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Mt  15  1-6

Raban. Les habitants de Génézareth et les esprits les plus simples croient en Jésus-Christ, tandis que ceux qui paraissent sages à leurs propres yeux viennent pour lui livrer combat, selon ces paroles : Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux petits. » C’est ce que 1’Évangéliste veut exprimer lorsqu’il dit : « Alors des scribes et des pharisiens, qui étaient venus de Jérusalem s’approchèrent de Jésus. » — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 2, 49.) Saint Matthieu a disposé l’ordre de son récit de manière que ces paroles : « Alors des scribes et des pharisiens s’approchèrent, » etc., servent à la fois de transition et indiquent la suite chronologique des événements.

S. Chrys. (hom. 52.) L’Évangéliste nous marque ici le temps pour dévoiler l’excès de leur méchanceté sans égale, car ils choisissent pour l’attaquer le moment où il vient de faire une multitude de miracles et de guérir les malades par le seul contact de la frange de sa robe. Ces scribes, ces pharisiens viennent de Jérusalem ; ce n’est pas qu’ils ne fussent disséminés dans toutes les tribus, mais ceux qui habitaient la métropole étaient pires que les autres à cause des grands honneurs qui leur étaient rendus et de l’orgueil excessif qui en était la suite. — S. Rémi. Ils sont doublement coupables, parce qu’ils venaient de Jérusalem, la ville sainte, et parce qu’ils étaient les anciens du peuple et les docteurs de la loi et que leur intention n’était pas de consulter le Sauveur, mais de trouver à le reprendre : « Et ils lui dirent : Pourquoi vos disciples violent-ils la tradition des anciens ? » — S. Jérôme. Étonnante folie des pharisiens et des scribes ! Ils reprochent au Fils de Dieu de ne point garder les traditions et les préceptes des hommes. — S. Chrys. (hom. 54.) Voyez comme ils sont pris dans leurs propres paroles : ils ne demandent point pourquoi transgressent-ils la loi de Moïse, mais pourquoi violent-ils les traditions des anciens ? preuve évidente que les prêtres introduisaient un grand nombre de nouveautés, malgré cette défense de Moïse : « Vous n’ajouterez rien aux paroles que je vous dis aujourd’hui et vous n’en retrancherez rien. » C’est alors qu’ils devaient s’affranchir de ces pratiques, qu’ils se liaient par un plus grand nombre de vaines observances, parce qu’ils craignaient qu’on ne vînt leur enlever l’autorité souveraine, et qu’ils voulaient se rendre redoutables en leur qualité de législateurs.

S. Rémi. — Quelles étaient ces traditions ? Saint Marc nous l’apprend : Les pharisiens et tous les Juifs ne mangent point qu’ils ne se lavent fréquemment les mains. » (Mc 7.) Voilà pourquoi ils adressent ce reproche aux disciples de Jésus : « Ils ne lavent pas leurs mains. » — Bède (sur S. Matth.) Comme ils entendaient les paroles des prophètes dans un sens charnel, ils n’observaient ce précepte que Dieu donne par Isaïe : « Lavez-vous et soyez purs » qu’en lavant leurs corps, et ils avaient donc établi qu’on ne pouvait manger qu’après s’être lavé les mains. — S. Jérôme. On doit se laver les mains, c’est-à-dire purifier les oeuvres non du corps, mais de l’âme, pour qu’elles puissent accomplir la parole de Dieu. — S. Chrys. (hom. 52.) Les disciples mangeaient sans s’être lavé les mains, parce qu’ils rejetaient les observances superflues pour ne s’attacher qu’au nécessaire ; ils ne se croyaient obligés ni à se laver, ni à ne se pas laver les mains, et ils pratiquaient l’un et l’autre suivant les occasions. Car, comment auraient-ils pu attacher de l’importance à une semblable tradition, eux qui n’avaient même aucun souci de la nourriture qui leur était nécessaire ? — S. Rémi. Ou bien ce que les pharisiens reprochent aux disciples du Seigneur n’est pas de manquer à l’usage reçu de se laver les mains lorsqu’il eu est besoin, mais de ne pas observer ici les coutumes inutiles, introduites par les traditions des anciens (cf. Mc 7).

S. Chrys. (hom. 52.) Jésus-Christ n’excuse pas directement ses disciples ; mais, prenant le rôle d’accusateur, il fait voir aux scribes et aux pharisiens que ce n’est pas à ceux qui se rendent coupables de fautes énormes qu’il appartient de reprendre les fautes légères que peuvent commettre les autres. Mais il leur répondit : Pourquoi vous-mêmes violez-vous le commandement de Dieu ? » etc. Il ne dit pas que ses disciples font bien pour ne pas donner aux. Juifs occasion de les calomnier ; mais il ne les blâme pas non plus, pour ne point paraître approuver leurs traditions Il n’accuse pas non plus les anciens, ce qu’ils auraient repoussé comme un outrage, mais il reprend ceux qui sont venus le trouver, tout en blâmant indirectement les anciens qui avaient établi cette tradition. « Et vous, pourquoi violez-vous les commandements de Dieu pour votre tradition ? » — S. Jérôme. C’est-à-dire : Comment, vous violez les Commandements de Dieu pour une tradition tout humaine, et vous reprochez à mes disciples d’attacher peu d’importance aux prescriptions des anciens pour observer les commandements de Dieu ? car Dieu a fait ce commandement : « Honore ton père et ta mère. » Cet honneur dont parle l’Écriture consiste moins en marques de déférence, de respect, que dans l’assistance et dans les secours effectifs qu’on leur donne : « Honorez les veuves qui sont vraiment veuves, » dit saint Paul (1 Tm 5), honneur qu’il faut entendre des secours qui leur sont donnés. Dieu, en faisant ce commandement, avait eu en vue les Infirmités, l’âge ou l’indigence des parents, et voulait que les enfants honorassent leurs parents en leur procurant les choses nécessaires à la vie (cf. Ex 20 ; Dt 5 ; Qo 3). — S. Chrys. (hom. 52.) Dieu a voulu montrer combien les parents devaient être honorés par leurs enfants, en sanctionnant ce précepte par la récompense et par le châtiment. Mais Notre-Seigneur, passant sous silence la récompense promise à ceux qui honorent leurs parents, c’est-à-dire une longue vie sur la terre, s’arrête de préférence à ce qui est de nature à les effrayer, c’est-à-dire au châtiment, pour inspirer une vive crainte aux uns et convertir les autres. C’est pour cela qu’il ajoute : « Que celui qui aura outragé son père ou sa mère soit puni de mort. » Il leur prouve par là qu’ils sont vraiment dignes de mort ; car si celui qui outrage de paroles son père ou sa mère est puni de mort, combien plus méritez-vous ce châtiment, vous qui les outragez par vos actions. Et non-seulement vous manquez à l’honneur qui est dû à vos parents, mais encore vous enseignez aux autres à le leur refuser. Comment donc osez-vous accuser mes disciples, vous qui ne méritez pas même de vivre ?

Notre-Seigneur leur fait connaître la manière dont ils violent ce commandement de Dieu, en ajoutant : « Mais vous, vous dites : Quiconque aura dit à son père ou à sa mère : Tout don que j’offre de mon bien, tourne à votre profit. » — S. Jérôme. Les scribes et les pharisiens, voulant détruire cette loi divine et providentielle, pour couvrir leur impiété sous l’apparence de la religion, enseignèrent aux enfants dénaturés que s’ils avaient l’intention de consacrer à Dieu, qui est le Père véritable, ce qui était destiné à leurs parents, ils devaient préférer ce sacrifice aux secours que leur père et leur mère avaient droit d’attendre d’eux. — La glose. Voici donc le sens de ces paroles : Ce que j’offre à Dieu vous servira aussi bien qu’à moi ; vous ne devez donc pas prendre pour votre usage ce qui m’appartient, mais permet que je l’offre à Dieu. — S. Jérôme. Ou bien il est probable que les parents, dans la crainte d’encourir le crime de sacrilège, n’osaient prendre ce qu’ils voyaient consacré à Dieu, et qu’ils étaient réduits à la dernière pauvreté ; il arrivait ainsi que l’offrande faite par les enfants sous le prétexte du temple et de Dieu, tournait au profit des prêtres. La glose. Le sens serait donc celui-ci : Quiconque, c’est-à-dire dire vous, jeunes gens, qui aura dit (ou qui aura pu dire, ou qui dira) à son père ou à sa mère : Mon père, le don que j’offre à Dieu de mon bien, tournera à votre profit, servira à votre usage ; c’est-à-dire vous ne devez pas le prendre, pour ne pas vous rendre coupable de sacrilège. Ou bien encore, on peut dire, en suppléant à ce qui manque : Quiconque dira à son père, etc., sous-entendez, accomplira le commandement de Dieu, ou accomplira la loi, ou sera digne de la vie éternelle. — S. Jérôme. On peut encore donner cette explication abrégée : Vous forcez les enfants de dire à leurs parents : Le don que j’allais offrir à Dieu, je l’emploie par là même à votre entretien, et il tourne à votre profit, mon père et ma mère ; mais non, il n’en est pas ainsi. — La glose. Et c’est ainsi que par suite des conseils que lui aura donnés votre avarice, ce fils n’aura aucun respect pour son père et sa mère, comme il le dit en propres termes : Et il n’honorera ni son père ni sa mère, » comme s’il disait : Voila les mauvais conseils que vous donnez aux enfants, et vous êtes cause que ce fils, plus tard, ne rendra ni à son père ni à sa mère l’honneur qu’il leur doit. C’est ainsi que ce commandement de Dieu qui fait un devoir aux enfants d’assister leurs parents, vous l’avez rendu inutile à cause de votre tradition en servant les intérêts de votre avarice. — S. Augustin. (contre l’ennemi de la loi et des prophètes, 2, 1) Jésus-Christ nous montre ainsi avec évidence, que c’est la loi de Dieu même dont l’hérétique fait l’objet de ses blasphèmes, et que les Juifs ont des traditions étrangères aux livres prophétiques, et que l’Apôtre appelle des fables profanes et des contes de vieilles femmes (1 Tm 4.) — S. Augustin. (cont. Faust., 16, 24.) Notre-Seigneur nous enseigne ici plusieurs choses, d’abord qu’il ne détournait pas les Juifs du Dieu qu’ils adoraient ; et que bien loin de violer lui-même ses commandements, il condamnait ceux qui se rendaient coupables de cette transgression, et qu’enfin ce n’était que par Moïse qu’il avait donné ces préceptes. — S. Augustin. (Quest. évang., 1, 15.) Ou bien dans un autre sens : « Le présent que j’offre de mon bien tournera à votre profit, » c’est-à-dire : Le présent que vous offrez pour moi, vous appartiendra désormais ; paroles qui signifient que les enfants n’avaient plus besoin des sacrifices que leurs parents offraient pour eux, lorsqu’ils étaient arrivés à l’âge où ils pouvaient les offrir eux-mêmes. Parvenus à cet âge, où ils pouvaient tenir ce langage à leurs parents, les pharisiens niaient qu’ils fussent coupables de manquer à l’honneur qu’ils leur devaient.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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