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Mt  9  27-31

S. Jérôme. Ces premiers miracles qui ont pour objet la fille du prince de la synagogue et la femme malade sont suivis, par une admirable conséquence, de la guérison de deux aveugles. Il fallait, en effet, que la privation de la vue démontrât ce que la mort et la maladie venaient elles-mêmes de proclamer ; c’est pour cela qu’il est dit : « Comme Jésus sortait de ce lieu (c’est-à-dire s’éloignait de la maison de Jaïre), deux aveugles le suivirent en criant et en disant : Fils de David, ayez pitié de nous. » — S. Chrys. (hom. 33.) C’est là un grand sujet d’accusation contre les Juifs : des hommes privés de la vue reçoivent la foi par l’ouïe seule, tandis que les Juifs, dont les yeux constataient la vérité de ces miracles, refusent d’y croire. Voyez encore le désir de ces aveugles ; ils ne se contentent pas d’approcher de Jésus, mais ils le font avec de grands cris, et en ne lui demandant qu’une seule chose, c’est qu’il ait pitié d’eux. Ils l’appellent Fils de David, parce que ce nom leur paraissait un titre d’honneur. — S. Rémi. C’est avec raison d’ailleurs qu’ils lui donnent ce nom, car la Vierge Marie descendait de la race de David. — S. Jérôme. Que Marcion, que les Manichéens et les autres hérétiques se rendent attentifs à ces paroles, eux qui déchirent l’Ancien Testament, et qu’ils apprennent que le Sauveur est proclamé Fils de David. Or, s’il n’est pas né dans une chair mortelle, comment peut-il être appelé Fils de David ?

S. Chrys. (hom. 33.) Il est à remarquer que dans une foule de circonstances ce n’est qu’après qu’on l’en a prié que le Seigneur guérit les malades, car il ne veut pas laisser croire qu’il a couru après les miracles pour s’attirer de l’honneur et de la gloire. — S. Jérôme. Et cependant, ce n’est pas dans le chemin et en passant, comme ils le pensaient, qu’il guérit ces aveugles qui le prient, mais lorsqu’il est arrivé dans la maison ; ils s’avancent pour entrer, et tout d’abord il examine leur foi, afin de les préparer à recevoir la lumière de la vraie foi. « Lorsqu’il fut entré dans la maison, ces aveugles s’approchèrent de lui, et Jésus leur dit : « Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me demandez ? » — S. Chrys. Il nous apprend une fois de plus à fuir la gloire que donne la multitude, car comme la maison n’était pas éloignée, il y conduit les aveugles pour les y guérir en secret. — S. Rémi. Lui qui pouvait rendre la vue aux aveugles, ne pouvait ignorer s’ils avaient la foi ; il les interroge toutefois, afin qu’en confessant de bouche la foi qu’ils portaient dans leur cœur, ils pussent obtenir une récompense plus grande, selon ces paroles de l’Apôtre : « Il faut confesser de bouche pour obtenir le salut. » — S. Chrys. (hom. 33.) Et ce n’est pas la seule raison ; Jésus voulait encore montrer qu’ils étaient dignes d’être guéris, et prévenir cette difficulté : que si le salut était l’oeuvre exclusive de la miséricorde, tous devaient y avoir part. Il exige encore d’eux la foi, afin de les élever plus haut ; ils l’ont appelé Fils de David, il leur apprend qu’ils doivent avoir de lui de plus hautes idées. Aussi ne leur dit-il pas : « Croyez-vous que je puisse prier mon Père ? » mais : « Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me demandez ? » Ils lui répondent : « Oui, Seigneur. » Ils ne l’appellent plus Fils de David, ils s’élèvent plus haut et confessent sa souveraineté. Il leur imposa alors les mains, comme dit le texte sacré, et il toucha leurs yeux en leur disant : « Qu’il vous soit fait selon votre foi. » Il leur parle de la sorte pour affermir leur foi et constater en même temps que ce qu’ils venaient de dire ne leur avait pas été dicté par la flatterie. L’Évangéliste rapporte ensuite leur guérison : « Et aussitôt leurs yeux furent ouverts. » Jésus leur défend d’en parler à qui que ce soit ; et ce n’est pas une simple défense, c’est un ordre exprès accompagné de menaces sévères. « Et Jésus leur défendit fortement d’en parler, en leur disant : « Prenez bien garde que qui que ce soit ne le sache ! » Mais eux, s’en étant allés, répandirent sa réputation dans tout le pays. » — S. Jérôme. C’est par amour pour l’humilité et pour fuir l’éclat de la vaine gloire que Jésus leur fait cette défense ; mais la reconnaissance qu’ils éprouvent d’un si grand bienfait, ne leur permet pas de garder le silence. — S. Chrys. Ce que Notre-Seigneur dit à un autre dans une circonstance différente : « Va et annonce la gloire de Dieu » (Lc 8), n’est pas contraire à ce qui est ici raconté. Jésus veut nous apprendre à fermer la bouche à ceux qui cherchent à nous louer, en rapportant à nous seuls les louanges qu’ils nous donnent. Mais si ces louanges doivent se rapporter à Dieu, bien loin de les défendre, nous devons les exciter et les prescrire. — S. Hil. Ou bien encore le Sauveur commande à ces aveugles de se taire, parce que c’était aux Apôtres qu’était réservé l’office de la prédication.

S. Grég. (Moral., 19, 14.) Examinons ici pourquoi le Tout-Puissant, pour qui vouloir et pouvoir sont une même chose a voulu que ses miracles demeurassent cachés, et que cependant ils fussent dévoilés comme malgré lui par ceux qui venaient de recouvrer l’usage de la vue. Il veut apprendre à ses disciples qui devaient marcher à sa suite, qu’ils devaient désirer que leurs vertus demeurassent cachées aussi aux yeux des hommes, et cependant les laisser publier malgré eux dans l’intérêt de ceux qui pourraient en profiter. Ils doivent donc rechercher le secret par inclination, et laisser dévoiler leurs oeuvres par nécessité. Qu’ils aiment à se cacher pour garder plus sûrement leur âme de tout danger, et qu’ils consentent à se voir divulgués dans l’intérêt des autres.

S. Rémi. Dans le sens allégorique, ces deux aveugles sont la figure des deux peuples, du peuple juif, et des Gentils, ou bien des deux fractions du peuple juif qui se séparèrent sous Roboam (cf. 3 R 12). Notre-Seigneur Jésus-Christ choisit dans l’un et l’autre peuple qui croyait en lui, ceux qu’il devait éclairer dans la maison, qui est son Église, car en dehors de l’unité de l’Église, personne ne peut être sauvé. Or, ceux d’entre les Juifs qui crurent en Jésus publièrent son avènement dans tout l’univers. Raban. La maison du chef de la synagogue, c’est la synagogue elle-même qui est soumise à Moïse ; la maison de Jésus, c’est la céleste Jérusalem. Pendant que le Seigneur traverse ce monde pour retourner dans sa maison, les deux aveugles se mettent à le suivre ; en effet, après la prédication de l’Évangile par les Apôtres, un grand nombre d’entre les Juifs et d’entre les Gentils se sont rangés sous sa conduite. Mais après son ascension dans les cieux, il est entré dans sa maison (c’est-à-dire dans son Église), et là, il leur a rendu l’usage de la lumière.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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