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Lc  5  27-32

S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 1, 26.) Après la guérison du paralytique, l’Évangéliste raconte la conversion du publicain : « Après cela, Jésus étant sorti, vit un publicain, nommé Lévi, assis au bureau des impôts. » Matthieu et Lévi sont une seule et même personne. — Bède. Saint Luc et saint Marc, par honneur pour cet Évangéliste, ne font point connaître le nom qu’il portait ordinairement, au contraire, saint Matthieu, devenant lui-même son accusateur (Pr 18, 17) au commencement de son récit, se fait connaître sous le nom de Matthieu et de publicain ; que personne donc ne désespère de son salut à cause de l’énormité de ses péchés, puisque Matthieu, de publicain, est devenu apôtre » — S. Cyrille. Lévi avait été publicain, dominé par l’avarice, avide du superflu, convoitant le bien d’autrui (ce qui était le caractère propre des publicains), mais il est arraché à toutes ces pratiques injustes par la voix de Jésus-Christ qui l’appelle : « Et il lui dit Suivez-moi. » — S. Ambr. Il lui ordonne de le suivre, non par le mouvement du corps, mais par les affections de l’âme. Docile à cette parole qui l’appelle, Matthieu abandonne ses propres biens, lui, le ravisseur du bien d’autrui : « Et ayant tout quitté, il se leva et le suivit. » — S. Chrys. (hom. 31 sur S. Matth.) Considérez tout à la fois la puissance de celui qui appelle, et l’obéissance de celui qui est appelé, il obéit aussitôt sans résister, sans hésiter ; il ne veut pas même retourner chez lui, pour faire connaître aux siens sa généreuse résolution ; ainsi avaient fait les pêcheurs eux-mêmes. — S. Basile. (Ascet.) Non seulement il sacrifie volontiers tous les profits de l’impôt, mais encore il compte pour rien les dangers que lui et les siens pouvaient courir, en laissant les comptes de l’impôt sans être réglés. — Théophile. C’est ainsi que Jésus-Christ leva l’impôt sur celui qui le percevait sur tous les passants, non pas, sans doute, en recevant de lui une somme d’argent, mais en le faisant entrer dans la pleine et entière participation de tous ses biens.

S. Chrys. Après avoir appelé Lévi, le Seigneur s’empressa de l’honorer, en acceptant le repas qu’il lui offre, pour lui inspirer plus de confiance. « Et Lévi lui fit un grand banquet dans sa maison. » Non seulement il se met à table avec lui, mais avec beaucoup d’autres : « Et il y avait une foule nombreuse de publicains, et d’autres qui étaient à table avec eux. » Les publicains s’étaient réunis chez lui comme chez un collègue et un homme de la même profession ; mais lui, heureux et fier de la présence de Jésus-Christ, les invita tous à ce banquet. Jésus-Christ profitait de toutes les occasions comme moyen de faire le bien ; ce n’était pas seulement en discutant, en guérissant les malades, ou en confondant ses ennemis, mais même en prenant ses repas, qu’il redressait les erreurs et ramenait les âmes égarées ; c’est ainsi qu’il nous apprenait à rendre utiles toutes les circonstances comme toutes nos actions. Il ne déclinait pas même la société des publicains en vue du bien qui devait en résulter, agissant comme un médecin qui ne peut guérir une maladie, s’il ne touche la plaie. — S. Ambr. En mangeant avec les pécheurs, il nous autorise à nous asseoir à la table des Gentils. — S. Chrys. Et cependant les pharisiens jaloux, et qui voulaient séparer de lui ses disciples, lui en font un reproche : « Et les pharisiens et les scribes murmuraient et disaient à ses disciples : Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec des publicains et des pécheurs ? — S. Ambr. Cette parole vient du serpent, n’est-ce pas lui, en effet, qui prononça le premier cette parole en disant à Eve (Gn 3) : « Pourquoi Dieu vous a-t-il dit : Ne mangez point ? » etc. C’est ainsi qu’ils cherchent à répandre le venin de leur père.

S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 27.) Le récit de saint Luc paraît ici tant soit peu différent de celui des autres Évangélistes. D’après saint Luc, ce n’est pas personnellement à Notre-Seigneur qu’ils font un reproche de manger avec les publicains et les pharisiens, mais à ses disciples, reproche cependant qui s’adresse aussi bien à Jésus-Christ qu’à ses disciples. Aussi d’après le récit de saint Matthieu et de saint Marc, le reproche est fait et au Sauveur et à ses disciples, mais c’est surtout au Maître que ce reproche s’adresse, puisqu’en mangeant avec les publicains et les pécheurs ses disciples ne faisaient que l’imiter. Nous avons donc ici la même pensée, le même sens, d’autant plus clairement expliqués, que les expressions sont différentes, sans que la vérité soit altérée.

