Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Matthieu  >  chapitre 12, versets 38-40

Mt  12  38-40

S. Chrys. (hom. 44.) Le Seigneur avait bien des fois réduit les pharisiens au silence et mis un frein à leur impudence ; ils se rejettent donc de nouveau sur ses oeuvres, ce que l’Évangéliste étonné nous raconte en ces termes : « Alors quelques-uns des scribes lui dirent, » etc. Alors, c’est-à-dire quand ils auraient dû se rendre, pleins d’admiration et d’étonnement ; mais ils persévèrent dans leur malice et ils lui disent pour le surprendre : « Nous voudrions que vous nous fassiez voir un prodige. »

S. Jérôme. Ils demandent des prodiges, comme si les faits qu’ils ont vus jusqu’ici n’étaient pas des prodiges. Saint Luc explique plus clairement quelle espèce de miracle ils lui demandent : Nous voudrions que vous nous fassiez voir un prodige dans le ciel (Lc 11). Peut-être voulaient-ils que comme Elie il fît descendre le feu du ciel, ou qu’à l’exemple de Samuel (4 R 1), il fît en plein été et contrairement à ce qui arrive dans ces contrées, il fit gronder le tonnerre, briller les éclairs et tomber la pluie (1 R 7 et 12). Mais n’auraient-ils pas trouvé le moyen de calomnier ces prodiges en disant qu’ils étaient le résultat de causes secrètes et variées qui agissent sur l’atmosphère ? Car, puisque vous calomniez ce que vous voyez de vos yeux, ce que vous touchez de la main, ce dont vous ressentez l’utilité, que ne diriez-vous pas d’un miracle qui viendrait du ciel ? Vous répondriez sans doute que les magiciens en Egypte ont fait eux-mêmes beaucoup de prodiges dans les airs.

S. Chrys. (hom. 43.) Leurs paroles sont pleines à la fois d’adulation et d’ironie. Ils avaient commencé par outrager le Sauveur en le traitant de possédé du démon ; ils cherchent à le flatter maintenant en l’appelant Maître. Aussi leur répond-il avec sévérité : « Cette génération méchante, » etc. Lorsqu’ils le chargeaient d’injures, il leur répondait avec douceur ; mais lorsqu’ils veulent le prendre par la flatterie il leur fait les plus vifs reproches ; il prouve ainsi qu’il était supérieur à toute faiblesse, incapable de s’irriter des outrages ou de faiblir devant la flatterie. Or, voici le sens de ces paroles : « Qu’y a-t-il d’étonnant que vous agissiez ainsi contre moi qui suis pour vous un inconnu, quand vous vous êtes conduit de la même manière à l’égard de mon Père dont vous aviez éprouvé tant de fois la puissance et que vous avez abandonné pour courir aux autels du démon ? » Il les appelle « génération méchante » parce qu’ils n’ont jamais eu que de l’ingratitude pour leurs bienfaiteurs. Les bienfaits ne font que les rendre plus mauvais, ce qui est le comble de la perversité. — S. Jérôme. Le mot « adultère » qu’il ajoute est parfaitement choisi, parce que cette génération avait abandonné son mari et que, suivant Ezéchiel, elle s’était livrée à plusieurs amants (Ez 16, 15.24.25.33). — S. Chrys. (hom. 43.) Il se déclame ainsi l’égal de Dieu son Père, puisque c’est pour n’avoir pas voulu croire en lui que cette génération est devenue adultère.

Raban. Il va maintenant leur répondre non pas en leur faisant voir un prodige dans le ciel, mais en le tirant des profondeurs de la terre. Il a donné ce signe dans le ciel, mais à ses disciples, en leur dévoilant la gloire de l’éternelle félicité, d’abord en figure sur la montagne (Mt 18), et puis en réalité lorsqu’il s’éleva dans les cieux. (Mc 16.) Il ajoute : « On ne lui donnera pas d’autre signe. » — S. Chrys. (hom. 43.) Il parle ainsi, parce que ce n’était pas pour les amener à lui qu’il faisait des miracles, car il savait qu’ils étaient plus durs que la pierre, mais c’était pour en convertir d’autres. Ou bien c’est parce qu’ils ne devaient pas être témoins d’un signe tel qu’ils le demandaient. En effet, il leur donna plus tard un signe, alors qu’ils apprirent à connaître sa puissance par leur propre châtiment, et c’est ce qu’il leur fait entendre à mots couverts en leur disant : « On ne lui donnera pas de signe, » paroles dont voici le sens : J’ai répandu sur vous mes bienfaits à profusion, aucun d’eux ne vous a portés à rendre hommage à ma puissance ; vous la connaîtrez donc par le châtiment qui vous attend, lorsque vous verrez la destruction de votre cité. Il entremêle ici une prédiction de sa résurrection, qu’ils devaient aussi connaître un jour par leur supplice, « si ce n’est le signe du prophète Jonas. » La croix n’aurait jamais été l’objet de la foi si elle n’avait eu pour elle le témoignage des miracles, et si elle n’avait pas été crue, la résurrection ne l’aurait pas été davantage ; c’est pour cela qu’il l’appelle un signe, et que pour en faire reconnaître la vérité il en rappelle une figure prophétique : « Car, de même que Jonas fut dans le ventre de la baleine, » etc. — Raban. Il fait voir aux Juifs qu’ils sont aussi coupables que les Ninivites, et que leur ruine est imminente s’ils ne font pénitence ; mais de même que Jonas, en annonçant le châtiment, indique les moyens de l’éviter, ainsi les Juifs ne doivent pas désespérer de leur pardon, si du moins, après la résurrection de Jésus-Christ, ils font pénitence. Jonas, dont le nom signifie colombe et celui qui gémit, figure celui sur lequel l’Esprit saint descendit en forme de colombe (Lc 3), et qui s’est chargé de nos souffrances. (Is 53.) La baleine qui engloutit Jonas au milieu de la mer (Jon 2) signifie la mort que Notre-Seigneur Jésus-Christ a endurée sur la croix. Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, le Christ demeura le même temps dans le tombeau. Jonas fut jeté sur le rivage, le Christ a ressuscité dans sa gloire.

S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 3, 24.) Quelques auteurs qui paraissent ignorer la manière de s’exprimer de l’Écriture, ont voulu compter pour une nuit les trois heures qui s’écoulèrent de la sixième à la neuvième et pendant lesquelles le soleil fut obscurci, et pour un jour les trois autres heures, depuis la neuvième jusqu’au coucher du soleil, pendant lesquelles il éclaira de nouveau la terre. Vint ensuite la nuit du sabbat, et en la comptant avec le jour qui suivit on a deux nuits et deux jours. Après le jour du sabbat vient la nuit du premier jour de la semaine (c’est-à-dire la nuit qui précède le dimanche) dans laquelle le Seigneur est ressuscité. Nous avons donc deux nuits et deux jours et de plus une nuit, alors même qu’on devrait la comprendre tout entière, et que nous ne prouverions pas que le point du jour était la partie extrême de cette nuit. C’est ainsi que sans compter ces six heures (dont trois heures de nuit et trois heures de jour), nous avons réellement trois jours et trois nuits, et il ne nous reste plus qu’à démontrer que cette explication est conforme à l’usage de l’Écriture, qui prend souvent la partie pour le tout. — S. Jérôme. Ce n’est pas que Jésus-Christ ait été les trois jours entiers et les trois nuits dans les enfers, mais on entend que ces trois jours et ces trois nuits sont formés d’une partie du jour de la Pâque, d’une partie du dimanche et du jour du sabbat tout entier. — S. Augustin. (De la Trinité, 4, 9.) L’Écriture elle-même nous témoigne que ces trois jours ne furent pas complets ; mais la seconde partie du premier jour et la première partie du troisième jour sont comptées pour des jours entiers ; quant au jour intermédiaire, c’est-à-dire le deuxième jour, il est complet et a ses vingt-quatre heures, douze de nuit et douze de jour. La nuit qui précéda la première aurore où la résurrection du Seigneur eût lieu appartient au troisième jour. Car de même que les premiers jours de l’homme sur la terre se comptent du jour à la nuit comme symbole de sa chute future, de même les jours se comptent ici de la nuit au jour comme figure de la réparation de l’homme. — S. Chrys. (hom. 44.) Il ne leur dit pas clairement qu’il ressusciterait, car ils se seraient moqués de lui ; mais il le leur donne à entendre pour qu’ils pussent croire par la suite ce qu’il avait prédit par avance. Il ne dit pas simplement : « Dans la terre, » mais « dans les entrailles de la terre » pour exprimer une véritable sépulture, et afin que personne ne pût soupçonner que sa mort n’était qu’apparente. Il dit clairement qu’il y restera trois jours, afin que l’on ne pût douter de la réalité de sa mort. D’ailleurs la figure de la résurrection est une preuve de sa réalité, car Jonas ne fut pas seulement en apparence, mais bien réellement dans le ventre de la baleine. Or la vérité n’aurait-elle existé qu’en apparence, tandis que la figure a existé en réalité ? Les disciples de Marcion sont donc de véritables enfants du démon, en affirmant avec leur maître que la passion du Christ n’a été qu’imaginaire ; ajoutons que le signe du prophète Jonas, qui devait être donné à cette génération est une preuve que le Sauveur devait souffrir la mort pour les Juifs, quoiqu’ils n’en dussent tirer aucun profit (cf. Jon 1, 5).

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle