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Lc  9  29-31

Eusèbe. Notre-Seigneur ne se contente pas de prédire le grand mystère de sa seconde apparition, il ne veut pas que la foi de ses disciples repose uniquement sur des paroles, et il lui donne encore pour fondement le témoignage des faits, en découvrant aux yeux de leur foi une image de son royaume : « Environ huit jours après qu’il leur eut dit ces paroles, il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et s’en alla sur une montagne pour prier. » — S. Jean Damascène. (disc. sur la transf.) Saint Matthieu et saint Marc placent la transfiguration six jours après la promesse faite aux disciples, tandis que saint Luc rapporte que ce fut huit jours après. Il n’y a toutefois aucune contradiction dans leur récit ; les deux Évangélistes qui ne parlent que de six jours, n’ont pris que les jours intermédiaires, sans compter les extrêmes, le premier et le dernier ; c’est-à-dire celui où la promesse fut faite, et celui de son accomplissement, tandis que saint Luc, qui compte huit jours, comprend les deux dont nous venons de parler. Or, pourquoi le Sauveur n’admet-il pas tous ses disciples, mais quelques-uns seulement à jouir de cette vision ? Il n’y en avait qu’un parmi eux (c’était Judas), qui fût indigne de voir cette révélation de la divinité, selon ces paroles : « Faites disparaître l’impie, pour qu’il ne voie point la gloire de Dieu (Is 26). » Or, si Notre-Seigneur l’avait seul excepté, sa jalousie eût donné un nouvel aliment à sa méchanceté ; le Sauveur enlève donc à ce traître un prétexte à sa trahison, en laissant avec lui tous les autres disciples au bas de la montagne. il en prend trois avec lui, pour que toute parole soit confirmée par deux ou trois témoins. Il choisit Pierre, pour qu’il entendît le Père confirmer par son témoignage celui qu’il avait “rendu lui-même à la divinité du Christ, et aussi parce qu’il. devait être le chef de toute l’Église. Il prend Jacques, parce que le premier de tous les Apôtres, il devait donner sa vie pour Jésus-Christ ; enfin il choisit Jean comme l’interprète le plus pur des secrets divins qui, après avoir été témoin de la gloire éternelle du Fils, devait faire entendre ces paroles sublimes : « Au commencement était le Verbe. » — S. Ambr. Ou bien encore, Pierre monte avec Jésus sur la montagne, parce qu’il devait recevoir les clefs du royaume des cieux ; Jean, parce que le Sauveur devait lui confier sa mère ; Jacques, parce qu’il devait souffrir le martyre le premier. (Ac 12.) — Théophile. Ou bien encore, il choisit ces trois disciples, comme plus capables de tenir caché ce miracle et de ne le révéler à personne. Or, il monta sur une montagne pour prier ; il nous enseigne ainsi à chercher la solitude et à nous élever au-dessus des choses terrestres pour assurer le succès de nos prières.

S. Jean Damascène. Toutefois, la prière du Seigneur est différente de la prière des serviteurs ; la prière du serviteur est une élévation de l’esprit vers Dieu, mais la sainte intelligence du Christ (unie hypostatiquement à Dieu), qui nous conduit comme par la main et par degrés, au moyen de la prière, jusqu’à Dieu, nous enseigne par là, que loin d’être l’adversaire de Dieu, il honore son Père comme le principe de toutes choses. Par cette conduite, il tend aussi un piège au démon qui cherchait à savoir s’il était Dieu, ce que l’éclat de ses miracles attestait suffisamment. Il cachait ainsi le hameçon sous l’appât de la nourriture, pour prendre, comme avec un hameçon, par l’humanité dont il était revêtu, celui qui avait séduit le premier homme par l’appât trompeur de la divinité. La prière est une révélation de la gloire divine ; aussi l’Évangéliste ajoute « Et pendant qu’il priait, l’aspect de sa face devint tout autre. » — S. Cyrille. Ce n’est pas que son corps ait changé de forme, mais il fut environné d’une gloire éclatante. — S. Jean Damascène. A la vue de cet éclat qui environnait le Sauveur au milieu de sa prière, le démon se ressouvint de Moïse, dont le visage fut aussi rayonnant de gloire ; mais cette gloire venait à Moïse d’un principe extérieur, tandis que pour le Seigneur, c’était la splendeur innée de la gloire divine. En effet, comme en vertu de l’union hypostatique, le Verbe et la nature humaine ont une seule et même gloire, la transfiguration du Sauveur n’est point l’usurpation de ce qu’il n’était pas, mais la manifestation, aux yeux de ses disciples, de ce qu’il était véritablement. C’est pour cela que saint Matthieu rapporte qu’il fut transfiguré devant eux, et que sa face resplendit comme le soleil ; car Dieu est dans l’ordre des choses spirituelles, ce que le soleil est dans l’ordre des choses sensibles. Or de même que le soleil, qui est la source de la lumière, ne peut être regardé facilement, tandis que nous pouvons contempler sa lumière, parce qu’elle se répand sur la terre ; ainsi le visage de Jésus-Christ resplendit du plus vif éclat, comme le soleil ; et ses vêtements deviennent blancs comme la neige : « Et ses vêtements devinrent d’une éclatante blancheur, » éclairés comme par un reflet de la gloire divine.

En même temps, Moïse et Élie se tiennent comme des serviteurs près du Seigneur dans sa gloire, afin de montrer que le Seigneur du Nouveau Testament est le même que celui de l’Ancien, pour fermer la bouche aux hérétiques, établir la foi à la résurrection, et prouver que celui qui était transfiguré, devait être regardé comme le Seigneur des vivants et des morts : « Et voici que deux hommes s’entretenaient avec lui, » etc. Le Sauveur voulait que le spectacle de la gloire et du bonheur de ces pieux serviteurs, fît admirer à ses disciples sa miséricordieuse bonté, et qu’étant témoins de la douceur des biens à venir, ils fussent excités à marcher sur les traces de ceux qui les avaient précédés, et à soutenir avec plus de force les combats de la foi, car celui qui connaît la récompense promise à ses travaux, les supporte bien plus facilement. — S. Chrys. (hom. 57 sur S. Matth.) Un autre motif de cette apparition, c’est que le peuple affirmait du Sauveur, qu’il était Elle ou Jérémie, il fallait donc distinguer le Maître du serviteur, faire voir d’ailleurs que le Sauveur n’était ni l’ennemi de Dieu, ni violateur de la loi, car autrement, ni Moïse, qui avait donné la loi, ni Elle, qui avait soutenu avec tant de zèle les intérêts de la gloire de Dieu, n’eussent paru à ses côtés. C’était encore pour manifester les vertus de ces deux grands hommes, car tous deux s’étaient plusieurs fois exposés à la mort pour la défense des commandements de Dieu. Le Sauveur voulait aussi les proposer comme modèles à ses disciples dans le gouvernement du peuple, en leur inspirant la douceur de Moïse et le zèle d’Élie. Enfin il les fait paraître pour montrer la gloire de la croix, et consoler ainsi Pierre, et tous ceux qui craignaient les souffrances : « Ils s’entretenaient de sa fin qu’il devait accomplir en Jérusalem. — S. Cyrille. C’est-à-dire, du mystère de son incarnation et aussi de sa passion qui devait être le salut du monde et qu’il devait accomplir sur sa croix adorable.

S. Ambr. Dans un sens mystique, c’est après avoir enseigné à ses disciples la doctrine du renoncement et de la croix, que le Sauveur les rend témoins de sa transfiguration, parce que celui qui entend et croit les paroles du Christ, verra la gloire de la résurrection, car c’est le huitième jour qu’eut lieu la résurrection, et la plupart des psaumes sont intitulés, pour le huitième jour. Peut-être aussi, comme Notre-Seigneur avait dit précédemment, que celui qui perdra sa vie pour le Verbe de Dieu, veut-il nous montrer qu’il accomplira ses promesses au temps de la résurrection. — Bède. Il est ressuscité des morts après le septième jour de la semaine où il avait été mis dans le sépulcre ; et nous aussi, après les six âges du monde écoulés, et le septième, qui est celui du repos des âmes dans l’autre vie, nous ressusciterons pour ainsi dire au huitième âge du monde. — S. Ambr. Saint Matthieu et saint Marc rapportent que le Sauveur prit avec lui ses disciples six jours après, ce qui nous autoriserait à dire que nous ressusciterons après six mille ans, car mille ans sont comme un jour devant Dieu (Ps 89) ; mais on compte plus de six mille ans jusqu’à la résurrection, et nous préférons voir dans ces six jours la figure des six jours de la création du monde, en ce sens que par le temps, il faut entendre les oeuvres, et par les oeuvres, le monde. Aussi la résurrection ne doit s’accomplir qu’après que les temps marqués pour l’existence du monde seront écoulés. Peut-être encore, est-ce pour figurer que celui qui se sera élevé au-dessus du monde, et aura traversé la courte durée de la vie de ce siècle, sera placé comme en un lieu sublime pour attendre le fruit de la résurrection qui dure éternellement. — Bède. Aussi, voyez le Sauveur monter sur une montagne pour y prier et y être transfiguré, et en même temps nous apprendre que ceux qui attendent le fruit de la résurrection et désirent voir le roi dans sa gloire (Is 13, 17), doivent habiter les cieux en esprit, et faire de leur vie une prière continuelle.

S. Ambr. Dans ces trois disciples que le Sauveur conduit sur la montagne, je serais porté à voir la figure du genre humain tout entier, qui est descendu des trois enfants de Noé, si ces disciples n’avaient été expressément choisis. Ceux qui sont jugés dignes de monter sur la montagne, sont au nombre de trois, parce que personne ne peut voir la gloire de la résurrection, s’il n’a conservé dans toute son intégrité, la foi au mystère de la Trinité.

Bède. Dans sa transfiguration, le Sauveur nous donne une idée de sa gloire, ou de sa résurrection future, ou de la notre, car après le jugement, il apparaîtra à tous les élus tel qu’il est apparu aux Apôtres. Le vêtement du Seigneur, c’est le choeur des saints qui l’environnent ; tandis qu’il était sur la terre, ce vêtement paraissait méprisable, mais aussitôt qu’il monte sur la montagne, il brille d’un éclat nouveau ; c’est ainsi que, « bien que nous soyons les enfants de Dieu, ce que nous serons un jour ne paraît pas encore, mais nous savons que quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui. » (1 Jn 3.)

S. Ambr. Ou bien dans un autre sens : Le Verbe de Dieu se rapetisse ou s’agrandit selon la mesure de vos dispositions, et si vous ne montez au sommet le plus élevé de la sagesse, vous ne pouvez voir toute la grandeur de Dieu qui est dans le Verbe. Les vêtements du Verbe sont les paroles de l’Écriture et comme l’enveloppe de l’intelligence divine, et le sens des divins enseignements se dévoile aux yeux de votre âme dans toute sa clarté, de même que les vêtements du Sauveur devinrent d’une blancheur éclatante.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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