S. Chrys. (hom. 31 sur S. Matth.) Notre-Seigneur tire une conclusion toute contraire du reproche qui lui est fait ; il déclare que non seulement ce n’est pas une faute que de vivre avec les pécheurs, mais que c’est une oeuvre de miséricorde. « Jésus leur répondant, leur dit : Ce ne sont point ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais ceux qui sont malades. » Il leur rappelle ainsi qu’ils sont atteints de l’infirmité commune, et qu’ils sont du nombre des malades, et qu’il est lui-même le médecin. — suite. « Car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs », c’est-à-dire : Je suis si loin de fuir la société des pécheurs, que c’est pour eux seuls que je suis venu, non pour qu’ils demeurent pécheurs, mais pour qu’ils se convertissent et deviennent vertueux. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang.) Aussi, ajoute-t-il : « A la pénitence, » ce qui explique parfaitement sa pensée, et prévient cette erreur que les pécheurs seraient aimés de Jésus-Christ en tant que pécheurs. En effet, la comparaison empruntée aux malades, exprime très bien quelle est la volonté de Dieu qui appelle les pécheurs de même qu’un médecin appelle les malades, pour les guérir de leurs iniquités comme d’une maladie. — S. Ambr. Mais comment est-il écrit que Dieu aime la justice (Ps 10) ? Comment David n’a-t-il jamais vu le juste délaissé (Ps 26) ? si cependant le pécheur est appelé, tandis que le juste est abandonné. Les justes dont le Sauveur parle ici sont donc peut-être ceux qui placent dans la loi une confiance présomptueuse, et ne recherchent pas la grâce de l’Évangile. Or, nul n’est justifié par la loi, et tous sont rachetés par la grâce. Le Sauveur n’appelle donc pas ceux qui se proclament justes ; car ceux qui s’attribuent eux-mêmes la justice, ne peuvent être appelés à la grâce, et si la grâce vient de la pénitence, celui qui dédaigne la pénitence, renonce à la grâce — Bède Les pécheurs dont il est ici question sont ceux qui, pénétrés de la grandeur de leurs fautes, et n’attendant point leur justification de la loi, se disposent à recevoir la grâce de Jésus-Christ par la pénitence. — S. Chrys. (hom. 31.) C’est par ironie qu’il donne aux derniers le nom de justes, comme autrefois, lorsque Dieu dit a l’homme « Voici Adam devenu comme l’un de nous ». En effet, saint Paul, affirme que personne absolument n’était juste sur la terre, lorsqu’il dit : « Tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu. » (Rm 3.) — S. Grég. de Nysse. Ou bien encore, il dit que ceux qui se portent bien et les justes, c’est-à-dire les anges n’ont pas besoin de médecin, mais bien les malades et les pécheurs, c’est-à-dire nous, qui sommes tombés dans la maladie du péché, qui ne peut exister dans le ciel.

Bède. L’élection de saint Matthieu représente la vocation et la foi des Gentils, qui ne soupiraient qu’après les choses de la terre, et qui maintenant nourrissent le corps de Jésus-Christ avec une tendre dévotion (Mt 25). — Théophile. Ou bien encore, ce publicain est tout homme qui est l’esclave du prince du monde, et qui accorde à sa chair tout ce qu’elle demande, les mets exquis, s’il est sensuel, la volupté, s’il est adultère, et ainsi des autres passions. Mais lorsque le Seigneur le voit assis au bureau des impôts, c’est-à-dire, ne se donnant plus de mouvement pour commettre de plus grandes injustices, il le retire du mal, et alors cet homme marche à la suite de Jésus, et reçoit le Seigneur dans la demeure de son âme. — S. Ambr. Or, celui qui reçoit Jésus-Christ dans cette demeure intérieure, se nourrit au sein des plus pures délices et des plus ineffables voluptés, aussi est-ce avec joie que le Seigneur entre dans son âme, et se repose dans son affection. Mais alors l’envie des méchants se rallume, et nous représente leurs tourments de la vie future, car pendant que les fidèles prennent part au banquet du royaume des cieux, les infidèles seront tourmentés par un jeûne éternel. — Bède. Ou bien encore, c’est la figure de l’envie des Juifs qui s’affligent du salut des Gentils. — S. Ambr. Nous y voyons aussi combien est différent le sort des disciples de la loi et des disciples de la grâce, car les sectateurs de la loi souffriront la faim éternelle de l’âme, tandis que ceux qui auront reçu le Verbe dans l’intérieur de leur âme, fortifiés par cet aliment céleste et par les eaux de cette source abondante, ne peuvent éprouver ni la faim ni la soif, et c’est ce qui excite les murmures de ceux dont l’âme est privée de toute nourriture.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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