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Lc  24  1-12

Bède. Les saintes femmes ne se contentèrent pas de ce qu’elles avaient fait le jour de la préparation ; lorsque le sabbat fut passé (c’est-à-dire après le coucher du soleil) et dès qu’il leur fut permis de reprendre leur travail, elles achetèrent des parfums, pour aller embaumer dès l’aurore le corps de Jésus, comme le rapporte saint Marc ; mais l’obscurité de la nuit les empêcha d’aller au sépulcre : « Le premier jour donc de la semaine, de grand matin, elles vinrent au sépulcre, » etc. Le jour d’après le sabbat, ou le premier jour de la semaine, est le premier qui suit le sabbat, et que les chrétiens ont appelé depuis le jour du Seigneur, à, cause de la résurrection du Sauveur. La démarche de ces pieuses femmes, qui viennent au sépulcre de grand matin, montre la grandeur de leur amour et du désir qu’elles avaient de chercher et de trouver le Seigneur.

S. Ambr. Toutefois, le récit des évangélistes présente ici une assez grande difficulté ; saint Luc dit que les saintes femmes sont venues de grand matin au sépulcre ; saint Matthieu, qu’elles sont venues le soir du sabbat. Mais cette divergence de temps disparaît, en admettant que des femmes différentes vinrent au sépulcre à plusieurs reprises, et qu’il y eut aussi plusieurs apparitions distinctes. Quant à ces paroles de saint Matthieu : « Le soir ou la nuit du sabbat, à la première lueur du jour qui suit le sabbat, » eut lieu la résurrection du Seigneur, il ne faut pas les entendre dans ce sens que le Sauveur soit ressuscité le matin du dimanche, qui est le premier jour après le sabbat, ni le jour même du sabbat ; car où seraient dans cette dernière hypothèse les trois jours qui devaient s’écouler jusqu’à la résurrection ? Ce n’est donc pas au déclin du jour, mais au déclin de la nuit, qu’il est ressuscité. D’ailleurs, le texte grec de l’Évangile selon saint Matthieu porte οφε, en latin sero, qui veut dire tard. Or, ce mot signifie le déclin du jour, et aussi tout ce qui vient tard, comme lorsque l’on dit : Cela m’a été suggéré trop tard. Cette expression signifie donc que la nuit était profonde, ce qui permit aux saintes femmes d’approcher du sépulcre pendant le sommeil des gardes. Une nouvelle preuve que la résurrection eut lieu pendant la nuit, c’est que parmi ces saintes femmes les unes en étaient instruites, c’étaient celles qui ont veillé le jour et la nuit ; les autres l’ignoraient, parce qu’elles s’étaient retirées. Saint Jean parle d’une Marie Madeleine qui ne savait où on avait mis le corps du Seigneur ; saint Matthieu, d’une autre Madeleine qui le savait ; car la même personne n’a pu le savoir d’abord, et l’ignorer ensuite. Si donc il y a plusieurs Maries, on peut admettre aussi plusieurs Maries Madeleines, le premier nom étant celui de la personne, et le second celui de son pays. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 3, 24.) Ou encore, saint Matthieu, dans la première partie de la nuit qui est le soir, a voulu comprendre la nuit elle-même ; c’est au déclin de cette nuit que les saintes femmes allèrent au sépulcre, ce qui s’explique d’autant plus facilement, qu’elles avaient préparé les aromates dès le soir, et que le jour du sabbat étant passé, il leur était permis de les apporter.

Eusèbe. Le corps du Verbe était étendu sans vie dans le tombeau, et une grande pierre en fermait l’entrée, comme si la mort eût voulu le retenir captif ; mais trois jours n’étaient pas encore écoulés, que la vie se manifesta de nouveau, après que la mort du Sauveur eut été environnée de toute la certitude possible : « Et elles virent que la pierre qui était au-devant du sépulcre, en avait été ôtée. » — Théophile. C’était un ange qui l’avait renversée, comme le rapporte saint Matthieu. — S. Chrys. (hom. 91 sur S. Matth.) Cette pierre fut ôtée après la résurrection, afin que les pieuses femmes, à la vue du sépulcre, vide du corps du Sauveur, n’hésitassent pas à croire qu’il était ressuscité : « Et étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. » — S. Cyrille. Or, ne trouvant point le corps du Sauveur qui était ressuscité, elles étaient agitées de diverses pensées, mais leur tendre amour pour Jésus-Christ, et leur pieuse sollicitude leur méritèrent d’être visitées par les anges : « Pendant qu’elles étaient remplies de frayeur et d’anxiété, près d’elles parurent deux anges revêtus de robes resplendissantes. — Eusèbe. Les messagers de cette heureuse résurrection apparaissent revêtus d’habits resplendissants, comme présages de joie et de bonheur. Lorsque Moïse était sur le point de frapper l’Égypte de plaies, il vit un ange au milieu d’une flamme ardente ; mais ce n’est point dans cet appareil terrible, que les anges se montrent aux saintes femmes, ils sont environnés de la grâce et de la douceur qui convenaient au règne et au glorieux triomphe du Seigneur. Et de même qu’au temps de sa passion le soleil s’était éclipsé, pour témoigner son horreur et sa tristesse aux bourreaux qui crucifièrent le Fils de Dieu ; ainsi les anges messagers de la vie et de la résurrection annoncent, par l’éclat de leurs vêtements, la joie de cette grande fête qui est le salut du monde.

S. Ambr. Mais comment se fait-il que saint Matthieu et saint Marc ne parlent que d’un jeune homme assis et vêtu de blanc, tandis que d’après saint Luc et saint Jean les saintes femmes virent deux anges revêtus de robes blanches ? — S. Augustin. (de l’acc. des Evang.) Nous pouvons très-bien admettre que les saintes femmes ne virent qu’un seul ange lorsqu’elles entrèrent dans le sépulcre, c’est-à-dire dans une espèce d’enceinte qui entourait le sépulcre taillé dans le roc, et était fermée d’une muraille ; c’est là qu’elles virent assis à droite l’ange dont parle saint Marc. Elles avancèrent ensuite pour regarder dans l’intérieur du sépulcre, où le corps du Seigneur avait été déposé, et c’est alors que d’après le récit de saint Luc, elles virent ces deux autres anges qui raniment leur courage et fortifient leur foi : « Et comme dans leur frayeur, elles tenaient leur visage abaissé vers la terre, » etc. — Bède. A la vue des anges qui leur apparaissent, les saintes femmes ne se prosternent pas la face contre terre, elles tiennent simplement leurs yeux baissés vers la terre. Nous ne voyons également qu’aucun des saints qui furent témoins de la résurrection du Seigneur se soit prosterné la face contre terre, lorsque le Seigneur lui-même ou ses anges leur apparaissaient. C’est de là qu’est venu l’usage dans l’Église de prier les yeux baissés vers la terre, mais sans fléchir les genoux, tous les jours de dimanche et pendant les cinquante jours qui forment le temps pascal, soit en mémoire de la résurrection du Seigneur, soit comme un signe de l’espérance de notre propre résurrection. Or, ce n’était point dans un sépulcre (qui est la demeure des morts), qu’il fallait chercher celui qui était ressuscité d’entre les morts à une vie nouvelle. Aussi les anges disent-ils aux saintes femmes : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est point ici, il est ressuscité. » En effet, c’est le troisième jour après sa mort, qu’il célébra le triomphe de sa résurrection, comme il l’avait prédit aux saintes femmes qui étaient avec ses disciples : « Souvenez-vous de ce qu’il vous a dit lorsqu’il était encore en Galilée : Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. » En effet, il expira le jour de la préparation du sabbat, vers la neuvième heure, il fut enseveli le soir du même jour, et ressuscita au commencement du premier jour après le sabbat. — S. Athan. (de l’incarn. du Fils de Dieu.) Il aurait pu sans doute ressusciter immédiatement son corps, mais on n’eût pas manqué de dire qu’il n’était pas véritablement mort, ou que la mort ne l’avait pas entièrement atteint ; au contraire, si la résurrection du Seigneur avait été différée, la gloire de son incorruptibilité eût été moins évidente ; il mit donc un intervalle d’un jour entre sa mort et sa résurrection, pour prouver que son corps était véritablement mort, et il le ressuscita le troisième jour pour démontrer qu’il n’était pas soumis à la corruption. — Bède. Il est resté dans le tombeau un jour et deux nuits, parce qu’il a voulu joindre la lumière de sa mort qui est une aux ténèbres de notre double mort.

S. Cyrille. Les saintes femmes, instruites par les paroles des anges, se hâtèrent de venir annoncer toutes ces choses aux Apôtres : « Elles se ressouvinrent des paroles de Jésus ; et étant revenues du sépulcre, elles annoncèrent toutes ces choses aux onze et à tous les autres. » Ainsi la femme qui fut autrefois comme le ministre et l’instrument de la mort, est la première pour apprendre et pour annoncer l’auguste mystère de la résurrection. C’est ainsi que la femme a mérité le pardon de l’opprobre et l’affranchissement de la malédiction qui pesaient sur elle. — S. Ambr. Il n’est point permis aux femmes d’enseigner dans l’Église (1 Tm 2), elles doivent se contenter d’interroger leurs maris dans l’intérieur de leurs maisons. (1 Co 14.) C’est pour cela que la femme est envoyée à ceux qui sont de la famille de Jésus. L’Évangéliste nous fait connaître le nom de ces femmes : « Ce fut Marie Madeleine. » — Bède. (la soeur de Lazare), et Jeanne (épouse de Chusaï, intendant d’Hérode) ; et Marie, mère de Jacques, (de Jacques le Mineur et de Joseph.) Quant aux autres, saint Luc ne les désigne que de cette manière générale : « Et les autres qui étaient avec elles, qui racontèrent ceci aux Apôtres. » — Bède. (d’apr. S. Ambr.) Pour décharger la femme du crime et de l’opprobre perpétuel dont elle était chargée aux yeux des hommes, Dieu permet qu’après avoir été pour l’homme l’intermédiaire du mal, elle devienne aujourd’hui l’intermédiaire de la grâce.

Théophile. A ne consulter que les lois de la nature, le miracle d’une résurrection est une chose incroyable pour les hommes : « Aussi, ajoute l’Évangéliste, les Apôtres regardèrent comme une rêverie ce qu’elles leur disaient, et ne les crurent point. » — Bède. (d’après S. Grég.) Ce doute est moins un effet de la faiblesse de leur foi, que le fondement inébranlable de la nôtre, car pour triompher de leurs doutes, Dieu fit ressortir la vérité de la résurrection par une multitude de preuves, et lorsque nous lisons ces preuves, le doute même des Apôtres produit en nous la certitude. — Théophile. Pierre, à cette nouvelle, court sans tarder au sépulcre, prompt comme le feu qui n’attend pas qu’on lui jette le bois qu’il doit consumer : « Pierre se leva aussitôt et courut au sépulcre. »

Eusèbe. Seul parmi les Apôtres, il se rend au témoignage des femmes, qui lui rapportent l’apparition des anges, et comme il avait pour Jésus un amour plus grand que les autres Apôtres, il montrait aussi un plus grand zèle, et regardait de tous côtés pour découvrir le Seigneur : « Et s’étant penché, il ne vit que les linges par terre. »

Théophile. Lorsqu’il fut venu au sépulcre, le premier sentiment qu’il éprouva fut un sentiment d’admiration pour les choses qu’il avait pu tourner en dérision aussi bien que les autres Apôtres : « Et il s’en alla, admirant en lui-même, ce qui était arrivé, » c’est-à-dire, qu’il admirait comment les linges seuls qui avaient servi à recouvrir le corps embaumé de myrrhe, avaient été laissés, ou quelles circonstances avaient favorisé le voleur à ce point, qu’au milieu des gardes qui environnaient le sépulcre, il ait eu le temps de débarrasser le corps des linges qui l’entouraient avant de l’enlever.

S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 3, 25.) Saint Luc a voulu résumer ici tout ce que fit Pierre dans cette circonstance. En effet, Pierre courut au sépulcre en même temps que Jean, alors seulement que les saintes femmes, et Marie Madeleine en particulier, vinrent leur annoncer que le corps avait été enlevé, et l’apparition des anges n’eut lieu qu’ensuite. Saint Luc ne parle ici que de Pierre, parce que c’est à lui d’abord que Marie Madeleine annonça ce qu’elle avait vu. On peut aussi s’étonner que d’après le récit de saint Luc, Pierre n’entrât point dans le sépulcre, mais qu’étant penché il vit simplement les linges par terre, et se retira plein d’admiration, tandis que saint Jean dit positivement qu’il vit aussi ces linges posés à terre et qu’il entra dans le sépulcre après Pierre. Cette difficulté disparaît, en admettant que Pierre vit d’abord ces linges en se penchant sur le sépulcre (circonstance que saint Luc rapporte et saint Jean passe sous silence), et qu’il entra ensuite dans le sépulcre avant que Jean y entrât lui-même.

Bède. Dans le sens figuré, ces pieuses femmes qui viennent au tombeau de grand matin, nous apprennent par leur exemple à dissiper les ténèbres de nos péchés avant d’approcher du corps de Jésus-Christ. En effet, ce sépulcre était la figure de l’autel du Seigneur où les mystères du corps de Jésus-Christ doivent être consacrés, non dans la soie ou dans la pourpre, mais sur le lin pur, figuré par le suaire dans lequel Joseph d’Arimathie l’enveloppa. Ainsi de même que le Sauveur a offert pour nous à la mort la véritable substance de sa nature terrestre, nous aussi, en souvenir de sa passion, nous étendons sur l’autel le lin blanc et pur que produit la terre après l’avoir préparé par un travail qui figure les divers genres de mortification. Les aromates que les saintes femmes apportent, sont l’emblème de l’odeur des vertus et du parfum suave des prières avec lesquelles nous devons approcher de l’autel (cf. Ap 8, 4.8). Le renversement de la pierre figure la révélation des mystères qui étaient cachés sous le voile de la lettre de la loi, écrite sur des, tables de pierre ; lorsque cette pierre est ôtée on ne trouve plus dans le sépulcre le corps de Jésus-Christ, qu’on y avait déposé après sa mort, mais on annonce et on prêche qu’il est plein de vie, « parce que si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette sorte. » (2 Co 5, 16.) De même enfin que les anges se tenaient autour du corps. du Seigneur déposé dans le sépulcre, ainsi devons-nous croire que les anges environnent le corps du Seigneur au moment de la consécration des divins mystères. Nous donc aussi, à l’exemple des saintes femmes, chaque fois que nous approchons des saints mystères, et autant par respect pour les anges qui sont présents que par vénération pour l’oblation sainte, abaissons nos yeux vers la terre dans un profond sentiment d’humilité, en nous rappelant que nous ne sommes que cendre et poussière.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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