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Lc  5  33-39

S. Cyrille. (Ch. des Pèr. gr.) Jésus-Christ ayant répondu à leur première question, ils passent à un autre point, et veulent lui montrer que les disciples et Jésus lui-même ne prennent aucun soin d’observer la loi : « Alors ils lui demandèrent : Pourquoi les disciples de Jean jeûnent-ils, etc., tandis que les vôtres mangent ? » etc., c’est-à-dire : Vous mangez avec les publicains et avec les pécheurs, bien que la loi défende toute communication avec ceux qui sont impurs (Lv 15), et vous excusez cette transgression par un motif de miséricorde ; mais pourquoi donc ne jeûnez-vous pas comme tous ceux qui conforment leur conduite aux prescriptions de la loi ? Les saints jeûnent, il est vrai, pour réprimer leurs passions par la mortification du corps ; mais Jésus-Christ n’avait pas besoin du jeûne pour s’élever à la perfection de la vertu, puisque, comme Dieu, il était inaccessible à tout entraînement des passions. Le jeûne n’était pas plus nécessaire à son humanité, puisqu’elle participait à la grâce qui était en lui, et y puisait une force qui la maintenait au même degré de vertu. Si donc le Sauveur se soumit à un jeûne de quarante jours, ce ne fut point pour réprimer en lui les passions, mais pour donner aux hommes charnels une leçon et une règle de mortification. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 27.) Evidemment saint Luc paraît faire entendre que cette question fut adressée au Sauveur de différents côtés, et qu’elle embrassait plusieurs personnes ; comment donc saint Matthieu s’exprime-t-il de la sorte : « Alors les disciples de Jean s’approchèrent et dirent : Pourquoi, tandis que les pharisiens et nous nous jeûnons souvent, vos disciples ne jeûnent-ils pas ? » si ce n’est parce que les disciples de Jean étaient présents, et que tous à l’envi s’empressèrent de faire cette objection.

S. Augustin. (Quest. évang., 2, 18.) Il y a deux sortes de jeûnes, le jeûne de l’affliction pour obtenir de Dieu le pardon des péchés ; et le jeûne de la joie, où l’âme est d’autant moins sensible aux plaisirs de la chair, qu’elle jouit en plus grande abondance des délices spirituelles. Or, le Sauveur, interrogé pourquoi ses disciples ne jeûnaient pas, s’explique successivement sur ces deux sortes de jeûne, et d’abord sur le jeûne de la tribulation : « Il leur répondit : Pouvez-vous faire jeûner les fils de l’Epoux, tandis que l’Epoux est avec eux ? » — S. Chrys. (hom. 31 sur S. Matth.) Comme s’il leur disait : Le temps actuel est un temps de joie et d’allégresse, pourquoi donc vouloir y mêler la tristesse ? — S. Cyrille. La manifestation de notre Sauveur dans ce monde fut comme une véritable fête, il venait célébrer des noces toutes spirituelles avec notre nature, pour la rendre féconde, de stérile qu’elle était ; les fils de l’Epoux sont donc tous ceux qui sont appelés par la loi nouvelle de l’Évangile, et non les scribes et les pharisiens qui ne considèrent que l’ombre de la loi. — S. Augustin. (de l’harm. des Evang., 2, 27.) La réponse du Sauveur d’après saint Luc : « Pouvez-vous faire jeûner les amis de l’Epoux, » donne à entendre que ceux qua lui faisaient cette question, feraient pleurer et jeûner les fils de l’Epoux, parce qu’ils devaient être un jour les auteurs de la mort de l’Epoux.

S. Cyrille. En établissant qu’il ne convient pas aux fils de l’Epoux de s’affliger, alors qu’ils célèbrent une fête toute spirituelle, Notre-Seigneur ne veut point détruire le jeûne, aussi fait-il cette réserve : « Mais viendront des jours où l’Epoux leur sera enlevé ; ils jeûneront en ces jours-là ». — S. Augustin. (Quest evang, 2, 18 ) C’est-à-dire ils seront dans la désolation, dans la tristesse et les larmes, jusqu’à ce que la joie et la consolation leur aient été rendues par l’Esprit saint. — S. Ambr. Ou bien encore, le jeûne, dont Notre Seigneur ajourne ici la pratique, n’est pas celui qui mortifie la chair et réprime les penchants de la concupiscence (car ce jeûne, au contraire, nous rend agréables à Dieu), mais il veut dire que nous ne pouvons jeûner, nous qui possédons le Christ, et qui sommes nourris de sa chair et de son sang. — S. Basile. (Ch. des Pèr. gr.) Ou encore, les fils de l’Epoux ne peuvent jeûner, c’est-à-dire se priver de la nourriture de l’âme, mais ils doivent vivre de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. — S. Ambr. Mais quels sont donc ces jours dans lesquels le Christ nous sera enlevé, alors que lui-même nous dit : « Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles ? » Non, personne ne peut vous enlever le Christ, si vous-même ne commencez par vous détacher de lui. — Bède. Tant que l’Epoux est avec nous, nous sommes dans la joie, et nous ne pouvons ni jeûner, ni pleurer ; mais quand nos péchés nous séparent de lui, c’est alors qu’il faut recourir au jeûne et nous condamner aux larmes.

S. Athan. Disons enfin que Notre-Seigneur veut parler ici du jeûne de l’âme, comme le prouvent les paroles suivantes : « Il leur proposa aussi cette comparaison : Personne ne met à un vieux vêtement un morceau pris à un vêtement neuf. » Il appelle le jeûne un vêtement vieux, dont l’Apôtre nous exhorté à nous dépouiller, lorsqu’il dit : « Dépouillez-vous du vieil homme et de ses actes. » (Col 3.) Toute la suite des préceptes de Notre-Seigneur concourt donc à établir cette vérité que nous ne devons pas mêler les actes du vieil homme avec ceux du nouveau. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 18.) On peut encore donner cette autre explication : Après avoir reçu le don de l’Esprit saint, quoi de plus convenable que les fils de l’Epoux déjà renouvelés dans la vie spirituelle, pratiquent le jeûne qui s’accomplit sans la joie ? Avant qu’ils aient reçu l’Esprit saint, le Sauveur les compare à des vêtements vieux auxquels il ne faut pas coudre un morceau de drap neuf, c’est-à-dire un fragment de la doctrine qui a pour objet la tempérance de la loi nouvelle ; car alors la doctrine est comme divisée et rompue par ce fragment, puisque le jeûne qu’elle prêche est un jeûne général, qui interdit non seulement le désir des aliments, mais toute joie qui vient des plaisirs de la terre. Notre-Seigneur ne veut pas que l’on donne ce fragment de doctrine, qui a pour objet les aliments, à ceux qui sont encore esclaves des anciennes coutumes, autrement il se fera mie déchirure, et ce fragment de doctrine nouvelle ne pourra s’unir avec ce qui est vieux. Le Sauveur les compare encore à des outres : « De même personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres. » — S. Ambr. il nous fait voir la fragilité de la condition humaine, en comparant nos corps aux dépouilles des animaux morts. — S. Augustin. (Quest. évang.) Il compare les Apôtres à des outres déjà vieilles, parce qu’ils se rompent sous l’effort du vin nouveau des préceptes spirituels qu’ils ne peuvent contenir : « Autrement le vin nouveau rompra les outres et se répandra, et les outres seront perdues. » Ils étaient déjà devenus des outres neuves, lorsqu’après l’ascension du Seigneur, l’Esprit saint vint les renouveler, en leur inspirant le désir de ses divines consolations, l’esprit de prière et d’espérance : « Mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves, et l’un et l’autre sont conservées. » — Bède. Le vin nous donne des forces à l’intérieur ; le vêtement couvre extérieurement notre corps ; les bonnes oeuvres que nous faisons en dehors et qui font luire notre lumière devant les hommes, sont donc le vêtement ; et la ferveur de la foi, de l’espérance et de la charité, est comme le vin. On peut dire encore que les vieilles outres sont les scribes et les pharisiens, tandis que le fragment de drap neuf et le vin nouveau sont les préceptes de l’Évangile. — S. Grég. de Nysse. (disc. sur Abrah.) Le vin nouveau, par la fermentation qui lui est naturelle, chasse au dehors, par un mouvement qui tient également à sa nature, l’écume et la lie impure qu’il contient. Ce vin, c’est le Nouveau Testament, que les outres anciennes, vieillies par leur incrédulité, ne peuvent contenir ; bien plus, elles se rompent par la force de l’excellence de la doctrine, et laissent ainsi s’écouler la grâce de l’Esprit saint ; car la sagesse n’entre pas dans une âme qui veut le mal. (Sg  1.) — Bède. On ne doit donc point donner les sacrements des mystères nouveaux à une âme qui n’est pas renouvelée et qui persévère encore dans son ancienne malice. Ceux encore qui veulent mêler la pratique du christianisme aux préceptes de la loi (Ga 3), mettent le vin nouveau dans de vieilles outres. « Et personne, venant de boire du vin vieux, n’en veut aussitôt du nouveau, car il dit : Le vieux est meilleur. » Notre-Seigneur veut parler ici des Juifs qui, pénétrés de la saveur de la vie ancienne, n’avaient que du dégoût pour les préceptes de la loi de grâce ; et qui, souillés par les traditions de leurs ancêtres, étaient incapables de goûter la douceur des enseignements spirituels.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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