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Lc  9  32-36

Théophile. Pendant que Jésus priait, Pierre se laisse gagner par le sommeil, car il était faible, et il cède ici à la faiblesse propre à la nature humaine : « Cependant Pierre, et ceux qui étaient avec lui, étaient appesantis par le sommeil, » mais aussitôt qu’ils sont réveillés, ils voient la gloire qui l’environne, et les deux hommes qui étaient avec lui : « Et se réveillant, ils le virent dans sa gloire, et les deux hommes qui étaient avec lui. » — S. Chrys. (hom. 57 sur S. Matth.) On peut encore entendre par ce sommeil, la grande stupeur dont cette vision frappa les Apôtres, car il n’était pas nuit, mais l’éclat de la lumière blessait la faiblesse de leurs yeux. — S. Ambr. En effet, la splendeur ineffable de la divinité est un poids accablant pour la faiblesse de nos sens, car si les yeux qui nous servent à voir les corps ne peuvent regarder en face l’éclat des rayons du soleil, comment les sens corruptibles de l’homme pourraient-ils contempler la gloire de Dieu ? Peut-être aussi, Jésus permit qu’ils fussent appesantis par le sommeil, afin de voir l’image de la résurrection qui suivit le sommeil. ils virent donc le Seigneur dans sa gloire, lorsqu’ils se furent réveillés, car ce n’est qu’à cette condition qu’on peut voir la gloire du Christ. Pierre en fut ravi de joie, et la gloire de la résurrection captiva celui que les délices du siècle ne devaient pas séduire : « Et comme ils le quittaient, » etc. — S. Cyrille. Peut-être Pierre pensait-il que le temps du royaume de Dieu approchait, et c’est pourquoi il demande à rester sur la montagne. — S. Jean Damascène. (Disc. sur la transfig.) Il ne vous est pas avantageux, ô Pierre, que Jésus reste sur la montagne, car s’il y fut resté, la promesse qu’il vous a faite n’aurait pas eu son accomplissement, vous n’auriez pas reçu les clefs du royaume, et l’empire de la mort n’eût pas été détruit. Ne cherchez pas le bonheur avant le temps marqué, comme Adam, qui cherchait à devenir semblable à Dieu. Viendra un jour où vous contemplerez éternellement cette sublime vision, et où vous habiterez avec celui qui est la lumière et la vie.

S. Ambr. Cependant Pierre, toujours prompt, non seulement à manifester son amour, mais à donner des preuves de son dévouement, offre dans sa pieuse activité, au nom de ses compagnons, de construire trois tentes : « Faisons trois tentes, une pour vous, » etc. — S. Jean Damascène. Le Seigneur vous a donné la mission de construire, non point des tentes, mais l’Église universelle ; vos disciples, vos brebis ont accompli votre désir en construisant une tente pour le Christ et aussi pour ses serviteurs. Du reste, saint Pierre ne parlait pas ainsi de lui-même, mais par une inspiration de l’Esprit saint, qui lui révélait les choses futures, c’est pour cela que l’Évangéliste ajoute : « Ne sachant ce qu’il disait. » — S. Cyrille. Il ne savait ce qu’il disait, car on n’était pas encore à la fin des siècles, et le temps n’était pas encore venu pour les saints, de participer au bonheur qui leur était promis. Et alors que l’oeuvre de la rédemption ne faisait que commencer, comment Jésus-Christ aurait-il cessé d’aimer le monde et de vouloir mourir pour lui ? — S. Jean Damascène. Il était d’ailleurs de la bonté comme de la justice de Dieu, de ne point restreindre le fruit de l’incarnation à ceux qui étaient sur la montagne avec Jésus, mais de L’étendre à tous ceux qui embrasseraient la foi, ce qui ne devait s’accomplir que par les souffrances de sa passion et par sa croix. — Tite de Bostra. Pierre ne savait pas ce qu’il disait, pour une autre raison, c’est qu’il n’était pas besoin de trois tentes pour les trois dont il parle, car on ne peut mettre les serviteurs sur le même rang que leur maître, ni comparer la créature au Créateur. — S. Ambr. D’ailleurs la condition naturelle à l’homme dans ce corps corruptible, ne lui permet d’élever un tabernacle à Dieu, ni dans son âme, ni dans son corps, ni dans tout autre lieu. Cependant, quoiqu’il ne sût pas ce qu’il disait, Pierre offre ses services au Sauveur, et son zèle ne vient pas ici d’une vivacité irréfléchie, mais d’un dévouement prématuré qui était comme le fruit de son amour pour Jésus ; son ignorance venait de sa condition, sa proposition de son dévouement. — S. Chrys. (hom. 57 sur S. Matth.) Ou bien encore, il entendait le Sauveur déclarer qu’il lui fallait mourir, et ressusciter le troisième jour, et comme il contemplait l’étendue de l’espace et de la solitude où il se trouvait, il jugea que ce lieu offrait plus de sûreté, ce qui lui fait dire : « Il est bon pour nous d’être ici. » Ajoutez qu’il voyait Moïse, qui entra autrefois dans la nuée (Ex 24), et Élie, qui fit descendre le feu du ciel (4 R 1), et vous comprendrez le trouble de son esprit, que l’Évangéliste veut exprimer par ces paroles : « Il ne savait ce qu’il disait. » — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 56.) Saint Luc, dit de Moïse et d’Élie : « Comme ils se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : Maître, il nous est bon d’être ici, » ce qui n’est nullement en contradiction avec le récit de saint Matthieu et de saint Marc, d’après lequel Pierre tint ce langage, alors que Moïse et Élie s’entretenaient encore avec le Seigneur, car ces deux Évangélistes ne se sont pas expliqués, mais ont gardé le silence sur ce que dit saint Luc, que Pierre parla ainsi, alors que Moïse et Élie se retiraient.

