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Mt  12  14-21

S. Hil. (can. 12.) L’envie soulève contre Jésus l’esprit des pharisiens, parce qu’ils ne voyaient en lui que l’homme, et qu’ils ne voulaient pas y découvrir Dieu dans les oeuvres qu’il opérait. L’Évangéliste ajoute donc : « Mais les pharisiens, étant sortis, » etc. — Raban. Ils sortent, parce que leur âme s’est détournée de Dieu ; ils tinrent conseil pour prendre les moyens de perdre la vie et non de la trouver pour eux-mêmes. — S. Hil. (can. 42.) Jésus, connaissant leurs desseins, se retire pour s’éloigner de ce conseil d’iniquité. « Or, Jésus, le sachant, » etc. — S. Jérôme. Il se retire, parce qu’il connaît les piéges qu’ils veulent lui tendre, et qu’il veut leur ôter l’occasion d’exercer contre lui leurs projets impies. — S. Rémi. Ou bien il se retire comme homme pour se dérober à leurs embûches, ou bien encore parce que ce n’était ni le temps ni le lieu où il devait souffrir ; car il ne convenait pas qu’un prophète fût mis à mort hors de Jérusalem, comme il le dit lui-même. (Lc 13.) Il s’éloigne encore de ceux qui le haïssent et le persécutent, pour aller où il trouvera un grand nombre de cœurs qui l’aiment et qui lui sont dévoués. C’est ce que l’Évangéliste nous indique en disant : « Et beaucoup de personnes le suivirent. » Ainsi, tandis que les pharisiens réunissent tous leurs efforts pour le perdre, une multitude sans instruction le suit, en professant pour lui un attachement unanime. Aussi ne tarde-t-il pas à récompenser leurs désirs ; il est dit, en effet : « Et il les guérit tous. » — S. Hil. Il commande à ceux qu’il guérit de garder le silence sur leur guérison. « Et il leur commanda de ne point le faire connaître. » La santé qu’il avait rendue à chacun d’eux était un témoignage en sa faveur ; mais en commandant le silence, ou en faisant une obligation du secret, il évite toute occasion de vaine gloire ; et cependant il se fait connaître par cela seul qu’il commande le secret, puisqu’on ne garde le silence qu’à l’égard d’une chose dont on ne doit point parler. — S. Hil. Il nous apprend aussi, lorsque nous avons fait quelque action importante, à ne point rechercher les louanges des hommes.

S. Rémi. Un autre motif pour lequel il leur commande de ne point le découvrir, c’est afin de ne point rendre ses persécuteurs plus coupables. — S. Chrys. (hom. 41.) De peur que ces actes de folie, incroyables dans les pharisiens, ne vous jettent dans le trouble, Jésus apporte le témoignage du Prophète. Car l’exactitude des prophètes est si grande en ce qui concerne le Christ, qu’ils ont rapporté les moindres détails de sa vie, ses voyages, ses marches, et jusqu’aux intentions qui le faisaient agir, pour vous montrer que toutes ces choses leur étaient dictées par l’Esprit saint. Il est impossible, en effet, de connaître les pensées d’un homme, à plus forte raison les intentions du Christ, à moins que l’Esprit saint ne les révèle. L’Évangéliste ajoute donc : « Afin que cette parole du prophète Isaïe fût accomplie : « Voici mon serviteur, » etc. — S. Rémi. Notre-Seigneur est appelé le serviteur du Dieu tout-puissant, non pas comme Dieu, mais suivant l’économie de son incarnation ; car par la coopération du Saint-Esprit il a pris dans le sein de la Vierge une chair exempte de la tache du péché. Quelques exemplaires portent : « L’élu que j’ai choisi ; » car il a été choisi, c’est-à-dire prédestiné par Dieu le Père, pour être non pas son fils adoptif, mais son propre fils. — Raban. Il dit : « Je l’ai choisi » pour une oeuvre que nul autre n’a faite, pour racheter le genre humain, et rétablir la paix entre le monde et Dieu.

suite. « Mon bien-aimé, en qui j’ai mis mon affection, » car lui seul est cet Agneau sans tache dont le Père a dit : « Voici mon Fils bien-aimé en qui mon âme a mis ses complaisances. » — S. Rémi. Ces paroles : « Mon âme, » ne doivent pas être entendues en ce sens que Dieu le Père ait une âme comme la nôtre ; c’est par métaphore que le prophète lui attribue une âme pour exprimer son affection. Et en cela rien d’étonnant, puisque nous lui attribuons de la même manière les différents membres de notre corps. — S. Chrys. (hom. 41.) Le Prophète a commencé par l’énumération de ces deux caractères, pour vous indiquer que tout ce qui suit s’est fait selon le bon plaisir du Père ; car celui qui est aimé agit conformément à la volonté de celui qui l’aime. De même celui qui est élu ne détruit pas la loi par opposition à celui qui l’a choisi, il ne se présente pas comme l’ennemi du législateur, mais comme en parfaite harmonie avec lui. Or, c’est parce qu’il est mon bien-aimé que « je ferai reposer mon esprit sur lui. » — S. Rémi. Dieu le Père fit reposer son esprit sur lui, lorsque par l’opération du Saint-Esprit il prit un corps dans le sein de la Vierge Marie, et lorsqu’étant fait homme, il fut inondé de la plénitude de l’Esprit saint.

