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Mt  9  35-38

S. Chrys. (hom. 33.) Le Seigneur voulut répondre par ses oeuvres à cette accusation des pharisiens : « C’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. » Car lorsque le démon reçoit un outrage, il se venge non pas en faisant du bien, mais en cherchant à nuire à celui qui le déshonore. Le Seigneur tient une conduite contraire : après les injures et les outrages non-seulement il ne punit pas, il ne fait même pas de reproches ; bien plus il répand des bienfaits. C’est ce que l’Évangéliste ajoute : « Et Jésus parcourait toutes les villes et les bourgades. » C’est ainsi qu’il nous apprend à répondre à ceux qui nous accusent non par des accusations semblables, mais par des bienfaits. Celui qui, victime d’une accusation, cesse de faire le bien, montre qu’il n’agissait que pour s’attirer les louanges des hommes. Si au contraire Dieu est le principe du bien que vous faites à vos frères, quoiqu’ils entreprennent contre vous, leur conduite n’interrompra pas le cours de vos bienfaits, et votre récompense n’en sera que plus grande.

S. Jérôme. Vous voyez qu’il prêche également l’Évangile dans les villages comme dans les villes et dans les bourgs, c’est-à-dire aux petits comme aux grands ; il ne considère pas la puissance qui vient de la noblesse, il ne voit que le salut de ceux qui croient en lui. L’Évangéliste ajoute : « Il enseignait dans leurs synagogues, accomplissant ainsi l’oeuvre que son Père lui avait confiée et satisfaisant la faim qu’il éprouvait de sauver les infidèles par sa parole. » Il enseignait dans les synagogues l’Évangile du royaume, comme le dit expressément le texte sacré : « Et il prêchait l’Évangile du royaume. » — S. Rémi. Par cet évangile du royaume, il faut entendre l’Évangile de Dieu, car si on n’annonce que des biens temporels, ce n’est point là l’Évangile ; c’est pour cela que ce nom n’est pas donné à la loi, parce qu’elle ne promettait à ceux qui l’observaient que des biens temporels, et non ceux de l’éternité.

S. Jérôme. Après avoir prêché l’Évangile et enseigné sa doctrine, il guérissait toutes les langueurs et toutes les infirmités, persuadant ainsi par ses oeuvres ceux que ses discours n’avaient pu persuader ; c’est ce qu’ajoute l’écrivain sacré : « Guérissant toute langueur et toute infirmité. » Ces paroles lui sont appliquées littéralement, car rien ne lui est impossible. — La glose. La langueur, ce sont les longues souffrances ; l’infirmité, les maladies les plus légères. — S. Rémi. Remarquez qu’il guérissait intérieurement l’âme de ceux dont il guérissait extérieurement le corps, ce que les autres hommes ne peuvent faire par eux-mêmes, mais seulement par la grâce de Dieu.

S. Chrys. (hom. 33.) La bonté de Jésus-Christ ne s’arrête pas là, il fait preuve à leur égard d’une autre sollicitude, et il ouvre sur eux les entrailles de sa miséricorde. « Et, voyant ces troupes, dit l’Évangéliste, il en eut compassion. » — S. Rémi. Notre-Seigneur nous révèle ici les sentiments d’un bon pasteur si éloignés de ceux du mercenaire. Mais pourquoi cette compassion ? La suite nous l’apprend. — Raban. Ou bien ils étaient tourmentés par diverses erreurs ; ils étaient couchés, c’est-à-dire comme engourdis sans pouvoir se lever, et tout en ayant des pasteurs, ils étaient comme n’en ayant pas. — S. Chrys. (hom. 33.) Le crime des princes des Juifs, c’est qu’étant les pasteurs du troupeau, ils se conduisaient à son égard comme des loups ; car non-seulement ils ne travaillaient pas à la réforme du peuple, mais encore ils nuisaient à son avancement. Le peuple dans l’admiration s’écriait : « Jamais on n’a rien vu de semblable dans Israël, » et à ce témoignage ils opposaient cette calomnie : « C’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. »

S. Rémi. Mais du moment que le Fils de Dieu eut regardé du ciel sur la terre pour entendre les gémissements de ceux qui étaient enchaînés (Ps 101), la moisson déjà grande devint plus considérable encore ; car jamais la multitude du genre humain ne fût parvenue à la foi, si l’auteur du salut des hommes n’eût jeté du ciel un regard de miséricorde sur la terre, et c’est pour cela que l’Évangéliste ajoute : « Alors il dit à ses disciples : « La moisson est grande, il est vrai, mais les moissonneurs sont peu nombreux. — La glose. La moisson, ce sont les hommes qui peuvent être moissonnés par les prédicateurs, séparés de la masse de perdition et conservés dans les greniers comme les grains détachés de la paille. — S. Jérôme. La grande moisson signifie la multitude des peuples, et le petit nombre d’ouvriers, la rareté de ceux qui doivent enseigner. — S. Rémi. Le nombre des Apôtres était bien petit en effet, en comparaison de ces vastes moissons. Or, le Sauveur exhorte ses prédicateurs, c’est-à-dire les Apôtres et leurs successeurs, à demander tous les jours que leur nombre s’augmente. « Priez donc le Maître de la moisson, qu’il envoie des ouvriers dans sa maison. — S. Chrys. (hom. 33.) Il déclare ainsi indirectement qu’il est ce Maître dont il parle, car c’est lui-même qui est le Maître de la moisson. En effet, s’il a envoyé les Apôtres moissonner ce qu’ils n’avaient pas semé, il est évident qu’il n’a pu les envoyer recueillir la moisson d’autrui, mais ce que lui-même avait semé par les prophètes (Jn 4, 38). Mais comme ce sont les Apôtres qui sont les moissonneurs, il leur dit : « Priez donc le Maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers en sa moisson. » Cependant il ne leur adjoignit personne. Ils restèrent douze, et il ne les multiplia qu’en ajoutant non pas à leur nombre, mais à leur puissance. — S. Rémi. Ou bien leur nombre a augmenté quand il en a désigné soixante-douze autres, et quand les prédicateurs sont devenus nombreux, l’Esprit Saint descendant sur les croyants. S. Chrys. (hom. 33.) Le Sauveur nous apprend quel don précieux c’est que de pouvoir annoncer convenablement la parole de Dieu, en nous recommandant de prier à cet effet. Ces paroles nous rappellent les comparaisons du précurseur, l’aire, le van, la paille et le blé (Mt 3). — S. Hil. Dans le sens mystique, au moment où le salut est donné aux nations, toutes les villes, toutes les bourgades sont éclairées par l’avènement et la vertu du Christ. Le Seigneur a pitié de son peuple tourmenté par la violence tyrannique de l’esprit impur, et fatigué du lourd fardeau de la loi, car il n’avait pas encore de pasteur qui pût lui assurer la garde de l’Esprit saint. Or, le fruit de ce don céleste était on ne peut plus abondant, et sa source féconde ne pouvait être épuisée par la multitude de ceux qui venaient y participer ; car quel que soit leur nombre, sa plénitude se répand toujours de la même manière. Et comme il faut un grand nombre de ministres pour distribuer cette grâce, Notre-Seigneur ordonne de prier le Maître de la moisson d’envoyer un grand nombre de moissonneurs pour recevoir ce don de l’Esprit saint. En effet, c’est par le moyen de la prière que Dieu répand sur nous cette grâce.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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