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Mt  18  7-9

La glose. Notre-Seigneur venait de dire qu’il vaudrait mieux pour celui qui scandalise, qu’on lui attachât une meule de moulin au cou ; il en donne maintenant la raison. « Malheur au monde, à cause de ses scandales ! » — Origène. (Traité 3 sur S. Matth.) Ce que Notre-Seigneur appelle ici le monde, ce ne sont pas les éléments du monde extérieur, mais les hommes qui sont dans le monde. Or, les disciples de Jésus-Christ ne sont pas du monde ; par conséquent, cette malédiction, qui tombe sur les scandales, ne les atteint pas, car les scandales ont beau être multipliés, ils ne touchent point celui qui n’est pas du monde. S’il est encore du monde, parce qu’il aime le. monde et les choses qui sont dans le monde, les scandales n’auront de prise sur lui qu’en proportion de ce qu’il serait engagé dans les liens du monde,

« Il est nécessaire que les scandales arrivent. » — S. Chrys. (homélie 59.) En disant : Il est nécessaire, le Sauveur ne détruit pas le libre arbitre et ne le soumet à aucune fatalité ; il ne fait que prédire ce qui arrivera. Les scandales, c’est tout ce qui fait obstacle dans la voie droite. Or, ce n’est point la prédiction de Jésus-Christ qui est la cause des scandales, ce n’est point parce qu’il les a prédits que les scandales arrivent, mais c’est parce qu’ils devaient certainement arriver qu’ils les a prédits. On me dira peut-être : Si tous viennent à se corriger de leurs défauts et qu’il n’y ait plus personne pour donner de scandale, comment établir la vérité de cette parole de Jésus-Christ ? Rien de plus facile, car c’est justement parce qu’il a prévu qu’il y aurait des hommes qui ne se corrigeraient pas, qu’il a dit : « Il est nécessaire qu’il arrive des scandales, » c’est-à-dire : ils arriveront nécessairement. Or, si tous les hommes avaient dû réformer leur conduite, il n’aurait pas tenu ce langage. — La glose. » Ou bien il faut qu’il arrive des scandales, parce qu’ils sont nécessaires ou du moins utiles pour faire connaître ceux qui sont d’une vertu éprouvée (1 Co 11, 19). — S. Chrys. (hom. 59.) En effet, les scandales réveillent les hommes, les rendent plus attentifs et plus sur leurs gardes et relèvent aussitôt celui qui tombe, en lui inspirant pour l’avenir une plus grande vigilance.

S. Hil. (can. 18 sur S. Matth.) Ou bien encore, c’est l’humilité de la passion qui a été un scandale pour le monde. En effet, ce qui retient le plus les hommes dans l’ignorance des mystères du salut, c’est qu’ils n’ont pas voulu reconnaître le Dieu de la gloire éternelle sous les dehors ignominieux de la croix. Or, qu’y a-t-il au monde de plus dangereux que de ne pas recevoir Jésus-Christ ? Il déclare donc qu’il est nécessaire qu’il arrive des scandales, parce qu’il fallait qu’il subît toutes les humiliations de sa passion pour accomplir le mystère qui devait nous rendre la bienheureuse éternité. — Origène. Ou bien ces scandales qui arrivent sont les anges de Satan. Gardez-vous de croire cependant que ces anges soient scandales par leur nature ou par leur substance ; c’est leur libre arbitre qui a produit le scandale dans quelques-uns qui n’ont pas voulu supporter l’épreuve à laquelle Dieu avait soumis leur vertu, il n’y a de bien véritable que celui qui est combattu par le mal. Il est donc nécessaire que les scandales arrivent, comme il est nécessaire que nous ayons à souffrir de la malice des esprits célestes dont la haine s’enflamme d’autant plus que le Verbe de Dieu le Christ établit plus solidement son empire parmi les hommes et chasse loin d’eux toutes les malignes influences. Aussi ces mauvais anges cherchent-ils des instruments pour produire des scandales, et c’est à eux surtout que le Sauveur dit : Malheur, car le jugement sera bien plus sévère pour celui qui scandalise que pour celui qui est scandalisé ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Malheur à l’homme par qui arrive le scandale. » — S. Jérôme. C’est-à-dire : Malheur à l’homme qui, par sa propre faute, devient cause de ce qui doit arriver nécessairement dans le monde. Cette sentence, qui est générale, atteint en particulier Judas, qui avait déjà préparé son âme à la trahison. — S. Hil. Ou bien, sous cette dénomination générale, il veut désigner le peuple juif, auteur de ce scandale qui a eu pour objet la passion de Jésus-Christ et qui a exposé le monde au danger de renoncer, à cause même de sa passion, à Jésus-Christ, dont la loi et les prophètes avaient annoncé les souffrances.

S. Chrys. (hom. 59.) Pour vous faire comprendre que les scandales ne sont pas d’une absolue nécessité, écoutez ce qui suit : « Si votre pied ou votre main vous scandalise, » etc. Il ne veut point parler ici des membres du corps, mais des amis que nous regardons comme nous étant aussi nécessaires que nos membres, car rien n’est plus nuisible que de mauvaises fréquentations. — Raban. Le mot scandale est un mot grec qu’on peut traduire par pierre d’achoppement, ou par chute ou choc des pieds. Celui-là donc scandalise son frère qui, par une parole ou par une action contraire à la règle, devient pour lui une occasion de chute. — S. Jérôme. Notre-Seigneur retranche donc d’une manière absolue tout prétexte fondé sur les liens du sang ou de l’amitié, pour que les fidèles ne soient pas exposés aux scandales par suite d’un sentiment d’affection quelconque. Si quelqu’un, leur dit-il, vous est aussi étroitement uni que votre main, votre pied, votre oeil, s’il est pour vous d’une utilité incontestable, plein de vigilance et de sollicitude pour vos intérêts, mais qu’il vous soit une cause de scandale et vous entraîne dans l’abîme par le contraste de ses moeurs déréglées, il vous est beaucoup plus avantageux de rompre toute liaison avec lui et de renoncer aux avantages temporels que vous en retiriez, que de conserver près de vous une cause certaine de ruine en tenant aux avantages que vous procurent ces parents et ces amis. Chaque fidèle connaît ce qui peut lui nuire, ce qui est pour son âme une cause de séduction ou de tentation fréquente. Or, il vaut mieux qu’il vive dans la solitude que de perdre la vie éternelle pour les biens si fragiles de la vie présente. — Origène. Ou bien, dans un autre sens également raisonnable, on peut entendre par l’oeil les prêtres, qui sont comme l’oeil de l’Église, parce qu’ils en sont comme les sentinelles ; par la main, les diacres et les autres ministres par qui s’accomplissent les oeuvres spirituelles. Les fidèles, au contraire, sont comme les pieds du corps de l’Église. Et aucun d’eux ne doit être épargné s’il devient une cause de scandale pour l’Église. Ou bien encore, l’action de l’âme, c’est la main qui pêche ; la marche de l’âme, c’est le pied ; la vue de l’âme, c’est l’oeil coupable ; il faut les couper et les arracher s’ils nous sont un sujet de scandale, car souvent les actions des membres désignent dans la sainte Écriture les membres eux-mêmes.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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