Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Matthieu > chapitre 12, versets 41-42
S. Chrys. (hom. 44.) On aurait pu croire que les Juifs auraient un jour le même sort que les Ninivites, et qu’ils se convertiraient après la résurrection du Sauveur, comme les Ninivites s’étaient convertis à la voix de Jonas et avaient ainsi sauvé leur ville de la destruction qui la menaçait. Notre-Seigneur déclare ici qu’un sort tout différent leur est réservé ; et loin que le bienfait de sa mort leur soit utile, elle ne fera qu’aggraver leur supplice, comme il le prouvera plus bas par l’exemple du démon. Il montre d’abord ici l’équité de leur condamnation : « Les habitants de Ninive se lèveront, dit-il, au jour du jugement contre cette génération. » — S. Rémi. Le Seigneur, en s’exprimant de la sorte, établit clairement qu’il n’y aura qu’une seule résurrection pour les bons et pour les méchants, contre quelques hérétiques qui ont prétendu qu’il y aurait une résurrection pour les bons et une pour les méchants. Il détruit en même temps cette opinion fabuleuse des Juifs qui disent que la résurrection aura lieu mille ans avant le jugement, et il déclare ouvertement, au contraire, que le jugement suivra immédiatement la résurrection : « Et ils condamneront cette génération. » — S. Jérôme. Ce ne sera pas en prononçant contre elle le jugement souverain, mais par la simple opposition de leur conduite ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Parce qu’ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et voilà plus que Jonas ici. » Le mot hic doit être pris comme adverbe de lieu, et non pas comme pronom. Jonas (selon la version des Septante) ne prêcha que pendant trois jours ; j’ai prêché pendant un temps beaucoup plus long ; il s’adressait aux Assyriens, nation infidèle ; je m’adresse aux Juifs, peuple de Dieu ; il ne fit que prêcher sans opérer de miracles, et moi, après tant et de si grands prodiges, je suis accusé calomnieusement de connivence avec Béelzébub.
S. Chrys. (hom. 44.) Le Seigneur, non content de cet exemple, en ajoute un autre : « La reine du Midi, » etc. Cet exemple est plus frappant encore que le premier. Jonas alla trouver les Ninivites ; la reine du Midi n’attendit pas que Salomon se rendit près d’elle, mais elle alla le trouver elle-même, et c’était une femme, une barbare, habitant des contrées éloignées ; elle n’était pas dominée par la crainte de la mort, mais par le seul désir d’entendre les paroles de la sagesse. Cette femme s’est donc rendue ici, moi j’y suis venu ; elle est arrivée des extrémités de la terre, et moi je parcours les villes et les campagnes ; elle discuta sur les arbres et sur les plantes, et moi j’enseigne d’ineffables mystères. — S. Jérôme. Cette reine du Midi condamnera le peuple juif, de la même manière que les Ninivites condamneront les Israélites incrédules. Cette reine est la reine de Saba dont il est question au livre 3 des Rois et au 2 des Paralipomènes. Elle abandonna son peuple et son royaume et à travers mille difficultés elle vint dans la Judée pour entendre la sagesse de Salomon, et lui offrit une multitude de présents (3 R 10 et 11 ; Paralip., 9). Les Ninivites et la reine de Saba sont la figure des nations qui ont embrassé la foi et qui ont été préférées au peuple d’Israël. — Raban. Les Ninivites représentent ceux qui renoncent au péché ; la reine de Saba, ceux qui ne connaissent pas le péché ; car la pénitence efface le péché, mais la sagesse apprend à l’éviter.
S. Rémi. Le nom de reine convient admirablement à l’Église, parce qu’elle sait diriger sa conduite ; c’est d’elle que le Psalmiste a dit : « La reine s’est tenue debout à votre droite. » (Ps 44.) C’est la reine du Midi, parce qu’elle est pleine du feu de l’Esprit saint. Le vent brûlant du Midi est une figure de l’Esprit saint. Salomon, dont le nom signifie le pacifique, représente celui dont il est dit « C’est lui qui est notre paix. » (Ep 2.)
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.