Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Matthieu  >  chapitre 9, versets 32-34

Mt  9  32-34

S. Rémi. Par un enchaînement admirable, le Sauveur, après avoir rendu la vue aux aveugles, délie la langue d’un muet, et guérit un homme possédé du démon, et il se déclare ainsi le Dieu de toute puissance, et l’auteur des guérisons divines, selon cet oracle d’Isaïe (Is 35) : « Alors les yeux des aveugles et les oreilles des sourds seront ouverte, et la langue des muets sera déliée. » Après leur départ, dit l’Évangéliste, « on lui présenta un homme muet. » — S. Jérôme. Le mot grec χωφος (cophos), dans le langage ordinaire, signifie plutôt sourd que muet, mais c’est l’usage des écrivains sacrés de le prendre indifféremment dans les deux sens. — S. Chrys. (hom. 33.) Cette infirmité n’était pas naturelle, elle venait de la malignité du démon. C’est pourquoi cet homme eut besoin d’un secours étranger pour arriver jusqu’à Jésus-Christ, et il ne put ni le prier par lui-même, n’ayant pas l’usage de la parole, ni le faire prier par d’autres, le démon tenant liée son âme aussi bien que sa langue. Aussi le Sauveur n’exige pas de lui la foi, mais il le guérit aussitôt, comme le rapporte l’écrivain sacré : « Et le démon ayant été chassé, le muet parla. » — S. Hil. (can. 9 sur S. Matth.) L’ordre naturel des choses est parfaitement observé, le démon est d’abord chassé, et le corps reprend immédiatement toutes ses fonctions.

« Et la multitude en fut dans l’admiration, et ils disaient : On n’a jamais rien vu de semblable en Israel ». — S. Chrys. (hom. 33.) Ce n’est pas seulement parce qu’ils admiraient en lui le pouvoir de guérir qu’ils le plaçaient au-dessus de tous les autres, mais parce qu’il guérissait avec une facilité et une promptitude merveilleuse une infinité de maladies la plupart incurables. Ce qui contristait surtout les pharisiens, c’est que la multitude le proclamait supérieur non-seulement à ceux qui existaient alors, mais encore à tous ceux qui avaient jamais paru en Israel. C’est ce qui les excite en sens contraire à calomnier Jésus-Christ, comme le dit l’Évangéliste : « Les pharisiens, au contraire, disaient : C’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. » — S. Rémi. Les scribes et les pharisiens niaient les miracles du Sauveur autant qu’il leur était possible de le faire, et ils interprétaient en mauvaise part ceux qu’ils étaient obligés d’admettre. Ils accomplissaient ainsi cette parole du Roi-Prophète : « La multitude de vos prodiges convaincra vos ennemis de mensonge. » — S. Chrys. (hom. 33.) Quoi de plus insensé que cette explication ? Peut-on imaginer qu’un démon chasse un autre démon ? Le démon applaudit à ses succès, mais il ne détruit pas ses oeuvres. Jésus-Christ, au contraire, ne chassait pas seulement les démons, mais il guérissait les lépreux, il ressuscitait les morts, il remettait les péchés, il prêchait le royaume de Dieu, et il amenait les hommes à son Père, ce que ne pouvait ni ne voulait faire le démon.

Raban. De même que dans le sens mystique les deux aveugles figuraient les deux peuples juif et gentil, ainsi cet homme muet et possédé est la figure du genre humain tout entier. — S. Hil. (can. 9 sur S. Matth.) Ou bien cet homme à la fois muet, sourd et possédé du démon représente le peuple des Gentils, indigne d’obtenir le salut, plongé qu’il est dans un abîme de maux, et comme enlacé dans tous les vices de la chair. — S. Rémi. Le peuple des Gentils était muet, parce qu’il ne pouvait ouvrir la bouche pour confesser la vraie foi et publier les louanges de son Créateur, ou bien parce que, livré au culte des idoles muettes, il leur était devenu semblable. Il était possédé, parce que la mort de l’infidélité l’avait soumis à l’empire du démon. S. Hil. (can. 9 sur S. Matth.) La connaissance de Dieu ayant dissipé toutes les folles superstitions, l’homme recouvre tout à la fois l’usage de la vue, de l’ouïe, et de la parole du salut. — S. Jérôme. De même que les aveugles reçoivent la lumière, ainsi la langue des muets se délie pour confesser celui qu’ils avaient auparavant nié. Cette foule qui est dans l’admiration, c’est la multitude des nations qui confessent la divinité du Seigneur. Les pharisiens qui le calomnient sont une figure de l’infidélité des Juifs qui persévère jusqu’à ce jour. — S. Hil. (can. 9 sur S. Matth.) L’admiration de la foule est accompagnée de cet aveu : « Jamais on n’a rien vu de semblable en Israël, » parce qu’en effet la puissance divine du Verbe sauve aujourd’hui tous ceux qui n’avaient pu recevoir aucun secours de la loi. — S. Rémi. Dans ceux qui présentent le muet au Seigneur pour être guéri, on peut voir la figure des Apôtres et des prédicateurs qui ont offert aux yeux de la divine miséricorde le peuple des Gentils pour qu’elle lui accordât le salut. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 29.) Saint Matthieu est le seul qui raconte ce double miracle des deux aveugles et du muet. Les deux aveugles dont parlent les autres Évangélistes (Mc 10, 46 ; Lc 18, 35) ne sont pas les mêmes ; cependant le fait est semblable, et si saint Matthieu ne racontait pas ce miracle avec toutes ses circonstances, on pourrait croire que son récit est le même que celui de saint Marc et de saint Luc. Nous ne devons jamais perdre de vue qu’il se rencontre dans les Évangiles des faits qui présentent les mêmes caractères. On a une preuve certaine que ces faits sont différents lorsqu’ils sont rapportés par le même Évangéliste. Lorsque donc nous rencontrons des faits de même nature dans chacun des Évangélistes, et qu’il s’y trouve des particularités impossibles à concilier, nous devons en conclure que ce n’est pas le même fait, mais un fait semblable dans sa nature ou dans ses circonstances.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle