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Mt  15  7-11

S. Chrys. (hom. 52.) Le Seigneur vient de prouver aux pharisiens qu’ils n’avaient pas droit d’accuser ceux qui transgressaient la tradition des anciens, alors qu’ils violaient eux-mêmes la loi de Dieu. Il établit encore la même vérité par le témoignage du prophète : « Hypocrites, leur dit-il, Isaïe a bien prophétisé de vous. » — S. Rémi. Un hypocrite est un homme qui feint, qui simule, et qui affecte de paraître au dehors tout autre qu’il n’est au fond du cœur. C’est avec raison qu’il les appelle hypocrites, eux, qui sous prétexte d’honorer Dieu, ne cherchaient qu’à amasser les biens de la terre. — Raban. Isaïe a prévu cette hypocrisie des Juifs qui les porterait à combattre artificieusement l’Évangile ; et c’est pour cela qu’il a dit au nom du Seigneur : « Ce peuple m’honore des lèvres, » etc. — S. Rémi. Le peuple juif paraissait s’approcher de Dieu, et l’honorer des lèvres et de la bouche ; car il se faisait gloire de n’adorer qu’un seul Dieu ; mais son cœur s’éloigna de lui, parce qu’après avoir vu tant de prodiges et de miracles, il ne voulut ni reconnaître sa divinité, ni le recevoir. — Raban. Ils l’honoraient des lèvres, lorsqu’ils disaient : « Maître, nous savons que vous êtes vrai ; » mais leur cœur était bien loin de lui, lorsqu’ils envoyèrent des hommes pour lui tendre des pièges et le surprendre dans ses discours. — La glose. Ou bien ils l’honoraient en recommandant les purifications extérieures et légales, mais comme ils n’avaient point la pureté intérieure, leur cœur était loin de Dieu, et l’honneur qu’ils lui rendaient était sans fruit pour eux, comme l’ajoute le Sauveur : « Et c’est en vain qu’ils m’honorent, enseignant des maximes et des ordonnances humaines. » — Raban. Ils n’auront point de part à la récompense des vrais adorateurs, eux qui enseignent des doctrines et des préceptes purement humains, au mépris des commandements qui viennent de Dieu.

S. Chrys. (hom. 52.) Après avoir donné un nouveau poids à l’accusation dirigée contre les pharisiens, en l’appuyant de l’autorité du prophètes sans qu’il ait pu les amener à de meilleurs sentiments, il cesse de leur parler, et il s’adresse au peuple : « Puis, ayant appelé le peuple, il leur dit : Écoutez, et comprenez bien ceci. » Comme il doit exposer à la foule une vérité élevée et pleine de sagesse, avant de l’énoncer, il prépare les esprits à la recevoir, en témoignant d’abord des égards et de la sollicitude pour ce peuple ; ce que l’Évangéliste nous indique par ces paroles : « Puis, ayant appelé le peuple. » Les circonstances sont d’ailleurs on ne peut plus favorables pour ce qu’il valeur dire ; car ce n’est qu’après avoir ressuscité des morts et triomphé des pharisiens qu’il propose sa loi pour la faire plus facilement accepter. Il ne se contente pas d’appeler la foule, mais il la rend plus attentive par ces paroles : « Entendez, et comprenez, » c’est-à-dire prêtez votre attention, et élevez votre esprit pour comprendre mes paroles. Il ne leur dit pas : Il ne faut pas faire de distinction entre les aliments, ou c’est à tort que Moïse a prescrit cette distinction ; mais, puisant ses preuves dans la nature même des choses, il parle sous forme d’avertissement et de conseil, et il dit : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, » etc. La traduction de saint Jérôme porte : Qui rend commun (cf. Mc 7, 15). — S. Jérôme. Le mot communicat est une expression particulière aux Écritures, et qui n’est point employé dans le langage ordinaire. Le peuple juif qui se vantait d’être l’héritage de Dieu, donnait le nom de nourriture commune ou impure aux viandes dont se nourrissent tous les hommes, comme la viande de porc, de lièvre, et d’autres animaux qui n’ont pas le sabot fendu, qui ne ruminent pas, et parmi les poissons, ceux qui n’ont point d’écailles. C’est dans ce sens que nous lisons dans les Actes des Apôtres (Ac 10) : « Ne regardez pas comme commun ce que Dieu a sanctifié. » Ainsi le mot commun, qui exprime ce qui est permis aux autres hommes, comme ne faisant point partie de l’héritage de Dieu, est pris ici dans le sens d’impur.

S. Augustin. (cont. Faust., 6, 7.) L’Ancien Testament, qui défend certains aliments, n’est nullement en opposition avec ce que le Seigneur dit ici : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille, » ni avec ces autres paroles de l’Apôtre : « Tout est pur pour ceux qui sont purs » (Tt 1), et encore : « Toute créature de Dieu est bonne. » (1 Tm 4.) Que les Manichéens, s’ils le peuvent, comprennent que l’Apôtre a voulu parler ici des substances considérées en elles-mêmes, tandis que la sainte Écriture, pour établir certaines figures qui étaient en rapport avec le temps, considère certains animaux comme impurs, non pas de leur nature, mais par la signification qui s’y trouve attachée. Ainsi, par exemple, que l’on demande si le porc et l’agneau sont purs de leur nature, il faudra répondre affirmativement, parce que « toute créature de Dieu est bonne. » Mais si on les considère sous un certain rapport significatif, l’agneau est pur, le porc ne l’est pas. Il en est de même pour les mots fou et sage : l’un et l’autre sont purs, si on les considère dans le son de la voix qui les prononce, aussi bien que dans les lettres et les syllabes qui les composent ; mais considérés dans leur signification, le nom de fou, peut recevoir la qualification d’impur, non pas dans sa nature, mais parce qu’il signifie quelque chose d’impur. Peut-être aussi que le fou est dans l’ordre des réalités ce que le porc est dans l’ordre des figures. Ainsi cet animal et ce mot latin de deux syllabes (stultus), que nous traduisons par fou, auraient une seule et même signification ; car la loi répute le porc immonde, parce qu’il ne rumine pas, ce qui tient à sa nature, et n’est point un vice en lui. Il est des hommes qui sont figurés par cet animal, et qui sont impurs par leur propre faute et non par nature, parce qu’après avoir écouté volontiers les leçons de la sagesse, ils n’y pensent plus en aucune façon. Car si après avoir reçu des enseignements utiles, vous les rappelez comme des entrailles de votre mémoire, et que vous reportiez la douceur de ce souvenir comme dans la bouche de la pensée, que faites-vous en cela, que ruminer spirituellement ? Ceux qui agissent différemment sont figurés par les animaux impurs. Or, cette multitude de choses qui nous sont proposées ou dans des expressions allégoriques, ou dans des observances figuratives, font sur les esprits raisonnables une douce et salutaire impression. Mais un grand nombre de ces choses étaient pour le peuple juif autant de préceptes qu’il devait non seulement écouter, mais encore mettre en pratique. C’était le temps où les mystères, dont Dieu réservait la révélation aux siècles qui suivirent, devaient être prophétisés non-seulement par des paroles, mais encore par des faits. Lorsque plus tard ces mystères ont été révélés par le Christ, et dans le Christ, ces observances n’ont pas été imposées comme un joug aux nations qui embrassèrent la foi, mais l’autorité de la prophétie qu’elles contenaient a conservé toute sa force. Or, je demanderai aux Manichéens si cette maxime du Seigneur : « Ce qui entre dans la bouche ne souille pas, » est vraie ou fausse ; s’ils prétendent qu’elle est fausse, pourquoi leur docteur Adimantus, qui reconnaît qu’elle vient de Jésus-Christ, s’en fait une arme pour battre en brèche l’Ancien Testament ? Si elle est vraie, comment peuvent-ils admettre contre sa déclaration que la nourriture souille l’homme ?

S. Jérôme. Un lecteur attentif pourra nous faire cette difficulté : « Si ce qui entre dans la bouche de l’homme ne le souille pas, pourquoi ne pas manger des viandes offertes aux idoles ? Nous répondons que les aliments et toute créature de Dieu sont purs par eux-mêmes ; mais que l’invocation des idoles et des démons rend impures ces viandes immolées aux idoles pour ceux qui les mangent avec la conviction qu’ils font un acte idolâtrique, et ainsi leur conscience qui est faible, en est souillée, suivant la parole de l’Apôtre (1 Co 8). — S. Rémi. Mais celui qui est doué d’une foi assez grande pour comprendre que ce que Dieu a créé ne peut être souillé en aucune manière, sanctifie sa nourriture par la prière et par la parole de Dieu, et il peut manger ce qu’il voudra, à moins, toutefois, que cette liberté ne devienne un scandale pour les personnes faibles, comme le fait remarquer le même Apôtre.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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