Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Matthieu  >  chapitre 6, versets 2-4

Mt  6  2-4

S. Augustin. (serm. sur la mont. 2, 5). Le Seigneur, en disant à ses disciples : « Prenez garde que votre justice, » etc., n’a parlé de cette vertu que d’une manière générale ; il va maintenant en parcourir les divers degrés. — S. Chrys. Il oppose trois vertus d’une force toute divine (l’aumône, le jeûne, la prière), aux trois vices contre lesquels il a soutenu lui-même les assauts de la tentation. Le Sauveur a combattu pour nous, en effet, contre la sensualité dans le désert, contre l’avarice sur la montagne, contre la vaine gloire sur le haut du temple. L’aumône qui aime à répandre ses biens (cf. Ps 111, 8) est opposée à l’avarice qui amasse, le jeûne à la sensualité, dont il est le contraire, la prière à la vaine gloire, parce que la vaine gloire est le seul vice qui tire son origine du bien, tandis que tous les autres maux sont le produit d’un principe mauvais ; aussi, loin de la détruire, la vertu lui sert d’aliment. Il n’y a donc d’autre remède contre la vaine gloire que la prière seule.

S. Ambr. Toute la morale chrétienne se réduit à la miséricorde et à la piété, et c’est pour cela que le Sauveur place l’aumône en premier lieu : « Lorsque vous faites l’aumône, ne faites point sonner la trompette devant vous. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) La trompette c’est toute parole dite, toute oeuvre faite avec un extérieur d’ostentation visible ; par exemple, voici un homme qui, avec intention, fait l’aumône devant témoins ou par l’entremise d’un autre, ou à une personne honorable qui pourra s’acquitter envers lui ; dans d’autres circonstances, il n’en fait pas, ou bien s’il fait l’aumône en secret, il la fait pour s’attirer des louanges, c’est toujours la trompette. — S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 1). Ces paroles : « Ne faites pas sonner la trompette devant vous, » se rapportent à ce qu’il a dit plus haut : « Prenez garde de ne pas faire vos bonnes oeuvres devant les hommes. »

S. Jérôme. Celui qui sonne de la trompette en faisant l’aumône est un hypocrite, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Comme font les hypocrites. » — La glose. Peut-être agissaient-ils ainsi pour rassembler le peuple et pour attirer tout le monde à ce spectacle. — S. Isidore. Le nom d’hypocrite vient des acteurs qui, dans les spectacles, ont l’habitude de dissimuler leurs traits naturels en appliquant sur leur visage diverses couleurs pour prendre le teint de la personne qu’ils veulent représenter, tantôt un homme, tantôt une femme, le tout pour faire illusion aux spectateurs dans les jeux publics. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Les hypocrites, c’est-à-dire les comédiens, jouent le rôle des personnages qu’ils veulent imiter sans qu’ils le soient en effet (celui qui joue le rôle d’Agamemnon n’est pas Agamemnon, mais s’efforce de le paraître). Ainsi, parmi les chrétiens, celui qui dans toute sa vie veut paraître ce qu’il n’est pas est un hypocrite, car il se couvre de l’extérieur du juste sans l’être en réalité, lui qui ne veut que la louange des hommes pour tout fruit de ses bonnes oeuvres. — La glose. C’est pour cela que le Sauveur désigne les lieux fréquentés par le public : « Dans les synagogues et dans les carrefours, et qu’il ajoute : « Pour être honoré des hommes, » marquant ainsi le but qu’on se propose.

S. Grég. (Moral., 21, 8.) Il en est cependant qui ont l’extérieur de la sainteté, mais qui ne peuvent en atteindre toute la perfection ; on ne doit pas les ranger parmi les hypocrites, car on ne peut assimiler celui qui pèche par faiblesse à celui qui pèche par hypocrisie.

S. Augustin. (serm. sur la mont.) Or, ceux qui se rendent coupables d’hypocrisie n’ont à attendre de Dieu, qui examine le fond du cœur, d’autre récompense que le châtiment de leur fourberie ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Je vous le dis en vérité, ils ont reçu leur récompense. » — S. Jérôme. Ce n’est pas la récompense de Dieu, mais leur récompense ; ils ont fait leurs bonnes oeuvres pour les hommes, ils ont obtenu les louanges des hommes. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Ces paroles se rapportent à celles qu’il a dites plus haut : « Autrement vous n’aurez pas la récompense de votre Père. » Il ajoute : « Pour vous, lorsque vous faites l’aumône, que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite, » et vous ordonne ainsi de faire l’aumône, non pas comme ils la font mais comme il veut qu’elle soit faite. — S. Chrys. (hom. 49.) Ces paroles sont dites par hyperbole et reviennent à celles-ci : S’il est possible, appliquez-vous avec le plus grand soin à vous ignorer vous-mêmes, et à vous cacher l’oeuvre de vos propres mains. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Voici l’interprétation que les Apôtres donnent de ces paroles dans le livre des Canons : La droite est le peuple chrétien qui est à la droite du Christ ; la gauche, le peuple qui est à gauche ; Notre-Seigneur veut donc que le chrétien qui est la droite ne se laisse pas voir lorsqu’il fait l’aumône par l’infidèle qui est à la gauche.

S. Augustin. (serm. sur la mont.) Selon cette interprétation, il semble qu’il n’y aurait aucun mal à vouloir plaire aux fidèles, et cependant il nous est défendu de nous proposer comme fin de nos bonnes oeuvres la louange des hommes quels qu’ils soient. Cependant si vous cherchez à leur plaire dans vos actions pour les porter à vous imiter, ce n’est pas seulement en présence des fidèles, mais aussi des infidèles que vous devez accomplir vos bonnes oeuvres. Si avec d’autres auteurs vous entendez par la gauche votre ennemi, et que le sens de ces paroles soit que votre ennemi doit ignorer que vous faites l’aumône, comment expliquer que le Seigneur, dans sa miséricorde, ait guéri les malades, entouré des Juifs ses plus cruels ennemis ? Comment, d’ailleurs, accorder ce commandement avec celui qui nous est imposé de faire l’aumône, même à notre ennemi ? « Si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger » (Rm 12, 20 ; Pv 21, 21). Quant à la troisième opinion, qui prétend que la gauche signifie l’épouse, elle est ridicule. Comme dans le mariage, disent-ils, les femmes laissent difficilement échapper l’argent de leurs mains, les maris, pour éviter les querelles domestiques, doivent leur cacher ce qu’ils donnent aux pauvres. Mais ce précepte n’est pas donné pour les hommes seuls ; il concerne aussi les femmes. Ainsi, la femme étant obligée de cacher ses aumônes à sa main gauche, dira-t-on que l’homme est la gauche de sa femme ? Si on admet qu’il y a obligation pour eux de se gagner réciproquement à la vertu par le spectacle de leurs bonnes oeuvres, ils ne doivent point se les cacher l’un à l’autre, encore moins commettre un vol pour être agréables à Dieu. Accordons même que la faiblesse de l’un force l’autre de lui dérober la connaissance d’une oeuvre dont il ne pourrait supporter la vue, il n’y a rien en cela d’illicite, mais on ne peut en conclure que la gauche signifie la femme, alors que tout l’ensemble du chapitre s’oppose à cette interprétation. Que vous est-il donc défendu ? De faire ce que le Sauveur condamne dans les hypocrites qui recherchent les louanges des hommes. La gauche nous paraît donc signifier le désir des louanges, et la droite l’intention d’accomplir les commandements de Dieu. Lorsque le désir de la gloire humaine se glisse dans votre âme au moment où vous faites l’aumône, votre gauche devine les secrets de votre droite. Laissez donc votre gauche dans l’ignorance, c’est-à-dire que le désir des louanges des hommes ne trouve point de place dans votre âme. Mais Notre-Seigneur nous défend bien plus sévèrement de laisser la gauche agir seule en nous, que de lui permettre de se mêler aux oeuvres de la droite. Quant au but qu’il s’est proposé dans ce précepte, il nous le fait connaître en ajoutant : « Afin que votre aumône soit dans le secret. » C’est-à-dire dans une bonne conscience qui ne s’ouvre pas aux regards des hommes, ni à leurs discours si souvent mensongers. Votre conscience seule vous suffit pour mériter votre récompense, si vous l’attendez de celui qui seul pénètre dans la conscience, et c’est ce qu’enseignent les paroles suivantes : « Votre Père qui voit dans le secret vous le rendra lui-même. » Un grand nombre d’exemplaires latins portent : « Vous le rendra en public. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) Il est impossible que Dieu laisse dans l’obscurité une seule bonne oeuvre : dans la vie présente il se contente de la produire au grand jour, et il la glorifiera dans l’autre vie, parce qu’il est la gloire de Dieu. Par la même raison, le démon met le mal en évidence parce que le mal fait éclater la puissance de sa méchanceté. Mais à proprement parler, Dieu ne dévoile les bonnes oeuvres que dans cette vie, où les biens ne sont pas communs aux bons et aux méchants ; tous ceux que Dieu y comble de biens peuvent les considérer comme la récompense méritée de leur justice ; sur la terre, au contraire, on ne peut distinguer clairement cette récompense, parce que les richesses y sont le partage des méchants comme des bons. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Dans les exemplaires grecs, qui sont antérieurs aux latins, on ne trouve pas le mot palam, en public.

S. Chrys. (hom. 19.) Si vous voulez des spectateurs de vos actions, voici non-seulement les anges et les archanges, mais encore le Dieu souverain maître de toutes choses.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle