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Lc  5  12-16

S. Ambr. La guérison de ce lépreux est le quatrième miracle que fit Jésus depuis son entrée à Capharnaüm. Si, lors de la création, Dieu a éclairé le quatrième jour des splendeurs du soleil, et l’a ainsi rendu plus brillant que les autres jours, nous devons regarder aussi ce miracle comme plus éclatant que les autres miracles. « Or, il arriva, comme il était dans une ville, qu’un homme couvert de lèpre, » etc. L’Évangéliste ne désigne pas d’une manière précise le lieu où ce lépreux fut guéri, pour nous apprendre que ce ne fut pas le peuple particulier d’une seule ville, mais tous les peuples de la terre qui eurent part à la guérison spirituelle de l’âme. — S. Athan. (lettre à Adelph. contre les Ar.) Ce lépreux adora le Seigneur son Dieu sous une forme humaine, la chair mortelle qu’il avait sous les yeux ne lui fit point croire que le Verbe de Dieu fut une simple créature ; quoique reconnaissant dans Jésus le Verbe de Dieu, il ne méprisa point la chair dont il était revêtu ; au contraire, il se prosterne le visage contre terre, pour adorer, comme dans un temple créé, le Créateur de toutes choses : « Apercevant Jésus, il se prosterna la face contre terre, et le pria. » — S. Ambr. Il se prosterne la face contre terre par un sentiment d’humilité et de confusion, et nous apprend ainsi à tous à rougir des souillures de notre vie. Cependant cette confusion n’étouffe point l’aveu qu’il veut faire de son infirmité ; il montre les plaies de son corps, et en demande la guérison : « Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. » Ce n’est point qu’il soit incrédule et qu’il doute de la bonté et de la volonté du Seigneur ; mais la conscience qu’il avait de sa honteuse maladie, réprime chez lui tout sentiment de présomption. D’ailleurs quelle profession de foi, de religion plus parfaite que celle qui fait découler toute puissance de la volonté du Seigneur. — S. Cyrille. Il savait que la lèpre dont il était couvert ne pouvait être guérie par toutes les ressources de la science médicale, mais il vit la divine majesté chasser les démons, guérir toutes les maladies, et il en conclut que la droite de Dieu pouvait seule opérer ces merveilles. — Tite de Bostra. Apprenons, par ces paroles du lépreux, à ne pas rechercher avec trop d’empressement la guérison de nos infirmités corporelles, mais à tout remettre entre les mains de Dieu, qui fait chaque chose en son temps et dispose tout avec sagesse.

S. Ambr. Notre-Seigneur emploie dans la guérison du lépreux le moyen qu’il lui a comme indiqué dans sa prière : « Et Jésus, étendant la main, le toucha en disant : Je le veux, soyez guéri. » La loi défend de toucher les lépreux, mais le Maître de la loi n’est pas soumis à la loi, c’est lui qui en est l’auteur. Si donc il touche ce lépreux, ce n’est pas qu’il n’eût pu le guérir autrement, mais c’était pour prouver qu’il n’était pas assujetti à la loi, et que loin de craindre d’être atteint par cette maladie contagieuse, il était inaccessible à toute souillure, lui qui venait en délivrer les autres. Il voulait, au contraire, que la lèpre qui souille ordinairement la main qui la touche, disparût au simple contact de sa main divine. — Théophile. En effet, sa chair sacrée purifie et donne la vie, parce qu’elle est la chair du Verbe de Dieu. — S. Ambr. Dans ces paroles : « Je le veux, soyez guéri, vous voyez à la fois l’expression de sa volonté bienfaisante et de sa tendre compassion. — S. Cyrille. (Tres., 12, 14.) Ce commandement suprême ne peut venir que de la divine majesté, comment donc pourrait-on assimiler le Fils unique aux serviteurs, lui qui peut tout par sa seule volonté ? Il est dit de Dieu le Père, « qu’il a fait tout ce qu’il a voulu » (Ps 113 ; 134) ; comment donc celui qui exerce la puissance de son Père, serait-il d’une nature différente ? Tout ce qui a la même puissance, a ordinairement la même nature. Cependant admirez comment Jésus-Christ joint ici l’opération divine à l’action humaine ; car c’est le propre de la nature divine que la volonté soit aussitôt suivie de son effet, comme étendre la main est un acte de la nature humaine. Or, la personne unique de Jésus se compose de ces deux natures, parce qu’il est le Verbe fait chair. — S. Grég. de Nysse. (disc. sur la résurr. de J.-C.) En Jésus-Christ, la divinité était unie aux deux substances constitutives de l’homme, à l’âme et au corps, et les attributs de la nature divine se manifestaient par l’une et l’autre de ces deux substances. Le corps révélait la divinité qu’il recouvrait en donnant la guérison par un simple attouchement, et l’âme faisait éclater la toute-puissance de Dieu par l’efficacité de sa volonté ; car la volonté est l’action propre de l’âme, comme le toucher est le sens propre du corps, l’âme veut, le corps touche.

S. Ambr. Notre-Seigneur dit : « Je veux, » pour combattre l’hérétique Photius ; il commande, pour condamner Arius, il touche le lépreux, pour confondre Manès. Aucun intervalle entre l’action de Dieu et son commandement, pour vous faire comprendre et l’affection du médecin, et la puissance de son opération : « Et aussitôt sa lèpre disparut. » Mais que chacun de nous évite toute vaine gloire en imitant l’exemple de l’humilité du Sauveur, s’il ne veut que la lèpre n’atteigne le médecin lui-même : « Et il lui ordonna de n’en parler à personne. » Il nous enseigne ainsi à ne point publier nos bienfaits, mais à les cacher et à ne rechercher ni rémunération pécuniaire, ni la récompense plus délicate de la reconnaissance. Peut-être aussi Notre-Seigneur commande le silence à ce lépreux, parce qu’il préférait de beaucoup ceux qui croient par une foi spontanée, à ceux dont la foi a pour motifs les bienfaits qu’ils espèrent. — S. Cyrille. Mais quand même le lépreux eût gardé le silence, la voix seule de ce miracle suffisait pour faire connaître la puissance de celui qui avait opéré cette guérison à tous ceux qui en seraient témoins.

S. Chrys. (hom. 26 sur S. Matth.) Le plus souvent, la maladie réveille dans les hommes la pensée de Dieu, mais ils l’oublient bien vite, aussitôt qu’ils sont guéris ; Jésus recommande donc au lépreux d’avoir toujours Dieu devant les yeux, et de lui rendre gloire : « Allez, montrez-vous au prêtre. » Le Sauveur voulait qu’il se soumît à l’examen et au jugement du prêtre, et que ce fût sur sa déclaration qu’il fût réintégré dans la société de ceux qui étaient purs. — S. Ambr. Il voulait aussi apprendre au prêtre que ce n’était point par l’observation des prescriptions de la loi, mais par la puissance bien supérieure à la loi de la grâce de Dieu, que ce lépreux avait été guéri. En ordonnant au lépreux d’offrir le sacrifice prescrit par Moïse, le Seigneur fait voir qu’il ne venait pas détruire la loi, mais l’accomplir : « Et offrez pour votre guérison, le don prescrit par Moïse. » — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 3.) Le Sauveur paraît approuver ici le sacrifice prescrit par Moïse, et que cependant l’Église n’a point conservé. Si donc Notre-Seigneur en fait ici un précepte au lépreux, c’est que le sacrifice du Saint des Saints, c’est-à-dire de son corps, n’était pas encore institué ; car les sacrifices figuratifs ne devaient être abolis que lorsque le témoignage de la prédication des Apôtres et la foi des peuples fidèles auraient établi le véritable sacrifice qu’ils figuraient. — S. Ambr. Ou bien encore, comme la loi est spirituelle, il commande au lépreux d’offrir un sacrifice spirituel, c’est pourquoi il ajoute : « C’est que Moïse a ordonné, » et ensuite « En témoignage pour eux. » — Tite de Bostra. Les hérétiques donnent une fausse signification à ces paroles, et prétendent qu’elles sont dans la pensée du Sauveur un blâme jeté sur la loi. Mais comment supposer qu’il commande à ce lépreux d’offrir un sacrifice pour sa guérison, comme Moïse l’a prescrit, s’il avait l’intention de blâmer ici la loi ? — S. Cyrille. Il ajoute « En témoignage pour eux, » parce que cette guérison prouve l’excellence incomparable de Jésus-Christ sur Moïse. Moïse, en effet, n’ayant pu guérir sa soeur de la lèpre, priait le Seigneur de l’en délivrer (Nb 12) ; au contraire, c’est avec une souveraine autorité que le Sauveur prononce ces paroles : « Je le veux, soyez guéri. »

