle est créée par Dieu en vue de tel corps préparé par les parents dans l’acte de génération. 2° Il faut en outre que l’âme soit unie au même corps. C’est pourquoi, puisque ce qui commande au plan physique tout l’ordre de cette structure organique est le programme génétique, c’est que celui-ci est reconstitué par Dieu et ses serviteurs les anges. Celle-ci est source de la même structure organique : deux bras, deux jambes etc.

Solution 4 : De même que la qualité simple n’est pas la forme substantielle de l’élément ou corps simple, mais sa propriété et la disposition qui rend la matière apte à telle forme, de même la forme qui résulte de l’équilibre des qualités simples n’est pas la forme substantielle du corps composé, mais une propriété et une disposition à la forme substantielle. Celle-ci, pour le corps humain, est l’âme raisonnable elle-même. En effet, si l’on admettait une forme substantielle préalable, elle donnerait au corps humain son être substantiel, en ferait une substance ; et l’âme ne jouerait plus vis-à-vis de lui que le rôle d’une forme artificielle et son union avec lui ne serait plus qu’accidentelle, ce qui est l`erreur des anciens philosophes réfutée par Aristote, dans son Traité de l’âme. Il s’ensuivrait aussi que les termes qui désignent le corps et ses divers organes pendant et après leur union avec l’âme, ne seraient plus de purs homonymes, comme le dit cependant Aristote. Donc, du moment que l’âme raisonnable subsiste, aucune forme substantielle du corps humain ne tombe dans le néant. Quant aux formes accidentelles, elles peuvent varier dans une certaine mesure sans compromettre l’identité foncière. Ainsi, s’il est nécessaire pour que le corps ressuscité soit le même, que sa racine qui est son organisation biologique profonde soit la même, il n’est pas nécessaire qu’il existe sous le mode biologique actuel.

Solution 5 : Notre âme, notre esprit et les acquis de notre histoire qui sont gardés dans notre mémoire sensible font notre personne dans sa partie la plus essentielle puisqu’elle choisi notre destin éternel. C’est pourquoi, tout cela est conservé et non détruit avec la mort. Nous avons montré que Dieu a créé l’âme de telle manière qu’elle permette la survie non seulement de l’esprit mais de la vie sensible, malgré la mort du corps et de l’organe du cerveau. C’est pourquoi il n’y a pas de résurrection du psychisme mais seulement de la chair[23], c’est-à-dire de la partie végétative de notre être, qui cependant ne gardera plus dans l’autre monde un mode de vie végétative. C’est donc le corps, dans son identité et non dans son mode d’exercice qui doit ressusciter. L’identité de notre corps vient de l’âme, mais d’une manière cependant insuffisante : il existe un support fondamental qui demeure toujours, depuis notre conception à notre mort et dont certains éléments essentiels constituent notre individualité. C’est pourquoi, selon mon opinion, ce qui dans notre chiffre biologique est essentiel à notre individuel ressuscitera, doté cependant d’un nouveau mode de stabilité qui ne sera plus biologique mais porté par l’âme spirituelle.

 

Article 3 : L’homme ressuscité sera-t-il le même homme ?[24]

Objection 1 : « Dans une nature incorruptible sujette au changement, ce n’est jamais le même individu qui reparaît », dit Aristote. Or, telle est la condition présente de l’homme. Donc, après le changement apporté par la mort, ce n’est pas le même homme qui revivra.

Objection 2 : Avec deux humanités différentes, il est impossible d’avoir le même homme. Socrate et Platon ne sont pas un seul et même homme mais deux hommes, parce que leur humanité est différente. Or, l’humanité de l’homme vivant et celle de l’homme ressuscité sont différentes. Donc ce n’est pas le même homme. -Deux arguments prouvent la mineure. 1° l’humanité, forme du composé humain, n’est pas, comme l’âme, une forme substantielle ; elle tombe donc dans le néant, et c’est une autre qui lui succédera. 2° L’humanité résulte de l’union des parties qui composent l’homme. Or, cette union sera nouvelle, ce sera une seconde union, donc pas la même, ni la même humanité, ni le même homme.

Objection 3 : Pour que l’homme soit le même, il faut que l’animal, en lui, soit le même, et, pour cela, il faut que la sensibilité soit la même, puisque l’animal se définit par la sensibilité tactile. Or, les sens ne demeurant pas dans l’âme séparée, ce ne sera donc pas la même sensibilité qui reparaîtra ni le même animal, ni le même homme.

Objection 4 : La matière de la statue est plus importante dans la statue que celle de l’homme dans l’homme puisque les êtres artificiels sont substance par leur matière, tandis que les êtres naturels le sont ; par leur forme. Mais, si une statue est refaite avec le même airain, ce n’est plus la même statue. Donc, à plus forte raison, même si l’homme est refait avec les mêmes cendres, ce ne sera plus le même homme.

 

Cependant : 1. Job, parlant de la vision qui suivra la résurrection, dit : « Moi-même je le verrai, moi-même et non un autre ». L’homme ressuscité sera donc bien le même.

2. « Ressusciter, dit saint Augustin, ce n’est pas autre chose que revivre ». Mais, si ce n’était pas le même homme qui était mort et qui revient à la vie, on ne pourrait pas dire qu’il revit. Il n’y aurait donc pas de résurrection : ce qui est contraire à la foi.

 

Conclusion : La résurrection est nécessaire pour que l’homme atteigne sa fin dernière, qu’il ne peut atteindre ni en cette vie ni par la survivance de l’âme et du psychisme seuls. En effet, l’homme aurait été créé avec un corps charnel en vain, s’il lui était impossible d’atteindre la fin pour laquelle il a été créé. La même raison exige que ce soit le même homme qui atteigne la fin pour laquelle il a été fait. Il faut donc que l’homme ressuscité soit le même, et il sera le même par la réunion de la même âme au même corps. Il n’y aurait pas vraiment résurrection, si l’homme qui revit n’était pas le même. Nier cette identité est donc hérétique, parce que contraire à la vérité de l’Écriture qui enseigne la résurrection.

 

Solution 1 : Aristote parle de la réapparition causée par un mouvement ou changement naturel. En effet, il montre la différence qui existe entre le mouvement de translation qui ramène le Ciel, identique à son point de départ, et le mouvement de génération qui, dans les êtres corruptibles, ramène la même espèce, mais dans des individus diffé­rents l’homme, par exemple, engendre un homme, mais différent de lui-même ; ou encore, le feu engendre l’air, qui devient eau, qui devient terre, qui devient feu, mais un feu différent du premier. Cet argument est donc étranger à la question.

On pourrait dire encore que, parmi toutes les formes des êtres corruptibles, l’âme raisonnable seule subsiste par soi : l’être qu’elle avait inauguré dans le corps charnel, elle le conserve après sa séparation d’avec le corps charnel, et y fera participer le corps charnel à la résurrection ; puisque, dans l’homme, l’âme et le corps n’ont qu’un seul être, autrement, leur union serait accidentelle. L’être substantiel de l’homme ne subit donc jamais cette interruption qui empêcherait l’identité humaine avant et après elle ; tandis que l’interruption de l’être est complète dans les autres choses, dont la forme est abolie et dont la matière passe à un autre être

Ajoutons que la génération humaine ne saurait aboutir à l’identité numérique. Le père, en effet, contribue seulement à former un nouveau corps, qui possède sa matière à lui, son âme à lui, et constitue donc un autre homme.

Solution 2 : Au sujet de l’humanité, forme du composé humain, et de toute forme d’un composé quel­conque, il y a deux opinions. Les uns disent que la même réalité est forme de la partie, en ache­vant sa matière, et forme du tout, en lui donnant sa nature spécifique. D’après cette opinion, la réalité qui correspond à l’humanité, c’est l’âme raisonnable elle-même ; et comme l’homme res­suscité aura la même âme, il aura donc aussi la même humanité. - L’opinion d’Avicenne est différente et semble plus vraie. D’après lui, la forme du composé ne peut être ni celle d’une seule partie, ni une forme qui ne soit pas celle d’une partie ; mais c’est un tout, résultant de l’union de la forme avec la matière et comprenant l’une et l’autre. Dès lors, puisque le ressuscité aura la même âme et le même corps, il aura donc la même humanité. - L’argument suppo­sait que l’humanité était une forme nouvelle, surajoutée à la forme et à la matière : ce qui est faux.

La seconde preuve de la mineure n’est pas plus concluante. L’union (de l’âme et du corps) désigne une action ou passion ; mais le fait que celle-ci n’est pas la même n’empêche pas que l’humanité ne le soit. En effet, cette action ou passion ne fait pas partie de l’essence de l’huma­nité qui résulte d’elle. La génération et la résur­rection ne sont évidemment pas un seul et même mouvement, ce qui n’empêche pas le ressuscité d’être le même. Verra-t-on dans l’union la rela­tion même entre le corps et l’âme ? Mais cette relation ne constitue pas l’humanité, elle l’accom­pagne. L’humanité, en effet, n’est pas la forme d’un être artificiel, qui consiste simplement dans l’assemblage et l’ordonnance, lesquels, en se renouvelant, font un être nouveau, par exemple, une nouvelle maison.

Solution 3 : Nous avons vu que les puissances et les actes des puissances sensibles demeurent dans l’âme séparée. Mais même s’il n’en était pas ainsi, il n’y aurait pas de difficulté pour dire que l’homme ressuscité serait le même. En effet, dans l’homme, l’âme sensitive et l’âme raisonnable ne sont pas deux âmes distinctes mais deux effets de la seule âme ; Après la mort, l’âme sensitive humaine demeure substantiellement, comme l’âme raisonnable elle-même. Certains n’admettent pas que les puis­sances sensitives demeurent. Mais, puisqu’elles ne sont que des propriétés accidentelles, leur défaut d’identité ne porte aucun préjudice à l’identité de l’animal considéré dans son ensemble ni même à celle de ses parties organiques les puissances, en effet, ne sont des perfections ou actes des organes que comme principes d’action, comme la chaleur dans le feu.

Solution 4 : Tout au long de la vie terrestre, la matière qui com­pose le corps de l’homme ne cesse de changer et d’être remplacée par une autre matière assimilée par nutrition. Or c’est le même homme qui vit lorsqu’il a 5 ans ou lorsqu’il à 30 ans. Ceci manifeste que même si, lors de la résurrection, Dieu utilise une autre matière que les cendres issues de la décomposi­tion, il peut donner à l’homme un corps substantiel­lement identique. C’est pourquoi l’on doit concéder avec l’objection, que les êtres naturels sont substantiellement les mêmes par leur forme.

L’identité du corps se prend davantage de la forme que de la matière. Il n’est pas requis pour que le corps soit le même, qu’il reprenne exactement les mêmes éléments matériels qui ont jadis servi. Si Dieu se sert de certains éléments recueillis parmi les cendres du corps décomposé, c’est uniquement pour une raison de convenance afin que l’identité du corps ressuscité soit clairement manifestée à tous. Par contre, l’utilisation d’une matière préexistante pour façonner le corps ressuscité est absolument nécessaire puisqu’il s’agit d’un corps matériel et non d’un corps spirituel ou même psychique comme le pensaient certains qui interprétaient mal les écrits de saint Paul. C’est pour nous éviter cette erreur que Jésus s’est non seulement laissé voir par ses disciples mais aussi toucher par Thomas ; il a mangé avec eux pour leur montrer que son corps quoique doué de nouvelles propriétés mystérieuses était un véritable corps matériel.

 

QUESTION 40 : L’intégrité du corps des ressuscités[25]

 

Nous avons à étudier maintenant l’intégrité du corps ressuscité. On se demande si :

Article 1: Tous les membres du corps humain ressusciteront-ils?

Article 2: Tout ce qui, dans le corps de l’homme fut vraiment humain ressuscitera-t-il?

Article 1 : Tous les membres du corps humain ressusciteront-ils ?[26]

Objection 1 : La disparition de la fin entraîne celle du moyen. Or, la fin des membres, c’est leur acte. Dès lors, certains actes n’avant plus à être produits, les membres qui leur correspondent ne ressusciteront donc pas, puisque la providence ne fait rien d’inutile. Ainsi doit-il en être des organes de la vie végétative, reproduction et nutrition.

Objection 2 : Le corps doit ressusciter afin d’être récompensé ou puni pour le bien ou le mal que l’âme accomplit par lui. Mais, la main coupée à un voleur, repentant ensuite et sauvé, ne peut être ni récompensée du bien auquel elle n’a pas coopéré, ni punie du mal qu’elle a fait et dont la punition atteindrait l’homme lui-même. Tous les membres ne ressusciteront donc pas.

 

Cependant : « Les oeuvres de Dieu sont parfaites ». Or la résurrection sera l’œuvre de Dieu. L’homme en sortira donc parfait en tous ses membres.

 

Conclusion : L âme dans ses relations avec le corps, n’est pas seulement cause formelle et finale, mais encore cause efficiente. Il y a donc entre elle et lui les mêmes rapports qu’entre l’art et l’œuvre d’art : tout ce que celle-ci manifeste et développe, celui-là le contient en germe et en est le principe. De même, tout ce qui se révèle dans les parties du corps a son origine dans l’âme, qui le possède, pour ainsi dire, implicitement. L’œuvre d’art serait imparfaite, s’il lui manquait quelque détail que l’art avait prévu ; L’homme, lui aussi ne saurait être parfait si toute la virtualité de l’âme ne s’épanouissait pas dans le corps, s’il n’y avait pas pleine correspondance entre l’un et l’autre. Dès lors, comme la résurrection doit établir ce parfait accord, le corps ne devant ressusciter que parce qu’il est fait pour l’âme raisonnable, il faut donc que rien ne manque à l’homme ressuscité et qui ressuscite pour atteindre sa perfection suprême ; il faut donc que tous les membres qu’il possède actuellement ressuscitent avec lui.

 

Solution 1 : Les membres peuvent être considérés comme la matière dont l’âme est la forme ou comme l’instrument dont elle se sert ; la comparaison est, en effet, la même entre le corps tout entier et l’âme tout entière qu’entre les parties de l’un et celles de l’autre. Considéré comme matière, la fin d’un membre n’est pas l’opération, mais plutôt la perfection spécifique, que la résurrection doit respecter. Considéré comme instrument, sa fin, c’est l’opération. Mais, même alors, quand l’opération cesse, il ne s’ensuit pas que l’instrument perde toute utilité, car il peut servir à manifester, sinon l’activité, du moins la puissance d’agir. Ainsi, les puissances de l’âme dont l’énergie, sinon l’activité, se manifestera par les organes corporels, comme une louange à la Sagesse du créateur.

Solution 2 : À proprement parler, les actes méritoires n’appartiennent ni à la main ni au pied mais à l’homme tout entier ; de même que l’œuvre d’art n’est pas attribuée à la scie mais à l’ouvrier, comme à son principe. C’est donc l’homme tout entier qui ressuscite, tel qu’il est dans sa nature spirituelle, psychique et corporelle.

 

Article 2 : Tout ce qui, dans le corps de l’homme fut vraiment humain ressuscitera-t-il ?[27]

Objection 1 : Les aliments, par l’assimilation, deviennent quelque chose de vraiment humain. Or, la chair du bœuf sert d’alimentation. Elle devrait donc ressusciter.

Objection 2 : Les mêmes éléments peuvent avoir vraiment appartenu à différents corps humains, par exemple, dans le cas d’anthropophagie. Il est cependant impossible qu’ils se retrouvent en chacun d’eux, après la résurrection.

Objection 3 : Comment résoudre les deux cas vraiment étranges, et d’ailleurs purement hypothétiques, de l’enfant dont le père se serait nourri exclusivement de chair humaine ou, qui pis est d’embryons humains ?

Objection 4 : Le corps humain n’est pas le fruit de son seul patrimoine génétique. Il est aussi le fruit d’une histoire, d’une éducation et d’actes libres posés au cours d’une vie. C’est pourquoi des jumeaux homozygotes peuvent devenir physiquement très différents.

 

Cependant : S’il manquait au corps quelque chose, qui, en lui, appartint vraiment à la nature humaine, il serait imparfait. Or, la résurrection doit, au contraire, remédier à toutes les imperfections, surtout dans les élus : « Pas un cheveu de votre tête ne se perdra », dit Jésus.

 

Conclusion : Toute chose est vraie dans la mesure où elle est être. En effet, une chose est vraie quand elle est en elle-même, en acte, telle qu’elle est en celui qui la connaît. Ce qui fait dire à Avicenne : « La vérité de toute chose est une propriété de son être, tel qu’il lui a été fixé ». Dès lors, une chose est vraiment humaine, appartient à la vérité de la nature humaine, quand elle appartient proprement à l’être de la nature humaine, quand elle participe à la forme de la nature humaine : de l’or vrai, c’est celui qui possède la vraie forme de l’or, qui lui donne de posséder l’être propre à l’or.

La question reste de savoir ce qui appartient vraiment à la nature du corps humain. La science montre que dès le premier instant de la conception, tout ce qui appartient vraiment et essentiellement au corps de l’enfant est communiqué par les parents. Ainsi, le chiffre biologique du nouvel homme conçu, porté dans ses gènes, contient en germe tout ce que sera son corps par la suite. Ce principe matériel se multiplie par lui-même, par division cellulaire pour aboutir, par étapes, à l’être humain adulte. En conséquence, la matière apportée par la nutrition et qui sert à la croissance et à la conservation du corps ajoute quelque chose qui n’est pas premièrement humain, (et qui consiste dans le chiffre biologique de chacun) mais quelque chose de secondairement humain. Cette matière surajoutée ne demeure pas identique à elle-même durant toute la vie mais elle est soumise à un flux constant quant à ce qu’elle a de matériel. En conséquence, on doit dire ceci à propos de la résurrection qui doit rétablir le corps humain selon ce qu’il est substantiellement :

1° Il est essentiel que le principe constitutif de l’individu corporel, communiqué par les parents et qui amène par multiplication le corps sa perfection, ressuscite. C’est pourquoi on doit affirmer que l’homme retrouvera son corps selon son chiffre biologique individuel. Il faut cependant remarquer que tout, dans le domaine génétique n’a pas le même rapport à l’essence du corps humain réalisée dans un être individuel. On doit trouver une distinction dans les gènes.

Certains gènes déterminent des fonctions essentielles, communes à tous les hommes, donc liés à la définition même de l’homme, comme par exemple le développement d’un organe ou d’un membre. Ces gènes là demeurent.

D’autres sont communs à tous les hommes mais uniquement de manière provisoire, compte tenu de l’étape terrestre de la purification. Ainsi, la nécessité de mourir est programmée d’après l’Écriture à 120 ans. Le renouvellement des cellules est déterminé à se ralentir en proportion de l’âge. De tels gènes ne seront plus actifs. Leur utilité ne sera plus.

D’autres gènes déterminent la qualité propre à tel individu, ce qui le distingue des autres hommes qui portent la même nature. Par exemple, la couleur des yeux, la forme du visage, les racines de son tempérament et toutes ces qualités accidentelles qui font une personne unique. Ceux-là aussi doivent être refaçonnés puisqu’ils appartiennent en propre à l’individu.

D’autres enfin sont liés à des erreurs et des dégradations de la nature humaine au cours des générations. Il s’agit des mutations génétiques dues au hasard de la division cellulaire et qui affectent le patrimoine héréditaire transmis aux enfants. Elles ne demeureront pas. Il leur sera apporté remède par Dieu lors de la résurrection de telle façon qu’il ne subsiste dans l’au-delà aucune tare génétique. Tous les handicaps génétiques disparaîtront.

2° Le corps humain se développe et se renouvelle grâce à la nutrition qui lui apporte chaque jour une certaine quantité de matière. Ces éléments qu’il doit à la nutrition ne ressusciteront pas en totalité, étant secon­daires, mais dans la mesure nécessaire à la quantité qu’il doit avoir. Ils ressusciteront pour former toutes les parties de l’individu, la chair, les os et tous les autres tissus propres au corps humain, dont le Seigneur a clairement montré la présence à ses disciples après sa propre résurrection. Car la chair et les os appartiennent vraiment et également à la nature humaine, quant à leur forme spécifique, car, à ce point de vue, elles demeurent, mais non quant à leur matière, car, à ce point de vue, elles sont soumises au change­ment. Il en est du corps humain comme d’une cité. Certains citoyens, enlevés par la mort, sont remplacés par d’autres, de telle sorte que les indi­vidus changent individuellement, mais demeurent formellement, en ce sens que les mêmes fonc­tions et les mêmes places, laissées vides par les uns, sont occupées par d’autres, et la société conserve son unité et son identité. De même, des parties semblables se substituent à d’autres dans le corps humain les éléments matériels changent, mais la forme spécifique demeure et l’on a donc toujours identiquement le même homme.

 

Solution 1 : Les êtres sont ce qu’ils sont par leur forme et non par leur matière. Quand les éléments matériels, qui furent d’abord dans le bœuf et ensuite dans l’homme, ressusciteront en celui-ci, ce ne sera pas de la chair bovine mais de la chair humaine qui ressuscitera. On pourrait tout aussi bien conclure à la résurrection du limon, c’est-à-dire sans doute de la nature animal préexistante, dont fut formé le corps d’Adam.

Solution 2 : La matérialité de l’élément n’est pas essentielle pour que ressuscite le vrai corps de chacun. Ce qui est essentiel, c’est que la forme génétique de chacun soit rendue dans ses aspects fondamentaux. La question est donc sans objet.

Solution 3 : Le premier et deuxième cas ont été résolus par ce qui a été dit. Quant au cas de l’enfant atteint de mongolisme ou de toute autre tare génétique aussi grave, il semble que l’on doit dire ceci : ou bien le chromosome supplémentaire ne fait pas partie essentiellement de sa nature corporelle et dans ce cas il ne ressuscitera pas. Ou bien -et cela parait théologiquement plus probable- il en fait partie et, dans ce cas, il ressuscitera ; Mais ce caractère anormal ne nuira en aucune manière à son bonheur puisque la vision de Dieu est donnée à l’âme et non au corps. Quant à la présence au Ciel de ces êtres qui si souvent ont été méprisés et rejetés sur la terre, elle manifestera à quel point est vraie cette parole de l’Écriture[28] : « Béni sois-tu, Père, Seigneur du Ciel et de la terre, d’avoir caché ceci aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits ».

C’est ce que Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus exprimait par ces mots[29] : « Longtemps, je me suis demandé pourquoi le Bon Dieu avait des préférences, pourquoi toutes les âmes ne recevaient pas un égal degré de grâce. Je m’étonnais en le voyant prodiguer des faveurs extraordinaires aux saints qui l’avaient offensé comme saint Paul, saint Augustin (…) Je me demandais pourquoi les pauvres sauvages, par exemple, mouraient en grand nombre avant d’avoir même entendu prononcer le nom de Dieu. Jésus a daigné m’instruire de ce mystère. Il a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toute les fleurs qu’il a créées sont belles, que l’éclat de la rose et la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette ; (…) J’ai compris que l’amour de Notre Seigneur se révèle aussi bien dans l’âme la plus simple qui ne résiste en rien à sa grâce que dans l’âme la plus sublime. En descendant ainsi, le Seigneur montre sa grandeur infinie ».

Solution 4 : Nous traitons dans cette question du retour de la chair, c’est-à-dire de la partie végétative de l’homme, celle qui a subi la mort. Les autres choses citées façonnent certes l’individualité du corps humain. Mais ils n’ont pas à ressusciter puisqu’ils sont conservés intacts après la mort par l’âme. Nous avons montré que l’esprit et le corps psychique ne disparaissaient pas avec le corps charnel[30]. À la résurrection, ils assumeront naturellement le corps rendu parfait et lui donneront cette individualité dont parle l’objection. C’est ainsi que, dans l’hypothèse, de deux jumeaux homozygotes, dont l’un aurait choisi l’enfer et l’autre la vision de Dieu, le corps prendra une individualité très différente. Il sera rendu aussi parfait à l’un qu’à l’autre. Mais chez le premier, il sera immédiatement contaminé par la lourdeur et la difformité de l’âme, par un phénomène de somatisation venant des passions mauvaises. Chez le second, il sera assumé par l’âme glorifiée et transfiguré jusqu’à des propriétés qui dépasseront sa nature.

QUESTION 41 : La qualité du corps des ressuscités

 

Nous avons à considérer maintenant les qualités naturelles des corps après la résurrection, qualités qui seront communes aux damnés comme aux élus.

On se demande :

Article 1: Les hommes ressuscités seront-ils immortels?30

Article 2: Les ressuscités auront-ils besoin de se nourrir?

Article 3: Le corps des ressuscités sera t-il sexué?

Article 4: Les ressuscités exerceront-il des relations sexuelles?

Article 5: L’âge des ressuscités

 

Article 1 : Les hommes ressuscités seront-ils immortels ?

Objection 1 : Cela ne semble pas. Le corps humain est par nature mortel puisqu’il porte en lui, dans son chiffre biologique, sa durée, selon la parole de la Genèse[31] : « L’homme n’est que chair, sa vie ne sera que de 120 ans ». Or c’est le même corps qui doit ressusciter. Donc il portera aussi en lui la capacité de mourir.

Objection 2 : Dans le paradis terrestre, l’immortalité du corps venait d’une grâce de Dieu qu’on appelle grâce originelle et surtout de la promesse d’une assomption. Or les damnés ne participeront à aucune grâce divine. Il semble que ceux là au moins doivent mourir.

Objection 3 : L’intention de la nature inférieure, dans son action tend à la perpétuité. Toutes les actions d’une nature inférieure sont ordonnées à la génération, celle-ci ayant pour fin de sauvegarder la perpétuité de l’espèce. La nature ne considère donc pas tel individu comme sa fin suprême ; ce qu’elle considère en lui, c’est la conservation de l’espèce. Cela, la nature le fait en tant qu’elle agit par le pouvoir de Dieu, racine première de la perpétuité. La fin de la génération, telle que l’expose le Philosophe est de faire participer les êtres au divin. Si l’immortalité est une propriété de l’espèce, il n’est pas nécessaire que les individus de cette espèce ressuscitent et demeurent éternellement.

 

 

Cependant[32] : L’effet prend la ressemblance de sa cause. Or la résurrection du Christ est cause de la résurrection à venir. Si donc le Christ est ressuscité de telle manière qu’il ne doit plus mourir, -le Christ ressuscité des morts ne meurt plus[33]-, les hommes ressusciteront tels qu’ils ne mourront plus.

 

Conclusion : À la résurrection, les hommes ressusciteront tels qu’ils n’auront plus de nouveau à mourir. La nécessité de mourir est une déficience qui affecte la nature humaine comme conséquence du péché. Or le Christ, par le mérite de sa passion a réparé les déficiences que cette nature avait contractées en fonction du péché. C’est ce que dit l’apôtre dans l’épître aux Romains : « Il n’en va pas du don comme de la faute ; si par la faute d’un seul, beaucoup sont morts, bien plus la grâce de Dieu, dans la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, a-t-elle abondé en beaucoup ». Autrement dit, le mérite du Christ peut abolir plus efficacement la mort que le péché d’Adam ne pouvait y entraîner. Ceux donc qui par le mérite du Christ ressusciteront libérés de la mort, n’en seront jamais plus victimes.

En outre, ce qui doit durer pour toujours n’est pas sujet à destruction. Si donc les hommes en ressuscitant avaient encore à mourir, de telle sorte que la mort durerait toujours, celle-ci ne serait aucunement détruite par la mort du Christ. Or elle a été détruite, dans sa cause au moins pour le moment, selon la parole du Seigneur rapportée par Osée : « O mort, je serai ta mort ». Détruite, elle le sera finalement en fait, selon cette autre parole de la première Epître aux Corinthiens : « En dernier lieu, la mort sera détruite ». Il faut donc tenir, avec la foi de l’Église, que les ressuscités ne mourront plus.

Quant à la cause de cette immortalité des corps ressuscités, qui sera commune aux élus comme aux damnés, elle viendra en premier lieu de Dieu puisque Dieu seul peut communiquer aux êtres la perpétuité. Et son action rendra l’âme humaine apte à assumer le corps en plénitude de telle manière qu’elle lui communique un nouveau mode d’exercice. Surélevée par Dieu dans sa puissance naturelle, l’âme deviendra forme parfaite du corps et elle assumera toutes les virtualités de la matière à tel point qu’aucune corruption ne pourra s’introduire dans l’ordre de sa constitution. En ce sens, on peut dire que le corps des ressuscités est absolument impassible.

L’âme deviendra parfaitement acte du corps de telle manière qu’il ne sera plus nécessaire que celui-ci reçoive un complément de nourriture extérieure pour se maintenir dans sa vitalité. Toute cause de corruption ou d’usure supprimée par l’âme, à cause de sa seule vitalité. Le corps participera à l’immortalité de l’âme qui est source de sa vie, L’homme ressuscité ne sera donc pas immortel pour la raison qu’il aura repris un autre corps incorruptible, mais parce que ce corps, qui est maintenant corruptible, deviendra incorruptible. Quant à la convenance te cette immortalité, chez les bons comme chez les mauvais, on peut en donner trois raisons :

1° La première vient de la fin même de la résurrection. Les bons comme les mauvais ressusciteront pour recevoir dans leur propre corps la récompense ou le châtiment de ce qu’ils auront fait durant leur vie terrestre. La récompense des bons, la béatitude, sera éternelle ; éternelle également la peine due au péché mortel. Il faut donc que les corps des uns et des autres soient incorruptibles.

2° Une deuxième raison peut se tirer de la cause formelle de la résurrection. On l’a dit déjà, c’est pour ne point demeurer éternellement séparée que l’âme reprendra un corps à la résurrection. Aussi bien, puisque c’est en vue de la perfection de l’âme que celle-ci recouvre un corps, convient-il que ce corps connaisse la condition qui est propre à l’âme. Or l’âme est incorruptible. On doit en conclure qu’il lui sera rendu un corps incorruptible.

3° La troisième raison est à prendre du côté de la cause efficiente. Dieu qui restaurera pour la vie les corps déjà corrompus, pourra à plus forte raison donner à ces corps de conserver pour toujours la vie qui leur sera rendue. C’est ainsi, à titre de figure, qu’il a conservé intacts, quand il l’a voulu, des corps pourtant corruptibles, tels ceux des trois enfants dans la fournaise[34].

 

Solution 1 : Ici bas, le corps humain est disposé de l’intérieur par Dieu pour qu’il devienne au terme d’un certain nombre d’année inadapté à l’action de l’âme qui l’informe. Ainsi voit-on la division cellulaire se ralentir avec l’âge jusqu’à devenir incapable de rétablir ce qui est usé dans le corps. Mais une telle déficience ne fait pas partie de la substance du corps humain. Elle est une condition de son mode d’exercice qui est temporaire et ne demeurera pas après la résurrection. Dans l’au-delà, le corps subsistera semblable à lui-même et échappera au devenir permanent lié aux divisions cellulaires et à la nutrition. Il trouvera sa vitalité dans l’âme seule. Ce sera pourtant le même corps qu’ici-bas, selon ce qui lui est essentiel. Mais on devine la radicale différence de l’exercice de la vie végétative.

Solution 2 : Certaines grâces divines ont pour objet direct la vie surnaturelle : telles la grâce habituelle, la grâce actuelle ou, dans l’au-delà, la lumière de gloire. Les damnés n’auront aucune part à ce type de grâces puisqu’ils les rejetteront éternellement. D’autres grâces divines sont données pour le maintient de la vie naturelle. Elles le sont à tout hommes, les bons comme les mauvais selon cette parole[35] : « Dieu fait briller son soleil pour tous, les bons comme les méchants ». La grâce de l’immortalité qui accompagnera les corps ressuscités sera de celles là.

Solution 3 : La résurrection n’a pas pour fin la perpétuité de l’espèce. Celle-ci peut-être assurée par la génération. Il faut donc qu’elle ait pour fin la perpétuité de l’individu, perpétuité qui n’est pas à concevoir du côté de l’âme, puisque l’âme l’avait déjà avant la résurrection, perpétuité qui est donc à concevoir du côté du composé. L’homme ressuscité vivra donc perpétuellement.

 

Article 2 : Les ressuscités auront-ils besoin de se nourrir ?[36]

Objection 1 : Adam, qui était en possession d’une vie immortelle avant son péché, eut, en cet état, besoin de se nourrir et d’entretenir des rapports charnels ; c’est avant le péché qu’il lui a été dit : Croissez et multipliez-vous, et encore : Mangez de tout arbre qui est dans le jardin.

Objection 2 : Le Christ lui-même a mangé et bu après sa résurrection. Lorsqu’il eut mangé, devant ses disciples, nous dit saint Luc, « prenant ce qui restait, il le leur donna ». Saint Pierre dit également, dans les Actes : « Ce Jésus Dieu l’a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se faire voir, non à tout le peuple mais aux témoins choisis d’avance par Dieu, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts ».

Objection 3 : Il existe encore certains textes qui semblent promettre à l’homme, pour cet état futur, l’usage des aliments. « Le Seigneur des armées, lit-on en Isaïe, préparera pour tous les peuples sur la montagne un festin de viandes grasses et de vin pris sur la lie ». Qu’il faille entendre ce passage de l’état des ressuscités, la suite le montre clairement : « Il détruira la mort pour toujours et le Seigneur essuiera toutes les larmes de tous les visages ». On lit encore en Isaïe : « Voici que mes serviteurs mangeront et vous, vous aurez faim ; voici que mes serviteurs boiront et vous, vous aurez soif ». Que ceci se rapporte à l’état de la vie future, ce qui suit le montre clairement : « Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle ». Le Seigneur dira aussi, au chapitre 24 de saint Matthieu : « Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père » ; et encore, en saint Luc : « Et moi, je vous prépare un royaume, comme mon Père me l’a préparé, afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume ». L’apocalypse nous dit encore que de chaque coté du fleuve, dans la cité des Bienheureux, il y aura des arbres de vie qui donneront douze fois leurs fruits et aussi : « Je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause du témoignage de Jésus ; ils eurent la vie et régnèrent avec le Christ pendant mille ans. Les autres morts n’eurent point la vie, jusqu’à ce que les mille ans fussent écoulés ». Tout ceci semble bien confirmer l’opinion dont nous avons parlé.

Objection 4 : L’homme ressuscitera avec tous ses organes : il exercera donc les fonctions auxquelles ils sont destinés.

Objection 5 : L’homme tout entier doit être béatifié, dans son âme et dans son corps. Or, la béatitude consiste en une action parfaite. Chez les bienheureux, les puissances de l’âme et les organes du corps ne seront donc pas inactifs.

Objection 6 : La béatitude est un état rendu parfait par la somme totale de tous les biens ; Parfait, c’est-à-dire que « rien n’y manque ». Les plaisirs du corps n’y feront donc pas défaut.

 

Cependant : Les fonctions végétatives de la nutrition et de la respiration ont pour but la conservation de l’individu. Or, après la résurrection, l’âme sera par sa propre puissance cause de la conservation du corps. Donc ces fonctions seront inutiles.

 

Conclusion : Ce qu’on vient de dire montre comment les ressuscités n’auront plus besoin de se nourrir et de respirer, c’est-à-dire d’assimiler un élément extérieur qui vient remédier à la perte d’énergie de tout corps tel qu’il fonctionne ici-bas. La vie corruptible évacuée, ce qui est au service de cette vie devra être nécessairement évacué. Or il est évident que l’usage de la nourriture et de l’air sont au service de la vie corruptible ; si nous prenons de la nourriture en effet, c’est pour éviter la corruption que pourrait entraîner l’épuisement et pour assurer la croissance ; ce qui n’aura plus de raison d’être, après la résurrection, puisque tous les hommes ressusciteront avec la quantité qui leur est due.

 

Solution 1 : La première objection, à propos d’Adam, n’a aucune portée. Adam en effet a joui d’une certaine perfection personnelle. Mais la nature humaine n’était pas arrivée à une totale perfection, le genre humain ne s’étant pas encore multiplié. Adam fut donc établi dans le degré de perfection qui convenait au chef du genre humain. Aussi bien fallait-il, pour la multiplication du genre humain, qu’il engendrât, et pour cela qu’il se nourrit. La perfection des ressuscités, elle, ne sera acquise qu’une fois la nature humaine parvenue à sa totale perfection, le nombre des élus étant désormais complet. Aussi il n’y aura place ni pour la génération, ni pour l’usage d’aliments. C’est pourquoi l’immortalité et l’incorruptibilité des ressuscités seront telles qu’ils ne pourront plus mourir et que rien ne pourra plus se désagréger de leur corps. Adam, lui, était immortel de telle manière qu’il pouvait ne pas mourir s’il ne péchait pas, qu’il pouvait au contraire mourir s’il péchait. Son immortalité était capable de se conserver, non point en ce sens que rien ne se désagrégerait de son corps, mais en ce sens qu’il pouvait compenser la décomposition de l’humeur naturelle par l’absorption de nourriture, et qu’ainsi son corps ne put se corrompre peu à peu.

Solution 2 : Quant au Christ, il faut dire qu’après sa résurrection il mangea non point par nécessité, mais pour prouver la vérité de cette résurrection. La nourriture ne fut pas alors convertie en sa chair, mais réduite en la matière préjacente. La résurrection commune ne connaîtra pas cette raison de manger.

Solution 3 : Les textes d’Écriture qui paraissent promettre l’usage des aliments après la résurrection doivent être interprétés dans un sens spirituel. La Sainte Écriture nous propose en effet les réalités intelligibles sous des comparaisons sensibles pour que notre esprit, selon le mot de saint Grégoire le Grand, apprenne à aimer ce qu’il ne connaît pas à partir de ce qu’il connaît. De cette manière, la joie que donne la contemplation de la sagesse, et l’assimilation de la vérité par notre intelligence sont d’ordinaire décrites par la sainte Écriture sous le symbolisme de la nourriture. Au Livre des Proverbes, il est dit de la Sagesse : « Elle a mêlé son vin et dressé la table. Elle a dit à ceux qui sont dépourvus de sens : venez, mangez de mon pain et buvez du vin que j’ai mêlé pour vous ». Il est dit aussi dans l’Ecclésiastique : « Elle le nourrira du pain de la vie et de l’intelligence, elle l’abreuvera de l’eau de la sagesse salutaire ». De cette même sagesse, les Proverbes nous disent encore : « Elle est un arbre de vie pour ceux qui l’auront saisie ; qui s’y sera attaché, est heureux ». Les textes allégués n’obligent donc pas à dire que les ressuscités auront à se nourrir.

Les paroles du Seigneur, citées au chapitre 24 de saint Matthieu peuvent aussi s’entendre autrement, en référence au repas pris par le Christ avec ses disciples après la résurrection : le Christ boit le vin nouveau, c’est-à-dire d’une nouvelle manière, non point par nécessité, mais comme preuve de sa résurrection. Et il dit : « Dans le royaume de mon Père », parce qu’à la résurrection du Christ, le royaume de l’immortalité a commencé de se manifester.

Quant aux paroles de l’apocalypse sur les mille ans et sur la première résurrection des martyrs, il faut comprendre cette résurrection de la résurrection des âmes ressuscitées du péché. C’est le sens de la parole de saint Paul aux Ephésiens : « Lève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera ». Les mille ans signifient le temps de l’Église, au cours duquel les Martyrs, ainsi que les autres saints, règnent avec le Christ, tant dans l’Église d’ici-bas, appelée le royaume de Dieu, que dans la patrie céleste en ce qui concerne les âmes. Le nombre de mille a le sens de perfection parce que c’est un nombre cubique, et que le nombre dix, qui en est la racine, est également, d’ordinaire, symbole de perfection. C’est donc une évidence que les ressuscités ne s’adonneront ni à la nourriture et à la boisson, ni aux activités charnelles.

Solution 4 : Il ne faut pas considérer seulement les fonctions auxquelles sont destinés les organes, mais encore l’élément de perfection que leur variété apporte à la nature humaine, tant spécifique qu’individuelle.

Solution 5 : Cette activité n’est pas humaine au sens propre et distinctif de ce mot. Ce n’est donc point par elle que le corps sera béatifié ; il le sera par son union à l’âme bienheureuse à laquelle il sera parfaitement soumis.

Solution 6 : L’état de vie meilleure étant une perfection immuable, il n’y aura plus besoin de la nutrition. Si ces fonctions demeureront en puissance dans le corps des ressuscités, leur exercice deviendra inutile. La vie des ressuscités ne sera pas moins ordonnée que la vie présente : elle le sera même davantage, puisqu’à l’une l’homme parvient par la seule action de Dieu et qu’il acquiert l’autre avec la collaboration de la nature. Quant aux élus, ils n’auront plus besoin du plaisir lié à la nutrition, qui ici-bas constitue un sain remède à la tristesse selon le philosophe. L’attrait de ces plaisirs disparaîtra pour eux dans l’intensité des joies de l’esprit, selon la parole du Christ[37] : « Ils seront comme des anges dans le Ciel »

 

Article 3 : Le corps des ressuscités sera t-il sexué ?

Objection 1 : D’après le Seigneur : « les élus dans le Ciel seront comme des anges »[38]. Or les anges n’ont pas de sexe. Donc il en sera de même pour les corps ressuscités.

Objection 2 : Dans l’autre monde, « il n’y aura plus de supériorité », dit la glose ; La femme ne sera donc plus soumise à l’homme, et n’aura donc plus le sexe qui rend la soumission naturelle.

Objection 3 : L’existence d’organes sexuels n’a de sens que s’ils peuvent s’exercer. Or, dans l’au-delà, il n’y aura plus de vie sexuelle. Donc il n’y aura pas non plus de sexe.

Objection 4 : L’apôtre dit[39] : « Nous constituerons cet homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ ». Donc tous les êtres humains ressusciteront avec le sexe masculin.

 

Cependant : Après la résurrection, le Christ est resté un homme : de même, après son assomption la Vierge Marie est demeurée une femme. Et leur état nouveau est le modèle de ce que nous serons nous-mêmes à la fin du monde. Donc on doit admettre que le corps ressuscité sera sexué.

 

Conclusion : Les sexes féminin et masculin font partis du corps humain auquel ils donnent une qualité essentielle à sa nature profonde. Il ne s’agit pas d’un accident provisoire comme le fait que ce même corps est corruptible. L’humanité est créée homme et femme de manière complémentaire, de telle façon qu’elle révèle en deux sujets les deux pôles de l’amour : sa force et sa douceur. C’est dans l’union de ces deux orientations de l’amour que peut naître la vie, l’éducation des enfants et l’équilibre humain tout entier. Dieu lui-même se structure dans l’harmonie de ces deux puissances complémentaires. Si donc le corps ressuscité doit être essentiellement le même dans l’au-delà, il est nécessaire qu’il soit sexué de la même façon qu’il l’a été sur la terre.

 

Solution 1 : Les anges n’ont pas de sexe parce qu’ils n’ont pas de corps. Le fait d’être asexué est donc essentiel à leur nature spirituelle. Cela ne veut pas dire qu’ils soient incapables de vivre des valeurs féminines et masculines. Mais ils agissent avec force ou avec douceur de leur propre intelligence et non dans la confrontation avec un autre ange complémentaire. Lorsque le Seigneur dit que les hommes seront comme des anges dans le Ciel, il ne veut pas entendre que la nature de leur être sera changée au point qu’ils deviennent ontologiquement des anges. Il veut manifester que la vie des élus sera semblable à celle des anges puisqu’elle sera contemplative. Il n’auront plus besoin d’exercer entre eux une vie sexuelle puisque Dieu sera l’objet de toute leur joie.

Solution 2 : La femme n’est pas inférieure à l’homme par nature mais à cause du péché originel qui a développé dans le sexe masculin un instinct de domination, selon la Genèse[40] : « ton mari dominera sur toi », et chez la femme un besoin excessif de sécurité et de tendresse : « Ton désir se portera sur ton mari ». Au commencement, il n’en était pas ainsi. La femme et l’homme furent créés complémentaires. La femme fut symboliquement faite de la côte d’Adam ce qui signifie qu’elle devait lui apporter un achèvement pour son cœur qui est situé tout contre les côtes.

Le Christ par sa grâce, a supprimé l’infériorité de la femme[41] : « Il n’y a plus ni homme ni femme » sans pourtant faire disparaître leur complémentarité naturelle que saint Paul exprime en donnant à l’homme l’autorité par rapport à tout ce qui concerne la direction générale du couple et à la femme une vocation de vitalisation intérieure du foyer.

Après la résurrection, cette complémentarité des hommes et des femmes n’aura plus d’utilité en ce qui concerne la vie pratique ou sexuelle des couples puisqu’il n’y aura plus de mariage. Mais elle demeurera dans l’ordre général du monde nouveau dont les différences constitueront une perfection.

Solution 3 : L’existence d’un sexe féminin et masculin n’est pas seulement ordonnée chez l’être humain à la reproduction, mais est finalisé aussi par la vie de l’esprit dont l’exercice est modifié par la psychologie différente des hommes et des femmes. De même, après la résurrection, même s’il n’existe plus d’exercice végétatif de la sexualité, les hommes et les femmes exerceront leur activité spirituelle selon les nuances psychologiques de leur féminité ou de leur masculinité.

Solution 4[42] : Quant à la parole de l’apôtre dans l’Epître aux Ephésiens : « jusqu’à ce que nous parvenions tous à ne plus faire qu’un dans la foi et dans la connaissance du fils de Dieu, et à constituer cet homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalisera la plénitude du Christ », elle n’oblige pas davantage à conclure dans ce sens. Elle ne veut pas dire que tous les ressuscités qui s’en iront à la rencontre du Christ dans les airs possèderont le sexe viril ; elle veut indiquer la perfection et la puissance de l’Église, c’est-à-dire de l’humanité renouvelée. C’est l’Église tout entière qui sera comme un homme parfait, allant à la rencontre du Christ, ainsi qu’il ressort du contexte.

 

Article 4 : Les ressuscités exerceront-il des relations sexuelles ?

Objection 1 : Les relations sexuelles sont source de plaisir. Or il ne doit rien manquer au bonheur des élus, que ce soit pour leur corps ou pour leur âme. Donc il semble que les élus au moins pourront avoir des relations sexuelles.

Objection 2 : Le mariage n’est pas seulement ordonné à la génération et à l’éducation des enfants mais aussi au bien des époux et à la croissance de leur amour. De même, les relations sexuelles manifestent avec force dans les corps l’union des âmes réalisée par l’amour. Or, dans le Ciel, les élus s’aimeront. Il semble donc qu’ils pourront exprimer leur amour par des relations sexuelles.

Objection 3 : Même chez les damnés, il semble qu’on doit admettre la possibilité de relations charnelles. En effet, ils ressusciteront avec ces organes comme nous l’avons montré et ils seront séparés de Dieu à cause de l’amour excessif d’eux-mêmes, qui peut être incarné dans un amour désordonné du plaisir sexuel. Donc, il semble qu’ils rechercheront en enfer ce plaisir sexuel.

Objection 4 : La gloire de Dieu se manifeste par l’apparition de nouveaux êtres humains. Or la sexualité est ordonnée à la génération. Il semble donc que, dans l’au-delà, les hommes continueront à exercer la sexualité qui permettra l’apparition de nouveaux enfants pour Dieu.

 

Cependant : Le Seigneur dit[43] : « Vous êtes dans l’erreur, en ne connaissant ni l’Écriture, ni la puissance de Dieu. À la résurrection, il n’y aura plus ni mari ni femme. On est comme les anges dans le Ciel ».

 

Conclusion : Le fait que le corps ressuscité sera sexué n’implique pas qu’il doive exercer une sexualité active. Et l’on peut comprendre cela à la fois chez les élus et les damnés, à cause de l’état nouveau du corps ressuscité.

La sexualité sur la terre possède deux finalités qui se réunissent dans le plaisir.

1° D’abord, elle exprime l’amour des époux. L’union charnelle est comme un sacrement, c’est-à-dire comme le signe sensible extérieur qui symbolise et peut même aider à réaliser l’amour intérieur. 2° Ensuite, il est source de vie. Cette seconde finalité est naturellement faite pour être le fruit de la première. L’homme possède la liberté de dévoyer le plaisir des deux finalités auquel il est ordonné. Devenu égoïste, il peut aller jusqu’à rechercher le plaisir de manière indépendante de tout amour ou de toute ouverture à la vie qui se communique.

Pour savoir si les relations sexuelles demeurent au Ciel, il faut se demander si cette forme d’expression de l’amour sera encore utile. Or, nous l’avons montré, les élus du Ciel possèdent un corps glorifié dont l’une des propriétés les plus importantes est de ne plus constituer un obstacle avec l’esprit. Au contraire, par ce corps, les pensées intérieures sont parfaitement exprimées, sans erreur possible, bien qu’elles soient perçues par l’autre à travers l’organe de ses sens. En conséquence, l’amour de l’un peut être exprimé et communiqué, avec un plaisir plénier (spirituel, psychologique et même, tout à la fois, physique), sans autre effort. Ce sera un mode inouï de communication amoureuse, d’où l’aspect sexué ne sera pas sans importance, puisque, nous l’avons dit, les hommes et les femmes garderont la grâce spirituelle et psychologique, ainsi que la beauté physique lié à leur sexe. Mais ce qui sera premier et essentiel dans cette communication d’amour, ce sera d’abord la vision de Dieu qui transfigurera tout. Face à ce degré suprême de communication de l’amour, il est certain que le mode sexuel paraîtra très terne et périmé. C’est pourquoi, sous ce rapport, il n’y aura plus d’actes sexuels tels que nous les voyons sur terre.

Il reste maintenant l’autre finalité de la sexualité qui est la communication de la vie. Sous ce rapport non plus, elle sera devenue inutile puisque tous les hommes voulus par Dieu seront nés. La droiture de la volonté des élus communiera entièrement à cette volonté de Dieu, et trouvera à exercer la maternité et paternité spirituelles ailleurs, surtout si, comme c’est probable, Dieu continue la préparation d’autres créatures spirituelles à son don.

Du côté des damnés, il faut parler autrement. Certains d’entre eux chercheront sans doute leur plaisir dans des activités sexuelles. Mais ce sera toujours à travers des actes de luxure, c’est-à-dire dans une recherche de la seule jouissance égoïste, à l’exclusion de l’amour et de la communication de la vie. Mais il leur sera impossible de trouver le plaisir. Séparé de la fin pour laquelle il est fait, leur être tout entier est en feu, c’est-à-dire qu’il brûle de toute sorte de volontés et de passions mauvaises (vengeance, envie, haine, tristesse etc.). Leur énergie tout entière est aspirée dans ces tourbillons. S’ils recherchent le plaisir, ils ne le trouvent pas. L’exotisme et la nouveauté qui parfois sur terre lui redonnent un printemps provisoire à la luxure ne peuvent durer dans l’éternité de personnes totalement et froidement égoïstes et dont tout contact physique est source de répulsion.

 

Solution 1[44] : Si l’on prétend que les ressuscités auront encore à entretenir des relations charnelles, non point en vue d’exprimer l’amour ou pour assurer la conservation de l’espèce ou la multiplication des hommes, mais pour le seul plaisir qui réside en ces actes, et pour qu’il ne manque aucun plaisir à la récompense dernière, l’inconvenance d’une telle affirmation éclate de bien des manières.

En premier lieu, la vie des ressuscitée, nous l’avons vu, sera plus harmonieusement ordonnée que la vie d’ici-bas. Or en cette vie, il est contraire à l’ordre, il est vicieux que l’homme entretienne des rapports charnels pour le seul plaisir, et non point pour une autre finalité qui est soit charnelle (comme le fait d’engendrer une descendance) ou spirituelle (comme le fait d’exprimer son amour et son unité avec celle qu’il a épousé). La raison le veut ainsi ; les plaisirs qui résident dans les actions dont nous venons de parler ne sont pas en effet la fin de ces actes. Bien au contraire, la fin de ces plaisirs naturels, c’est que les êtres animés ne s’abstiennent pas, par fatigue, d’actes qui sont nécessaires à la nature, ce qui se produirait s’ils n’y étaient attirés par le plaisir. C’est donc renverser indûment l’ordre que d’accomplir ces actes pour le seul plaisir. Ce qui ne peut d’aucune manière être le fait des élus dont la vie, par hypothèse, sera la mieux ordonnée qui soit.

En second lieu, les actes des vertus sont ordonnés à la béatitude comme à leur fin. Si donc dans l’état de la béatitude à venir, ces plaisirs de la nourriture et de la chair constituaient pour ainsi dire des éléments de la béatitude, il en résulte que ceux qui agissent vertueusement auraient en vue, d’une certaine manière, ces plaisirs dont on vient de parler. C’est nier l’idée même de tempérance. Il est en effet contraire à l’idée de tempérance que quelqu’un s’abstienne de certains plaisirs pour pouvoir en jouir davantage par la suite. Toute chasteté deviendrait ainsi impudique, et toute abstinence gourmande. Si donc ces plaisirs existent (dans la vie ressuscitée), ils n’existeront pas comme élément de béatitude, de telle manière que ceux qui agissent vertueusement les aient en vue.

Ainsi, se trouve réfutée l’erreur de certains musulmans qui veulent que les hommes, à la résurrection, aient encore, comme maintenant, à se nourrir et à entretenir des rapports charnels. Certains chrétiens hérétiques ont même emboîté le pas en annonçant un règne terrestre du Christ d’une durée de mille ans pendant lesquels, disaient-ils, les ressuscités d’alors s’adonneraient sans mesure à des banquets charnels où il y aurait tant de vivres et de boissons que non seulement aucune pudeur ne serait plus gardée mais que les mœurs des païens eux-mêmes seraient dépassées. À croire de telles choses, il n’y a que des êtres charnels que les chrétiens spirituels appellent « millénaristes », ainsi que l’écrit saint Augustin au XXème livre de la cité de Dieu.

Solution 2 : Les élus dans le Ciel s’aimeront. Mais ils n’auront plus le désir d’exprimer leur amour par des relations charnelles et ceci pour plusieurs raisons :

1° L’union des corps ne sera plus un symbole de l’union des âmes puisque les corps glorifiés seront lumineux de la lumière même de l’âme. Ainsi, l’amour sera exprimé par le seul échange des regards et en plénitude.

2° Le plaisir qui sortira de cette parfaite communion fraternelle comblera tous les désirs de l’âme et du corps, avec une délicatesse et une intensité qui dépassera la jouissance sexuelle telle qu’elle est ici-bas.

3° Les élus ne feront rien qui ne soit immédiatement spécifié par leur contemplation de Dieu. Tous les actes de leur vie, y compris les relations qu’ils auront entre eux, auront un mode contemplatif. Aussi est-il dit de Marie en contemplation « qu’elle a choisi la meilleure part qui ne lui sera pas enlevée ». C’est encore la raison qui fait dire, au Livre de Job : « Celui qui descend aux enfers n’en remontera plus ; il ne retournera plus dans sa maison et le lieu qu’il habitait ne le reconnaîtra plus ». Par ces paroles, Job refusait cette résurrection proposée par certains selon qui, après la résurrection, l’homme retournerait à des occupations semblables à celles qu’il a maintenant, comme la construction de maisons et l’exercice d’autres métiers de ce genre.

C’est pourquoi l’expression charnelle de leur âme n’aura plus lieu d’exister.

Solution 3 : Les damnés rechercheront le plaisir charnel mais ils ne le trouveront jamais. Et pour s’en rendre compte, on peut considérer par analogie ce qui apparaît déjà sur cette terre, chez ceux qui n’attendent de la vie que la seule jouissance égoïste du plaisir. Lorsqu’ils finalisent leur intention de vie par cette seule recherche, ils ne sont jamais satisfaits. Ils recherchent sans cesse de nouvelles expériences ; d’autre part la jouissance devient pour eux à long terme source d’amertume puisqu’elle est incapable de combler en plénitude les désirs de leur âme. En enfer, ce qui apparaît en germe chez ceux dont l’âme est pervertie sur cette terre, se réalisera en plénitude. Les corps des damnés, animés par une âme entièrement centrée sur l’amour égoïste d’elle-même, sera incapable d’éprouver du plaisir. Et leur désir d’un plaisir inaccessible causera en eux l’augmentation d’une amertume qui les rongera intérieurement.

Solution 4 : De même l’union charnelle de l’homme et de la femme est au service de la vie corruptible ordonnée qu’elle est à la génération, celle-ci sauvegardant du moins au plan de l’espèce la vie qui ne peut se conserver pour toujours au plan des individus. Or la vie des ressuscités, nous l’avons vu, sera incorruptible. Les ressuscités n’auront plus à exercer des relations charnelles. En outre, dans l’autre monde, le nombre des élus sera parfait. La gloire de Dieu sera manifestée par un monde définitif qui manifestera extérieurement l’immutabilité divine. Il n’y aura donc plus à engendrer d’autres enfants.

 

Article 5 : Les ressuscités auront-ils l’âge parfait ?[45]

Objection 1 : Dieu n’enlèvera aux ressuscités, surtout aux élus, aucun élément de la perfection humaine. Or, telle est la vieillesse, qui rend l’homme vénérable.

Objection 2 : L’âge se mesure au temps passé. Or, il est impossible que le temps passé ne le soit pas. Il est donc impossible que ceux qui ont atteint un âge avancé redeviennent jeunes.

Objection 3 : La nature humaine semble avoir toute son activité dans l’enfant, tandis qu’elle se débilite avec l’âge, comme le vin étendu d’eau. Si donc tous les ressuscités doivent avoir le même âge, ils seront tous des enfants.

 

Cependant : 1. Saint Paul écrit : « Jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’état d’homme fait à la mesure de l’âge parfait du Christ ». Or le Christ est ressuscité en pleine jeunesse, qui commence, dit saint Augustin, vers la trentième année. Mais l’apocalypse le représente avec des cheveux blancs[46], ce qui symbolise la maturité de la vieillesse. C’est donc que jeunesse et vieillesse prendront un autre sens dans l’Au-delà.

 

Conclusion : Jeunesse et vieillesse peuvent se prendre en deux sens :

1° Au sens physique, comme on en parle habituellement sur terre. La nature doit ressusciter sans défaut : telle Dieu l’a faite, telle Dieu la refera. Or, la nature est sujette à un double défaut : soit qu’elle n’a pas encore atteint son plus haut degré de perfection comme chez les enfants, soit qu’elle l’ait dépassé, comme chez les vieillards. La résurrection ramènera donc tous les hommes à la pleine jeunesse, à l’âge où la maîtrise des potentialités physiques est la plus grande, quand se termine la croissance et où le déclin n’est pas encore commencé.

2° Au sens spirituel qui est le plus important dans l’autre monde puisque le corps est entièrement soumis à l’esprit, d’où son nom de « corps spirituel » d’après saint Paul[47]. Au Ciel, le corps aura d’abord l’apparence de l’âme, puisque, nous le montrerons, il sera entièrement lumineux et soumis à son influence. Les corps ressuscités étant soutenus dans leur incorruptibilité par l’âme, ils apparaîtront extérieurement lumineux de la clarté même de l’âme. Il ne s’agit pas seulement d'une clarté extérieure comme celle du corps de Moise après sa rencontre avec Dieu. Il s’agit d'une clarté qui vient de l'intérieur de l'âme, rayonne sur la sensibilité et donne au corps la jeunesse de sa sainteté. Il reste à savoir si les élus du Ciel paraîtront vieux ou jeunes. Ces deux âges de la vie présentent des avantages : l’enfant symbolise la vie sans souci. L’âge avancé symbolise la plénitude de l’expérience, le détachement de ce qui est secondaire. Pris en ce sens, jeunesse et vieillesse ont une signification spirituelle. Les élus auront donc l’ « âge » de l’âme ce qui signifie que plus une âme sera unie à Dieu, plus son corps paraîtra resplendissant de jeunesse et, en même temps, profondément mûre comme une personne avancée en âge.

 

Solution 1 : Ce qui rend la vieillesse digne de respect, ce n’est pas l’état du corps, qui a perdu sa perfection mais la sagesse de l’âme, qui est sensée grandir avec les ans. Les élus auront droit à ce respect à cause de la sagesse divine dont ils seront pleins, mais sans qu’il y ait en eux rien de sénile.

Solution 2 : L’âge de l’au-delà ne signifiera pas le nombre des années, mais l’intensité de l’humilité et de l’amour. C’est ainsi que la Vierge Marie, partie de la terre à plus de soixante ans d’après saint Polycarpe, paraît incomparablement plus jeune que tous les autres et en même temps plus mûre. Au contraire, les damnés paraîtront vieux et immatures à la fois.

Solution 3 : La nature humaine peut être dite plus parfaite dans l’enfant, parce qu’elle possède en lui une plus grande puissance d’assimilation mais, dans l’homme jeune, elle a atteint son plein épanouissement. Ainsi, si la jeunesse sera l’état des ressuscités, au plan de la perfection physique du corps, tel élu pourra paraître dans la plénitude de l’enfance à causes de certaines qualités particulières de son âme, tel que nous les avons décrites dans la question traitant des couronnes d’or. Ainsi, plus une âme sera unie à Dieu, plus elle nous paraî­tra jeune et belle. Tout le monde, certes, aura la pleine vitalité de la jeunesse, mais avec ce je ne sais quoi qui peut rendre un vieillard plus jeune qu’un adolescent. Au sommet de tout, conjointement à Jésus, le corps glorieux de Marie attirera tous les regards. “ Sa beauté inégalée ne rivalisera pas avec les beautés uniques de ses en­fants ”, dit sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Chacun de nos frères constituera un temple du Dieu unique, mais non bâti de main d’homme où la Trinité séjournera sans jamais s’en aller. Un seul élu contemplé ici-bas surpassera tout ce qui a été fait de beau par les artistes depuis que le monde existe. Contemplée une vie entière, la beauté et la gloire du plus petit dans le Royaume de Dieu ne lassera pas.

 

QUESTION 42 : L’état corporel des élus comparé à celui des damnés[48]

 

Nous avons à étudier maintenant la qualité des corps des élus dans ce qui le distingue du corps des damnés. Nous nous demanderons :

 

Article unique : L’état du corps des élus diffère-t-il de celui des damnés ?[49]

Objection 1 : Il semble que l’état des damnés ne diffère pas essentiellement de celui des élus. Nous avons montré que leur corps était doté d’incorruptibilité. Or ce qui est incorruptible ne peut pâtir d’une agression extérieure. Donc, un tel corps est impassible ce qui est une propriété commune avec le corps glorifié.

Objection 2 : De même que le corps des élus sera lumineux en ce sens qu’il manifestera extérieurement la pureté de leur âme ; de même celui des damnés manifestera leur perversion. Il n’y a pas de différence essentielle à formuler entre la lumière des corps glorieux et l’opacité des corps damnés car les contraires sont dans le même genre.

Objection 3 : Le corps des damnés aura une perfection naturelle absolue puisque Dieu les ressuscitera incorruptibles. Or il est naturel au corps humain en bonne santé d’être agile. Donc cette propriété ne doit pas être distinguée chez les élus.

Objection 4 : Il est impossible que les corps des méchants soient sujets à la souffrance sans l’être à la corruption, puisque toute passion trop forte altère la substance. Nous voyons en effet qu’un corps, s’il demeure longtemps dans le feu, finit par se consumer, qu’une douleur trop intense va jusqu’à séparer l’âme du corps.

 

Conclusion : En raison du mérite du Christ, la résurrection supprimera d’une façon générale, chez tous, bons et mauvais, le défaut de nature. Il restera pourtant une différence entre les bons et les mauvais, en ce qui les intéresse personnellement. Il relève de l’ordre de la nature que l’âme humaine soit la forme du corps, lui donnant la vie, le conservant dans l’être ; mais c’est en vertu des actes personnels que l’âme mérite d’être élevée à la gloire de la vision de Dieu ou d’être exclue par sa faute de cet ordre de gloire. Parlons d’abord des élus :

1° Incorruptibilité : Il en ira donc, en général, du corps de tous selon qu’il convient à l’âme forme incorruptible, celle-ci donnera au corps d’être incorruptible, nonobstant la composition des contraires, la matière du corps de l’homme étant en cela, de par la puissance de Dieu, totalement soumise à l’âme humaine. Mais de la lumière et de la force de l’âme élevée à la vision de Dieu, le corps qui lui sera uni recevra quelque chose de plus. Il sera totalement soumis à l’âme, de par la puissance divine, non seulement quant à l’être, mais aussi quant aux actions et passions, mouvements et qualités corporelles.

2° Clarté : De même donc que l’âme qui jouit de la vision de Dieu sera inondée d’une certaine lumière spirituelle, de même par rejaillissement de l’âme sur le corps celui-ci, à sa manière, sera revêtu de la lumière de gloire. D’où la parole de l’Apôtre dans la première épître aux Corinthiens : « Semé dans l’ignominie, le corps ressuscitera dans la gloire ». Notre corps, maintenant opaque, sera alors lumineux comme dit saint Matthieu : « Les justes resplendiront comme le soleil, dans le royaume de leur Père ».

3° Agilité : Unie à sa fin suprême, l’âme qui jouira de la vision de Dieu, verra tous ses désirs comblés. Et parce que c’est le désir de l’âme qui meut le corps, il en résultera que le corps obéira totalement à l’empire de l’esprit. Les corps des bienheureux seront donc doués d’agilité. C’est bien ce que dit l’Apôtre au même endroit : « Il est semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force ». Nous faisons l’expérience de la faiblesse de notre corps en le trouvant impuissant à obéir au désir de l’âme dans les mouvements et dans les actions que celle-ci lui commande. Cette faiblesse sera alors totalement supprimée, par la force qui de l’âme unie à Dieu rejaillira sur le corps. Voilà pourquoi la Sagesse dit des justes qu’ils courront comme des étincelles à travers le chaume ; non pas que le mouvement ait en eux pour fin de répondre à quelque nécessité, -ceux qui possèdent Dieu n’ont besoin de rien-, il sera simplement une preuve de force.

4° Impassibilité : De même que l’âme qui jouit de Dieu verra son désir comblé en ce qui concerne l’obtention de tout bien, de même verra-t-elle son désir comblé en ce qui regarde à l’éloignement de tout mal : il n’y a pas de place pour le mal dans la compagnie du souverain bien. Le corps amené par l’âme à son point de perfection, et proportionnellement à l’âme, sera immunisé contre tout mal, aussi bien en acte qu’en puissance, en acte d’abord, puisqu’il n’y aura dans les corps ressuscités ni corruption ni difformité ni défaut quelconque ; en puissance aussi, car ils ne pourront souffrir rien qui leur soit dommageable. Aussi bien seront-ils impassibles, sans pourtant que cette impassibilité leur enlève rien de la passion qui fait partie de la nature sensible : ils useront en effet de leurs sens pour leur plaisir, en tout ce qui est compatible avec l’état d’incorruption. C’est pour exprimer cette impassibilité des corps ressuscités que l’Apôtre dit : « Semé dans la corruption, il ressuscitera dans l’incorruption ».

5° Spiritualité : L’âme qui jouira de Dieu lui sera une d’une manière absolument parfaite, ayant part au maximum, selon sa capacité, à la bonté de Dieu. Le corps, pareillement sera soumis parfaitement à l’âme, participant autant que possible à ses propriétés, par l’acuité des sens, par la régulation de l’appétit corporel, par la perfection totale de sa nature. Un être de nature est en effet d’autant plus parfait qu’en lui la matière est plus parfaitement soumise à la formée Voilà la raison de la parole de l’Apôtre : « Semé animal, il ressuscitera corps spirituel ». Le corps du ressuscité sera spirituel, non qu’il sera esprit comme certains l’entendent abusivement, -qu’on entende esprit au sens de substance spirituelle ou qu’on l’entende au sens d’air ou de vent- ; mais parce qu’il sera totalement soumis à l’esprit. Ainsi maintenant est-il appelé corps animal, non qu’il soit âme, mais parce qu’il est soumis aux passions de l’âme et qu’il a besoin d’être nourri.

Tout ce que nous venons de dire appelle la conclusion suivante : de même que l’âme humaine sera élevée à la gloire des esprits célestes jusqu’à voir l’essence de Dieu, de même le corps de l’homme sera magnifié jusqu’à posséder les propriétés des corps célestes : lumineux, impassible qu’il sera, doué d’une agilité qui ne connaîtra ni difficulté ni effort, amené par sa forme à la perfection la plus achevée. Voilà pourquoi l’Apôtre dit des corps ressuscités qu’ils seront célestes, non par leur nature, mais par leur gloire. Aussi, après avoir dit qu’il y a des corps célestes et qu’il y a des corps terrestres, ajoute-t-il : « autre est la gloire des corps célestes », autre la gloire des corps terrestres. De même que la gloire à laquelle est élevée l’âme de l’homme dépasse l’excellence naturelle des esprits célestes, de même la gloire des corps ressuscités dépasse-t-elle la perfection naturelle des corps célestes, par clarté unie au spirituel, par une impassibilité totale, sans qu’aucune usure ne puisse se produire, par une liberté de mouvement et une plus haute dignité de nature.

 

Les damnés : 1° Incorruptibilité : Nous pouvons réfléchir maintenant sur la condition des corps ressuscités, chez ceux qui seront damnés. Il convient qu’il y ait proportion entre leur corps et leur âme. Par nature, l’âme des méchants est bonne, créée qu’elle est par Dieu mais leur volonté sera désordonnée, défaillante par rapport à sa fin propre. Les corps des damnés, en ce qui regarde la nature, retrouveront donc leur intégrité : ils ressusciteront à l’âge parfait, sans aucune atrophie des membres, sans ces défauts ou ces infirmités qu’a pu provoquer une erreur de la nature. Les morts, dit l’Apôtre dans la première épître aux Corinthiens, « ressusciteront incorruptibles » ce qui doit s’entendre de tous, bons et mauvais, comme le veut le contexte.

2° Charnels : Mais parce que l’âme sera, par volonté, détournée de Dieu et privée de sa fin propre, ces corps ne seront pas spirituels, comme s’ils étaient parfaitement soumis à l’esprit ; bien plus, l’âme sera dans un état charnel.

3° Agilité : Ces corps ne seront pas doués d’agilité, comme s’ils obéissaient sans difficulté à l’âme ; bien plutôt seront-ils lourds et pesants, insupportables en quelque sorte à l’âme, à l’exemple même de l’âme que la désobéissance a détournée de Dieu.

4° Passivité : Ils demeureront sujets à la souffrance, comme maintenant, et plus encore que maintenant, de telle manière cependant qu’ils éprouveront du côté des réalités sensibles douleur mais non corruption, de même que l’âme sera torturée par la totale frustration du désir naturel qu’elle a de la béatitude.

5° Opacité : Ces corps seront opaques et ténébreux, à l’image de l’âme privée de la lumière de la connaissance de Dieu. C’est le sens de la parole de l’Apôtre : « Tous ressusciteront, mais tous ne seront pas changés » ; seuls les bons seront transformés pour la gloire ; les corps des méchants ressusciteront privés de gloire mais « lumineux » de leurs ténèbres intérieures.

 

 

Solution 1 : Il peut exister deux manières d’être passible : 1° l’une d’elle aboutit à une corruption du corps. Ainsi lorsque l’œil est aveuglé par une lumière trop vive, il peut être brûlé au point qu’il s’en retrouve détruit. Le corps des damnés sera incapable de subir une telle destruction à cause de son incorruptibilité. 2° L’autre signifie le fait de souffrir d’une impression sensible, sans en être pourtant altéré dans sa substance. Ainsi, lorsqu’un homme perçoit une odeur désagréable. Les damnés subiront une telle passibilité puisque leur âme n’aura pas atteint la béatitude de la vision de l’essence divine qui seule libère des désirs intérieurs et extérieurs.

Solution 2 : La lumière des corps glorieux ne vient pas seulement de leur âme mais elle est un effet de la lumière de Dieu qui les illumine. Elle est donc un effet de la grâce et non de la nature. Au contraire, chez les damnés, l’âme sera par elle seule cause de la laideur de leur visage. Ces deux apparences extérieures n’ayant pas la même cause, elles doivent être distinguées.

Solution 3 : Il y a un rapport d’unité substantielle entre l’esprit et le corps. Ainsi, il est naturel que les choix de l’esprit aient des conséquences jusque dans l’état du corps. C’est ce que les médecins appellent le psycho-somatisme. Ainsi voit-on des hommes dont l’handicap physique n’a pas d’autre cause que le péché qui a pris, en eux, des proportions excessives. De même, en enfer, les damnés dont l’âme sera pervertie, en subiront les conséquences dans leur corps qui s’en trouvera pesant et obscure. Quant à l’agilité des élus, elle ne peut être comparée puisqu’elle n’a pas seulement son origine dans la nature mais aussi dans la grâce de la vision béatifique qui s’étendra jusque dans leur corps par l’apparition de capacités dépassant la nature.

Solution 4 : Tout ceci se vérifie dans l’hypothèse où la matière passe de forme en forme. Après la résurrection, le corps humain, pas plus chez les reprouvés que chez les élus, ne pourra passer de forme en forme ; chez les uns comme chez les autres, le corps sera totalement parachevé par l’âme dans son être naturel, au point qu’il ne sera plus possible que telle forme soit écartée de tel corps ni que telle autre ne soit introduite, la puissance de Dieu soumettant parfaitement le corps à l’âme.

Il en résulte que la puissance où se trouve la matière première à l’égard de n’importe quelle forme se trouvera liée en quelque sorte dans le corps humain par la puissance de l’âme, de telle manière qu’elle ne pourra plus être actualisée par une autre forme. Mais le corps des damnés n’étant pas totalement soumis à l’âme au moins sous certains aspects, il sera heurté dans sa sensibilité par des sensibles contraires. Un feu corporel intérieur venant par somatisation du psychisme, et par lui, de l’âme elle-même, l’accablera, en ce sens que la qualité de ce feu s’opposera par son intensité même à l’équilibre organique et à l’harmonie qui est connaturelle au sens, sans toutefois qu’il puisse le détruire. Une telle épreuve cependant ne pourra pas séparer l’âme du corps, celui-ci étant toujours, nécessairement sous l’emprise de la même forme.

Et de même que les corps des Bienheureux seront élevés au-dessus des corps célestes en ce renouveau que sera la gloire, de même les corps des damnés seront voués, en proportion inverse, à des lieux inférieurs, de ténèbres et de souffrances. « Que sur eux fonde la mort et qu’ils descendent, vivants, aux enfers », selon le Psaume 54. Et l’apocalypse : « Le diable, leur séducteur, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre ou la bête et le faux prophète seront tourmentés jour et nuit, pour les siècles des siècles ».

 

QUESTION 43 : Quelques considérations sur le corps des élus

 

A partir de cette question, nous essayerons d’étudier à la suite de saint Thomas d’Aquin la manière d’être des corps ressuscités. Rappelons qu’il ne s’agit que de spéculation dont la valeur est relative à ce que nous connaissons actuellement de la matière. Or la matière, nous pouvons le pressentir à travers les avancées des sciences positives, a une ouverture sur des potentialités immenses. À partir de la même base de départ, qu’on peut appeler l’énergie, on peut aboutir à des modes d’organisation très différents. La foi nous enseigne (voir les questions précédentes) que les corps des ressuscités seront immortels, intègres et qu’ils seront le véritable corps de chacun. Cependant, nous savons qu’il aura une manière d’être très différente, surtout visible pour les élus glorifiés. Grâce aux apparitions de Jésus, nous pouvons supposer quelques-unes de ces propriétés, sans toutefois être absolument certain de la manière dont chacune d’elle se manifestera. En effet, Jésus n’apparut à ses apôtres que sous une forme adaptée à leurs capacités terrestre et non dans toute la gloire de sa splendeur. Il est pourtant notre seule source de connaissance des corps glorifiés.

Il reste donc une méthode pour les connaître. Elle consiste à étudier les limites de la matière telle que nous la connaissons actuellement. Par exemple, nous connaissons mieux son rapport avec la lumière, sa vitesse et le temps. Mais même cela reste hypothétique dans la mesure où la matière est largement inconnue. De plus, l’homme glorifié voit Dieu, c’est-à-dire l’infini, et son corps en est donc nécessairement surélevé jusqu’à des propriétés surnaturelles. Comment rendre impossible mouvement instantané aux élus, puisque Dieu qui les épouse est maître des miracles, c’est-à-dire qu’il peut agir au delà et même contre la nature ?

C’est pourquoi nous préférons nous abstenir et nous contenter d’inviter le lecteur à se référer au Supplément de saint Thomas d’Aquin dans sa Somme de Théologie. Il y découvrira à quel point tout cela est aléatoire. Il faut donc lire les questions suivantes avec un esprit sainement critique, c’est-à-dire avec le désir de progresser.

Saint   Paul[50] nous met en garde contre un attachement excessif à ce qui demeure dans le domaine des spéculations et rappelle que le corps humain actuel est comme une graine...

Les théologiens modernes, devant l’ampleur ces interrogations en suspend, préfèrent avouer loyalement leur ignorance et s’en tenir à la connaissance des « pourquoi » (les « comment » appartiennent à Dieu). Saint Thomas est plus audacieux. Il va même trop loin dans le détail sur les ongles, les dents etc. Nous essaierons de prendre une attitude intermédiaire en nous servant des découvertes modernes concernant la matière.

 Article 1: Y aura-t-il de nouvelles sensations?

Article 2: La subtilité permet-elle au corps glorieux d’être dans un lieu déjà occupé par un corps non glorieux?

Article 3: La subtilité permet-elle à deux corps glorieux peuvent-ils occuper le même lieu?

Article 4: La subtilité rend-elle impalpable le corps glorieux?

Article 5: Le corps des élus est-il doué d’agilité?

Article 6: Les élus feront-ils usage de leur agilité?

Article 7: Leur mouvement sera-t-il instantané?

Article 8: La clarté sera-t-elle une prérogative du corps des élus?

Article 9: Le corps aussi a-t-il droit à une auréole?

Article 10: La clarté du corps glorieux peut-elle être vue par un oeil non glorifié?

Article 11: Le corps glorieux est-il nécessairement vu par un oeil non glorifié?

Article 12: Le corps glorieux est-il la même chose que le corps astral dont parle la philosophie orientale?

Article 1 : Y aura-t-il de nouvelles sensations ?

Objection 1 : Cela semble nécessaire : la beauté des corps glorieux ne peut être vue par un oeil non glorifié puisqu’il resplendit de couleurs et de lumières autres que celles d’ici-bas. On doit admettre que l’œil des saints au Ciel, puisqu’il verra le corps glorifiés des autres saints, aura de nouvelles sensations.

Objection 2 : Saint Paul écrit[51] : « Nous vous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu ». Or, s’il existe des choses que nul oeil n’a vues et nulle oreille entendues, ce ne peut être que des réalités appartenant à un domaine sensible nouveau. Il faudra donc de nouvelles facultés sensibles pour les saisir.

Objection 3 : Adam et Ève, dans le paradis terrestre, possédaient des dons préternaturels par lesquelles ils pouvaient percevoir des réalités de l’univers qui actuellement nous échappent. Dans le paradis céleste, qui est supérieur au paradis terrestre, l’homme aura donc de nouvelles facultés qui n’existent pas aujourd’hui.

 

Cependant : L’homme ressuscitera avec son propre corps et non avec un corps substantiellement différent. Il n’y aura donc pas de faculté nouvelle, mais seulement l’exercice total des facultés déjà présentes mais que la lourdeur de l’état du corps physique entrave.

 

Conclusion : Par la résurrection, Dieu rendra aux élus le même corps qu’ici-bas. Il est donc impossible qu’il puisse exister dans ce corps nouveau d’autres facultés sensibles que celles qui sont déjà présentes en lui sans quoi, on devrait admettre que le corps ressuscité est essentiellement différent.

Cependant, chez les élus, l’âme prendra possession de son corps de telle façon que celui-ci pourra exercer ses facultés en plénitude. Nous savons que le corps possède des capacités inutilisées. Le témoignage de ceux qui approchent la mort et qui connaissent une expérience de décorporation de leur corps psychique, confirme l’existence d’une acuité nouvelle du sens de la vue. Il se caractérise par la vision de couleurs jusqu’ici invisibles. De même, ceux qui sont aveugles retrouvent en plénitude la faculté de voir. S’il existe actuellement des facultés naturelles dont l’exercice est empêché à cause d’un obstacle lié au péché originel, on doit admettre qu’elles s’exerceront dans la gloire. C’est ce que certains rapportent des facultés sensibles comme la télépathie qui consiste à capter certaines ondes émises par le cerveau d’un autre homme. De même, le phénomène du sourcier qui peut sentir la présence de l’eau s’expliquerait d’une manière analogue par une capacité de saisir des ondes émises par les corps physiques. De telles facultés, étant naturelles dans leur origine, s’exerceront chez les ressuscités.

 

Solution 1 : L’œil non glorifié ne peut percevoir que certaines qualités de couleur, celles qui sont contenues entre l’infrarouge et l’ultraviolet. Le fait qu’après la résurrection l’œil puisse saisir un éventail beaucoup plus large de couleurs n’implique pas qu’il faille poser dans le corps humain une nouvelle faculté sensible car l’objet d’une telle vision renouvelée reste la couleur et la lumière. Il faut donc dire que l’œil glorifié s’exercera avec une plus grande plénitude qualitative, sans pourtant changer de nature.

Solution 2 : Ce texte de saint Paul signifie en premier lieu la vision intellectuelle de l’essence divine qui dépasse par sa hauteur tout ce que l’intelligence peut concevoir. Cependant, pris au sens propre, il annonce l’apparition de nouvelles réalités sensibles, dont la beauté est inimaginable, comme le corps glorieux du Christ, celui de Marie et des saints, le monde nouveau que Dieu créera à la fin.

Cependant, l’existence de nouvelles réalités sensibles communes aux facultés de l’homme n’oblige pas à poser l’apparition d’une nouvelle espèce de sensation ; il suffit d’admettre, comme nous l’avons dit, que les cinq sens prendront après la glorification du corps une plénitude d’exercice capable de rendre présent la totalité du domaine sensible qui est leur objet propre. Ainsi, si l’oreille ne peut pas actuellement capter certains sons à cause de la faiblesse de l’organe, elle le pourra dans la gloire ; Et l’on doit dire la même chose pour l’œil par rapport au large éventail des ondes lumineuses qui existe dans la nature ; Pour le toucher qui pourra saisir des qualités tactiles nouvelles, comme celles qui actuellement lui sont inadaptées à cause de leur trop grande chaleur ou de leur trop grand froid.

Solution 3 : Les dons préternaturels d’Adam et Ève étaient des facultés de leur nature qui ne pouvaient s’exercer sans l’aide de la grâce originelle qui les unissait à Dieu. Ces dons permettaient à leur esprit de vivre dans une harmonie totale avec leur corps qui lui était soumis en plénitude et avec l’univers entier. Après le péché originel, l’exercice de ces dons fut en partie empêché ce qui explique la lutte actuelle de la volonté humaine contre les facultés sensibles du corps et la disharmonie de l’homme avec la nature. Cependant, ces facultés demeurent à l’état de puissance dans la nature humaine. Après la résurrection, elles s’exerceront à nouveau en plénitude. Il n’est donc pas nécessaire de poser l’apparition de nouvelles facultés puisqu’elles n’ont jamais disparu.

 

Article 2 : La subtilité permet-elle au corps glorieux d’être dans un lieu déjà occupé par un corps non glorieux ?[52]

Objection 1 : Le fait qu’un corps solide ne puisse occuper un lieu en même temps qu’un autre corps tient à sa corpulence. Or la subtilité ne fera pas disparaître la corpulence des corps glorieux qui sera un corps sensible, et même palpable ; ni la matière ni la forme ni les accidents naturels, le chaud, le froid, etc. ne lui feront donc défaut. Sa subtilité ne l’empêchera donc pas d’occuper un lieu car, ce serait folie d’affirmer que le lieu occupé par un corps glorieux est vide.

Objection 2 : Ce qui fait que deux corps doivent chacun avoir leur lieu, c’est la nature de la quantité étendue, qui se définit précisément par la propriété d’occuper un lieu. Ce n’est pas une qualité mais la nature même de la matière corpusculaire. Or le corps glorieux sera fait de matière corpusculaire et non d’ondes comme certains l’ont prétendu puisqu’il sera palpable donc il ne pourra être dans un lieu déjà occupé.

Objection 3 : Ce qui dépasse les lois de la nature ne peut exister sans un miracle de la puissance divine qui est au-dessus de toute nature créée. Ainsi, qu’un corps occupe le lieu d’un autre peut être un privilège divin pour le surcroît de gloire des élus, de même que Dieu accorde à saint Pierre le privilège de guérir les malades par sa seule présence, en confirmation de la foi au christ. Mais cela ne peut être une propriété naturelle du corps glorieux.

Objection 4 : Si cette propriété existe, alors deux élus pourront occuper le même lieu, ce qui est inconvenant.

 

Cependant : Le Christ transformera notre corps misérable en le rendant semblable à son corps glorieux. Or le corps du Christ fut dans un lieu occupé déjà par un corps ordinaire lorsque, les portes étant fermées, il entra dans l’appartement où les disciples étaient réunis.

2. Ce que peuvent les rayons solaires, être dans un lieu déjà occupé par un autre corps, les corps glorieux, dont l’excellence est suprême, le pourront aussi.

 

Conclusion : Ce qui empêche aujourd’hui le corps humain de traverser un autre corps solide, c’est la cohésion des molécules qui le composent et que la volonté n’a aucun pouvoir de modifier. Aussi qu’un corps étranger vienne à pénétrer le corps humain, cela ne peut être que par violence et conduire à une destruction, à une blessure de sa cohésion organique. Cependant, le corps glorifié sera, comme on l’a montré, soumis en plénitude à la volonté de l’âme au point qu’il lui obéira dans chacune de ses parties. Il ne pourra donc subir aucune atteinte de par un corps extérieur. Il sera invulnérable.

Il reste maintenant à se demander s’il est possible qu’un corps glorifié se trouve dans le même lieu qu’un autre corps physique cohérent. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de connaître la nature des réalités matérielles. Lorsqu’on l’étudie au niveau microscopique, on s’aperçoit que la matière n’est pas une réalité continue. Elle est composée de l’agencement de multiples atomes qui laissent entre eux des espaces vides immenses en comparaison de ce qui est réellement occupé par les corpuscules élémentaires qu’on appelle protons, électrons et neutrons. L’infiniment petit est comparable d’une certaine manière à l’infiniment grand c’est-à-dire aux étoiles autours desquelles gravitent les planètes, laissant d’immenses espaces vides. Ainsi, lorsqu’on dit qu’un corps en traverse un autre, on n’est pas obligé d’admettre qu’il se trouve obligatoirement dans le même lieu qu’un autre corps. Il peut emprunter les vides inter-atomiques. C’est de cette manière que la lumière et les ondes électromagnétiques, qui sont des réalités matérielles peuvent passer à travers certains corps comme le verre ou l’eau. De même, le corps glorieux, à cause de sa très grande soumission à l’âme, peut adapter la cohésion de ses parties microscopiques de telle manière qu’elles puissent passer à travers la matière. C’est la meilleure explication qu’on puisse donner pour le moment pour rendre fait que le corps de Jésus qui était palpable, a pu entrer dans une pièce alors que toutes les portes étaient fermées. De cette manière, il est possible d’éviter de faire appel à la puissance miraculeuse de Dieu pour rendre compte de certaines propriétés surprenantes du corps glorieux. Il ne s’agit bien sûr que d’hypothèses adaptées à notre connaissance actuelle et limitée des propriétés de la matière.

 

Solution 1 : Les corps glorieux garderont leur corpulence mais cette corpulence sera soumise à la puissance de l’âme au point qu’elle pourra être rendue à volonté impalpable à celui qui s’approche. Cette propriété tient à la puissance de l’âme qui informera chaque partie du corps jusque dans ses aspects microscopiques. De même que l’âme de l’élu sera entièrement soumise à Dieu, de même le corps lui sera soumis en plénitude.

Solution 2 : La matière palpable parait continue à un regard extérieur. Mais si on analyse sa structure au plan microscopique, on s’aperçoit que ce n’est pas qu’une apparence. Il existe en effet davantage de parties vides que de parties pleines. C’est pourquoi les astronomes enseignent que si l’on arrivait à contracter la terre de telle manière que les vides inter-atomiques disparaissent, elle tiendrait dans le lieu occupé par une orange.

Solution 3 : Nous avons montré qu’il n’est pas nécessaire de poser l’existence d’un miracle divin pour expliquer la subtilité des corps glorieux puisque, en traversant la matière, ils n’en occupent pas réellement le même lieu.

Solution 4 : Loin d’être inconvenant, cette propriété des corps glorieux permettra peut-être une forme de communion inconnue sur terre.

Article 3 : La subtilité permet-elle à deux corps glorieux peuvent-ils occuper le même lieu ?

Objection 1 : L’ordre normal des êtres matériels exige qu’ils se distinguent par leur lieu. Si deux corps glorieux peuvent occuper un même lieu, on ne pourra plus les distinguer et il semblera qu’on a affaire à un seul homme. Cela est incroyable.

Objection 2 : Le lieu est une propriété essentielle du corps quantifié. Il permet l’individuation des êtres. Si deux corps glorieux occupent un seul lieu, non seulement on ne les distinguera plus dans leur individualité mais ils risquent de perdre leur spécification individuelle en mélangeant la matière qui les compose.

 

Cependant : Si un corps peut se trouver dans le même lieu qu’un corps non glorieux, ce qui permet de traverser les murs, il peut à plus forte raison occuper le même lieu qu’un autre corps glorieux dont la subtilité est supérieure.

 

Conclusion : Qu’un corps glorieux puisse occuper avec un autre corps le même lieu, cela est possible pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées dans l’article précédent. Cependant, cela ne peut se réaliser sans que les deux volontés liées aux deux corps soient consentantes. En effet, de même qu’un élu peut contrôler la matière de son corps au point de la rendre subtile et de lui faire traverser la matière de même il peut à volonté la rendre impénétrable.

 

Solution 1 : Rien ne se fera au Ciel qui ne soit dans l’ordre de la volonté divine. Aussi qu’un élu s’unisse à un autre au point de paraître faire un seul corps, cela ne peut venir d’une volonté ordonnée, à moins qu’on admette qu’il pourra exister par là une forme de manifestation de la charité qui unira les élus entre eux. Il est impossible d’entrer avec certitude dans de telles spéculations.

Solution 2 : La matière de chaque corps glorieux est soumise à son âme d’une manière parfaite. Elle ne risque pas de perdre son individualité en traversant un autre corps.

 

Article 4 : La subtilité rend-elle impalpable le corps glorieux ?

Objection 1 : « Ce qui est palpable est nécessairement corruptible », dit saint Grégoire. Or, le corps glorieux est incorruptible.

Objection 2 : Être palpable, c’est opposer une certaine résistance qui semble faire défaut au corps glorieux, puisque celui-ci peut être avec un autre corps dans le même lieu.

Objection 3 : Être palpable, c’est être tangible, ce qui suppose des qualités capables d’impressionner le sens du toucher, donc en excès par rapport à lui. Or, dans le corps glorieux, toutes les qualités seront ramenées à la plus parfaite égalité.

 

Cependant : 1. Le corps du Christ ressuscité était glorieux et en même temps palpable, comme il le disait à ses disciples, pour les convaincre qu’il n’était pas « un fantôme qui n’a ni chair ni os ».

2. Eutychès, évêque de Constantinople, se rendit coupable d’hérésie en affirmant, comme le rapporte saint Grégoire, que, « après la résurrection, le corps des élus sera impalpable ».

 

Conclusion : Tout corps palpable est tangible ; mais la réciproque n’est pas vraie. Un corps tangible est celui qui possède des qualités capables d’impressionner le sens du toucher, tels l’air, le feu, etc. Un corps palpable est celui qui résiste au toucher : l’air, qui n’oppose aucune résistance, mais se laisse traverser avec la plus grande facilité, est tangible mais non palpable. Pour être palpable, un corps doit donc réunir ces deux conditions : qualités sensibles et résistance. Les premières, le chaud, le froid, etc. ne se rencontrent que dans les corps lourds et légers, contraires les uns aux autres, et donc corruptibles ; Le corps glorieux est naturellement doué des qualités propres à impressionner le toucher ; mais, parfaitement soumis à l’âme, il peut, au gré de celle-ci, agir ou ne pas agir sur ce sens. Il possède encore, et naturellement, la faculté de résister au corps qui voudrait le traverser, et donc de ne pas occuper le même lieu ; comme aussi, il peut n’offrir aucune résistance et donc occuper le même lieu. Il est donc tout à la fois palpable par nature et impalpable par volonté ». Le Seigneur, dit saint Grégoire, se fit toucher par ses disciples lorsqu’il fut au milieu d’eux, les portes étant fermées, afin de leur montrer que, après sa résurrection, son corps était le même par la nature mais autre par la gloire.

 

Solution 1 : L’incorruptibilité du corps glorieux venait de la nature de ses éléments, il serait corruptible du fait qu’il est palpable ; mais elle vient d’ailleurs.

Solution 2 : Le corps glorieux peut occuper le même lieu qu’un autre corps ; mais il peut aussi lui résister, au gré de la volonté.

Solution 3 : Les qualités tangibles, dans le corps glorieux, ne seront pas réduites à une moyenne matérielle mais proportionnelle, c’est-à-dire, à la plus grande perfection convenable à chaque partie ; ce qui rendra ce corps très agréable au toucher qui, comme toute puissance, éprouve du plaisir en ce qui lui est exactement proportionné, tandis que tout excès lui cause une souffrance.

 

Article 5 : Le corps des élus est-il doué d’agilité ?[53]

Objection 1 : S’il en était ainsi, les corps glorifiés n’auraient pas besoin « d’être portés sur les nuées à la rencontre du Seigneur », dit saint Paul ; et portés « par les anges », ajoute la Glose.

Objection 2 :    L’agilité exclut l’effort. Mais l’âme imprimera au corps glorieux des mouvements contraires à celui qui lui est naturel, donc des mouvements qui exigeront un certain effort.

Objection 3 :    La sensibilité est plus noble et plus voisine de l’âme que le mouvement ; cependant, on n’attribue au corps glorieux aucune propriété spéciale destinée à la rendre plus parfaite.

Objection 4 :    Dieu, par la nature ou par lui-même, donne à chaque être les organes adaptés à son mou­vement, lent ou rapide. Or, les membres du corps glorieux seront semblables à ce qu’ils sont aujourd’hui. Son agilité sera donc aussi la même.

 

Cependant :     1. Saint Paul dit du corps des élus : « Semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force » ; ce que la Glose interprète « plein d’agi­lité et de vitalité ».

2. La lenteur est tout à fait opposée à la « spiritualité » que saint Paul attribue au corps glorieux.

 

Conclusion : Le corps glorieux sera abso­lument soumis à l’âme glorifiée, non seulement en ce sens qu’il n’opposera aucune résistance à sa volonté, car Adam innocent jouissait de ce privilège, mais parce que l’âme lui communiquera une certaine perfection ou « prérogative », qui le rendra capable de cette soumission totale. Or, l’âme est unie au corps pour lui donner l’être et le mouvement. À ce double point de vue, le corps glorieux lui sera parfaitement soumis. Par la subtilité, il le sera comme à la forme dont il reçoit son être spécifique ; par l’agilité, comme au principe de son mouvement par lequel il obéira docilement et promptement à toutes les impulsions et actions de l’âme.

 

Solution 1 : S’il en est ainsi, ce ne sera pas par impuissance, mais comme un témoignage de respect rendu au corps des élus par les anges et toutes les créatures.

Solution 2 : Plus l’âme est maîtresse du corps, moins elle a de peine à lui imprimer un mouvement contraire à sa nature. C’est un fait d’expérience chez ceux dont la vigueur est plus grande ou le corps plus exercé. Ces deux conditions, d’âme et de corps, seront réalisées au plus haut degré chez les élus : le mouvement ne leur coûtera donc aucun effort ; c’est ce qu’on appelle l’agilité.

Solution 3 : Cette prérogative ne rend pas le corps apte seulement à se mouvoir, mais à sentir et, en général à servir parfaitement l’âme dans toutes ses opérations.

Solution 4 : De même que la nature donne à certains animaux des organes adaptés à un mouvement plus rapide ; de même, Dieu donnera au corps des élus non pas d’autres organes de locomotion, mais cette prérogative qui s’appelle l’agilité, au sens que nous avons dit

 

Article 6 : Les élus feront-ils usage de leur agilité ?[54]

Objection 1 : Le mouvement, qu’Aristote définit : « l’acte d’un être un parfait », ne convient donc pas à la perfection du corps glorieux.

Objection 2 : Le mouvement ou recherche d’une fin, suppose donc une certaine indigence. Mais le Ciel, dit saint Augustin, « c’est la présence de tous les biens et l’absence de tous les maux ».

Objection 3 : Il est plus excellent de participer la per­fection divine sans mouvement qu’avec mouve­ment.

Objection 4 : « L’âme affermie en Dieu, dit saint Augustin, affermira par là même son propre corps ». Or, l’âme sera affermie en Dieu jusqu’à l’immobilité absolue.

Objection 5 : L’excellence du lieu correspondra à celle du corps glorieux. Le Christ « a été élevé au-dessus des cieux », dit saint Paul : il est le premier « par le rang et par la dignité », ajoute la Glose. De même, chacun des élus occupera la place dont il est digne et qui sera un des éléments de sa gloire. Donc puisque, après la résurrection, les élus auront atteint le terme et que leur gloire demeurera invariable, chacun gardera, sans chan­gement, la place qu’il aura méritée.

 

Cependant : « Ils courront, dit Isaïe, et ne se fatigueront point ; ils marcheront et ne se lasseront point ». Ils seront, dit la Sagesse, « comme des étincelles qui courent à travers le chaume ».

 

Conclusion : Il faut nécessairement un certain mouvement dans le corps glorieux. Celui du Christ est monté au Ciel ; ceux des élus y monteront aussi après la résurrection. Mais, alors qu’ils y seront, il est vraisemblable qu’ils se mouvront au gré de la volonté, aussi bien pour glorifier Dieu par l’exercice des facultés qu’ils posséderont, que pour charmer leurs regards par les magnificences de la création, miroir éclatant des perfections divines : les sens, en effet, même chez les élus, exigent la présence de leur objet. Cependant, ce mouvement ne diminuera en rien leur béatitude qui consiste dans la vision de Dieu, dont ils jouiront partout où ils seront ; il en sera d’eux comme des anges dont saint Grégoire dit : « Où qu’ils soient envoyés, c’est en Dieu qu’ils courent ». Quant à la beauté de créatures diverses, ils seront comme la nourriture pour la vue des êtres glorifiés. Il les conduira à admirer la sagesse divine.

 

Solution 1 : Le mouvement local ne com­porte qu’un changement extérieur, mais n’affecte en rien la constitution même d’un être. Celui-ci peut donc être parfait en lui-même ; il n’est impar­fait que par rapport au lieu ; en ce sens que, étant dans un lieu, il est en puissance à un autre, puis­qu’il ne peut être en plusieurs lieux à la fois, privilège réservé à Dieu. Ce défaut ne répugne donc pas à l’état de gloire, pas plus que d’être une créature tirée du néant.

Solution 2 :       Il y a deux espèces d’indigence une indi­gence absolue et une indigence relative. La pre­mière a pour objet ce sans quoi l’on ne peut conserver son être ou sa perfection ; elle ne s’applique donc pas au mouvement du corps glorieux ; la béatitude lui suffit. La seconde a pour objet ce sans quoi l’on ne peut atteindre une fin aussi bien ou de la manière que l’on veut ; elle s’applique au mouvement du corps glorieux dont les élus ont évidemment besoin pour manifester au dehors la force motrice qui est en eux. Il n’y a aucune difficulté à admettre de pareilles indigences dans le corps glorieux.

Solution 3 : L’objection porterait si le mouvement était nécessaire au corps glorieux à cause d’une indigence absolue, comme s’ils avaient besoin de se déplacer pour être heureux. Nous avons montré que cette opinion est fausse. Le mouvement sert aux élus comme un surcroît de vie et de plaisir donné par Dieu jusque dans leur corps.

Solution 4 : Le mouvement local, étant extérieur à l’être, ne diminue en rien la stabilité de l’âme établie en Dieu.

Solution 5 : Le lieu plus ou moins élevé assigné aux élus est une récompense accidentelle. Cette récom­pense ne consiste pas à occuper ce lieu, qui n’exerce sur eux aucune influence mais à un être dignes. Ils peuvent donc le quitter sans perdre pour cela leur bonheur.

 

Article 7 : Leur mouvement sera-t-il instantané ?

Objection 1 : Le mouvement de la volonté est instantané. Or, saint Augustin dit : « L’âme n’aura qu’à vouloir être quelque part, et aussitôt le corps y sera ».

Objection 2 :    D’après Aristote, St un mouvement se pro­duisait dans le vide, il serait instantané, puisqu’il n’éprouverait aucune résistance. Or, ainsi que nous l’avons dit, le corps glorieux n’en éprouvera aucune ; son mouvement sera donc instantané.

Objection 3 :    L’énergie de l’âme glorifiée dépassera infini­ment, peut-on dire, celle de l’âme non glorifiée. Le mouvement qu’elle imprimera à son corps devra donc échapper au temps et être instantané.

Objection 4 : Le mouvement qui parcourt avec la même célérité, une petite ou une grande distance, est instantané. Or, tel sera celui du corps glorieux, au dire de saint Augustin, qui compare sa vélocité à celle du rayon lumineux.

Objection 5 : Après la résurrection, « il n’y aura plus de temps ». Le mouvement du corps glorieux ne sera donc plus dans le temps, mais instantané.

 

Cependant : 1. Dans le mouvement local, l’espace, le mouvement et le temps ont la même divisibilité. Or, l’espace parcouru par le corps glorieux est divisible ; donc, son mouvement l’est aussi et se mesure par un certain temps. Il ne peut donc pas être instantané, puisque l’instant est indivisible.

2. Il est impossible qu’une chose soit, en même temps, tout entière dans un lieu et partiellement dans un lieu et dans uni autre ; car il s’ensuivrait que l’une de ses parties occupe deux lieux à la fois, ce qui est impossible. Or, une chose qui se meut est partiellement au point de départ et partiellement au point d’arrivée, où elle est tout entière, quand le mouvement est achevé. Elle ne saurait donc être à la fois en train de se mouvoir et au terme de son mouvement. Mais il en serait ainsi, dans l’hypothèse du mouvement instantané, qu’il faut donc refuser au corps glorieux.

 

Conclusion : Le mouvement local du corps des élus doit être considéré sous deux aspects : 1° Selon qu’il est naturel, c'est-à-dire causé par la seule puissance de l’âme. 2° Selon qu’il vient de Dieu qui est cause de la gloire.

1° Selon qu’elle est naturelle, l’agilité des élus ressemble à celle des damnés qui participent à toutes les perfections naturelles du corps ressuscité. Peut-il y avoir mouvement instantané ? Ce problème a reçu diverses solutions. Certains prétendent que, semblable à la volonté, le corps glorieux passe d’un lieu à un autre sans franchir le milieu qui les sépare ; son mouvement est donc instantané comme celui de la volonté. - C’est impossible. Le corps glorieux sera toujours un corps, sans jamais acquérir une nature purement spirituelle. De plus, c’est métaphoriquement que la volonté est dite se transporter d’un lieu à un autre, puisqu’elle n’y est pas contenue elle-même ; cela signifie simplement que son intention se porte vers un lieu après s’être portée vers un autre.

D’autres admettent bien que le corps glorieux, parce qu’il est corps, doit franchir le milieu et se mouvoir dans le temps : mais, ajoutent-ils, parce qu’il est glorieux, il peut s’en dispenser et se transporter instantanément. - Cette opinion ne saurait être admise, parce qu’elle implique contradiction. Supposons un corps qui se meut du A à B. Quand il est tout entier en A, le mouvement n’est pas commencé ; tout entier en B, le mouvement est terminé. Quand il se meut, puisqu’il faut bien qu’il soit quelque part, il est ou tout entier dans un lieu intermédiaire ou partiellement dans ce lieu et l’un ou l’autre des deux extrêmes. A étant distant de B, ce corps ne peut être en partie dans A et en partie clans B, sans être dans le milieu, ce qui détruirait la continuité entre les deux parties de lui-même.

Il faut donc, s’il se meut entre A et B distants l’un de l’autre, qu’il soit successivement dans tous les lieux qui séparent A de B. Autrement, il faudrait admettre qu’il est passé de A à B sans se mouvoir, ce qui implique contradiction, puisque le mouvement local, c’est précisément le passage par tous les lieux qui séparent cieux termes. Telle est la loi pour tout mouvement entre deux termes positifs. Il en va autrement, si l’un des termes est une simple privation, parce que, entre une affirmation et une négation, il n’y a pas de distance déterminée, mais celle-ci peut être plus ou moins grande selon ce qui prépare ou cause le changement ; c’est pourquoi, même en ce cas, une action exercée précède le mouve­ment réalisé. Quant au mouvement des anges, il est étranger à la question car ce n’est pas de la même manière qu’un ange et un corps sont dits être dans un lieu. En définitive, il faut conclure qu’il est absolument impossible qu’un corps se transporte d’un lieu dans un autre sans passer par tous les intermédiaires. Cette conclusion est admise par d’autres qui n’en maintiennent pas moins le mouvement instantané du corps glorieux. Ils voient bien la difficulté, à savoir, que ce corps serait dans le même instant en plusieurs lieux, celui d’arrivée et tous les intermédiaires ; mais ils croient pouvoir greffer sur l’identité réelle de l’instant une distinc­tion de raison, comme pour le même point qui termine plusieurs lignes. - Cette distinction est factice. L’instant est la mesure réelle, et non logique, de son contenu. Une distinction logique ou de pure raison, ne peut donc en faire la commune mesure de plusieurs choses qui ne sont pas simultanées ; pas plus que, appliquée au point, elle ne peut y réduire des éléments éloignés les uns des autres.

L’opinion la plus probable, c’est donc que le corps glorieux se meut dans le temps. Et la rapidité de son mouvement est dépendante de l’énergie de l’âme et des capacités naturelles de la matière. Du côté de l’âme, l’énergie ne peut être que finie puisqu’elle est une réalité créée ; du côté du corps, la vitesse ne peut devenir infinie, comme le montrent les lois de la relativité. Le monde physique est ainsi fait que la vitesse de la lumière est toujours constante, aussi bien en avant qu’en arrière, quelle que soit la vitesse du mobile. Les corps glorieux seront soumis à cette loi de la matière car ils resteront de réels corps matériels. Si un élu veut donc se déplacer d’un point à l’autre de l’univers à grande vitesse au point d’approcher celle de la lumière, il expéri­mentera les propriétés décrites par Albert Einstein à propos de l’espace-temps : les distances, relativement à sa grande vitesse raccourciront pour lui ; le temps s’allongera. Il ne s’agira pas d’une simple impression subjective mais d’un véritable phénomène physique. L’âme n’en sera bien sûr pas affectée, étant perpétuellement plongée dans l’éternité de Dieu

2° Selon qu’elle est causée par Dieu, donc surnaturelle, l’agilité des élus est parfaite. Leur corps, revêtu de la puissance de Dieu, peut se déplacer instantanément d’un lieu à un autre et même être en deux lieux à la fois, comme on le voit dans le miracle de la bilocation. Tout cela se fait à volonté puisque Dieu qui fait un au plan de l’union de l’intelligence et volonté avec les élus, obéira au moindre de leurs désirs selon le psaume 139, 9 : « Je prends les ailes de l'aurore, je me loge au plus loin de la mer, même là, ta main me conduit, ta droite me saisit ».

 

Solution 1 : « Quand il manque un rien, c’est comme si rien ne manquait », dit Aristote. Nous disons « Je le fais tout du suite », de ce que nous faisons avec un délai minime. C’est ce sens qu’il faut donner au texte de saint Augustin.

Solution 2 : Cette assertion d’Aristote est fausse. La vitesse n’est pas seulement proportionnée à la résistance extérieure rencontrée dans l’espace mais aussi à l’inertie du mobile. Et cette résistance du mobile à l’accélération est d’autant plus grande qu’on approche la vitesse de la lumière. Mais alors, les propriétés relatives du temps apparaissent ce qui donne une voie intéressante à la compréhension de la vitesse possible au corps glorifié lorsqu’il est mu sans résistance par l’énergie de son âme. Cependant, l’agilité des corps glorieux reste celle de corps physiques.

Solution 3 : Quoique l’énergie de l’âme glorifiée soit incomparablement supérieure à celle de l’âme non glorifiée, elle n’est cependant pas infinie et ne saurait donc causer un mouvement instantané. Elle ne le pourrait pas non plus, alors même que son énergie serait infinie, à moins de supprimer radicalement toute résistance opposée par le mobile, ce qui est impossible. Car il existe une résistance qui vient de l’espace il faudrait soustraire le mobile corporel à la nécessité d’occuper un lieu et une position déterminés. En effet, de même que le blanc résiste au noir, et d’autant plus qu’il en est plus éloigné, de même, le corps résiste à un lieu du fait qu’il occupe un lieu opposé, et sa résistance est en proportion de la distance. Or, il est impossible de soustraire un corps à la nécessité d’occuper un lieu ou une position déterminés, à moins de lui enlever sa nature corporelle dont elle est la conséquence. Donc, aussi longtemps qu’il garde cette nature, son mouvement ne peut pas être instantané, quelle que soit l’énergie de son moteur ; conclusion qui s’applique au corps glorieux, puisqu’il ne sera jamais d’être un corps.

Solution 4 : Saint Augustin parle d’une égale célérité, parce que la différence sera imperceptible, comme le temps même nécessaire à ce mou­vement.

Solution 5 : Après la résurrection, il n’y aura plus le temps qui est le nombre du mouvement sidéral ; Mais il y aura toujours celui qui est le nombre de la succession essentielle à tout mouvement.

 

Article 8 : La clarté sera-t-elle une prérogative du corps des élus ?[55]

Objection 1 : « Tout corps lumineux est composé de parties transparentes «, dit Avicenne. Or, beaucoup de parties du corps glorieux, la chair, les os, etc., ne sont pas transparentes, ni, par conséquent, lumineuses.

Objection 2 : Un corps lumineux fait écran un astre en éclipse un autre ; la flamme empêche de voir ce qui est derrière elle. Or, saint Grégoire dit que, « au Ciel, l’épaisseur corporelle ne fera pas obstacle aux regards des élus ils pourront voir de leurs yeux la merveilleuse harmonie intérieure du corps humain ».

Objection 3 : Selon Aristote, « la lumière est dans le diaphane indéterminé, tandis que la couleur est à la limite « les corps ». Or, « la beauté, dont la proportion et le coloris sont les éléments », dit saint Augustin, ne saurait faire défaut au corps glorieux, qui ne peut donc pas être lumineux.

Objection 4 : La clarté devrait être égale dans toutes les parties du corps glorieux, de même que toutes sont également impassibles, subtiles et agiles. Mais il semble bien que, au contraire, certaines devraient être plus éclatantes que d’autres les yeux plus que les mains, les humeurs plus que la chair et les tendons.

 

Cependant : 1 ». Les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père ». – « Ils brilleront, et, semblables à des étin­celles, etc. ».

2. Le corps des élus, « semé dans l’ignominie, ressuscitera glorieux », dit saint Paul ; ce qui signifie la clarté, puisqu’il vient de parler de celle des étoiles.

 

Conclusion : Il faut attribuer cette préro­gative au corps des élus, puisque l’Écriture l’affirme, ainsi que nous venons de le dire. On peut l’expliquer de la manière suivante : de même qu’à l’heure de la mort, le corps psychique devient transparent en ce sens qu’il ne constitue plus un obstacle aux pensées, de même, après l’entrée dans la vision de Dieu transparaît dans le corps ressuscité. Ainsi, la clarté aura pour cause le rejaillisse­ment de la gloire de l’âme sur le corps. Ce qu’un être reçoit, il le reçoit selon sa nature à lui, et non pas selon la nature de l’être qui le lui communique. La clarté, spirituelle dans l’âme, sera donc corporelle dans le corps, et, en lui comme en elle, proportionnée au mérite. La clarté du corps manifestera donc la gloire de l’âme, comme un vase de cristal reflète la couleur de l’objet qu’il renferme, dit saint Grégoire.

 

Solution 1 : Avicenne parle du corps dont la clarté dépend des éléments dont il est formé. Celle du corps glorieux dépend du mérite et de la vertu. Il ne faut donc pas confondre la clarté du corps glorieux avec une simple luminescence. Ici, la lumière physique qui éclate a la propriété de révéler la présence de Dieu qui est vu.

Solution 2 : Saint Grégoire, commentant Job, compare le corps glorieux à l’or, à cause de son éclat, et au cristal, à cause de sa transparence. Il semble donc bien qu’il aura ces deux qualités à la fois. C’est la densité des éléments qui fait que leur éclat s’oppose à la transparence. Mais la clarté du corps glorieux n’aura pas sa cause en lui-même : il pourra donc, comme le cristal, posséder tout ensemble densité et transparence. Certains veulent qu’il y ait ici une simple comparaison le corps glorieux laisse voir la gloire de l’âme, comme un vase de cristal laisse voir l’objet qu’il renferme. Mais la première explication convient mieux à la dignité du corps glorieux, et elle est plus conforme à ce que dit saint Grégoire.

Solution 3 : La gloire du corps ne détruira pas sa nature, mais la perfectionnera. La couleur qui lui est naturelle demeurera donc, mais la gloire de l’âme y ajoutera un nouvel éclat ; de même qu’on voit ici-bas la splendeur du soleil ou toute autre cause interne ou externe, faire briller davantage les objets naturellement colorés.

Solution 4 : La gloire de l’âme rejaillira sur chaque partie du corps de la manière convenable à celle-ci. Il est donc raisonnable d’admettre que chacune aura une clarté plus ou moins grande selon ses prédispositions naturelles. Il n’en va pas de même pour les autres prérogatives, car les différentes parties du corps s’y prêtent également.

 

Article 9 : Le corps aussi a-t-il droit à une auréole ?[56]

Objection 1 : Cela semble, car la récom­pense essentielle l’emporte sur l’accidentelle. Mais la dot, qui appartient à la récompense essentielle, n’est point seulement dans l’âme, elle est aussi dans le corps. Donc également l’auréole, qui appartient à la récompense accidentelle.

Objection 2 :    Le péché accompli avec le corps reçoit un châtiment dans l’âme et dans le corps. Donc, l’acte méritoire accompli avec le corps mérite une récompense dans l’âme et dans le corps. Or, les actes qui méritent l’auréole s’accomplissent avec le corps celle-ci lui est donc due aussi.

Objection 3 : Dans les corps des martyrs, on verra, à travers leurs cicatrices, une sorte de rayon­nement de la plénitude de leur vertu, saint Augustin dit « Je ne sais comment nous sommes pénétrés par l’amour des bienheureux martyrs, au point de vouloir voir, au royaume des cieux, jusque dans leurs corps, les cicatrices des blessures qu’ils ont supportées pour le nom du Christ. Peut-être les verrons-nous ce ne sera pas chez eux une difformité, mais une sorte d’honneur ; une splendeur brillera en eux, qui, bien qu’elle soit dans leur corps, ne sera pas du corps, mais de leur vertu ». Il semble donc que l’auréole des martyrs sera même dans leur corps, ainsi que les autres auréoles, pour e même motif.

 

Cependant : Les âmes qui sont maintenant au paradis ont des auréoles, sans avoir de corps physique. Le sujet propre de l’auréole n’est donc pas le corps, mais de l’âme.

En outre, tout mérite vient de l’âme : toute la récompense doit donc être en elle.

 

Conclusion : L’auréole est à proprement parler dans l’esprit car elle est la joie d’avoir accompli les oeuvres auxquelles est due l’au­réole. Mais de même que de la joie de la récom­pense essentielle, qui est la couronne, rejaillit une sorte de beauté dans le corps, qui le glorifie, de même, de la joie de l’auréole rejaillit une certaine beauté du corps ; de sorte que l’auréole est principalement dans l’esprit, mais qu’elle resplendit aussi dans le corps par une sorte de reflet.

 

Solution 1 : De là découlent les réponses aux difficultés. Pourtant, on doit savoir que l’ornement des cicatrices, qui apparaîtront dans le corps des martyrs, ne peut s’appeler auréole. Car certains martyrs auront l’auréole sans avoir de cicatrices, parce qu’ils ont été noyés ou sont morts de faim ou des suites des tourments de leur prison.

 

Article 10 : La clarté du corps glorieux peut-elle être vue par un oeil non glorifié ?

Objection 1 : Il faut une proportion entre le sens de la vue et son objet. Or, il n’y en a pas entre l’œil humain non glorifié et la clarté de la gloire qui est d’une autre espèce que celle de la nature.

Objection 2 : Le corps glorieux sera plus brillant que le soleil, qui brillera lui-même encore d’avantage qu’aujourd’hui. Or, l’œil humain n’est pas capable de contempler le soleil dans tout son éclat.

Objection 3 : Un objet visible, placé devant un oeil sain, est nécessairement vu par lui. Or, les disciples virent le corps du Sauveur ressuscité sans en voir la clarté. C’est donc que la clarté du corps glorieux n’est pas visible pour l’œil humain.

 

Cependant : 1. « Le Sauveur transformera notre corps misérable en le rendant semblable à son corps glorieux », dit saint Paul ; et la Glose ajoute : « Nous aurons une clarté semblable à celle qu’il eut lui-même lors de sa transfigu­ration, clarté que ses disciples purent voir de leurs yeux ».

2. Au jugement, les impies seront torturés en voyant la gloire des justes, dont la clarté est un élément.

 

Conclusion : Certains ont nié la possibilité de cette vision à moins d’un miracle. Mais, pour admettre cette opinion, il faudrait, quand on parle du corps glorieux, donner au mot clarté un sens tout différent de celui auquel nous sommes habitués. En effet, la lumière est par elle-même, de nature à impressionner la vue, comme la vue est, par elle-même, de nature à percevoir la lumière ; les mêmes rapports existent aussi entre le vrai et l’intelligence, le bien et la volonté. Pour dire que la vue est absolument incapable de percevoir la lumière, il faudrait donc prendre le mot « vue » ou le mot lumière dans un sens tout nouveau. Il ne saurait en être ainsi quant à la question présente ; car alors, nous dire que la clarté est une prérogative du corps glorieux ne nous apprendrait rien, pas plus que si l’on disait qu’il y a un chien dans le Ciel, (en désignant la constellation ainsi nommée), à quelqu’un qui ne connaîtrait que le chien animal. Il faut donc conclure que la clarté du corps glorieux peut être vue par un oeil non glorifié.

 

Solution 1 : La clarté de la gloire a une autre cause que celle de la nature, mais elle n’est pas d’une autre espèce, ni donc sans pro­portion avec la vue.

Solution 2 : Le corps glorieux ne peut agir ou pâtir que sous l’influence de l’âme. Une clarté intense qui émane de l’âme n’offense pas la vue, mais la délecte ; au contraire, celle qui provient d’une cause naturelle brûle et désagrège l’organe visuel. Ainsi, la clarté du corps glorieux, quoiqu’elle dépasse celle du soleil, n’est donc pas de nature à blesser le regard, mais plutôt à le réjouir. C’est pourquoi l’apocalypse la compare à l’éclat du jaspe.

Solution 3 : C’est la volonté qui a mérité la clarté du corps. Celle-ci lui sera donc soumise, visible ou invisible à son gré : le corps glorieux pourra donc ou manifester ou dissimuler son éclat. Telle est l’opinion du Prévôtin.

 

Article 11 : Le corps glorieux est-il nécessairement vu par un oeil non glorifié ?

Objection 1 : Le corps glorieux sera lumineux. Or, il est de la nature de la lumière d’être vue et de faire voir.

Objection 2 : Un corps qui empêche de voir ce qui est derrière lui est vu nécessairement et par le fait même. Or, il en est ainsi du corps glorieux, puisqu’il est coloré.

Objection 3 : Comme la quantité, la visibilité est inhérente au corps. Donc celle-ci, pas plus que celle-là, ne dépend de la volonté.

 

Cependant : Le corps des élus ressemblera à celui du Christ ressuscité, qui n’était pas néces­sairement vu, puisque tout d’un coup, les disciples d’Emmaüs ne le virent plus.

2. Le corps glorieux obéira parfaitement à l’âme : il sera donc visible ou invisible au gré de celle-ci.

 

Conclusion : Un objet visible est vu par l’action qu’il exerce sur la vue. Mais cette action sur quelque chose d’extérieur à lui ne le change pas lui-même. Donc, sans perdre aucun des éléments de sa perfection, le corps glorieux peut être vu ou ne l’être pas. Donc, l’âme glorifiée a le pouvoir de rendre son corps visible ou invisible : cette action, comme les autres, dépend d’elle. Autrement, le corps glorieux ne serait pas, vis-à-vis d’elle, l’instrument tout à fait obéissant qu’il doit être.

 

Solution 1 : Le corps glorieux sera maître de manifester ou dissimuler sa clarté.

Solution 2 : La couleur d’un corps n’empêche sa trans­parence que si elle agit sur la vue, qui peut difficilement être impressionnée par deux couleurs à la fois de façon à voir parfaitement l’une et l’autre. Mais la couleur du corps glorieux agira ou n’agira pas sur la vue, ait gré de l’âme, et pourra donc de même être opaque ou transparente

Solution 3 : La quantité est inhérente au corps glorieux, de telle sorte qu’elle ne puisse varier au gré de l’âme, sans un changement intrinsèque qui serait en contradiction avec l’impassibilité de ce corps. Il n’en va pas de même pour la visibilité. Sans doute, il ne dépend pas de l’âme que la qualité, qui en est le principe, soit ou ne soit pas ; mais l’action de cette qualité, et donc le fait d’être visible ou de ne l’être pas, dépend de l’âme.

 

Article 12 : Le corps glorieux est-il la même chose que le corps astral dont parle la philosophie orientale ?[57]

Objection 1 : Il semble que le corps glorieux est la même chose que le corps astral. D’après la philosophie chinoise le corps astral possède le pouvoir de traverser les murs, ce qui semble être lié à la subtilité. Il peut se déplacer à grande vitesse dans l’espace ce qui est l’agilité. Il est libéré de tout défaut physique ce qui se rapporte à 1’intégrité etc. Or toutes ces pro­priétés sont caractéristiques du corps glorieux.

Objection 2 : Le corps astral est affranchi de toute vie végétative : il n’a pas besoin de se nourrir ou de respirer. Il est le siège d’une vie sensible dont l’exercice est très aisé lorsqu’il est séparé du corps physique. Or tout cela semble commun avec les propriétés du corps glorieux.

Objection 3 : Si l’on admet que le corps astral n’est pas autre chose que le corps des ressuscités, on peut être amené à comprendre d’une manière nouvelle et intéressante le mystère de la résurrection. Celle-ci ne serait que la reprise par l’âme d’un corps psychique (qui n’est autre que le corps astral) ou l’absence de vie végétative s’explique par l’absence du corps physi­que et de son inertie matérielle.

 

Cependant : À la résurrection, les hommes retrouveront leur corps au complet. C’est pourquoi ce corps renouvelé sera composé de chair et d’os. Au contraire le corps astral est un corps vaporeux et impalpable et il se distingue du corps physique. Donc, il ne peut y avoir identité entre le corps glorieux et le corps astral.

 

Conclusion : Selon certaines traditions philosophiques chinoises et indiennes, on peut discerner dans l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour former une seule personne le corps physique, le corps astral et le corps mental.

Le corps physique est le siège des facultés végétatives comme le nutrition, la reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre corps appelé corps astral. C’est le corps physique qui est source de l’existence du corps astral. Mais, après la mort du corps physique, le corps astral s’en sépare et subsiste en se nourrissant de l’énergie de l’âme elle-même. Ainsi, les morts emportent avec eux leur psychisme, d’où l’expérience de la décorporation que rapportent de nombreuses personnes passées près de la mort. Le corps astral est, avec le corps physique, siège des facultés psychiques comme les sensations, les passions l’imagi­nation et la mémoire. Le corps mental n’est autre que ce que nous appelons l’esprit, siège de l’intelligence et de la volonté. Ils ne lui donnent le nom de corps que par métaphore car, selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement spirituel. Le corps mental est im­mortel et indestructible. C’est lui qui, dans la sagesse hindouiste, se réincarne à travers les âges.

Aristote distingue de la même façon trois degrés de vie mais son analyse s’attache moins à la cause matérielle, pour regarder la cause efficiente.

Ceci posé et dans l’hypothèse où le corps astral n’est pas une fiction, on doit admettre qu’il ne peut être identique au corps ressuscité tel que nous l’avons décrit et tel que la foi catholique en parle. En effet, ce qui ressuscite, ce n’est pas une partie du corps mais le corps humain tout entier avec sa chair et ses os. C’est ce que voulait signifier Jésus lorsque ses disciples le prirent pour un fantôme, c’est à dire pour une apparition vaporeuse semblable au corps astral. Il leur fit toucher son corps et Thomas mit la main dans son côté. Au contraire si Jésus était ressuscité en ce sens qu’il aurait retrouvé son seul corps psychique ou astral, il aurait ressemblé à un spectre impalpable et son corps serait reste au tombeau.

 

Solution 1 : Il    est vrai que les récits rapportent des expériences de décorporation manifestent que les handicaps du corps physique ne sont pas présents dans le corps astral. Celui-ci est décrit comme un double du corps physique composé d’une matière qui n’est pas corpus­culaire. On pourrait appeler une telle matière une « matière psychique ». Cependant, l’intégrité de ce corps double n’est pas totale puisqu’il lui manque le corps physique qui fait essentiellement partie de la nature humaine. Il n’est donc pas identique au corps ressuscité.

Quant aux propriétés telles que l’agilité et la subtilité qui semblent appartenir au corps astral, elles sont une première participation de celles qui appartiendront au corps des élus lorsque la gloire de Dieu les aura transformés.

Solution 2 : Que les propriétés du corps astral soient communes avec celles du corps des ressuscités, cela ne prouve pas qu’il lui soit identique. Il lui manque en effet la capacité de se rendre visible et palpable à volonté, tel que le Christ le pouvait. De même, il lui est de toucher la matière atomique, de la goûter. Au contraire, le Christ manifesta à ses disciples qu’il pouvait manger puisqu’il prit du pain et du poisson avec eux. De fait, les morts avant leur résurrection ne sont pas en possession de la troisième partie du microcosme humain, à savoir le corps physique palpable. Le corps astral n’est pas le corps humain mais seulement une partie de ce corps. Il n’est donc pas identique au corps des ressuscités qui sera parfait.

Solution 3 : La résurrection du Christ est modèle de la nôtre. Or, on doit admettre, avec la foi catholique, qu’il est vraiment mort et que son âme s’est séparée complètement de son corps. Lorsqu’il est ressuscité, il a retrouvé ce corps dans toute son intégrité. Il a pris de nouveau possession de sa chair qui reposait au tombeau et non seulement de son corps psychique ou corps astral. L’hypothèse contenue dans l’objection doit donc être rejetée comme opposée à la foi catholique. En premier lieu, elle méconnaît la perfection supérieure du corps des ressuscités en les réduisant à des corps fantomatiques. En second lieu, elle aboutit à réduire la résurrection du Christ et celle qui aura lieu à la fin des temps à un simple symbole. La raison de cette méfiance vis-à-vis du corps physique vient principalement de l’expérience terrestre de sa misère. Elle confond un mode provisoire lié à une purification avec la gloire que Dieu prépare pour ceux qui l’aiment.

 

QUESTION 44 : L’état corporel des damnés[58]

 

Il s’agit maintenant de l’état corporel des damnés. On demande :

Article 1: Les damnés ressusciteront-ils avec leurs difformités corporelles?

Article 2: Le corps des damnés sera-t-il incorruptible?

Article 3: Le corps des damnés sera-t-il impassible?

 

Article 1 : Les damnés ressusciteront-ils avec leurs difformités corporelles ?

Objection 1 : La peine du péché ne peut cesser qu’avec sa rémission. Or, la mutilation est parfois un châtiment du péché, et on pourrait en dire autant de toutes les difformités corporelles. La résurrection ne les fera donc pas disparaître du corps des damnés, dont les péchés ne seront jamais remis.

Objection 2 : De même que les élus auront tout ce qui peut rendre leur félicité parfaite ; de même les damnés devront avoir tout ce qui peut porter leur malheur à son comble.

Objection 3 : La résurrection ne remédiera pas au défaut d’agilité chez les damnés ; donc, pas davantage, à leurs difformités.

 

Cependant : « Les morts ressusciteront incorruptibles », dit saint Paul ; et la Glose ajoute « tous les morts sans distinction, même les pécheurs, ressusciteront avec leurs membres au complet ».

 

Conclusion : On peut distinguer deux espèces de difformités corporelles. 1° L’une résulte de l’absence d’un membre, d’une mutilation, qui détruit l’harmonie et la beauté du corps. Tout le monde affirme que le corps des damnés ne sera pas difforme de cette manière, puisque le corps humain, chez les méchants comme chez les bons, doit ressusciter tout entier. 2° L’autre résulte d’un désordre, ayant pour objet la quan­tité, la qualité, la disposition des membres et, en tout cas, nuisible à l’équilibre et à l’harmonie du corps tout entier. Sur cette espèce de diffor­mités, comme les infirmités, fièvres, maladies, etc., qui en sont parfois la cause, saint Augustin n’a pas voulu se prononcer.

Certains ont été plus hardis et ont déclaré que les damnés ressusciteront avec elles, pour que rien ne manque au malheur suprême qu’ils ont mérité. Cette opinion ne semble pas raison­nable. La réparation du corps humain vise sa perfection naturelle plus encore que son état antérieur ; c’est pourquoi les enfants ressusciteront à l’âge de la pleine jeunesse. Dès lors, tout défaut corporel et toute difformité conséquente devraient disparaître à la résurrection, à moins, prétend-on, que le péché ne s’y oppose et en impose la réviviscence comme un châtiment. Mais « la peine doit correspondre à la faute » ; et il pourrait donc arriver qu’un pécheur moins coupable souffrit de ces infirmités dont un autre plus coupable serait exempt dès lors la mesure de son châtiment serait disproportionnée à celle de sa faute, et il semblerait plutôt qu’il fût puni pour des peines qu’il a déjà endurées en cette vie, ce qui est absurde.

Il est donc plus raisonnable de dire que le Créateur de la nature humaine la refera dans son intégrité. C’est-à-dire tous les défauts et diffor­mités corporels, fièvre, mal d’yeux, etc., ayant pour principe une corruption ou une débilité de la nature ou des principes naturels, seront éliminés par la résurrection ; au contraire, les imperfections inhérentes au corps humain de par sa nature même, pesanteur, passibilité, etc., dont l’état de gloire délivrera le corps des élus, se retrouveront dans le corps des damnés.

 

Solution 1 : Un tribunal ne peut infliger une peine que dans les limites de sa juridiction ; c’est pourquoi les peines infligées au péché en cette vie sont temporelles comme elle et finissent avec elle. Ainsi donc, quoique le péché des damnés ne soit pas remis, il ne s’ensuit point qu’ils doivent subir les mêmes peines qu’ici-bas ; la justice divine leur en réserve d’autres.

Solution 2 : Il n’y a point parité entre les bons et les méchants ; car quelque chose peut être absolument bon, mais rien ne peut être absolument mauvais. Le bonheur des élus exige l’absence de tout mal ; mais le malheur des damnés se saurait exiger celle de tout bien, car « le mal, s’il n’était que mal, se détruirait lui-même », comme le dit Aristote. Le malheur des damnés exige donc la présence d’un certain bien naturel, à savoir, la nature humaine, oeuvre du Créateur parfait, qui la leur rendra dans toute sa perfection spécifique.

Solution 3 : L’absence d’agilité est une imperfection naturelle au corps humain ; il n’en est pas ainsi d’une difformité.

 

Article 2 : Le corps des damnés sera-t-il incorruptible ?

Objection 1 : C’est impossible, puisqu’il sera composé d’éléments contraires, comme aujourd’hui ; autrement, il nie serait plus le même, ni comme espèce, ni comme individu.

Objection 2 : Son incorruptibilité viendrait ou de la nature ou de la grâce et de la gloire. Mais la première sera et en eux la même qu’aujourd’hui, et les deux autres leur feront défaut.

Objection 3 : Il ne semble pas raisonnable de sous­traire ceux qui ont mérité le malheur suprême à la mort, qui est le plus grand des châti­ments.

 

Cependant : 1. Il est dit dans l’apocalypse : « En ces jours-là, les hommes chercheront la mort et ils ne la trouveront pas ; ils souhaiteront la mort, et la mort fuira loin d’eux ».

2. Et dans saint Matthieu : « Ceux-ci iront au supplice éternel » ; ce qui suppose l’incorrupti­bilité corporelle de ceux qui y sont condamnés.

 

Conclusion : Comme tout mouvement exige une cause, un mouvement ou changement peut être supprimé si la cause fait défaut ou si quel­que chose met obstacle à son action. Or, la corruption est une espèce de changement, et peut donc aussi être empêchée des deux manières qui viennent d’être dites. 1° En supprimant tota­lement sa cause ; c’est ainsi que le corps des damnés sera incorruptible. Dieu supprimera toute cause extérieure de corruption comme les maladies, les blessures etc. Après la résurrection, le corps humain ne subira donc plus aucune influence capable de l’altérer et finalement de le corrompre. Cette incorruptibilité corporelle des damnés servira l’amour de Dieu qui respecte le choix éternel des damnés. 2° En mettant obstacle à son action. C’est ainsi que le corps d’Adam était incorruptible la grâce d’innocence empêchait eu lui la lutte des éléments contraires et la dissolution qui en aurait été la conséquence. C’est ainsi que le sera, et mieux encore, le corps des élus, pleinement soumis à leur âme, et dans lequel se trouveront donc à la fois les deux modes d’incorruptibilité.

 

Solution 1 : Les éléments contraires dont le corps humain est formé conduisent à la destruction de la vie biologique pour deux raisons : 1° Une cause interne au corps qui porte en lui-même la nécessité de mourir puisqu’il est programmé génétiquement de telle manière qu’il perde sa vitalité avec l’âge. Le corps ne se renouvelant pas assez rapi­dement, l’usure des organes cause la vieillesse et le rend de moins en moins apte à être informé par l’âme. Lorsqu’un homme meurt de vieillesse, c’est parce que son âme est devenue incapable d’assumer un corps trop usé.

2° Une cause externe peut venir apporter la destruction du corps : il s’agit des diverses maladies dont l’origine peut être d’ailleurs très diverse : parfois physique (blessure, microbes, refroidissements, empoisonnements), parfois psychologique (à cause d’un excès de tristesse ou d’angoisse), parfois spirituelle (état de péché), parfois paranormale (influence du monde angélique). De telles maladies peuvent aboutir à la mort puisque l’âme n’a ni une puissance infinie sur le corps ni une assistance divine infaillible pour le maintient de la vie biologique.

Après la résurrection, les causes internes de la destruction du corps disparaîtront puisqu’il sera éternellement renouvelé par la gloire de Dieu. D’autre part, l’âme, à cause de l’aide divine, exercera en plénitude sa puissance vitalisante au point que nulle maladie ne pourra en aucune manière frapper l’homme.

 

Article 3 : Le corps des damnés sera-t-il impassible ?

Objection 1 : « Toute passion (modifica­tion) qui s’accentue tend à détruire la nature », dit Aristote. De plus, « une destruction partielle, mais continue, d’un être fini, aboutit à sa totale corruption ». Or, on vient de prouver que le corps des damnés est incorruptible ; il doit donc aussi être impassible.

Objection 2 : Même conclusion tirée de la loi d’après laquelle l’agent tend à s’assimiler le patient fait pâtir le corps des damnés, il finira par le consumer.           

Objection 3 : Le corps des damnés était passible, leurs souffrances surpasseraient toutes celles d’ici- bas, de même que la félicité des élus est incompa­rable. Mais nous voyons l’intensité de la douleur causer parfois la mort. À plus forte raison, le corps des damnés ne peut pas être à la fois passible et incorruptible.

 

Cependant : 1. À ces paroles, de saint Paul : « Nous serons transformés », la Glose ajoute « Nous seuls, les bons, serons transformés par la gloire et deviendrons immuables et impassibles ».

2. Le corps est l’auxiliaire de l’âme pour le mal comme pour le bien. Or, le corps partagera la récompense de l’âme ; il doit donc partager aussi son châtiment, et, pour cela, être passible.

 

Conclusion : Pâtir signifie une modification éprouvée par le patient ce qui peut avoir lieu de deux manières. Le patient peut recevoir de l’agent une forme, selon l’être matériel de celle-ci telle, la chaleur que l’air reçoit du feu on appelle cette manière passion naturelle. Il peut la recevoir immatériellement, selon son être intentionnel : telle une couleur, la blancheur, par exemple, reçue dans l’air et dans l’œil ; c’est de cette manière que l’âme reçoit les similitudes des réalités, aussi l’appelle-t-on passion de l’âme. -Après la résurrection, il n’y aura plus d’altération ni donc de passion naturelle, et, en ce sens, le corps des damnés sera impassible aussi bien qu’incorruptible. Mais l’autre mode de passion demeurera : l’air sera illuminé par le soleil, et, par lui, la vue recevra l’impression des objets colorés. Le corps des damnés sera pas­sible de cette manière : leur sensibilité s’exercera donc ressentira la souffrance, sans pourtant que l’état naturel de leur corps soit modifié. Quant au corps des élus, quoiqu’il soit passif, en un certain sens, puisque leur sensibilité s’exer­cera, on ne doit cependant pas le dire passible, parce que jamais leur sensibilité n’aura pour objet quelque chose qui puisse les affliger ou les faire souffrir.

Les damnés pourront souffrir phy­siquement car, n’étant pas unis à Dieu par la charité, ils ne recevront pas la grâce qui seule aurait pu les établir dans la béatitude. Leur corps étant ce­lui d’une âme malheureuse, il partici­pera à ce malheur.

 

Solution 1 : Aristote parle ici de la passion qui modifie l’état naturel du patient ; le corps des damnés en sera indemne.

Solution 2 : Le feu, c’est-à-dire la souffrance physique qui consumera le corps des damnés aura sa source dans leur propre péché comme nous l’avons montré. En tant qu’elle s’est détournée de Dieu, leur âme répandra son amertume jusque dans leur corps ; cependant, en tant qu’elle est source de leur vie, elle recevra de Dieu la puissance de les mainte­nir toujours en vie. Dieu dans sa justice respectera ainsi leur liberté, puisque c’est ainsi que veulent vivre les damnés, loin de celui qui aurait pu les rendre heureux.

Solution 3 : La douleur ne sépare pas l’âme du corps, tant qu’elle reste dans la puissance de l’âme qui en est le sujet, mais seulement lorsqu’elle se communique au corps pour le modifier, comme nous voyons la colère l’échauffer ou la peur le glacer. Mais, après la résurrection, le corps ne sera plus soumis à des modifications de ce genre ; et ainsi, quelque grande que soit la dou­leur, jamais elle ne séparera l’âme de son corps.


NOTES

[1] On peut consulter aussi :

BENOIT p., Passion et résurrection du Seigneur, Paris, Cerf, 1966-+

CULLMANN O. Immortalité de l’âme ou résurrection des corps ? Neuchâtel, Delachaux et Niestle, 1959.

•Immortalité, Neuchâtel, Delachaux et Niestle. 1958.

• Résurrection, Actes du symposium international sur la résurrection de Jésus, (Rome 1970), Libreria editrice Vaticana, 1974.

MOINGT J. « Immortalité et/ou résurrection », Lumen Vitae 107 (1972), 65-78.

RAHNER K. « La résurrection de la chair » écrits théologiques, 4, Paris, Desclée de Brouwer. 1966, 71-88.

Somme de Théologie : Résurrection. De la résurrection du Christ, Des qualités du Christ ressuscité ; Manifestation de la résurrection du Christ ; De la résurrection du Christ considérée comme cause de la nôtre : IIIa Pars, Question 55 et 56 ; De notre propre résurrection ; De sa cause ; Du temps et du mode ; Du terme ; De la condition ; Qualité-de ceux qui sont ressuscités ; Du corps : De l’intégrité des corps ressuscités ; De leur subtilité ; De leur agilité, De leur clarté ; De l’état des corps des damnés après la résurrection : Voir le supplément à la somme Question 75 à 86.

Dans la revue Communio :

RESURRECTION. A. Numéros : Après la mort, (V, 3) ; Il est ressuscité, (VII, 1). B. Articles : Paul Toinet, «Résurrection et immortalité de l’âme » (I, 2, p. 22-23) ; Gustave Martelet, «La certitude de la foi devant l’improbabilité de la résurrection » (V, 6, p. 42-49) ; Jean-Yves Lacoste, «L’altération, une autre histoire, (VII, 4, p. 83-95).

RESURRECTION DES CORPS A. Numéros :—. B. Articles. Paul Toinet, «Résurrection et immortalité de l’âme » (I, 2, p. 22-23) ; Claude Bruaire, «En attendant la résurrection des corps » (V, 3, l, p. 2-3) ; Juan-Luis Ruiz de la Pena, «Résurrection ou réincarnation ? » (V, 3, p. 38-47) ; Gustave Martelet La certitude de la foi devant l’improbabilité de la résurrection » (V, 6, p. 42-49) ; Georges Cottier, «J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir » (IX, 4, p. 4-9)

Voir aussi le numéro spécial 1990/1.

A. Michel, Résurrection des morts, Dictionnaire de Théologie Catholique, t. 13, col. 2548

L. Billot, Tractatus de Novissimis, Thèse XIII

M. Goguel, La foi à la résurrecrion de Jésus, 1933, p. 440.

G. Tyrrell, Le Christianisme à la croisée des chemins, trad franç, 1911, p. 153, 182, 187, 252.

L. de Grandmaison, Jésus-Christ, II, 407.

E. Mangenot, Fin du monde, Dictionnaire de Théologie Catholique, t. 4, col. 2519-2529

E. Le Roy, Dogme et critique, 3e éd, 1907, p. 235-246.

Jean Guitton, Le problème de Jésus. II : Divinité et résurrection ; «La pensée moderne et le catholicisme », 7, Paris, 1953.

J. Guitton, op. cit, p. 123-124.

A.-D Sertilanges, La philosophie de saint Thomas d’Aquin,

R. d’Ouince, réponse à une enquête, «Témoignage chrétien », 1949, reproduit dans La Résurrection de la chair, 1961, p. 18.

La foi en une résurrection des corps est le fruit d’une longue maturation de la pensée Voir à ce sujet :

L’immortalité, «Revue biblique «, 1908, p. 207-241.-E. F. Suttcliffe, The old Testament and future Life, 1947. — «Le problème de la vie future » dans Problèmes pour la réflexion chrétienne, 1946, p. 64-98 et J. Guillet, «Les sources scripturaires de la foi et la résurrection de la chair «, dans La Résurrection de la chair, 1961, p. 139-162.

p. Dhorme, L’idée de l’au-delà dans la religion hébraïque, «Revue de l’histoire des religions » 1941, p. 113-140. —Idem, Le séjour des morts chez les Assyriens et les Babyloniens, N Rev. bibl, 1907, p. 59-78.

R. Dussaud, La notion de l’âme chez les Israélites et les Phéniciens, Syria, 1935. —Idem, La Néphesch et la Ruah dans le Livre de Job, «Revue de l’histoire des religions «, 1945, p. 17-30. —H. Bars, L’homme et son âme, 1959, p. 80. —R. B. Onians, The origins of European Thoughts about the Body, the Mind, the Soul, the World, Timothée e and Fate, 1954.

I Sarmuel, 28, 12. —L. Desnoyers, Histoire du Peuple hébreu, t. II, 1930, p. 129-131.

X. Léon-Dubour, article a Mort «, Vocabulaire biblique, 1962, p. 654-655.

A. Lefèvre, Job, D. B. saint, t. 4, col. 1088-1091.

A. Condamin, Etudes sur l’Ecclésiaste, «Rev. bibl. », 1900, p. 371-374.-E. Podechard, L’Ecclésiaste, 1912, p. 186-189.

-E. Podechard, Le Psautier, 1949, p. 220-221, 319-320.-R. Tournay, L’eschatologie individuelle dans les Psaumes, «Rev. bibl. », 1949, p. 481-506.

Sap, 3, I ; 4, 7-19 ; 5, 6.-A.-M. Lagrange, Le Livre de la Sagesse, sa doctrine des fins dernières, R. B, 1907, p. 85-104.

R. Schutz, Les idées eschatologiques du Livre de la Sagesse, 1935. —M. Delcor, L’immortalité de l’âme dans le Livre de la Sagesse et dans les documents de Qumran, «N. Revue théologique », 1955, p. 614-630.

Textes de saint Jean Chrysostome apud Condamin, Etudes sur l’Ecclésiaste, «Rev. bibl. », 1899, p. 500, note 3. —Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, IIe Partie, ch. 19.

G. F. Moore, Judaism, II, 311. —M. J. Lagrange, Le judaïsme avant Jésus-Christ, 1931, p. 346.

M. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, 1909.

M. J. Lagrange, Le Judaïsme, 1931. —M. Simon, Les sectes juives au temps de Jésus, 1960.

L. de Grandmaison, Jésus Christ, I, p. 263.

M. J. Lagrange, Le Judaïsme, p. 278.

Cf. Matthieu h, 22, 23 ; Act, 23, 7 - 8.-M. J. Lagrange, ibid, p. 269-270) 353. - Josèphe, Antiquit, 18, I-4.

M. Simon, Les sectes juives au temps de Jésus, p. 42-73. —M. J. Lagrange, Le Judaïsme, p. 307-330. —Sur l’eschatologie biblique, cf. J. Bonsirven, Judaïsme, D. B, Suppl, 4, 1249-1270.

Martin, Le Livre d’Hénoch, 1906, p. 58. — J. Bonsirven, La Bible apocryphe (textes choisis), 1953. —Cf. M. J. Lagrange, Le Judaïsme, p. 112, 356. X.

IV Esdras, 75 78-100 ; 5, 1-13 ; 7e 26-38.-L. Gry, Les dire prophétiques du Livre d’Esdras, 1938, t. I, p. 186-208, 44-56, 146-152.

A. Schweitzer, La mystique de l’Apôtre Paul, 1930, trad. M. Guéritot, 1962, p. 75-78, situe Jésus entre Hénoch et Daniel.

—M. Goguel, Eschatologie et apocalyptique dans le christianisme primitif, «Rev. d’hist. et phil. rel. », 1933 ; Pneumatologie et eschatologie dans le Christianisme primitif, ibid, 1947, a beaucoup mieux vu la transcendance au moins relative de Jésus.

D. Mollat, Jugement, D. B. saint, t. 4, 1382-1385.

«Le fait de la résurrection de Jésus, constaté et prêché par les témoins, est de toute évidence la raison décisive qui explique que la théorie de la résurrection des morts -que le judaïsme inter-testamentaire n’a admise qu’en partie- soit devenue l’affirmation fondamentale de la confession de foi chrétienne. Le Ressuscité devient alors pour ainsi dire la véritable norme dans la norme, la règle à utiliser pour lire la tradition : Grâce à elle, l’effort de l’Ancien Testament est déchiffré comme une approche unique en direction du Christ souffrant, crucifié et ressuscité ; il devient témoin de la résurrection ». RATZINGER J, La mort et l’au-delà, Communio-Fayard, 1994, p. 120.

[2] Dans toute cette question, les principes généraux posés par saint Thomas d’Aquin dans ses oeuvres de jeunesse restent valables : La résurrection du corps sera un évènement réel, réalisé par Dieu après le retour du Christ et qui aboutira pour les âmes séparées à la réunification de leur être à travers leur «vrai corps fait de chair ». Cette position de la foi exclut à l’avance certaines positions qui voyaient dans la résurrection la simple glorification de l’âme après la mort ou son union avec un corps symbolique, avec le corps ressuscité du Christ ou toute autre hypothèse s’opposant à l’identité et à la nature physique du corps ressuscité.

D’autre part, pour saint Thomas, ce corps identique au corps mortel d’ici-bas vit selon un mode nouveau, libéré pourrions-nous dire en langage moderne de toute loi d’entropie. C’est un corps soumis à l’esprit, spirituel en se sens, libéré de toute corruption, de la mort et doté de plus pour les élus des propriétés de la gloire. Dès que nous abordons la question des «comment », nous touchons aux limites de Saint Thomas. Nous nous sommes donc efforcé, compte tenu des progrès de la science moderne, de donner un rajeunissement à ces questions. Nous estimons que certaines d’entre elles valent la peine d’être posées, contre l’avis de la majorité des théologiens actuels car nous affirmons que ce corps aura bien un mode matériel de fonctionnement. Cependant, la science de la matière étant bien loin d’avoir cerné les possibilités d’organisation de cette dernière, nous sommes conscient du caractère inadéquat de nos essais de réponses

Quelques positions modernes inacceptables :

-La première consiste à se refuser a priori à toute interrogation théologique sur la nature et le mode du corps ressuscité sous prétexte que ce mode nous dépasse nécessairement. Il est clair que le corps de Jésus présente des propriétés étonnantes et inexplicables (Il entre dans une pièce close!). Cependant, bloquer ainsi la soif naturelle de l’intelligence au service de la foi est contre nature. Reste que le théologien doit garder à l’esprit que, dans ces domaines, la vérité ne se révèlera qu’au Ciel.

Un certain nombre d’interprétations récentes et spiritualisantes de la résurrection ou encore d’autres attendant une recréation de l’homme tout entier à la fin du monde, après un temps de néant, ont pour cause le refus obsédant de la distinction âme-corps. Avoir peur du dualisme platonicien est une chose, nier la distinction en est une autre.

[3] Voir dans la Sommes de Saint Thomas, Supplément Question 75, Article 1 ; Un texte du Concile de Vatican II éclaire cette partie du traité (Gaudium et Spes, 39).

«Nous ignorons le temps de l’achèvement de la terre et de l’humanité, nous ne connaissons pas le mode de transformation du cosmos. Elle passe, certes, la figure de ce monde déformée par le péché ; mais, nous l’avons appris, Dieu prépare une nouvelle demeure et une nouvelle terre où règnera la justice et dont la béatitude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui montent au cœur de l’homme. Alors, la mort vaincue, les fils de Dieu ressusciteront dans le Christ, et ce qui fut semé dans la faiblesse et la corruption revêtir l’incorruptibilité. La charité et ses oeuvres demeureront et toute cette création que Dieu a faite pour l’homme sera délivrée de l’esclavage de la vanité.

«Certes, nous savons bien qu’il ne sert à rien à l’homme de gagner l’univers s’il vient à se perdre lui-même, mais l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : Le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche du siècle à venir. C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine.

«Car ces valeurs de la dignité, de la communion fraternelle et de la liberté, tous ces fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père «un royaume éternel et universel : royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice, d’amour et de paix » Mystérieusement, le royaume est déjà présent sur cette terre ; il atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra »

[4] 1 Corinthiens 15, 44.

[5] Job 19, 26.

[6] Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi, lettre sur quelques questions d’eschatologie, 17 mai 1979.

[7] Question 8, article 2.

[8] Ici l’article de saint Thomas est présenté sans modification, Supplément Question 75, article 3.

[9] "La Foi Catholique", conférence du p. Pierre Benoît à Fribourg.

[10] (2) VITALINI S. : Théologie de l’au-delà, Université de Fribourg, Suisse, 1980, p. 23.

[11] Isaïe 40, 4.

[12] Isaïe 14, 4.

[13] AUER J, RATZINGER J. ESCHATCLOGIA, Morte e vita eterna ; cittadella, 1979.

[14] Vitalini Sandro Théologie de l’au-delà, Université de Fribourg-Suisse, 1980. p. 86.

[15] 1 Théssaloniciens 4, 16.

[16] c. f. article précédent, solution 5.

[17] Voir Question 2, Article 3.

[18] Grâce aux progrès modernes de la connaissance de la matière, la question du mode de la résurrection est complètement transformé par rapport à la façon dont il était envisagé au Moyen Age. Certaines questions du traité de la résurrection ne sont plus posées depuis l’époque moderne.

[19] 1 Corinthiens 15, 51.

[20] «Pour cette question, on se reporte nécessairement à 1 Corinthiens 15, 35-53 : «Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l'incorruptibilité ; on est semé dans l'ignominie, on ressuscite dans la gloire ; on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ; on est semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps psychique, il y a aussi un corps spirituel. C'est ainsi qu'il est écrit : Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante ; le dernier Adam, esprit vivifiant ». Paul y affronte une opinion tente de faire passer l’idée de résurrection pour absurde en lui objectant la question suivante : «Comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? » (v. 35). Contre cette attitude, Paul traite le problème de la dimension corporelle de la résurrection, et cela en transportant l’expérience du corps nouveau du Seigneur ressuscité à la compréhension de la résurrection des morts en général. Cela veut dire que Paul s’oppose délibérément à la conception juive dominante, qui considère le corps ressuscité comme parfaitement identique au corps terrestre et le monde de la résurrection comme la simple continuation du monde terrestre. Sa rencontre avec le Ressuscité, qui en qualité de «Tout-Autre » a refusé de se laisser Voir et reconnaître sur terre, n’a pas été soumise aux lois de la matière, mais elle est devenue visible comme dans une épiphanie-apparition hors de l’univers de Dieu. Cette rencontre avait irrévocablement ruiné ses conceptions juives». Je l’affirme, frères, la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l’incorruptibilité ».  (v. 50). Cela coupe court à toute idée naturaliste et physiciste de la résurrection. RATZINGER J, La mort et l’au-delà, Communio-Fayard 1994, p. 175.

[21] Voir Supplément, Question 71, article 1.

[22] QUEL AVENIR POUR L’HOMME ? Lettre pastorale du cardinal Gouyon à l’occasion de la Toussaint, Documentation Catholique 1708, octobre 1976.

[23] On retrouve une hypothèse analogue chez Jean Guitton. Etudiant les problèmes exégétiques et philosophiques posés par la résurrection de Jésus, M. Jean Guitton a été amené à formuler quelques hypothèses sur la nature de la résurrection corporelle. Il en vint ainsi à distinguer dans le corps deux éléments dont l’un est corruptible et dont l’autre échappe à la corruption, une partie proprement matérielle qui peut se définir avec des concepts tirés de la biologie, de la chimie et une manière d’être un corps ou d’avoir un corps qui n’est pas proprement l’âme, mais qui est nécessaire à l’âme pour son insertion dans le corps ou plutôt pour cette composition qui fait qu’elle est avec son corps un seul et même être. Jean Guitton, Le problème de Jésus, Divinité et résurrection, la pensée moderne du catholicisme, 7, Paris, 1953, p. 123 à 128.

[24] Voir saint Thomas, Supplément Question 79, article 2.

[25] Le Cardinal RATZINGER J, La mort et l’au-delà, Communio-Fayard, 1994, p. 199, s’oppose à toute recherche sur le mode d’être des corps glorieux. Nous pensons qu’il en partie raison en ce sens que l’intensité de ce mode nous est inimaginable. Mais nous pensons que saint Thomas d’Aquin a raison de développer certaines de ses propriétés puisqu’elles ont été révélées dans l’Ecriture. Il reste que notre regard sur ces question est très pauvre selon saint Paul (2 Corinthiens 4, 17) : «car une légère tribulation nous prépare, jusqu’à l’excès, une masse de gloire! »

«Le «dernier jour », la «fin du monde », la «résurrection de la chair » seraient donc des indices de l’achèvement de ce processus, qui, encore une fois, ne peut se réaliser que de l’extérieur, grâce à une réalité qualitativement neuve et différente, et qui, en cela même, correspond à la «dérive » la plus intime de l’être cosmique. Cela voudrait dire que, dans sa quête d’unité, l’être en devenir parvient à ce but qu’il ne peut atteindre de lui-même et vers lequel cependant il tend sans cesse, à cette inclusion de tout en tout par quoi chacun devient totalement lui-même, justement parce qu’il est tout entier dans l’autre. Une telle inclusion signifierait que la matière deviendra, d’une manière tout à fait nouvelle et définitive, le bien propre de l’esprit et celui-ci totalement un avec la matière. Cet «être-pan-cosmique » à quoi la mort donne accès conduirait alors à un échange universel, à une ouverture universelle, et donc au dépassement de toute aliénation. Dieu ne sera tout en tout (I Corinthiens 15, 28) que lorsque sera réalisée cette unité de la création. Cela veut dire que des précisions, quelles qu’elles soient, sur le monde de la résurrection sont inconcevables ; A de telles tentatives s’opposent aussi bien I Corinthiens 15, 50 que Jn 6, 63, et, dans la mesure où Greshake s’élève contre de tels jeux d’esprit «physicistes «, il faut lui donner pleinement raison. Nous ne pouvons nous faire aucune idée de ce monde, et ce n’est d’ailleurs pas nécessaire ; il faut renoncer définitivement à de telles tentatives. Mais, par delà toutes les images et indépendamment d’elles, il reste qu’une juxtaposition éternelle, sans relation et donc statique, du monde matériel et du monde spirituel est contraire à la signification essentielle de l’histoire, à la création de Dieu et à la parole de la Bible. C’est pourquoi, sans diminuer le moins du monde le mérite du livre de Greshake, il faut contredire sa proposition : «La matière en soi [. . ] est imperfectible ». Malgré toutes les assurances contraires, cela impliquerait un partage de la recréation et donc finalement un dualisme selon lequel tout le domaine de la matière serait exclu de la finalité de la création et deviendrait une réalité de second rang ».

[26] Cet article est traité à partir d’élément de saint Thomas Supplément question 80 ; Il est modernisé. A propos de ces questions, on peut consulter :

L. Lercher, Institutiones théologiae dogmaticae, t. 4, n° 617-618, 2ème éd, 1935, p. 722-723.

Michel A, Résurrection, Dictionnaire de Théologie Catholique, t. 16, col. 2557.

Saint Thomas, Suppl, q. 80, art. 4. —Cf. A. Michel, art. cit,

Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent, dist. 43, q. I-2.

Michel A, art. cit, col. 2562-2563.

Michel A, Forme du corps humain, Dictionnaire de Théologie Catholique, t. 6, col. 572.

L. Billot, Tractatus de Novissinzis, Thèse XIII.

H. Lennerz, Tractatus de novissimis, n. 303, Rome, 1950, 5e éd, p. 189 note.

Suarez, De mysteriis vitae Christi, disp. 44, sect. 2. Opera, éd. Vivès, t. 19, col. 746.

Voir Communio 1990/1 : Mrg C. DAGENS, «notre corps promis à la résurrection », p. 4-14.

[27] Dans cet article, les apports d’une biologie dont saint Thomas aurait aimé disposer nous permettent de préciser ses conclusions, parfois de les modifier. Mais cette con­naissance plus profonde du corps permet de mieux compren­dre le mystère de la résurrection, dans toute sa simplicité en échappant à toutes les questions secondaires, comme celle par exemple du cannibalisme qui ont tant intrigué les théologiens du Moyen Age. En effet, le corps des ressuscités peut être le même sans être forcement toujours composé de la même matière qu’ici-bas.

[28] Luc 10, 21.

[29] Histoire d’une âme, feuille n°2, verso.

[30] Question 8, article 2.

[31] Genèse 6, 3.

[32] Voir le Contra Gentiles de saint Thomas d’Aquin.

[33] Romains 6, 9.

[34] Daniel 3, 25.

[35] Matthieu 5, 45.

[36] saint Thomas d’Aquin, Contra Gentiles, Livre 4.

[37] Matthieu 22, 30.

[38] Matthieu 22, 30.

[39] Ephésiens 4, 13.

[40] Genèse 3, 16.

[41] Galates 3, 28.

[42] Voir pour cette solution le Contra Gentiles.

[43] Matthieu 22, 30.

[44] Cette solution est de saint Thomas dans le Contra gentiles.

[45] Article inspiré et modifié, Supplément, question 81, article 1 ; L’opinion de Balthasar nous paraît insuffisante. Elle ne tient pas assez compte du nouveau sens que prendra le mot «jeunesse » dans l’autre monde : «Cela signifie en premier lieu que c’est l’histoire du monde en son déroulement qui doit entrer dans la vie éternelle. Autant sont vaines les spéculations sur l’âge auquel les hommes ressusciteront-la seule réponse est : à tout âge-autant il serait absurde de penser que l’histoire n’entre de droit dans l’éternité que dans son dernier stade, qui sera peut-être le plus désolé. En fait, ce qui dans l’histoire, à n’importe quel stade de son développement, a acquis quelque chose de positif méritera de prendre part à la vie éternellement neuve de Dieu. On s’apercevra que ce qui était apparemment primitif et non évolué, contenait peut-être plus de virtualités cachées que les périodes de haute culture qui, du point de vue naturel, peuvent ne porter que peu de fruits. On se rappellera ici comment Jésus fait l’éloge de l’enfant, parce qu’il est plus réceptif et plus disposé à receVoir que l’adulte. Ce qui est vrai de l’histoire dans son ensemble ». BALTHASAR H. U, La dramatique divine 4, «le dénouement », Culture et Vérité ; Namur, 1993, p. 381.

[46] Apocalypse 1, 14.

[47] 1 Corinthiens 15, 44.

[48] A propos des corps gloriéeux, on peut consulter :

M. Cappuyns, Jean Scot Erigène, 1933, p. 373-374 ; p. L, 122, 986-988.

A. Michel, Résurrection des morts, Dictionnaire de Théologie Catholique, t. 13, col. 2548-2550.

A. Chollet, Corps glorieux Dictionnaire de Théologie Catholique, t. II, col. 1898-1906.

E. Gilson, L’Esprit de la philosophie médiévale, ch. 9, t. I, p. 187.

Saint Thomas, Suppl, q. 82-85. Saint Thomas, Ia p., q. 89. De anima, q. 1, art. 15 et 19 ; Ia IIae, q. 4, art. 5-6.

[49] Voir Contra Gentiles, 4ème Livre.

[50] 1 Corinthiens 15, 34-42.

[51] 1 Corinthiens 2, 9.

[52] Cet article est l’un des deux exemples de ce traité où nous nous sommes vu obligés de changer les conclusions de saint Thomas, La position du grand théologien consiste à affirmer que le corps glorieux ne peut traverser la matière, sauf par miracle de Dieu. Mais une telle conclusion se fonde sur la physique de son époque, qui considérait les corps comme des réalités continues. La science physique moderne permet d’aller plus loin dans la compréhension de ce que fit Jésus après sa résurrection : «Il se tint dans la pièce, alors que toutes les portes étaient closes ». La position de saint Thomas est exposée dans le corps de l’article.

[53] Voir Supplément Question 84, article 1.

[54] Ibidem, article 2.

[55] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Supplément, Question 85, article 1.

[56] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Supplément Question 97, article 10.

[57] Nous avons estimé nécessaire de rajouter à la fin du traité des corps glorieux un article le comparant avec «le corps astral » : L’arrivée en Occident des philosophies orientales risque d’aboutir à une confusion entre deux conceptions bien différentes.

[58] Voir Supplément question 86. Cette question est laissée telle quelle, excepté les solutions de l’article 2.

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