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Lc  9  37-44

Bède. Nous voyons ici un parfait rapport entre les lieux et les choses ; sur la montagne, Notre-Seigneur prie, se transfigure, et dévoile à ses disciples les secrets de sa Majesté. Lorsqu’il descend dans la plaine, la foule s’empresse autour de lui : « Le jour suivant, comme ils descendaient de là montagne, une foule nombreuse vint au-devant d’eux. » Sur la montagne, il fait entendre la voix du Père, dans la plaine, il chasse les mauvais esprits : « Et voilà que de la foule, un homme s’écria : Maître, je vous en supplie, jetez un regard sur mon fils. » — Tite de Bostra. J’admire la sagesse de cet homme, il ne dit pas au Sauveur : Faites ceci ou cela, mais : « Jetez un regard, » car cela suffit pour sa guérison ; c’est dans le même sens que le Roi-prophète disait : « Jetez les yeux sur moi, et ayez pitié de moi. » (Ps 24, 16 ; Ps 85, 15 ; Ps 118, 132). Cet homme dit à Jésus : « Jetez un regard sur mon fils, » pour motiver la hardiesse qui le portait à crier seul au milieu de cette multitude. Il ajoute : « Car c’est le seul que j’aie, » c’est-à-dire, je ne puis espérer d’autre consolation de ma vieillesse. Il expose ensuite la nature de sa maladie, pour émouvoir la compassion du Sauveur : « Un esprit se saisit de lui, » etc. Enfin, il semble accuser les disciples, mais il paraît bien plus vouloir excuser sa hardiesse. Ne pensez pas, semble-t-il dire au Sauveur, que je viens à vous avec légèreté, votre dignité impose, et je me suis bien gardé de vous importuner tout d’abord ; j’ai commencé par m’adresser à vos disciples, mais comme ils n’ont pu guérir mon fils, je suis forcé de recourir à vous. Aussi les reproches du Seigneur ne s’adressent pas à cet homme, mais à cette génération incrédule : « Et Jésus prenant la parole, leur dit : O race infidèle, » etc.

S. Chrys. (hom. 58 sur S. Matth.) Cependant nous voyons par plusieurs expressions rapportées dans le saint Évangile, que cet homme était encore bien faible dans la foi ; ainsi il dit au Sauveur : « Aidez mon incrédulité. » (Mc 9, 23.) Et encore : « Si vous pouvez. » (Mc 9, 21.) Et Notre-Seigneur même lui dit : « Tout est possible à celui qui croit. » (vers. 22.) — S. Cyrille. Le motif le plus probable du reproche d’incrédulité que le Sauveur fait à cet homme, est donc l’accusation portée contre les saints Apôtres, qu’ils ne pouvaient commander aux démons ; il aurait dû bien plutôt honorer Dieu en implorant son secours, car Dieu exauce ceux qui lui rendent l’honneur qui lui est dû. Mais accuser ceux qui ont reçu de Jésus-Christ le pouvoir de chasser les démons d’impuissance sur ces esprits mauvais, c’est attaquer la grâce de Dieu elle-même, plutôt encore que ceux qui l’ont reçue et par lesquels Jésus-Christ manifeste ses divines opérations. C’est donc offenser Jésus-Christ que d’accuser les saints auxquels il a confié la prédication de la parole sainte, aussi voyez comment le Seigneur réprimande cet homme et tous ceux qui partagent ses sentiments : « O génération infidèle et perverse, » comme s’il lui disait : C’est à cause de votre infidélité que la grâce n’a pas produit son effet.

S. Chrys. (hom. 58 sur S. Matth.) Jésus ne s’adresse pas seulement à cet homme, pour ne point le jeter dans le trouble, mais à tous les Juifs, car il est vraisemblable qu’un grand nombre d’entre eux s’étaient scandalisés, et avaient conçu des soupçons injustes contre les disciples. — Théophile. Le Sauveur, en les appelant génération perverse, démontre qu’ils n’étaient pas mauvais par principe et par nature, car en qualité de fils d’Abraham, ils étaient droits par nature, et c’est par leur malice qu’ils s’étaient volontairement pervertis. — S. Cyrille. Ils étaient comme des hommes qui né savent point suivre la voie droite. Or, Jésus-Christ dédaigne de demeurer avec ceux qui sont ainsi disposés : « Jusques à quand serai-je avec vous et vous supporterai-je ? » Leur commerce lui devient comme insupportable, à cause de la dépravation de leur coeur. — S. Chrys. Il nous fait voir en même temps combien il désirait la mort, et qu’il redoutait moins le supplice de la croix que de rester plus longtemps avec eux. — Bède. Ce n’est point que le Sauveur, si plein de mansuétude et de douceur, se soit laissé dominer par un sentiment d’aigreur et d’ennui, mais il parle ici comme un médecin qui, voyant un malade agir contre ses prescriptions, lui dirait : « A quoi bon venir plus longtemps vous visiter, puisque vous faites tout le contraire de ce que j’ordonne. » Il est si vrai que ce n’est pas contre cet homme, mais contre la mauvaise disposition de son âme qu’il est irrité, qu’il ajoute aussitôt : « Amenez ici votre fils. » — Tite de Bostra. Le Sauveur pouvait le délivrer d’un seul mot, mais il veut faire constater sa maladie, en l’exposant aux regards de tous ceux qui l’entouraient. Aussitôt que le démon sentit la présence du Seigneur, il agita convulsivement l’enfant : « Et comme l’enfant s’approchait, le démon le jeta contre terre et l’agita violemment. » Le Sauveur voulait que sa maladie fût bien établie avant d’y apporter remède. — S. Chrys. Gardons-nous de croire cependant que Je Seigneur obéisse ici à un motif d’ostentation, il agit ainsi dans l’intérêt du père, qu’il veut amener à croire le miracle qu’il va opérer, en lui faisant voir le démon rempli de trouble à sa seule parole : « Et Jésus commanda avec menace à l’esprit impur, et il guérit l’enfant, et il le rendit à son père. » — S. Cyrille. Jusque-là, en effet, il n’appartenait pas à son père, mais au démon qui le possédait. L’Evangéliste ajoute, que tous étaient stupéfaits à la vue de ces grandes choses que Dieu opérait : « Et tous étaient stupéfaits de la puissance de Dieu. » L’auteur sacré veut ici relever l’excellence du don que Jésus-Christ avait fait aux saints Apôtres, en leur accordant le pouvoir divin de faire des miracles et de commander aux démons.

Bède. Dans le sens mystique, nous voyons ici que le Seigneur agit tous les jours avec les hommes, selon le degré de leurs mérites, il monte avec les uns, en élevant sur les hauteurs les plus sublimes les âmes parfaites, dont la vie est tout entière dans le ciel (Ph 3, 20), les instruisant des secrets de l’éternité, et en leur enseignant des vérités qui ne peuvent être entendues de la foule ; il descend avec les autres, c’est-à-dire, avec les âmes qui ont encore les goûts de la terre et sont privés de la véritable sagesse, en les fortifiant, en les enseignant et en les châtiant. Saint Matthieu fait remarquer que ce possédé était lunatique (Mt 18) ; saint Marc, qu’il était sourd et muet (Mc 9). Il est ainsi la figure de ceux qui sont inconstants comme la lune (Qo 27, 12), et que l’on voit successivement croître et décroître dans les vices auxquels ils sont livrés ; de ceux encore qui sont muets, parce qu’ils ne confessent pas la foi, et de ceux qui sont sourds, parce qu’ils n’entendent pas la parole de la foi. A peine l’enfant s’est-il approché du Seigneur, qu’il est violemment agité ; c’est qu’en effet, le démon soumet à de plus rudes tentations ceux qui se convertissent à Dieu, pour leur inspirer l’éloignement de la vertu, ou pour venger l’affront qu’on lui fait en le chassant. C’est ainsi que dans les commencements de l’Église, il lui livra autant de combats acharnés qu’il eut à souffrir de coups portés à son empire. Ce n’est point l’enfant qui souffrait cette violence que le Sauveur reprend avec menace, mais le démon qui en était l’auteur, parce qu’en effet, celui qui désire ramener au bien un pécheur doit poursuivre le vice de ses reproches et de sa haine, mais donner à l’homme pécheur les témoignages d’un amour sincère, jusqu’à ce qu’il l’ait remis guéri de ses infirmités entre les mains des pères spirituels de l’Église.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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