S. Chrys. (hom. 26 sur S. Matth.) Ou bien encore, pour leur être en témoignage, c’est-à-dire pour leur condamnation et pour leur prouver que je respecte fa loi ; car après vous avoir guéri, je vous renvoie à l’examen des prêtres, pour être une preuve que je ne suis point un violateur de la loi. Le Seigneur, en guérissant ce lépreux, lui avait recommandé de n’en parler à personne, pour nous apprendre à fuir l’orgueil et la vaine gloire ; mais malgré cette recommandation, sa renommée se répandait partout et publiait le miracle qu’il venait d’opérer : « Cependant sa renommée se répandait de plus en plus, » etc. — Bède. La guérison parfaite d’un seul en amène une multitude autour de lui : « Et on venait par troupes nombreuses pour l’entendre, et pour être guéri de ses maladies, » etc. Car le lépreux, pour montrer qu’il était guéri extérieurement et intérieurement, publiait partout (au témoignage de saint Marc) et malgré la défense qui lui avait été faite, le bienfait de sa guérison.

S. Grég. (Moral., 6, 17). Notre divin Rédempteur consacre le jour à opérer des miracles dans les villes, et il passe les nuits dans le saint exercice de la prière : « Et il se retirait dans la solitude, et priait. » Il enseignait ainsi aux prédicateurs qui tendent à la perfection à ne pas renoncer entièrement à la vie active par un trop grand amour de la vie contemplative ; comme aussi à ne pas sacrifier les joies de la contemplation aux occupations absorbantes de la vie active, mais à puiser dans le calme de la contemplation les vérités qu’ils verseront ensuite dans les âmes lorsqu’ils travailleront au salut du prochain. — Bède. Lorsque vous voyez le Sauveur se retirer dans la solitude, n’attribuez pas cette action à la nature qui dit : « Je le veux, soyez guéri ; » mais à celle qui étend la main pour toucher le lépreux. Ce n’est pas, sans doute, qu’il y ait deux personnes en Jésus-Christ, comme le prétend Nestorius ; mais il y a deux opérations dans une seule et même personne, comme il y a deux natures. — S. Grég. de Nazianze. (disc. 28.) Notre-Seigneur opère ordinairement ses oeuvres au milieu du peuple, et se livre à la prière dans la solitude, et il autorise ainsi un repos momentané, qui nous permet de nous entretenir avec Dieu dans la sincérité de notre âme. En effet, il n’avait besoin pour lui-même ni de retraite ni de solitude, puisque étant Dieu, il n’était sujet ni au relâchement ni à la dissipation de l’âme, il voulait donc nous apprendre qu’il est une heure pour la vie active, une autre pour des occupations plus élevées ; et nous enseigner le temps qui convient à l’action, et celui qui est favorable à l’exercice plus sublime de la contemplation.

Bède. Dans le sens allégorique, ce lépreux représente le genre humain languissant et affaibli par suite de ses péchés ; et tout couvert de lèpre ; « car tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu » (Rom., III), c’est-à-dire qu’ils ont besoin que Dieu, étendant la main (c’est-à-dire que le Verbe de Dieu contractant une union étroite avec la nature humaine), il les purifie de leurs anciennes erreurs, et leur permette d’offrir, pour leur guérison, leurs corps comme une hostie vivante. — S. Ambr. Si le Verbe est le remède tout puissant de la lèpre, le mépris du Verbe est donc la lèpre de l’âme. — Théophile. Remarquez encore que celui qui est purifié devient digne de présenter à Dieu son offrande, c’est-à-dire le corps et le sang du Seigneur, qui sont unis à la nature divine.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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