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Mt  18  1-6

S. Jérôme. Les disciples, voyant que le même impôt avait été payé également pour Pierre et pour le Sauveur, en conclurent que Pierre était placé au-dessus de tous les autres Apôtres. — S. Chrys. (homélie 58.) Cette pensée leur inspira un sentiment tout naturel et tout humain, que l’Évangéliste nous exprime en ces termes : « En ce même temps, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : Qui pensez-vous qui soit le plus grand dans le royaume des cieux ? » Ils rougissent d’avouer le sentiment de jalousie qui les domine ; ils ne demandent pas ouvertement : Pourquoi avez-vous honoré Pierre plus que nous ? mais ils lui font cette question en général : « Quel est le plus grand ? » Lorsqu’ils avaient vu ces marques d’honneur accordées à trois d’entre eux dans la transfiguration, ils n’éprouvèrent rien de semblable ; mais ils furent péniblement affectés quand cet honneur sembla se concentrer sur un seul. Remarquez cependant qu’ils ne demandent rien des choses de la terre et qu’ils étouffèrent ensuite ce sentiment de jalousie, tandis que pour nous, nous ne pouvons même nous élever jusqu’à leurs défauts, car nous ne cherchons pas à savoir quel est le plus grand dans le royaume des cieux, mais quel est plus grand dans les royaumes de la terre.

Origène. (Traité 5 sur S. Matth.) Nous devons imiter la conduite des disciples toutes les fois qu’il s’élève en nous quelques doutes que nous ne pouvons résoudre. Il nous faut venir d’un commun accord trouver Jésus, qui a la puissance d’éclairer le cœur des hommes et de leur faire comprendre la solution de toutes les difficultés ; interrogeons aussi un des docteurs qui sont à la tête des églises. Les disciples, en faisant cette question, savaient bien que les saints ne sont pas égaux dans le royaume du ciel, mais ils désiraient savoir par quel moyen on parvenait à être le plus grand et comment on arrivait à être le plus petit. Ou bien encore, d’après ce que Notre-Seigneur leur avait dit précédemment, ils savaient quel était le plus petit et quel était le plus grand ; mais ils ignoraient quel était le premier dans le nombre de ceux qui passaient pour grands.

S. Jérôme. Jésus, voyant leurs pensées, voulut guérir ce désir de vaine gloire en leur proposant un combat tout d’humilité : « Et ayant appelé un petit enfant. » — S. Chrys. (hom. 58.) Rien de plus sage que la conduite de Notre-Seigneur plaçant au milieu d’eux un tout petit enfant, exempt de toute passion. — S. Jérôme. Il veut ainsi montrer réunis en lui l’âge et le symbole de l’innocence. Ou bien c’est lui-même qu’il place au milieu d’eux comme un petit enfant, lui qui n’était pas venu pour être servi, afin de leur donner un exemple frappant d’humilité. D’autres entendent par ce petit enfant l’Esprit saint, que Jésus plaça dans le cœur de ses disciples pour changer leur orgueil en humilité. « Et il leur dit : Je vous dis en vérité que si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme de petits enfants, » etc. Il ne fait pas un précepte à ses disciples de reprendre l’âge des enfants, mais d’avoir leur innocence et d’atteindre par leurs efforts à ce que les enfants possèdent par le privilège de leur âge, c’est-à-dire d’être petits en malice et non en sagesse (1 Co 14). Voici le sens de ces paroles : Voyez cet enfant dont je vous propose l’exemple : il ne persévère pas dans sa colère, il oublie les injures, il ne met pas son plaisir dans la vue d’une belle femme, il ne parle pas autrement qu’il ne pense. Or, à moins d’avoir cette innocence et cette pureté d’âme, vous ne pourrez entrer dans le royaume des cieux. — S. Hil. (can. 14 sur S. Matth.) Ces enfants sont aussi tous les fidèles, à cause de leur obéissance à la foi, car ils se font gloire de suivre leur père, d’aimer leur mère ; ils ignorent ce que c’est que de vouloir le mal ; ils négligent les soucis des affaires, n’ont ni arrogance, ni haine, ni habitude du mensonge ; ils croient à ce qu’on leur dit et tiennent pour vrai ce qu’ils entendent. Tel est aussi le sens littéral de ces paroles.

La glose. (interlin.). Si vous ne dépouillez ces sentiments d’orgueil et de secrète irritation qui vous dominent actuellement, pour devenir tous innocents et humbles par vertu, comme les enfants le sont par leur âge, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux, car on n’y entre pas à d’autres conditions. Quiconque donc s’humiliera comme cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des cieux ; car plus on s’humiliera, plus aussi on deviendra grand dans le royaume des cieux. — S. Rémi. C’est-à-dire dans la connaissance de la grâce, ou bien dans la hiérarchie ecclésiastique, ou certainement dans l’éternelle félicité. — S. Jn. Ou bien encore, quiconque s’humiliera comme cet enfant, c’est-à-dire celui qui s’humiliera à mon exemple, celui-là entrera dans le royaume des cieux.

« Et quiconque reçoit en mon nom un enfant tel que celui que je viens de dire, c’est moi qu’il reçoit. » Paroles dont voici le sens : Ce n’est pas seulement en devenant semblables à cet enfant, mais encore en honorant à cause de moi ceux qui leur ressemblent, que vous aurez droit à la récompense, et je vous assigne comme récompense de l’honneur que vous leur aurez témoigné, le royaume des cieux. Mais une récompense bien supérieure encore, c’est ce qui suit : « C’est moi qu’il reçoit. » — S. Jérôme. Car c’est Jésus-Christ que l’on reçoit en recevant celui qui reproduit dans toute sa vie l’humilité et l’innocence du Sauveur. Mais de peur que les Apôtres ne s’attribuent d’eux-mêmes cet honneur qu’on pourra leur rendre, le Sauveur ajoute avec sagesse que ce n’est pas à cause de leur mérite, mais en considération de leur Maître qu’ils recevront cet honneur.

