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Mt  6  1

La glose. Le Sauveur après avoir accompli la loi quant aux préceptes, commence à l’accomplir en ce qui concerne les promesses, car il veut que nous observions les commandements de Dieu en vue des récompenses célestes, et non pour les récompenses temporelles que promettait la loi. Or ces récompenses temporelles se rapportent surtout à ces deux points ; la gloire humaine et l’abondance des biens de la terre ; la loi promettait l’une et l’autre ; la gloire en ces termes : « Le Seigneur ton Dieu t’élèvera au-dessus de toutes les nations qui habitent la terre ; » et un peu plus loin la richesse : « Le Seigneur te donnera en abondance toute sorte de biens ; » et c’est pour cette raison que Notre-Seigneur Jésus-Christ exclut l’une et l’autre de l’intention des fidèles.

S. Chrys. (hom. 19.) Admettons en principe que le désir de la gloire aime à habiter avec la vertu. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Dans une action qui a de l’éclat, la vaine gloire trouve plus facilement à se glisser, aussi Notre-Seigneur nous prémunit tout d’abord contre ce danger : il a compris qu’il est mille fois plus pernicieux pour les hommes que tous les vices de la chair : car tandis que toutes les tentations mauvaises assaillent les serviteurs du démon, celle de la vaine gloire attaque de préférence les serviteurs de Dieu. — S. Augustin. Or il n’y a que ceux qui ont lutté contre l’amour de la vaine gloire, qui puissent comprendre quelle puissance elle exerce contre nous ; car s’il vous est facile de ne pas désirer la louange qu’on vous refuse, il vous est fort difficile de ne pas vous complaire dans celle qui vous est offerte.

S. Chrys. (hom. 19.) Considérez avec attention ses commencements comme si vous aviez à vous prémunir contre une bête féroce difficile à connaître et prête à dépouiller celui qui n’est pas sur ses gardes. Elle se glisse imperceptiblement ; et nous enlève par le moyen des sens tout ce que nous possédons à l’intérieur. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Aussi Notre-Seigneur nous ordonne d’éviter avec soin ce danger en nous disant : « Prenez garde de faire vos bonnes oeuvres devant les hommes. » C’est notre cœur qui doit être l’objet de cette vigilance, car le serpent qu’on nous commande de surveiller est invisible, il pénètre secrètement dans notre âme pour nous séduire. Mais si le cœur dans lequel se glisse cet ennemi est pur, le juste reconnaît bientôt qu’il est sollicité par un esprit étranger. Si au contraire le cœur est rempli d’iniquités, il ne se rend pas facilement compte des suggestions du démon. Voilà pourquoi Notre-Seigneur a commencé par dire : « Ne vous mettez pas en colère, ne convoitez pas, » car un homme esclave de ses passions n’est pas capable de veiller sur les mouvements de son cœur. Mais comment est-il possible que nous ne fassions pas l’aumône devant les hommes, et dans cette hypothèse même, comment pourrons-nous y rester insensibles ? Car si un pauvre se présente à nous devant une autre personne, comment lui donner l’aumône en secret, et si vous le tirez à l’écart, c’est un moyen de trahir votre aumône ? Remarquez, que Notre-Seigneur ne dit pas seulement : « Ne faites pas devant les hommes, » mais qu’il ajoute « pour en être considérés. » Celui donc qui n’agit point dans le dessein d’être vu des hommes, bien qu’il agisse en leur présence, n’est pas censé faire des bonnes oeuvres devant les hommes ; car celui qui agit pour Dieu, ne voit dans son cœur que Dieu pour lequel seul il agit ; de même que l’ouvrier a toujours devant les yeux celui qui lui a commandé son travail.

S. Grég. (Moral., liv. 8, ch. 30.) Si nous ne cherchons que la gloire de celui qui nous donne la grâce de bien faire, nos oeuvres, même celles que nous faisons en public demeurent secrètes sous la protection de ses regards, mais si dans ces oeuvres nous nous proposons notre propre gloire, elles sont bannies de la présence de Dieu, quand même elles seraient ignorées du grand nombre. C’est l’effet d’une haute perfection de chercher dans les oeuvres faites en public la gloire de l’auteur de tout bien, et de ne pas se complaire intérieurement dans la gloire individuelle qui peut nous en revenir. Mais comme les âmes encore faibles ne sont pas capables de ce parfait mépris qui nous fait triompher de la vaine gloire, ils doivent s’appliquer à dérober aux regards des hommes le bien qu’ils font.

S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 2 ou 3.) En disant : « Pour être vus par eux, » sans rien ajouter, Notre-Seigneur nous défend évidemment de placer dans l’opinion des hommes la fin de nos bonnes oeuvres. Car l’apôtre qui d’un côté fait entendre ces paroles : « Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais plus le serviteur de Jésus-Christ, » dit ailleurs : « Je m’efforce de plaire à tous en toutes choses. » Or s’il agissait ainsi, ce n’était pas pour plaire aux hommes, mais à Dieu, et pour convertir à son amour les cœurs des hommes par là même qu’il leur était agréable ; de même qu’un homme pourrait dire avec raison : je cherche un navire, toutefois ce n’est pas le navire que j’ai en vue, mais la patrie. — S. Augustin (serm. 2 sur les paroles du Seigneur.) Notre-Seigneur ajoute : « Pour être vus par eux ; » il en est en effet qui ne font pas leurs oeuvres devant les hommes dans l’intention que les hommes les voient, mais afin qu’ils voient leurs bonnes oeuvres et glorifient le Père céleste qui est dans les cieux, car ils ne s’attribuent pas à eux-mêmes le mérite de leur propre justice, mais en renvoient toute la gloire à Dieu seul dans la foi duquel ils vivent (Ga 2, 29 ; 3, 1). — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Par ces paroles : « Autrement vous n’en recevrez pas la récompense de votre Père, qui est dans les cieux, » le Sauveur veut nous apprendre surtout à ne point rechercher la gloire humaine comme récompense de nos bonnes oeuvres.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Que pourrez-vous recevoir de Dieu, vous qui n’avez rien donné à Dieu ? Ce que l’on fait pour Dieu, c’est à Dieu qu’on l’offre, et Dieu le reçoit ; ce que l’on fait pour les hommes s’évanouit dans les airs. Or quelle folie de donner un bien aussi précieux pour de vaines paroles, et de faire mépris des récompenses divines ? Considérez celui de qui vous attendez la louange, il croit que vous agissez pour Dieu, autrement il aurait pour vous un profond mépris. Or celui qui recherche les regards des hommes avec une volonté pleine et entière, agit évidemment pour les hommes. Si au contraire une pensée de vanité s’élève dans votre cœur et y fait naître le désir le paraître aux yeux des hommes, mais que la partie intelligente de votre âme s’oppose à ce désir, on ne peut dire que vous agissez pour les hommes ; car cette pensée est une pensée de la chair, mais c’est le jugement de votre âme qui a déterminé votre choix.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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