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TABLE      CONSULTER LE TEXTE DU TRAITÉ DES FINS DERNIÈRES      SUIVANT

LA FIN DU MONDE

 

QUESTION 73 : LES SIGNES PRÉCURSEURS DU JUGEMENT

ARTICLE 1 : Y aura-t-il des si précurseurs de l’avènement du Souverain Juge?

ARTICLE 2 : Le soleil et la lune doivent-ils réellement cesser de briller, à l’époque du Jugement?

ARTICLE 3 : A l’avènement du Seigneur, les vertus des cieux seront-elles ébranlées?

QUESTION 74 : LA CONFLAGRATION DE L’UNIVERS À LA FIN DES TEMPS

ARTICLE 1 : Le monde doit-il être purifié?

ARTICLE 2 : Cette purification se fera-t-elle par le feu?

ARTICLE 3 : Ce feu sera-t-il de même nature que celui qui est l’un des quatre éléments?

ARTICLE 4 : Ce feu purifiera-t-il aussi les cieux supérieurs?

ARTICLE 5 : Ce feu doit-il consumer les autres éléments?

ARTICLE 6 : Tous les éléments seront-ils purifiés par ce feu?

ARTICLE 7 : La dernière conflagration suivra- t-elle le Jugement?

ARTICLE 8 : Ce feu produira-t-il sur les hommes les effets indiques par le Maître des Sentences?

ARTICLE 9 : Ce feu engloutira-t-il les réprouvés?

 

QUESTION 73 : LES SIGNES PRÉCURSEURS DU JUGEMENT

Il s’agit maintenant des signes précurseurs du Jugement.

On demande : 1. Y aura-t-il des signes pré curseurs de l’avènement du souverain Juge ? - 2. Le soleil et la lune doivent-ils vraiment cesser de briller ? - 3. Les vertus des cieux seront-elles ébranlées ?

 

ARTICLE 1 : Y aura-t-il des si précurseurs de l’avènement du Souverain Juge ?

Objections : 1. La réponse négative semble imposée par cette parole de saint Paul «Quand les hommes diront : Paix et sûreté! c’est alors qu’une ruine soudaine fondra sur eux ». En effet, cette paix et cette sûreté n’existeraient pas, si des signes avant-coureurs venaient semer l’épouvante.

2. Des signes sont nécessaires quand une chose doit être rendue manifeste. Mais l’avènement du Seigneur doit être caché « Le jour du Seigneur vient ainsi qu’un voleur pendant la nuit ».

3. Le premier avènement de Notre-Seigneur fut connu d’avance par les prophètes, et cependant il ne fut précédé d’aucun signe. A plus forte raison, ainsi en sera-t-il du second que personne ne connaît.

Cependant: 1. Il est dit en saint Luc « Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles ».

2. Saint Jérôme énumère quinze signes : les mers se soulèveront de quinze coudées plus haut que les montagnes; - elles s’enfonceront dans les abîmes jusqu’à être à peine visibles; - elles reprendront leur niveau habituel; - tous les monstres marins se rassembleront, lèveront la tête au-dessus des flots et mugiront les uns contre les autres, comme s’ils se querellaient; - tous les oiseaux du ciel se réuniront dans les champs, gémissant à l’envi, sans manger ni boire; - des torrents de feu prendront naissance à l’occident et parcourront le ciel jusqu’à l’orient; - tous les astres errants et fixes jetteront des flammes semblables à la crinière ardente des comètes; - un grand tremblement de terre renversera tous les animaux ; - toutes les pierres, petites et grandes, se heurteront et se briseront en quatre morceaux; - de toutes les plantes coulera une rosée sanglante ; - les montagnes, collines et édifices seront réduits en poussière ; - tous les animaux sortiront des forêts et des montagnes, hurlant et oubliant de manger; - tous les tombeaux s’ouvriront pour rendre leurs morts à la vie; - tous les hommes sortiront de leurs demeures, hébétés, muets, courant çà et là; - ils mourront tous pour ressusciter en même temps que ceux qui les ont pré cédés dans la mort.

Conclusion: Quand le Christ viendra juger tous les hommes, il apparaîtra dans sa gloire, comme il convient à la dignité de sa fonction. Mais celle-ci doit être manifestée par certains indices capables d’inspirer 1 respect et la sou mission. L’avènement du souverain Juge sera donc précédé de signes multiples destinés à avertir les hommes de se préparer au Jugement et à soumettre les coeurs au Juge qui va venir.

Mais il est difficile de savoir quels seront ces signes. Ceux que nous lisons dans l’Evangile, comme le remarque saint Augustin, se rapportent non seulement au Jugement dernier, mais encore à la destruction de Jérusalem et à cet avènement continuel par lequel le Christ visite et éprouve son Église. De telle sorte que, si l’on y réfléchit bien, on pourrait conclure qu’aucun n’est caractéristique du dernier avènement, comme saint Augustin le dit encore; car, les combats, les épouvantes, etc., mentionnés dans l’Evangile, se rencontrent tout au long de l’humanité. Dira-t-on qu’il y aura comme une recrudescence de ces phénomènes à la fin du monde ? Mais il est impossible de préciser quel degré elle doit atteindre pour l’annoncer clairement. Quant aux signes énumérés par saint Jérôme, il n’affirme point leur réalité; il dit seulement les avoir rencontrés dans les annales des Juifs, et l’on doit dire qu’ils paraissent fort peu vraisemblables.

Solutions : 1. Saint Augustin dit que, à la fin des temps, les méchants persécuteront les bons; ceux-ci craindront donc, tandis que ceux-là seront tranquilles. Ce sont donc les méchants qui diront : « Paix et sûreté », parce qu’ils négligeront les signes annonciateurs du Jugement; tandis que les bons « sécheront de frayeur, etc. », comme parle saint Luc.

On peut dire encore que ces signes avant- coureurs sont compris dans le temps et le jour du Jugement. Avant donc leur apparition et l’effroi qu’ils en éprouveront, les impies se croiront en paix et en sécurité, en voyant que la fin du monde ne suit pas immédiatement la mort de l’Antéchrist, ainsi qu’ils se l’étaient imaginé.

2. Le jour du Seigneur viendra « comme un voleur », parce que la date précise en est in connue, les signes précurseurs étant insuffisants à le manifester. Quant aux signes indubitables qui précéderont immédiatement le Jugement, on peut dire qu’ils font partie de ce jour même.

3. Quoique les prophètes connussent d’avance le premier avènement du Christ, cet avènement eut lieu en secret; il ne devait donc pas être annoncé par des signes, à la différence du second, dont la date reste mystérieuse, mais où le Christ viendra dans sa gloire.

 

ARTICLE 2 : Le soleil et la lune doivent-ils réellement cesser de briller, à l’époque du Jugement ?

Objections 1. Raban Maur déclare que « rien n’empêche de croire qu’alors le soleil, la lune et les astres seront privés de leur lumière, comme il advint du soleil pendant la Passion ».

2. La lumière des corps célestes est destinée à la génération des corps terrestres : car c’est aussi par elle que leur influence s’exerce et non seulement par leur mouvement, comme le dit Averroès. Mais, cette génération cessant, leur lumière deviendra inutile.

3. Certains auteurs disent que les créatures matérielles seront purifiées des qualités qui sont les principes de leur action. Or, les corps célestes agissent aussi bien par leur lumière que par leur mouvement, qui doivent donc disparaître ensemble.

Cependant: : 1. Au dire des astrologues, il ne peut y avoir en même temps éclipse de soleil et éclipse de lune. Donc l’obscurcissement dont on parle ne peut être réel, comme conséquence d une double éclipse.

2 Le même fait ne peut être à la fois cause d’accroissement et de disparition par rapport a un même phénomène. Or a l’avènement du Seigneur, dit Isaïe, « la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera sept fois plus grande ».

Conclusion: Si l’on parle du moment même de 1’avénement du Christ il n est pas croyable que le soleil et la lune cessent de briller, puisque l’univers entier sera renouvelé lorsque le Christ apparaîtra et que les saints ressusciteront glorieux. S’il s’agit du temps qui précédera le Juge ment, il est possible que le soleil, la lune et les astres s’obscurcissent, simultanément ou les uns après les autres, par un miracle de la puissance divine destiné à frapper de terreur les humains.

Solutions 1. Il est ici question du temps qui précédera le Jugement.

2. La lumière des corps célestes n’a point pour but unique d’agir sur les êtres terrestres, mais encore d’être pour eux-mêmes un élément de perfection et de beauté. Si donc la génération cesse sur la terre, il ne s’ensuit pas que la lumière des corps célestes disparaisse, mais plutôt devra- t-elle devenir plus brillante.

3. L’opinion d’après laquelle les éléments doivent perdre leurs qualités élémentaires paraît peu probable. Si on l’admet, il faut faire exception pour la lumière; en effet, les autres qualités élémentaires sont contraires entre elles et agissent par destruction, tandis que la lumière agit comme un principe de règle et d’harmonie. - Il y a aussi cette différence entre elle et le mouvement des corps célestes, à savoir, que celui-ci est « l’acte d’un être imparfait », qui doit donc cesser avec l’état de perfection; ce qui n’est pas le cas pour la lumière.

 

ARTICLE 3 : A l’avènement du Seigneur, les vertus des cieux seront-elles ébranlées ?

Objections 1. Ce nom ne peut désigner que des esprits bienheureux. Or, l’immutabilité est un élément de la béatitude.

2. L’étonnement a pour cause l’ignorance. Or, dans les anges il n’y a ni surprise, ni ignorance « Ceux qui voient Celui qui voit tout, est-il quelque chose qu’ils ne voient pas ? »

3. « Tous les anges se tiendront autour du trône »; tous seront présents au Jugement. Mais les Vertus sont un Ordre angélique. Pourquoi feraient-elles exception ?

Cependant: : 1. Il est dit dans Job : « Les colonnes du ciel s’ébranlent et s’épouvantent à sa venue

2. Et en saint Matthieu : « Les étoiles tomberont du ciel et les vertus des cieux seront ébranlées ».

Conclusion: Selon Denys, le mot « vertus », employé en parlant des anges, peut désigner soit un Ordre spécial, dont il fait le second de la seconde Hiérarchie, tandis que saint Grégoire en fait le premier de la Hiérarchie inférieure, - soit tous les esprits angéliques sans distinction.

Le Maître des Sentences préfère ce second sens et explique le saisissement des anges par la vue du nouvel état de choses dont l’univers donnera le spectacle.

S’il s’agit des anges qui composent l’Ordre des «Vertus », le changement qu’on leur attribue spécialement s’explique par l’effet dont ils sont la cause. D’après saint Grégoire, ils sont chargés d’opérer les miracles; or, à la fin du monde, les miracles seront multipliés. - Selon Denys, et la place qu’il leur assigne, ils ont une puissance qui n’est point particularisée; leur fonction doit donc avoir pour objet les causes universelles, c’est-à-dire, le mouvement des corps célestes dont l’influence s’exerce sur les êtres terrestres. Leur nom même de «Vertus des cieux » sembleraitmmm. Or en ce temps en eux un changement, une cessation d’activité, puisqu’ils n’auront plus à mouvoir les corps célestes, de même que les fonctions des anges gardiens n’auront plus de raison d’être.

Solutions 1. Ce changement n’affecte en rien leur état; il se rapporte seulement aux effets produits par eux et qui peuvent changer sans qu’ils changent eux-mêmes, ou encore, à une connaissance nouvelle que n’avaient pu leur fournir leurs idées innées. Cette mobilité de pensées n’empêche pas leur béatitude; ce qui fait dire à saint Augustin que « Dieu meut la créature spirituelle dans le temps ».

2. L’étonnement a pour objet les choses qui dépassent notre condition ou nos forces. Ainsi, les Vertus des cieux s’étonneront de voir la vertu divine opérer de si grands prodiges qu’elles sont incapables d’imiter et de comprendre; c’est dans le même sens que saint e Agnès disait que « la beauté divine est un sujet d’étonnement pour le soleil et la lune ». Cela ne suppose donc pas de l’ignorance dans les anges, mais seulement une incapacité de comprendre Dieu.

 

QUESTION 74 : LA CONFLAGRATION DE L’UNIVERS À LA FIN DES TEMPS

Il s’agit maintenant de la conflagration de l’univers qui doit avoir lieu à la fin des temps.

On demande: 1. Le monde doit-il être purifié ? - 2. Purifié par le feu ? - 3. Par un feu de même nature que celui qui est l’un des quatre éléments ? - 4. Purifiera-t-il tous les cieux supérieurs ? - 5. Consumera-t-il les autres éléments ? - 6. Purifiera-t-il tous les éléments ? - 7. La conflagration aura-t-elle lieu avant ou après le Jugement ? - 8. Atteindra-t-elle les hommes ? - 9. Engloutira-t-elle les réprouvés ?

 

ARTICLE 1 : Le monde doit-il être purifié ?

Objections: 1.Seul, ce qui est impur a besoin d’être purifié. Mais les créatures de Dieu ne le sont point : « Ce que Dieu a déclaré pur, ne l’appelle pas impur ».

2. La purification opérée par la justice divine a pour objet le péché, par exemple, en purgatoire. Mais il ne saurait y avoir rien de pareil dans les éléments de l’univers.

3. Purifier une chose, c’est séparer d’elle ce qui lui est étranger et la diminue; lui enlever ce qui l’ennoblit, ce n’est plus la purifier, mais l’amoindrir. Or, leur combinaison rend les éléments composés plus parfaits et plus nobles, puisque la forme du corps composé est supérieure à celle du corps simple. La purification de l’univers semble donc inadmissible.

Cependant: : 1. Tout renouvellement exige une certaine purification. Or, les éléments seront renouvelés : « Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre, car le premier ciel et la première terre avaient disparu ».

2. « La figure de ce monde passe », dit saint Paul; et la Glose ajoute : « La beauté de ce monde périra dans la conflagration universelle ».

Conclusion: Puisque le monde a été fait, à certains égards, pour l’homme, il faut que, lorsque l’homme sera glorifié dans son corps, les autres êtres corporels soient améliorés, afin que l’univers devienne un séjour à la fois plus convenable et plus agréable. La glorification du corps humain exige la disparition des deux choses qui s’y opposent, à savoir, la corruption et la souillure du péché : « La corruption ne possédera point l’incorruptibilité », et tous les immondes seront « exclus » de la cité glorieuse. De même, et toute proportion gardée, faut-il que les éléments cosmiques soient purifiés des dispositions contraires avant d’être renouvelés et glorifiés.

Sans doute, le péché ne peut pas, à proprement parler, souiller les choses corporelles; il met cependant en elles une espèe de répugnance à un enrichissement spirituel. Les lieux profanés par certains crimes sont jugés impropres aux cérémonies religieuses, tant qu’ils n’ont pas été purifiés. D’après ce principe, la partie de l’univers où vivent les hommes a contracté, à cause de leurs péchés, une certaine inaptitude à être glorifiée, et donc un besoin de purification. - De même, les éléments de la partie intermédiaire, par leur contact avec les nôtres, subissent des influences : corruption, génération, altération, qui les dégradent et exigent qu’ils soient purifiés, eux aussi, avant d’être renouvelés et glorifiés.

Solutions: 1. Quand on dit que toute créature de Dieu est pure, il faut entendre que sa substance ne contient aucun mélange de mal, au sens des Manichéens qui prétendaient que le bien et le mal sont deux substances, tantôt séparées, tantôt mêlées. Mais cela n’exclut pas la possibilité d’un alliage, par lequel une chose, bonne en elle-même, déprécie cependant celle à laquelle elle s’allie. Cela n’exclut pas non plus la possibilité du mal pour une créature, mais toujours comme un accident, et jamais comme une partie essentielle.

2. Quoique les éléments corporels ne puissent être le sujet du péché, celui-ci leur fait cependant contracter une certaine inaptitude à recevoir leur glorification.

3. Si l’on considère dans la forme du corps composé et celle du corps simple, ou élément, la perfection spécifique, le corps composé est plus excellent; si l’on y considère la permanence dans l’être, le corps simple est meilleur; car, s’il peut subir l’action d’une cause étrangère à lui, il n’a pas en lui-même, comme le corps composé, ce mélange d’éléments contraires qui est un principe de dissolution. Il peut donc être atteint dans l’une de ses parties, mais il est incorruptible comme un tout , ce qu’on ne peut pas dire du corps composé. Il est donc plus près de l’état glorieux, dont l’un des attributs est l’incorruption, que ce dernier, à moins que celui-ci n’ait en lui-même un principe d’incorruption, comme, par exemple, le corps humain dont la forme (l’âme humaine) est incorruptible. Quoique le corps composé soit, d’une certaine manière, plus excellent - Le corps simple, étant un corps, a des parties quantitatives homogènes; étant un corps simple, il forme un tout indivisible, puisqu’il n’est pas composé de plusieurs parties essentielles.

que le corps simple, ce dernier est meilleur en lui-même que comme partie du corps composé car en celui-ci il est, pour ainsi dire, en puissance, tandis que, en lui-même, il possède son ultime perfection.

 

ARTICLE 2 : Cette purification se fera-t-elle par le feu ?

Objections : 1. Le feu, étant une partie de l’univers, a besoin, autant que les autres, d’être purifié; mais il ne peut pas l’être par lui-même.

2. Aussi bien que le feu, l’eau sert à purifier, et certaines purifications lui étaient réservées dans l’ancienne Loi. La purification de l’univers, du moins dans sa totalité, ne se fera donc pas par le feu.

3. Elle semble devoir consister à désagréger les parties qui composent l’univers afin de les rendre plus pures. Mais « cette oeuvre de distinction », à l’origine du monde, eut pour cause la seule puissance divine; Anaxagore dit qu’elle est un acte de l’intelligence qui meut toutes choses. La purification finale sera donc faite par Dieu lui-même, et non par le feu.

Cependant: : 1. La réponse affirmative est suggérée par un texte des Psaumes qui parle en ces termes de la fin du monde et du Jugement « Devant lui est un feu dévorant, autour de lui se déchaîne la tempête... Il appelle les cieux en haut, et la terre, pour juger son peuple ».

2. Saint Pierre dit aussi : « Les cieux enflammés se dissoudront, et les éléments embrasés se fondront ».

Conclusion: La purification de l’univers est destinée à enlever la souillure résultant du péché, l’impureté consécutive au mélange des éléments, et à préparer l’état glorieux. Le feu convient très parfaitement à ce triple effet. Il est le plus noble des éléments, celui dont les propriétés naturelles, par exemple et surtout la lumière, ressemblent le plus à celles de la gloire.

2° L’énergie de son activité rend un alliage avec lui plus difficile qu’avec tout autre élément. - 3° La sphère ignée est éloignée du globe terrestre, demeure des hommes, et ceux-ci emploient le feu moins communément que la terre, l’eau ou l’air; il est donc par là même moins contaminé. - Pour ces motifs, il possède une grande efficacité pour purifier et diviser jusqu’aux parties les plus subtiles.

Solutions : 1. C’est uni à une matière étrangère que le feu est employé par l’homme; uni à la seule matière qui lui est propre, il n’est pas à notre portée, et c’est en cet état de pureté originelle qu’il pourra purifier et comme raffiner le feu que nous employons.

2. Le déluge purifia le monde de la seule souillure du péché, et surtout du péché de convoitise auquel l’eau convenait bien comme élément purificateur. La purification finale ayant pour objet et la souillure du péché et l’impureté provenant du mélange des éléments, le feu paraît lui convenir mieux que l’eau. Celle-ci est plus apte à amalgamer qu’à désagréger, et donc moins capable de séparer les éléments pour les purifier. D’autre part, à la fin du monde, devenu vieux, pour ainsi dire, le grand péché, ce sera la tiédeur : « La charité d’un grand nombre se refroidira ». Il convient donc qu’il soit purifié par le feu.

Il n’y a rien qui ne puisse être purifié par le feu. Cependant, certaines choses ne peuvent l’être sans être consumées, par exemple, les linges, ustensiles en bois, etc., dont l’ancienne Loi or donnait la purification par l’eau. Mais, à la fin du monde, toutes ces choses doivent être détruites par le feu.

3. Par l’oeuvre de distinction les choses ont reçu, à l’origine, les formes diverses qui les distinguent les unes des autres; ce qui ne pouvait être fait que par l’Auteur de la nature. Mais la purification finale doit ramener les choses à la pureté de leur création; et, en cela, une créature peut servir d’instrument au Créateur, d’autant mieux que ce sera pour elle un honneur.

 

ARTICLE 3 : Ce feu sera-t-il de même nature que celui qui est l’un des quatre éléments ?

Objections: 1. Aucune chose ne se consume elle-même. Or, la Glose affirme que « ce feu consumera les quatre éléments ».

2. L’opération manifeste la puissance, et celle-ci, la nature. Or, le feu qui doit purifier l’univers sera autrement puissant que le nôtre, qui en est incapable. Il sera donc aussi d’une nature différente.

3. Les choses corporelles de même espèce ont même mouvement. Or, le feu purificateur ne se mouvra pas dans un sens unique, comme le nôtre, mais dans tous les sens, afin d’envelopper et de purifier toutes choses.

Cependant: : 1. Saint Augustin dit : « La figure de ce monde périra par la conflagration des feux de l’univers ».

2. La dernière purification de l’univers par le feu correspond à la première, à celle du déluge, qui s’accomplit par l’eau, qui était de même nature que la nôtre. Il en sera donc de même du feu purificateur.

CONLUSION : Cette question a reçu trois réponses. Certains ont prétendu que le feu des. cendra de la sphère ignée, en se multipliant. Le feu, en effet, s’accroît dans la mesure où il rencontre des matières inflammables. Il en sera ainsi, surtout à la fin du monde, où sa puissance triomphera de tous les autres éléments.

Cependant, il semble que, à la fin du monde, le feu ne doive pas seulement descendre, mais encore monter, « et atteindre la hauteur des eaux du déluge », dit la Glose. Il semble donc qu’il prendra naissance dans le lieu intermédiaire.

On a donc dit encore que ce feu serait allumé, non loin de la terre, par la concentration des rayons émanés des corps célestes qui se réfléchiront dans les concavités des nuages comme dans un miroir ardent.

Cette opinion a contre elle que, les effets des corps célestes dépendant de leur position et de leur aspect, les astronomes pourraient donc prévoir et prédire le temps de la conflagration finale, ce qui est contraire aux Ecritures.

C’est pourquoi, on a dit enfin, avec saint Augustin, que, « de même que le déluge a été produit par l’inondation des eaux de l’univers, c’est aussi par la conflagration des feux de l’univers que la figure de ce monde périra ». Cette conflagration résultera de la combinaison de toutes les- causes supérieures et inférieures capables de produire le feu; combinaison qui, au lieu d’être naturelle, sera due à la puissance de Dieu et provoquera un embrasement universel qui détruira la face de ce monde.

Si l’on considère ces opinions en elles-mêmes, on voit qu’elles diffèrent quant à l’origine du feu purificateur, mais qu’elles s’accordent sur sa nature. En effet, le feu engendré par le soleil ou par quelque agent terrestre ne diffère du feu à l’état pur, tel qu’il est dans sa sphère, que par un mélange d’éléments étrangers. Il faudra bien qu’il en soit ainsi, à la fin du monde, puisque le feu ne saurait purifier une chose sans se l’incorporer en quelque façon. Il faut donc admettre purement et simplement que le feu purificateur sera de même nature que le nôtre.

Solutions: 1. Ce feu sera spécifiquement le même que le nôtre, mais il en différera numériquement. Or, nous voyons que de deux feux de même espèce, le plus violent supprime l’autre, en consumant la matière qui alimentait ce dernier. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde.

2. Une puissance se manifeste par l’opération qu’elle produit, comme elle-même manifeste l’essence ou nature issue des principes constitutifs d’un être. Au contraire, une opération qui n’est pas produite par une puissance inhérente à l’être qui agit ne saurait manifester cette puissance, comme on le voit dans les êtres qui servent d’instruments. En effet, l’action de l’instrument manifeste surtout la puissance de celui qui l’emploie, puisqu’elle la manifeste comme premier principe de l’opération, tandis qu’elle ne montre, dans l’instrument, que la faculté de recevoir l’influence motrice. De même, une puissance qui ne procède pas des principes constitutifs d’un être ne manifeste, de la nature de cet être, que la réceptivité; par exemple, le pouvoir qu’a l’eau chaude de chauffer montre seulement qu’elle peut recevoir la chaleur; ce qui n’empêche donc pas l’eau chaude d’être de même nature que l’eau froide. De même, rien n’empêche que le feu qui aura la puissance de purifier l’univers soit de même nature que le nôtre, puisque cette puissance ne viendra pas de ses principes essentiels, mais de l’action divine; peu importe, d’ailleurs, qu’elle soit en lui une qualité absolue, comme la chaleur dans l’eau chaude, ou une simple influence transitoire, comme c le cas pour un instrument. Cette dernière explication semble plus probable, puisque le feu purificateur n’agira que comme instrument de la puissance divine.

3. Par sa nature propre, le feu tend seulement à monter; mais, attaché à la matière combustible qui lui est nécessaire pour exister en dehors de sa sphère, il occupe le lieu qu’elle occupe elle- même, On comprend qu’il puisse ainsi tournoyer ou descendre, surtout comme instrument de la puissance divine.

 

ARTICLE 4 : Ce feu purifiera-t-il aussi les cieux supérieurs ?

Objections 1. Ils font partie de la création : « Les cieux, dit le Psalmiste s’adressant au Seigneur, sont l’ouvrage de vos mains. Ils périront, mais vous, vous demeurez ». Ils doivent donc être atteints par la conflagration universelle.

2. « Les cieux enflammés se dissoudront, dit saint Pierre, et les éléments embrasés se fondront ». Mais les cieux qui se distinguent des éléments sont les cieux supérieurs auxquels sont fixés les astres. Ils doivent donc, eux aussi, être purifiés par le feu.

3. Le feu doit éliminer des êtres corporels tout obstacle à leur glorification. Or, dans le ciel supérieur se rencontre un double obstacle. L’un vient du péché, puisque c’est là que le démon a péché. L’autre vient de leur nature même; ces paroles de saint Paul : « Nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière gémit et souffre des douleurs de l’enfantement », sont ainsi commentées par la Glose : « Tous les éléments rem plissent leur fonction avec effort; ce n’est pas sans effort que le soleil et la lune agissent dans les espaces qui leur sont assignés ». Leur purification s’impose donc.

Cependant: : 1. C’est un principe aristotélicien que « les corps célestes ne sont pas susceptibles d’une impression venue du dehors ».

2. A propos de ces paroles de saint Paul : « Jésus viendra au milieu d’une flamme de feu pour faire justice, etc. » la Glose dit: « Ce feu, qui précédera sa venue, s’élèvera dans les airs à la hauteur des eaux du déluge ». Mais ces eaux n’ont point atteint les cieux supérieurs; elles ont seule ment dépassé de quinze coudées le sommet des montagnes.

Conclusion: La purification finale doit éliminer des êtres corporels ce qui y est contraire à l’état glorieux, qui sera comme l’apothéose de l’univers. En tous il se rencontre un obstacle, mais pas le même en tous. Dans les corps inférieurs, c’est quelque chose d’inhérent à leur substance : car, en se mélangeant les uns avec les autres, ils ont perdu leur pureté native. Dans les corps célestes, ce n’est autre chose que le mouvement, qui est un acheminement à la perfection, et encore, le seul mouvement local, qui n’affecte ni leur substance, quantité ou qualité, mais leur localisation, c’est-à-dire, quelque chose d’extérieur à leur être. Le ciel supérieur n’a donc pas besoin qu’on lui enlève rien de substantiel, mais seulement qu’on arrête son mouvement; pas besoin qu’une action dissolvante s’exerce sur lui, mais seulement que celui qui le meut cesse d’agir. La purification des corps célestes ne se fera donc ni par le feu ni par quelque autre créature, mais par un arrêt de leur mouvement, causé par la seule volonté divine

Solutions : 1. Saint Augustin remarque qu’il s’agit ici des « cieux aériens », qui doivent être purifiés par le feu. - Si on veut appliquer ce texte aux cieux supérieurs, il faut répondre qu’ils périront en ce sens que le mouvement qui les anime aujourd’hui cessera.

2. Saint Pierre parle, comme il s’en explique lui- même, « des cieux et de la terre qui furent atteints par le déluge, et que la même parole de Dieu tient en réserve et garde pour le feu, au jour du Jugement ». il s’agit donc seulement des cieux aériens.

3. Cet effort, cette contrainte, que saint Ambroise attribue aux corps célestes, n’est autre chose que la variation du mouvement, qui les soumet au temps, et le défaut de la perfection finale qui doit être un jour la leur. Le péché des mauvais anges n’a pas non plus souillé le ciel empyrée dont ils furent immédiatement chassés.

 

ARTICLE 5 : Ce feu doit-il consumer les autres éléments ?

Objections : 1. « Les quatre éléments dont se compose l’univers, dit Bède, seront la proie du grand feu. Il ne les consumera pas tous jusqu’à les réduire à néant, mais deux seulement; les deux autres seront transformés et rendus plus parfaits ». Ainsi donc, deux éléments au moins seront entièrement détruits.

2. « Le premier ciel et la première terre avaient disparu, et il n’y avait plus de mer ». Par ciel, il faut entendre l’air, selon saint Augustin. Quant à la mer, ce mot désigne « l’ensemble des eaux ». Ce n’est donc plus seulement deux, mais trois éléments, dont la destruction sera complète.

3. Le feu ne purifie une chose, que si elle devient sa matière. Il faudra donc que les autres éléments deviennent du feu, c’est-à-dire, qu’ils perdent leur propre nature.

4. La forme (substantielle) du feu est la plus noble que puisse recevoir la matière élémentaire. Donc, la purification finale, qui doit être une oeuvre de perfection, devra changer en feu tous les éléments, et totalement.

Cependant: : 1. A cette parole de saint Paul : « La figure de ce monde passe », la Glose ajoute: «C’est sa beauté qui passe, mais non point son être ». Or, l’être même des éléments est nécessaire à la perfection de l’univers. Il ne sera donc pas détruit par le feu.

2. La purification finale par le feu ressemblera à celle dont l’eau fut autrefois l’instrument, et qui n’atteignit pas les éléments dans leur être même.

Conclusion: Il y a plusieurs opinions à ce sujet. Certains admettent, pour les quatre éléments, la permanence de leur matière en même temps que la disparition de ce qu’il peut y avoir en eux d’imparfait; mais ils ajoutent que l’air et la terre conserveront leur forme substantielle, tandis que le feu et l’eau prendront celle du ciel ils en porteront le nom, ainsi que l’air que, sous la forme qu’il possède actuellement et qu’il gardera, nous appelons le ciel. C’est pour cette raison que l’Apocalypse ne mentionne que le ciel et la terre : « Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ».

Cette opinion est tout à fait déraisonnable. Elle est antiphilosophique : car on ne saurait admettre que les corps terrestres sont en puissance à la forme des corps célestes, puisqu’ils n’ont avec ceux-ci ni matière commune ni qualités contraires. Elle est antithéologique : car elle enlève à l’univers deux de ses éléments et par là même son intégrité et sa perfection. Dans le texte précité, il faut entendre par « ciel » un cinquième corps, et par « terre » les quatre éléments, comme il est dit dans le psaume : «De la terre louez le Seigneur,... feu et grêle, neige et glace », etc.

C’est pourquoi d’autres disent que les éléments garderont leur substance, mais perdront leurs qualités actives et passives. Ils admettent aussi que, dans le corps composé, les éléments conservent leur forme substantielle, sans avoir cependant leurs qualités propres, qui sont réduites à une moyenne et, par le fait même, ne sont plus ce qu’elles étaient. Saint Augustin semble avoir dit quelque chose d’analogue : « Les qualités des éléments corruptibles, qui étaient en rapport avec nos corps sujets à la corruption, seront entièrement détruites par cette conflagration du monde, et leur substance jouira de ces qualités qui, par un merveilleux changement, conviennent à des corps immortels ».

Cependant, les qualités propres des éléments étant causées par leur forme substantielle, il paraît improbable que, si celle-ci demeure,celles-là puissent être modifiées, sinon par une action violente et passagère; comme nous voyons l’eau chaude reprendre naturellement sa température normale que l’action du feu lui avait fait perdre, pourvu que cette action n’ait point altéré sa nature. - De plus ces qualités sont une perfection secondaire pour les éléments dont elles sont les attributs caractéristiques, et il n’est pas probable que la transformation finale enlève aux éléments quelque chose de leur perfection naturelle.

Il faut donc dire que les éléments conserveront leur substance et leurs qualités propres, mais seront purifiés des souillures qu’ils ont contractées par les péchés des hommes, et de l’impureté consécutive à leurs actions et réactions mutuelles, car celles-ci deviendront impossibles par l’arrêt du premier mobile. C’est ce que saint Augustin appelle « les qualités des éléments corruptibles », c’est-à-dire, des manières d’être qui ne leur sont pas naturelles et qui les rapprochent de la corruption.

Solutions : 1. Ce feu consumera les quatre éléments en ce sens qu’il les purifiera. «Deux seront totalement consumés », ne veut pas dire qu’ils seront détruits jusqu’à leur substance même, mais que leur activité sera réduite davantage. Suivant certains auteurs, il s’agit du feu et de l’eau qui attaquent le plus violemment les autres corps par le chaud et le froid, mais qui n’agiront plus ainsi dans le nouvel état du monde, et sembleront donc d’autant plus différents de ce qu’ils étaient. - Selon d’autres, il s’agit de l’air et de l’eau, à cause des mouvements variés que leur imprime l’influence des corps célestes. Comme ces perturbations, marées, vents, etc., n’existeront plus, ces deux éléments sembleront avoir subi une modification plus profonde.

2. « Il n’y avait plus de mer». Selon saint Augustin, on peut entendre par là le siècle présent, comme dans cette autre parole de saint Jean : « La mer rendit ses morts ». - Si l’on prend le mot « mer » au sens littéral, il faut dire que la mer subsistera quant à la substance de ses eaux, mais celles-ci ne seront plus ni salées, ni agitées, mmm

3. Ce feu sera l’instrument de la Providence et de la puissance divine. Il agira donc sur les autres éléments, non pour les détruire, mais pour les purifier. Il n’est pas nécessaire que ce qui devient la matière du feu perde sa nature propre; le fer incandescent, retiré de la fournaise, revient naturellement à son premier état. Il en sera ainsi des éléments purifiés par le feu.

4. Dans les parties d’un tout, il ne faut pas considérer seulement ce qui convient à chacune isolément, mais encore ce qui leur convient par rapport à l’ensemble. L’eau, la terre et l’air acquerraient une forme plus excellente, s’ils devenaient feu; mais l’univers perdrait de son excellence, si toute la matière des éléments se transformait en feu.

 

ARTICLE 6 : Tous les éléments seront-ils purifiés par ce feu ?

Objections 1. Il ne doit atteindre que la hauteur des eaux du déluge, qui ne s’élevèrent point jusqu’à la sphère du feu. Cet élément ne sera donc pas purifié.

2 Il n’est pas certain non plus que l’eau sera mmm « Il est hors de doute que l’air et la terre seront transformés par le feu. Il n’en va pas de même pour l’eau, car on peut croire qu’elle porte la purification en elle-même ».

3. Le lieu de l’éternelle souillure ne sera jamais purifié, c’est-à-dire l’enfer, qui fait partie de l’uni vers. Celui-ci ne sera donc pas purifié en entier.

4. Même difficulté pour le paradis terrestre qui ne sera pas touché par le feu, pas plus qu’il ne le fut par le déluge, selon ce que dit Bède.

Cependant: : La Glose déjà citée dit que le grand feu consumera les quatre éléments ».

Conclusion: On a prétendu que ce feu s’élèvera jusqu’au sommet de l’espace qui contient les quatre éléments, de telle sorte que ceux-ci seront totalement purifiés et de la souillure du péché qui est montée jusque-là, par exemple la fumée des sacrifices idolâtriques, et aussi de la corruption qui leur est naturelle, puisqu’ils sont corruptibles dans toutes leurs parties. Cette opinion est contraire à I’Ecriture. Saint Pierre déclare que les cieux qui furent purifiés par l’eau « sont réservés au feu ». Saint Augustin dit aussi que « le même univers qui périt par le déluge, est destiné au feu ». Or, en fait, les eaux du déluge n’ont pas atteint le sommet de l’espace qui contient les éléments, mais dépassèrent de quinze coudées seulement le sommet des montagnes. Il est non moins évident que jamais vapeur ou fumée n’est capable de traverser de part en part la sphère du feu, qui n’a donc pu être totalement souillée par le péché. Ce feu ne purifiera pas non plus les éléments de leur corruptibilité en leur enlevant quelque chose d’eux-mêmes, niais en consumant les impuretés qu’ils ont contractées par leurs mélanges, principalement sur la terre et jusqu’à la région moyenne de l’air. C’est d’ailleurs la hauteur probable des eaux du déluge, à en juger par les quinze coudées dont elles dépassèrent le sommet des montagnes.

Solutions 1. Elle vient d’être donnée.

2. L’eau possède sans doute une vertu purificatrice, mais insuffisante pour préparer à l’état glorieux.

3. Cette purification aura surtout pour but d’éloigner toute imperfection de la demeure des élus. Toutes les souillures seront dirigées vers la demeure des damnés; l’enfer ne sera donc pas purifié; il sera, au contraire, comme le cloaque des immondices de l’univers.

4. Quoique le premier péché y ait été commis, le paradis terrestre ne fut pas la demeure des pécheurs, pas plus que le ciel empyrée, puisque, de l’un et de l’autre, l’homme et le démon furent aussitôt chassés. Une purification n’est donc pas nécessaire

 

ARTICLE 7 : La dernière conflagration suivra- t-elle le Jugement ?

Objections : 1. Saint Augustin le dit : « Quels sont les signes qui doivent arriver à ce Jugement, ou non loin de là ? Les voici l’arrivée d’Elie de Thesbé, la conversion des Juifs, la persécution de l’Antéchrist, le jugement du Christ, la résurrection des morts, la séparation des bons et des méchants, l’embrasement du monde et son renouvellement ».

2. Il le répète : « Après que les impies auront été jugés et jetés au feu éternel, alors la figure de ce monde périra dans une conflagration Universelle ».

3. Quand le Seigneur viendra pour juger, il y aura encore des vivants, auquel saint Paul fait dire « Alors, nous, laissés pour l’avènement du Seigneur, etc. ». Mais cela suppose que le feu n’a pas encore passé, car tous auraient péri.

4. II est écrit que le Seigneur jugera l’univers par le feu. La dernière conflagration sera ainsi l’exécution du Jugement, qu’elle doit donc nécessairement suivre.

Cependant: : 1. Le Psalmiste a dit « Le feu le précédera ».

2. «Tout oeil verra » le Christ-Juge. La résurrection doit donc précéder le Jugement. Mais elle-même doit être précédée par le feu. En effet, après la résurrection, les corps des saints seront spirituels et impassibles, incapables donc d’être purifiés par le feu, qui cependant, saint Augustin le dit, doit purifier tout ce qui doit l’être.

Conclusion: La conflagration du monde, quant à son premier effet, précédera certainement le Jugement. La résurrection doit elle même le précéder, puisque même «les fidèles qui sont morts seront emportés sur les nuées, à la rencontre du Seigneur, dans les airs ». Or, c’est en même temps que tous les hommes ressusciteront, que les saints seront glorifiés dans leur corps « semé dans l’ignominie et qui ressuscite glorieux », et que la création tout entière sera renouvelée, «affranchie de la servitude de la corruption pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu ». La conflagration, qui doit préparer cette rénovation, aura donc son premier effet, la purification de l’univers, avant le Jugement. C’est ensuite seule ment qu’elle aura son second effet, l’engloutisse ment des méchants dans l’enfer.

SOLUTI0NS: 1. Saint Augustin ne prétend donner ici que son opinion personnelle. Il ajoute, en effet « Croyons que tout cela doit arriver; mais comment ? Dans quel ordre ? C’est ce qu’apprendra l’expérience mieux que la raison humaine. Je pense cependant que tous ces événements arriveront dans l’ordre que j’ai exposé ».

2. Même réponse.

3. Tous les hommes mourront et ressusciteront. Saint Paul appelle vivants ceux qui le seront à l’époque de la dernière conflagration.

4. Le feu ne suivra la sentence du Juge que pour ce qui regarde la punition des méchants.

 

ARTICLE 8 : Ce feu produira-t-il sur les hommes les effets indiques par le Maître des Sentences ?

Objections : 1. Ces effets sont les suivants : consumer les méchants, purifier les imparfaits, épargner les parfaits. Consumer, c’est réduire à néant Mais le feu n’aura point cet effet sur les corps des méchants qui doivent endurer un supplice éternel.

2. Dira-t-on que consumer, c’est seulement réduire en cendres ? Mais il en sera ainsi pour les bons aussi bien que pour les méchants, puisque le Christ seul a ce privilège que « sa chair ne connaisse pas la corruption ».

3. La souillure du péché imprègne les éléments qui font partie du corps humain, même chez les bons, héritiers, comme les autres, du péché originel, plus que les éléments étrangers. Or ceux-ci doivent être purifiés par le feu. A plus forte raison, les corps de tous les hommes, bons ou méchants.

. Tant que dure cette vie, les éléments agissent indifféremment sur les hommes, qu’ils soient bons ou méchants. Donc, à la fin du monde, le feu agira également sur tous les vivants, sans distinction.

5. Cette conflagration sera l’oeuvre d’un instant. Mais il semble bien que beaucoup d’hommes auront besoin d’une purification prolongée.

Conclusion: Dans son action préliminaire au Jugement, le feu de la conflagration universelle agira à la fois conformément à sa nature propre et comme instrument de la justice divine. Comme feu, il produira les mêmes effets sur tous les hommes, bons ou méchants, qu’il trouvera encore vivants il réduira leurs corps en cendres. Comme instrument, il produira des effets sensibles différents. Les méchants en subiront toutes les rigueurs. Les parfaits, qui n’auront rien à purifier, n’en ressentiront aucune douleur, par un miracle semblable à celui des trois enfants dans la fournaise, bien que, à la différence de ceux-ci, leurs corps deviennent la proie des flammes. Les bons, qui auront besoin d’être purifiés, le seront par les souffrances qu’il leur infligera, plus ou moins vives selon qu’ils l’auront mérité. - Après le Jugement, ce feu n’agira que sur les réprouvés; car tous les élus auront des corps impassibles.

Solutions 1. Consumer ne signifie pas ici réduire à néant, mais réduire en cendres.

2. Les corps des bons seront réduits en cendres, mais ils n’en ressentiront aucune douleur, pas plus que les trois enfants dans la fournaise.

3. Les éléments seront purifiés dans le corps des parfaits, mais sans douleur.

4. Ce feu n’agira pas seulement par sa vertu naturelle, mais comme instrument de la justice divine.

5. Il y a trois raisons pour lesquelles les hommes que le feu trouvera vivants pourront être purifiés en un instant. Les terreurs et les persécutions des derniers temps auront effacé déjà en grande partie leurs souillures. - Ils subiront leur peine volontairement et en ce monde où la douleur acceptée est beaucoup plus efficace que les châtiments d’outre-tombe; comme saint Augustin le dit des martyrs, chez qui «le tranchant de leurs supplices a enlevé ce qu’il y avait à émonder ». - Enfin, ce feu gagnera en intensité ce qu’il perdra en durée.

 

ARTICLE 9 : Ce feu engloutira-t-il les réprouvés ?

Objections : 1. La Glose dit « Il est écrit qu’il y aura deux feux : l’un qui purifiera les élus et précédera le Jugement; l’autre qui tourmentera les réprouvés ». Le premier, le feu de la conflagration universelle, n’est donc pas le même que le second, qui est celui de l’enfer, et ce n’est pas lui qui engloutira les réprouvés.

2. Ce feu sera l’instrument de Dieu pour purifier le monde. Il doit donc avoir part à la même récompense que les autres éléments, d’autant plus qu’il est le plus excellent de tous, et ne pas être enfoui dans l’enfer pour y faire souffrir les damnés.

3. Le feu qui doit engloutir les méchants, c’est le feu de l’enfer. Mais ce feu leur a été préparé dès l’origine du monde : « Allez, maudits, au feu éternel, qui a été préparé pour le diable ». Ces paroles d’Isaïe: «Dès hier Tophet a été préparé, préparé par le Roi », sont ainsi interprétées par la Glose « Dès hier, c’est-à-dire, depuis le commencement; Tophet, c’est-à-dire, la vallée de la Géhenne ». Au contraire le feu de la dernière conflagration s’allumera par le concours de tous les feux de l’univers. Ce n’est donc pas le même.

Cependant: : 1. Il est écrit au livre des Psaumes : « (Le feu s’avance devant lui, et) dévore à l’entour ses adversaires ».

2. A ces paroles de Daniel : «Un fleuve de feu coulait, sortant de devant lui », la Glose ajoute : « afin d’engloutir les pécheurs dans l’enfer». Il s’agit bien du feu dont nous parlons, car il doit « purifier les bons et punir les méchants ».

Conclusion: La purification et la rénovation de l’univers ont pour but celles de l’humanité et doivent leur correspondre. Or, la purification de l’humanité se fera par la séparation des bons d’avec les méchants: « Sa main tient le van, et il nettoiera son aire; il amassera le froment dans son grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint point ». Il en sera de même clans la purification du monde. Les matières viles et souillées seront rejetées dans l’enfer avec les réprouvés; tout ce qu’il y aura de noble et de beau sera réservé pour le glorieux séjour des élus. Le feu purificateur lui-même subira une séparation analogue. « Ses matières grossières et brûlantes, dit saint Basile, descendront en enfer pour le supplice des damnés; ses parties pures et lumineuses serviront à la gloire des élus dans les régions supérieures de la création ».

Solutions : 1. Le même feu purifiera les élus et l’univers, quoique quelques-uns disent le con traire. Il convient, en effet, que ce soit le même feu qui purifie l’univers et l’homme qui en fait partie. On peut dédoubler ce feu quant à sa fonction, puisqu’il purifiera les bons et tourmentera les méchants, et même quant à sa substance, puisque ce n’est pas dans sa totalité que celle-ci sera refoulée en enfer.

2. Ce feu sera récompensé par la séparation qui sera faite de ses éléments.

3. Après le Jugement, la gloire des élus et la peine des réprouvés seront toutes les deux plus grandes. La partie supérieure du inonde brillera d’un plus vif éclat pour augmenter la gloire des élus, et tout ce qu’il y a de vil et de grossier dans les créatures sera rejeté en enfer pour y accroître la misère des damnés. On peut donc admettre qu’un nouveau feu vienne s’ajouter au feu préparé dès le commencement du monde. 

TABLE      CONSULTER LE TEXTE DU TRAITÉ DES FINS DERNIÈRES      SUIVANT