S. Chrys. (hom. 58.) Pour leur faire recevoir et pratiquer plus facilement ces vérités, il leur donne ensuite la sanction des châtiments : « Si quelqu’un scandalise, » etc., c’est-à-dire : de même que ceux qui honorent ces petits à cause de moi seront jugés dignes de récompense, ainsi, ceux qui les méprisent seront punis des derniers châtiments. Ne soyez pas surpris de l’entendre appeler les outrages un scandale, car bien souvent les caractères faibles sont scandalisés par le mépris qu’on fait d’eux. — S. Jérôme. Remarquez que ce sont les petits qui sont scandalisés, car ceux qui sont plus forts ne se scandalisent pas si facilement. Or, bien que cette condamnation, prononcée par le Sauveur, atteigne en général tous ceux qui sont pour les autres une occasion de scandale, la suite du discours nous permet aussi de l’appliquer aux Apôtres eux-mêmes ; car cette question : Quel est le plus grand dans le royaume des cieux, paraissait être entre eux une question de prééminence, et s’ils avaient persévéré dans cette mauvaise disposition, ils auraient pu perdre, par ce scandale, ceux qu’ils appelaient à la foi et qui les auraient vus divisés par une question de préséance. — Origène. Mais comment expliquer que celui qui s’est converti et qui est devenu semblable à un enfant soit donné comme petit et susceptible d’être scandalisé ? Voici comment on peut résoudre cette difficulté. Celui qui croit au Fils de Dieu et vit d’une manière conforme à l’Évangile s’est transformé jusqu’à devenir semblable à un enfant. Celui au contraire qui n’a point subi cette bienheureuse transformation, ne peut entrer dans le royaume des cieux. Or, dans la multitude innombrable de ceux qui ont embrassé la foi, il en est qui sont nouvellement convertis et qui travaillent à devenir semblables à des enfants, mais qui ne le sont pas encore devenus ; ces derniers sont faibles en Jésus-Christ et peuvent être facilement scandalisés.

S. Jérôme. En ajoutant : « Il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attachât une meule de moulin au cou, » etc., Notre-Seigneur parle d’après l’usage de ces contrées, car chez les anciens Juifs la peine infligée aux plus grands crimes était d’être précipité dans la mer après avoir été attaché à une pierre. Or, il lui serait avantageux qu’il en fût ainsi, car il vaut beaucoup mieux subir pour sa faute une peine de courte durée que d’être réservé à des châtiments éternels. — S. Chrys. (homélie 58.) Il était ce semble naturel et logique que le Sauveur terminât cette seconde partie en disant : « C’est moi qu’il ne reçoit pas, » ce qui était de tous les châtiments le plus sensible ; mais comme les disciples étaient encore peu avancés et qu’une peine semblable ne pouvait les impressionner, il leur fait connaître, par la comparaison d’un fait qui leur est connu, le supplice qui leur est préparé, et il leur déclare qu’il vaudrait mieux pour eux subir ce châtiment temporel, parce qu’un supplice bien plus terrible leur est réservé.

S. Hil. Dans le sens mystique, le supplice de la meule, c’est la peine de l’aveuglement spirituel ; car c’est après qu’on leur a couvert les yeux que l’on fait tourner la meule aux animaux. Nous voyons aussi souvent les Gentils désignés sous le symbole de l’âne, parce qu’ils sont renfermés dans l’ignorance d’un travail dont ils ne peuvent voir la fin. Pour les Juifs, au contraire, la loi leur a tracé le chemin de la science, et, s’ils viennent à scandaliser les Apôtres du Christ, il aurait mieux valu pour eux qu’on leur eût attaché une meule de moulin au cou et qu’on les eût précipités dans la mer ; c’est-à-dire qu’il leur eût été plus avantageux d’être condamnés aux durs travaux des Gentils et de rester ensevelis dans les ténèbres du siècle, car c’eût été pour eux un moindre crime de ne pas connaître Jésus-Christ que de refuser de recevoir le Seigneur et le Maître des prophètes.

S. Grég. (Moral., 6, 17.) Ou bien, dans un autre sens, que doit-on entendre par la mer, si ce n’est le siècle, et par cette meule de moulin, si ce n’est l’action des choses de la terre qui, en étreignant l’âme et en la prenant comme au cou par des désirs insensés, la condamne à tourner péniblement dans le même cercle ? Or, il en est plusieurs qui, en se séparant des actions terrestres et en voulant s’élever jusqu’à l’exercice de la contemplation, sans prendre conseil de l’humilité, non-seulement se précipitent dans l’erreur, mais encore détachent les faibles du sein de la vérité. Celui-là donc qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux qu’il fût précipité dans la mer avec une meule au cou, car il eut été plus avantageux à cette âme dépravée de se livrer aux affaires du monde, que de faire servir les saints exercices de la contemplation à la perte d’un grand nombre. — S. Augustin. (Quest. évang., 1, 24.) Ou bien encore, celui qui scandalisera un de ces petits, c’est-à-dire un des humbles, tels que doivent être ses disciples, en refusant d’obéir ou en résistant à l’autorité, comme l’Apôtre le dit d’Alexandre d’Ephèse (2 Tm 4, 14 ; 1 Tm 4) : « il vaudrait mieux qu’on lui attachât une meule de moulin au cou et qu’il fût précipité dans le fond de la mer ; » c’est-à-dire qu’il serait préférable pour lui que la passion pour les biens de la terre, passion qui est comme le poids auquel sont attachés les insensés et les aveugles, l’entraînât à la mort.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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