S. Jérôme. L’Esprit saint repose non pas sur le Verbe de Dieu, sur ce Fils unique qui sort du sein du Père (Jn 1, 18 ; 8, 4), mais sur celui dont il a été dit : « Voici mon serviteur. » Que doit-il opérer par son ministère ? Écoutez la suite : « Il annoncera la justice aux nations. » — S. Augustin. (Cité de Dieu, 21, 30.) C’est qu’en effet, il est venu annoncer le jugement à venir à ceux qui l’ignoraient. — S. Chrys. (hom. 41.) Il fait ensuite connaître son humilité, en ajoutant : « Il ne disputera point, » car il s’est offert selon le bon plaisir de son Père, et il s’est livré de lui-même entre les mains de ses persécuteurs. « Il ne criera point, » car il s’est tu comme un agneau devant celui qui le tond. « Personne n’entendra sa voix sur les places publiques. » — S. Jérôme. La voie qui conduit à la perdition est large et spacieuse, et il en est beaucoup qui la prennent ; or il en est beaucoup qui n’entendent pas la voix du Sauveur, parce qu’ils sont non dans la voie étroite, mais dans la voie large (Mt 7, 13). — S. Rémi. Le mot grec πλατεια, correspondant au mot latin platea, place publique, veut dire étendue ; personne donc n’a entendu sa voix dans les lieux spacieux, parce qu’il a promis à ceux qui l’aiment, non pas les jouissances de la vie, mais de rigoureuses privations.

S. Chrys. (hom. 41.) Le Sauveur voulait, par cette douceur, guérir l’esprit des Juifs ; mais bien qu’ils aient rejeté les avances de sa bonté, il ne voulut pas leur résister en les détruisant. Aussi le Prophète nous fait-il connaître à la fois sa puissance et leur faiblesse dans les paroles suivantes : « Il ne brisera pas le roseau cassé, et il n’éteindra pas la mèche qui fume encore. » — S. Hil. Celui qui ne tend pas la main au pécheur, et qui ne porte point le fardeau dont son frère est chargé, achève de briser le roseau cassé ; et celui qui méprise la plus petite étincelle de foi dans le dernier des croyants, éteint la mèche qui fume encore. S. Augustin. (Cité de Dieu, 20, 30.) Il ne voulut donc ni briser ni éteindre les Juifs ses persécuteurs, comparés ici au roseau brisé, parce qu’ils n’avaient plus leur intégrité, et à la mèche qui fume, parce qu’ils avaient perdu la lumière ; cependant il leur pardonne, car il n’était pas encore venu pour les juger, mais pour être jugé par eux. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 3.) A l’occasion de cette mèche qui fume, remarquez qu’en perdant sa lumière, elle exhale une mauvaise odeur.

S. Chrys. (hom. 41.) Ou bien par ces paroles : « Il n’achèvera pas de briser le roseau cassé », il leur fait voir qu’il lui était facile de les briser tous, comme on brise un roseau, et non pas un roseau quelconque, mais un roseau déjà cassé. Ce qui suit : « Il n’éteindra pas la mèche qui fume encore, » nous montre leur fureur allumée contre lui, et la toute-puissance de Jésus-Christ pour éteindre cette fureur avec la plus grande facilité, et c’est en cela qu’il fait paraître l’excès de sa douceur. — S. Hil. (can. 12.) Ou bien par ce roseau qu’il n’achève pas de briser, il nous apprend que les nations fragiles et déjà brisées, n’ont pas été broyées entièrement, mais qu’elles ont été réservées pour le salut ; et en ajoutant : « Il n’éteindra pas la mèche qui fume encore, » il nous montre que la dernière étincelle de feu n’est pas éteinte dans cette mèche qui fume encore, c’est-à-dire que l’esprit de la grâce ancienne n’a pas entièrement disparu du milieu des restes d’Israël, parce qu’elles ont conservé, avec la faculté de faire pénitence, le pouvoir de recouvrer la lumière dans tout son éclat. — Raban. Ou bien, au contraire, ce roseau brisé, ce sont les Juifs agités par le vent, et dispersés bien loin les uns des autres. Cependant le Seigneur ne les condamne pas immédiatement, mais il les supporte avec patience. Cette mèche qui fume encore serait alors le peuple, formé des nations, qui, après avoir éteint dans son cœur la chaleur de la loi naturelle, était enveloppé de toutes parts d’erreurs. ténébreuses, semblables à une épaisse fumée qui blesse les yeux. Or, non seulement le Seigneur n’éteignit pas cette mèche fumante, et ne la réduisit pas en cendres, mais au contraire il fit jaillir de cette étincelle la flamme la plus vive et le feu le plus ardent.

S. Chrys. (hom. 41.) On pourra peut-être objecter : Quoi donc, en sera-t-il toujours ainsi ? supportera-t-il jusqu’à la fin ceux qui se laissent emporter à cet excès de malignité et de folie ? Non ; mais lorsque sa mission sera terminée, il passera à un autre ordre de choses, et c’est ce qu’il nous déclare par ces mots : « Jusqu’à ce qu’il fasse triompher la justice de sa cause. » Comme s’il disait : Lorsqu’il aura accompli l’objet de sa mission, ce sera le tour de la vengeance absolue ; car alors ses ennemis seront sévèrement châtiés, lorsqu’il aura rendu son triomphe si éclatant qu’il n’y aura plus de place pour leurs insolentes contradictions. — S. Hil. (can. 12.) Ou bien jusqu’à ce qu’il fasse triompher le jugement en dépouillant la mort de toute sa puissance et en faisant revenir avec lui la justice dans son retour triomphant. — Raban. Ou bien encore jusqu’à ce que le jugement dont il était l’objet aboutisse à une victoire éclatante, car après avoir triomphé de la mort par sa résurrection, après avoir chassé le prince de ce monde, il est rentré triomphant dans le royaume des cieux et s’est assis à la droite de son Père, jusqu’à ce qu’il ait réduit tous ses ennemis sous ses pieds (1 CO 1, 15.) — S. Chrys. (hom. 41.) Mais sa puissance ne se bornera pas à punir ceux qui auront refusé de croire en lui, il entraînera encore après lui tout l’univers : « Et les nations espéreront en son nom. » — S. Augustin. (Cité de Dieu, 20, 30.) Nous voyons déjà l’accomplissement de cette dernière partie de la prophétie, et cet accomplissement qui est incontestable nous garantit l’accomplissement du jugement dernier, que quelques-uns ont la témérité de nier, jugement qui aura lieu sur la terre parce que le Christ descendra lui-même du haut des cieux. En effet, qui aurait jamais cru que les nations espéreraient dans le nom du Christ, alors qu’il était au pouvoir de ses ennemis, chargé de chaînes, frappé de verges, bafoué et attaché sur une croix, et quand ses disciples eux-mêmes avaient perdu le peu d’espérance qu’ils avaient placée en lui. Ce qu’alors un voleur seul avait à peine espéré sur la croix, est devenu l’objet de l’espérance de toutes les nations répandues sur la face de la terre, et tous les hommes recourent au signe de cette croix sur laquelle il est mort pour se garantir eux-même de la mort éternelle. Que personne donc ne doute que Jésus-Christ n’accomplisse un jour ce dernier jugement tel qu’il a été prédit.

S. Rémi. Remarquons que ce témoignage du prophète ne vient pas confirmer seulement la vérité de ce passage, mais la vérité d’une multitude d’autres. Ainsi ces paroles : « Voici mon serviteur, » se rapportent à cet endroit où le Père dit : « Celui-ci est mon Fils, » (Mt 3) ; et ces autres : « Je placerai mon esprit en lui, » au miracle de l’Esprit saint descendant sur le Seigneur au moment de son baptême. (Lc 3.) Ce qu’il ajoute : « Il annoncera la justice aux nations, » se rapporte à ce que saint Matthieu dit ailleurs : « Lorsque le Fils de l’homme s’assiéra sur le trône de sa gloire. » (Mt 25) Ces autres paroles : « Il ne disputera ni ne criera » se sont vérifiées lorsque le Seigneur ne répondit presque rien au prince des prêtres et à Pilate (Mt 26, 27), et qu’il garda un silence absolu devant Hérode (Lc 23). Ce qui suit : « Il n’achèvera pas de briser le roseau cassé » se rapporte à ce trait de la vie du Sauveur où il se dérobe à la fureur de ses ennemis pour leur éviter un plus grand crime (Jn 7 et 8) ; enfin ces paroles : « Les nations espéreront en son nom » peuvent se rapporter à ce passage de saint Matthieu : « Allez, enseignez toutes les nations. » (Mt 28.)

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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