Théophile. Pendant que Pierre disait : « Faisons trois tentes, » le Seigneur se construit une tente qui n’est pas faite de main d’homme, et il y entre avec les prophètes : « Il parlait encore, lorsqu’une nuée se forma et les enveloppa de son ombre, » Le Sauveur montre ainsi qu’il n’est pas inférieur à son Père, car de même que dans l’Ancien Testament, nous lisons que Dieu habitait dans une nuée, ainsi le Seigneur est enveloppé d’une nuée non plus ténébreuse mais éclatante. — S. Basile. C’est, qu’en effet, les obscurités de la loi étaient dissipées, car de même que la fumée est produite par le feu, la nuée est produite par la lumière ; et comme la nuée est un symbole de tranquillité, cette nuée qui enveloppe Jésus et les prophètes, figure le repos de la demeure éternelle. — S. Ambr. Cette nuée qui voile le Sauveur, a pour auteur l’Esprit saint, et loin de répandre les ténèbres sur les affections du coeur de l’homme, elle lui révèle les choses cachées. — Origène. (Trait. 3 sur S. Matth.) Les disciples, ne pouvant supporter l’éclat de cette gloire, sont saisis de crainte, et se prosternent en s’humiliant sous la main puissante de Dieu, car ils se rappelaient ces paroles dites à Moïse : « L’homme qui verra ma face, ne vivra point. » Et ils furent saisis de frayeur en les voyant entrer dans la nuée.

S. Ambr. Remarquez que cette nuée n’est point formée par les noires vapeurs d’un air condensé, et ne couvre point le ciel d’épaisses ténèbres, c’est une nuée lumineuse qui, au lieu de nous inonder de torrents de pluie, répand la rosée de la foi et arrose les âmes des hommes à la voix du Dieu tout-puissant : « Et une voix sortit de la nuée, qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » ce n’est point Moïse, qui est ce fils, ce n’est point Élie, mais celui-là seul est mon Fils, que vous voyez seul sur la montagne. — S. Cyrille. Comment donc pourrait-on croire que celui qui est le vrai Fils de Dieu, ait été fait ou créé, alors que Dieu le Père fait retentir cette voix du haut des cieux : « Celui-ci est mon Fils, » c’est-à-dire, ce n’est pas un de mes fils, mais celui qui est mon Fils en vérité et par nature, et c’est par ressemblance avec lui que les autres sont nies fils adoptifs. Or, Dieu le Père nous commande d’obéir à ce Fils par ces paroles : « Écoutez-le, » et écoutez-le plus que Moïse et Élie, car le Christ est la fin de la loi et des prophètes (Rm 10, 4 ; Mt 11, 13), aussi est-ce avec un dessein marqué, que l’Évangéliste ajoute : « Pendant que la voix parlait, Jésus se trouva seul. » — Théophile. C’était afin que personne ne pût penser que ces paroles : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, » s’appliquaient à Moïse ou à Élie. Ces deux personnages disparaissent aussitôt que Dieu le Père proclame la divinité du Sauveur, ils étaient trois au commencement de la transfiguration, il n’en reste plus qu’un seul à la fin ; la perfection de la foi produit cette unité. Ils sont donc comme reçus dans le corps de Jésus-Christ, pour nous apprendre que nous aussi nous ne ferons qu’un avec Jésus, ou peut-être encore, parce que la loi et les prophètes ont le Verbe pour auteur. — Théophile. Ce qui doit son existence au Verbe prend également fin dans le Verbe, et Dieu nous apprend pat cette conduite que la loi et les prophètes ne devaient apparaître que, pour un temps, comme Moïse et Élie, dans la transfiguration, et qu’ils devaient ensuite disparaître pour laisser la place à Jésus seul ; en effet, la loi a cessé d’exister pour faire place à l’Évangile, qui demeure éternellement. — Bède. Remarquez que le mystère de la Trinité tout entière est révélé dans la transfiguration de Jésus sur la montagne, comme il l’avait été lors de son baptême dans le Jourdain, et parée qu’en effet, nous verrons dans la résurrection la gloire de celui que nous avons confessé dans le baptême. Et ce n’est pas sans raison que l’Esprit saint apparaît ici sous la forme d’une nuée lumineuse, tandis qu’au baptême du Sauveur, il apparaît sous la forme d’une colombe, pour nous apprendre que celui qui conserve dans la simplicité de son coeur la foi qu’il a reçue, contemplera un jour dans la lumière d’une vision manifeste les vérités qui ont été l’objet de sa foi.

Origène. (Traité 3 sur S. Matth.) Jésus ne veut point qu’on fasse connaître avant sa passion ces glorieuses manifestations : » Et ils se turent, et en ces jours-là ils ne dirent rien à personne de ce qu’ils avaient vu, » car on eût été scandalisé (le peuple surtout), de voir crucifié celui que Dieu avait ainsi glorifié. — S. Jean Damascène. (disc. sur la Transfig.) Le Sauveur leur fit aussi cette recommandation, parce qu’il connaissait l’imperfection de ses disciples, qui n’avaient pas encore reçu la plénitude de l’Esprit saint, il ne voulait ni exposer aux sentiments d’une profonde tristesse ceux qui n’avaient pas été témoins de sa gloire, ni exciter contre lui la jalouse fureur de son traître disciple.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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