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Mt  6  16

S. Chrys. (sur S. Matth.) Puisqu’un esprit humble et un cœur contrit donnent à la prière une véritable puissance (cf. Dn 3, 39), et que ces deux dispositions ne peuvent se concilier avec une vie de délices ; il est évident que la prière séparée du jeûne, est sans force et sans vertu. Aussi tous ceux qui ont voulu obtenir de Dieu quelque grâce pressante ont toujours joint le jeûne à la prière, parce que le jeûne est le soutien de la prière. Voilà pourquoi Notre-Seigneur fait suivre la doctrine sur la prière, de ses enseignements sur le jeûne : « Lorsque vous jeûnez, dit-il, ne vous rendez pas tristes comme les hypocrites. » Le Seigneur savait que la vaine gloire prend naissance au sein môme de toute vertu, il nous commande donc de couper l’épine de la vaine gloire qui pousse dans une bonne terre, pour qu’elle n’étouffe pas le fruit du jeûne. Il est impossible qu’on ne s’aperçoive pas que vous jeûniez, mais il vaut mieux que le jeûne vous fasse remarquer plutôt que de faire remarquer vous-même votre jeûne. Il est bien difficile que celui qui jeûne soit gai, aussi Notre-Seigneur ne dit-il pas : « Ne soyez pas tristes, » mais « ne vous rendez pas tristes. » Ceux qui par exemple cherchent à tromper les regards par une pâleur factice, ceux-ci ne sont pas tristes mais cherchent à le devenir ; celui au contraire qui est triste par un effet naturel du jeûne, ne cherche pas à se rendre triste, mais il l’est en réalité, c’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Ils affectent de paraître avec un visage défiguré. »

S. Jérôme. Le mot exterminer qui est employé fréquemment dans les saintes Écritures par suite de l’ignorance des interprètes, a un sens plus étendu que celui qu’on lui donne ordinairement. On dit des exilés qu’ils sont exterminés, c’est-à-dire envoyés au delà des frontières : nous devons nous, donner à ce mot le sens de détruire ; or l’hypocrite détruit, exténue son visage pour paraître triste, et tandis que son cœur est plein de joie, il porte sur sa figure l’apparence du deuil. — S. Grég. (Moral., liv. 8, ch. 26.) Vous voyez leur visage couvert de pâleur, leur corps tremblant de faiblesse, leur poitrine oppressée par leurs soupirs entrecoupés, et quel est le but de ces laborieux efforts ? l’opinion des hommes.

S. Léon, pape. (serm. 4 sur l’Epiph.) Les jeûnes qui ne viennent point d’un principe de mortification, mais qui sont le produit de la fourberie, ne sont pas des jeûnes purs aux yeux de Dieu. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Or si celui qui jeûne et affecte la tristesse n’est qu’un hypocrite, quel n’est pas le crime de celui qui sans jeûner, a recours à certains moyens pour imprimer sur son visage, comme signe de jeûne une pâleur vénale ?

S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 19.) Une remarque importante à faire sur cette matière, c’est qu’on peut mettre de la vanité non-seulement dans l’éclat et le luxe de tout ce qui tient au corps, mais jusque dans l’extérieur négligé qui exprime le deuil et la tristesse, vanité alors d’autant plus dangereuse, qu’elle cherche à tromper sous les apparences de la religion. Celui qui cherche à briller par une propreté affectée et par une recherche excessive dans ses vêtements ou dans les autres ornements du corps, est convaincu par ce seul fait d’être partisan des pompes du monde, et il ne trompe personne par l’apparence d’une sainteté hypocrite. Quant à celui qui, faisant profession d’une vie chrétienne, cherche à fixer sur lui les yeux du public par le spectacle d’une maigreur et d’une malpropreté extraordinaires, s’il le fait avec intention et sans y être réduit par la nécessité, l’ensemble de sa vie prouvera s’il agit ainsi par le mépris d’un luxe superflu, ou par un motif quelconque d’ostentation.

S. Rémi. Les paroles suivantes nous font connaître le fruit du jeûne des hypocrites : Pour faire voir aux hommes qu’ils jeûnent. « Je vous le dis en vérité : ils ont reçu leur récompense, » c’est-à-dire celle qu’ils ont désirée.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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