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Mt  12  25-26

S. Jérôme. Les pharisiens attribuaient au prince des démons les oeuvres de Dieu ; Notre-Seigneur répond non à ce qu’ils disaient mais à ce qu’ils pensaient au-dedans d’eux-mêmes (cf. Ps 7, 9 ; Jr 17, 10), pour les forcer de croire à la puissance de Celui qui voyait le fond des cœurs. « Or Jésus connaissant leurs pensées, » etc. — S. Chrys. (hom. 42 sur S. Matth.) Ils avaient déjà accusé plus haut le Seigneur de chasser les démons par Beelzébub, sans qu’il les en eût repris ; il voulait laisser à la multitude de ses miracles de leur faire connaître sa puissance, et à sa doctrine de révéler sa grandeur ; mais comme ils persévéraient dans cette interprétation calomnieuse, il leur en fait des reproches sévères, bien que cette accusation n’eût pas le moindre fondement, car l’envie n’examine pas la nature de ses accusations, pourvu qu’elle accuse. Cependant Jésus ne leur répond point avec mépris, mais ses paroles sont pleines de douceur et de dignité pour nous apprendre à être doux envers nos ennemis, à ne point nous troubler alors même qu’ils nous accuseraient de choses que nous ne reconnaissons pas en nous et qui n’ont aucun fondement. Cette conduite fait même ressortir l’odieux de leurs calomnies, car un possédé du démon n’aurait pu faire ni paraître une aussi grande douceur, ni connaître les pensées des cœurs. C’est du reste parce que leurs accusations étaient dépourvues de toute raison, qu’ils redoutaient la multitude, et qu’ils n’osaient rendre publique cette accusation contre le Christ ; ils se contentaient de l’agiter au fond de leur cœur. C’est pour cela que l’Évangéliste dit : « Or, Jésus connaissant leurs pensées. » Le Sauveur, dans sa réponse, ne relève point cette volonté qu’ils avaient de l’accuser ; il ne divulgue pas leur méchanceté, il se contente de leur répondre, car son désir était d’être utile aux pécheurs et non pas de dévoiler leurs crimes. Il ne se justifie point non plus à l’aide de témoignages de 1’Écriture, car ils n’y auraient fait aucune attention et les auraient expliqués dans un autre sens, mais il tire sa réponse des choses qui arrivent ordinairement. Les guerres qui viennent de l’extérieur sont bien moins funestes que les guerres civiles : c’est ce qui se vérifie également pour tous les corps comme pour tous les êtres. Mais le Seigneur emprunte ses exemples aux choses qui sont plus connues : « Tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné, » etc. Rien n’est plus puissant sur la terre qu’un royaume, cependant la division est pour lui un principe certain de ruine ; que dire après cela d’une ville, d’une maison, divisées contré elles-mêmes. Grand ou petit, tout ce qui combat contre soi-même se détruit nécessairement. — S. Hil. (can. 12.) Le sort d’une maison ou d’une cité est ici le même que celui d’un royaume ; c’est pour cela qu’il ajoute : « Toute ville ou toute maison divisée contre elle-même ne pourra subsister. » — S. Jérôme. De même que la concorde fait croître les plus petites choses, ainsi la division fait tomber les plus grandes.

S. Hil. (can. 12) La parole de Dieu est riche et féconde, et soit qu’on l’entende dans le sens le plus simple, soit qu’on pénètre dans ses profondeurs, elle est indispensable à tout progrès de l’âme. Laissons donc de côté l’interprétation commune assez claire d’elle-même, et arrêtons-nous au sens intime de ces paroles. Le Seigneur, ayant à repousser l’accusation de faire des miracles par Béelzébub, fait retomber cette accusation sur ses auteurs. En effet, la loi vient de Dieu et la promesse du royaume d’Israël découle de la loi : si le royaume de la loi est divisé contre lui-même, il faut nécessairement qu’il se détruise, et c’est ainsi que le royaume d’Israël a perdu la loi, alors que le peuple de la loi attaquait dans le Christ l’accomplissement de la loi. C’est la ville de Jérusalem qui est ici désignée, elle qui, après avoir dirigé contre le Christ tous les flots de la fureur populaire et mis en fuite les Apôtres avec la multitude des croyants, ne tiendra pas contre cette division, et le Sauveur prédit ici la ruine de cette ville, qui suivit de près cette division. Il ajoute ensuite : Et si Satan chasse Satan, comment son royaume subsistera-t-il ? — S. Jérôme. C’est-à-dire : Si Satan combat contre lui-même et si le démon se déclare l’ennemi du démon, la fin du monde devrait être proche, car il n’y aurait plus de place pour ces puissances ennemies dont les divisions assurent la paix aux hommes. — La glose. Le Seigneur les renferme donc dans un dilemme dont ils ne peuvent sortir : ou bien le Christ chasse le démon par la puissance de Dieu, ou bien par la vertu du prince des démons. Si c’est par la puissance de Dieu, vos calomnies tombent à faux ; si c’est par le prince des démons, le royaume des démons est donc divisé contre lui-même, et il ne peut subsister. C’est pour cela que les pharisiens se retirent de son royaume, et le Sauveur insinue que c’est de leur propre choix, parce qu’ils ont refusé de croire en lui. — S. Chrys. (hom. 42.) Ou bien si ce royaume est divisé, il s’est affaibli par cette division et il est perdu ; et, s’il est perdu, comment peut-il en renverser un autre ? — S. Hil. (can. 12.) Ou bien encore si le démon est forcément l’auteur de cette division intestine, et qu’il porte le trouble parmi les démons eux-mêmes, il faut en conclure que celui qui est parvenu à les diviser a plus de puissance que ceux qu’il a divisés ; donc le royaume du démon, devenu le théâtre d’une telle division, est détruit. — S. Jérôme. Si vous pensez, scribes et pharisiens, que les démons se retirent pour obéir à leurs chefs, pour tromper par cette démarche simulée les hommes ignorants, que pouvez-vous dire de ces guérisons miraculeuses dont le Sauveur est l’auteur ? A moins que vous ne reconnaissiez aussi dans le démon la puissance de guérir les infirmités du corps et le pouvoir d’opérer des prodiges spirituels.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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