Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Matthieu  >  chapitre 6, versets 17-18

Mt  6  17-18

La glose. Le Seigneur vient de nous apprendre ce qu’il fallait éviter, il nous enseigne maintenant ce qu’il faut faire : « Pour vous, lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête, etc. »

S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 20.) J’entends souvent demander quel est le sens de ces paroles. Bien que nous ayons l’habitude de nous laver tous les jours le visage, il serait hors de raison de nous commander de parfumer aussi notre tête lorsque nous jeûnons, ce qui, de l’aveu de tous, est souverainement indigne d’un chrétien. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Pourquoi d’ailleurs après nous avoir défendu d’affecter un extérieur triste pour ne pas découvrir aux hommes que nous jeûnons, le Seigneur nous ordonne-t-il de nous laver la figure et de nous parfumer la tête ? Car si ceux qui jeûnent observent ces pratiques, elles deviendront des indices de leur jeûne. — S. Jérôme. Notre-Seigneur parle donc ici en se conformant aux usages de la Palestine où on a l’habitude de se parfumer la tête aux jours de fête, et ce qu’il nous ordonne, c’est tout simplement de nous montrer nous-mêmes pleins de joie et avec un certain air de fête aux jours de jeûne. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ces paroles, comme les précédentes doivent être entendues dans un sens tant soit peu hyperbolique. Notre-Seigneur veut donc nous dire : vous devez fuir avec tant de soin toute ostentation lorsque vous jeûnez, que s’il était possible et permis (ce qui ne l’est pas), vous devriez au contraire affecter les dehors du plaisir et de la bonne chère. « Et pourquoi ? » Pour que les hommes ne voient pas que vous jeûnez.

S. Chrys. (homél. 20). Pour l’aumône, il ne s’est pas exprimé de la sorte ; il nous a dit qu’il ne fallait pas la faire devant les hommes, en ajoutant : « Pour en être remarqué. » Il n’ajoute rien de semblable pour le jeûne et pour la prière, parce qu’il est impossible que l’aumône demeure entièrement secrète, tandis que le jeûne et la prière peuvent très bien rester inconnus. Or, ce n’est pas un médiocre avantage que de mépriser la gloire humaine, car alors on est affranchi de l’esclavage accablant des hommes et c’est dans un sens véritable qu’on pratique la vertu, en l’aimant non pas pour les autres, mais pour elle-même. Nous regardons comme un outrage d’être aimés par rapport à d’autres et non pour nous-mêmes ; d’après cette règle, nous ne devons point pratiquer la vertu pour les autres, nous ne devons pas obéir à Dieu à cause des hommes, mais pour Dieu seul ; c’est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Mais à votre Père qui est dans le secret. » — La glose. C’est-à-dire à votre Père céleste qui est invisible ou qui habite dans votre cœur par la foi. Or c’est jeûner pour Dieu que de se mortifier par amour pour lui, et on donne ainsi à un autre ce qu’on se retranche à soi même.

« Et votre Père qui voit dans le secret, » etc. — S. Rémi. Il vous suffit que celui qui voit ce qui se passe dans la conscience vous en récompense lui-même. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Dans le sens spirituel, la face de l’âme c’est la conscience ; car, de même qu’un beau visage plaît aux regards des hommes, ainsi une conscience pure est un spectacle agréable aux yeux de Dieu. Les hypocrites, qui jeûnent pour plaire aux hommes, exténuent ces deux faces, voulant tromper à la fois Dieu et les hommes. En effet, la conscience de celui qui pèche est toujours couverte de blessures. Si donc vous avez fait disparaître le mal de votre âme, vous avez purifié votre conscience et votre jeûne est louable. — S. Léon, pape. (serm. 6 sur le jeûne). Il faut accomplir la loi du jeûne non-seulement par le retranchement des aliments, mais en s’abstenant du vice. Car, quel est le but de cette mortification ? c’est d’éteindre en nous le foyer des désirs charnels ; le genre de tempérance auquel nous devons nous livrer de préférence, c’est d’être sobres de toute volonté coupable, c’est de pratiquer le jeûne à l’égard de toute action criminelle. Cette manière d’accomplir la loi du jeûne convient également à ceux qui sont malades, car un corps languissant peut renfermer une âme saine et robuste.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Dans le sens spirituel, le Christ est votre tête ; donnez à boire à celui qui a soif, à manger à celui qui a faim et vous aurez ainsi répandu sur votre tête le parfum de la miséricorde, c’est-à-dire sur Jésus-Christ qui vous dit dans l’Évangile (Mt 25) : « Ce que vous avez fait aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi-même que vous l’avez fait. » — S. Grég. (hom. 16 sur les Evang.) Dieu approuve le jeûne, qui lève en sa présence des mains riches d’aumônes. Ce que vous vous retranchez, donnez-le à un autre, afin que le corps de votre frère qui est dans l’indigence soit soulagé par cette nourriture dont vous imposez la privation à votre propre corps. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Par la tête, nous pouvons encore entendre la raison, parce qu’elle est la reine de notre âme et qu’elle dirige toutes les autres facultés de l’âme et les autres membres du corps. Or, parfumer sa tête est un signe de joie. Réjouissez-vous donc intérieurement de votre jeûne, vous qui, en jeûnant, avez rompu avec les désirs du monde pour vous soumettre à Jésus-Christ. — La glose. Voici une preuve que dans l’Évangile il ne faut pas tout prendre à la lettre, car il serait ridicule de se parfumer la tête lorsqu’on jeûne. Mais nous devons parfumer notre âme de l’esprit d’amour du Sauveur aux souffrances duquel la mortification nous fait participer. — S. Chrys. (sur S. Matth.) C’est dans un sens très juste qu’on nous commande de laver notre visage et de parfumer seulement notre tête sans la laver, car tant que nous habitons ce corps mortel, notre conscience est souillée par le péché, tandis que notre chef qui est le Christ n’a pu se rendre coupable d’aucun péché.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle