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Lc  24  13-24

La glose. Après que les anges ont fait connaître aux saintes femmes la résurrection de Jésus-Christ, le Sauveur apparaît lui-même à ses disciples, pour leur apprendre qu’il est ressuscité : « Or, ce jour-là même deux d’entre s’en allaient à un village nommé Emmaüs. » — Théophile. Il en est qui prétendent que l’un de ces deux disciples était saint Luc lui-même, et que c’est la raison pour laquelle il a caché son nom. — S. Ambr. Le Sauveur se manifeste sur le soir et séparément à ces deux disciples nommés Ammaon et Cléophas, comme il se manifesta plus tard séparément aux onze Apôtres. — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 3, 25.) Saint Marc a pu sans absurdité appeler campagne le bourg d’Emmaüs. Saint Luc fait connaître ensuite la situation de ce bourg, en ajoutant : Il était éloigné d’environ soixante stades de Jérusalem et s’appelait Emmaüs. — Bède. C’est aujourd’hui Nicopolis, ville célèbre de la Palestine, qui après que la Judée eut été réduite en servitude, fut rebâtie par l’empereur Marc-Aurèle, et changea d’aspect et de nom. Le stade qui, selon les Grecs, fut inventé par Hercule pour mesurer les distances, est la huitième partie du mille, ainsi soixante stades font sept mille cinq cents pas, ce fut la distance qu’eurent à parcourir ceux qui étaient certains de la mort et de la sépulture du Seigneur, mais qui doutaient encore de sa résurrection ; on ne peut nier en effet que la résurrection qui eut lieu après le septième jour de la semaine, ne soit figurée par le nombre huit. Or, ces deux disciples qui marchaient en s’entretenant du Seigneur, avaient déjà parcouru six mille de chemin, parce qu’ils s’affligeaient qu’on eût mis à mort (le sixième jour), un homme innocent de tout crime. Ils avaient même parcouru le septième mille, parce qu’ils ne doutaient nullement que son corps n’eût reposé dans le sépulcre, mais ils n’avaient encore parcouru que la moitié du huitième, parce qu’ils ne croyaient qu’imparfaitement à la gloire de la résurrection qui s’était déjà accomplie.

Théophile. Ces deux disciples s’entretenaient donc entre eux des choses qui étaient arrivées, sans y croire, et comme tout étonnés de ces événements extraordinaires « Et ils s’entretenaient de tout ce qui s’était passé. » — Bède. Pendant qu’ils s’entretiennent ainsi du Seigneur Jésus, il s’approche et fait route avec eux pour allumer dans leurs âmes la foi de sa résurrection, et accomplir cette promesse qu’il avait faite : « Là où deux où trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18.) « Pendant qu’ils discouraient et se communiquaient leurs pensées, Jésus lui-même vint les joindre et se mit à marcher avec eux. » — Théophile. Le corps de Jésus étant doué de spiritualité depuis sa résurrection, la distance des, lieux ne l’empêchait plus de se manifester au milieu de ceux auxquels il voulait apparaître ; son corps n’était plus soumis aux lois naturelles, mais aux lois surnaturelles qui régissent les esprits. Voilà pourquoi saint Marc rapporte qu’il apparut aux deux disciples sous une autre forme qui ne leur permettait pas de le reconnaître. (Mc 16.) « Et quelque chose empêchait que leurs yeux ne le reconnussent. » Le Sauveur se conduit de la sorte à leur égard pour leur donner lieu de révéler le doute qui assiége leur esprit, et d’obtenir la guérison de leurs blessures en les découvrant à ce divin médecin. Son intention est encore de leur apprendre que bien que son corps ressuscité fût le même qui avait souffert, cependant il n’était plus dans un état où il pût être vu de tous indifféremment, mais seulement de ceux à qui il voulait se manifester. Il veut enfin qu’ils sachent pourquoi désormais il ne vit plus au milieu des hommes, c’est que depuis sa résurrection les hommes ne sont plus dignes de cette vie nouvelle et toute divine qui est une image de notre résurrection future, où notre vie sera celle des anges et des enfants de Dieu.

S. Grég. (hom. 23 sur les Evang.) C’est par un dessein plein de sagesse que Jésus n’apparaît pas aux deux disciples sous une forme qui le fit reconnaître ; il reproduit extérieurement pour les yeux du corps ce qui se passait intérieurement pour les yeux de leur âme. En effet, l’amour pour Jésus et le doute se partageaient à la fois leur coeur. Il leur manifeste donc sa présence, pendant qu’ils s’entretenaient de lui, mais il leur apparaît sous une forme qui ne leur permettait pas de le reconnaître, parce que leur âme est en proie au doute. Cependant il leur adresse la parole : « Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous ainsi en marchant et d’où vient votre tristesse ? » — Chaîne des Pères Grecs. Ils s’entretenaient ensemble comme ayant perdu toute espérance de revoir le Christ vivant, et ils s’affligeaient vivement de la mort du Sauveur : « L’un d’eux, nommé Cléophas, lui répondit : Êtes-vous seul si étranger dans Jérusalem que vous ne sachiez pas les choses qui y sont arrivées ces jours-ci ? » — Théophile. C’est-à-dire, êtes-vous donc seul étranger, habitez-vous si loin de Jérusalem et vous inquiétez-vous si peu de ce qui s’est passé au milieu de cette ville que vous l’ignoriez complètement ? — Bède. Ils lui tiennent ce langage, parce qu’ils le prenaient pour un étranger dont le visage leur était inconnu ; en effet, il était véritablement pour eux un étranger, la gloire de sa résurrection mettait entre lui et leur faible nature une distance immense, et il demeurait aussi comme un étranger pour leur foi qui ne pouvait croire à sa résurrection. Cependant il continue de les interroger : « Quelles choses, leur dit-il ? Ils répondirent : Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète. » Ils reconnaissent hautement qu’il est un prophète mais non qu’il est le Fils de Dieu, soit que leur foi sur ce point fût encore imparfaite, soit par crainte de tomber dans les mains persécutrices des Juifs. Ils ne savaient donc qui il était, ou ils dissimulaient ce qu’ils regardaient comme la vérité : ils ajoutent cependant à sa louange : « Puissant en oeuvres et en paroles. » — Théophile. Les oeuvres d’abord, ensuite les paroles ; aucune doctrine, en effet, n’est acceptable, si celui qui l’enseigne ne commence par la mettre en pratique ; les oeuvres doivent précéder les considérations, et si vous ne purifiez pas vos bonnes oeuvres, le miroir de votre intelligence, elle n’aura pas l’éclat que vous désirez. Ils ajoutent encore : « Devant Dieu et devant tout le peuple, » car nous devons chercher avant tout à plaire à Dieu, et veiller ensuite autant qu’il est possible, à ce que notre vertu édifie les hommes, c’est-à-dire, que nous devons mettre au premier rang le service de Dieu, et éviter ensuite tout ce qui peut scandaliser nos frères.

Chaîne des Pères Grecs. Ils font connaître ensuite la cause de leur tristesse, c’est la passion du Christ livré à la fureur de ses ennemis : « Et comment les princes des prêtres et nos anciens l’ont livré pour être condamné à mort. » Et ils laissent ensuite échapper cette parole de désespoir : « Nous espérions qu’il était celui qui doit délivrer Israël » Nous espérions, disent-ils, nous n’espérons plus, comme si la mort de Jésus-Christ était semblable à la mort des autres hommes. — Théophile. Lorsqu’ils espéraient, en effet, que le Christ délivrerait le peuple d’Israël des maux qui l’accablaient et de la servitude des Romains, ils croyaient qu’il serait roi à la manière des rois de la terre, et qu’il aurait pu par conséquent échapper à la sentence de mort portée contre lui. — Bède. C’est donc avec raison qu’ils sont dans la tristesse, ils se reprochent pour ainsi dire d’avoir placé leurs espérances de rédemption dans celui qu’ils ont vu mourir sur la croix, et à la résurrection duquel ils ne peuvent croire, et ils s’affligent de la mort injuste de celui dont ils connaissaient l’innocence. — Théophile. Les paroles qui suivent prouvent toutefois qu’ils ne sont pas complètement incrédules : « Et cependant après tout cela, c’est aujourd’hui le troisième jour que ces choses se sont passées. » Ils avaient donc quelque souvenir de ce que le Seigneur leur avait dit qu’il ressusciterait le troisième jour.

Chaîne des Pères Grecs. Ils rapportent même le bruit que les saintes femmes avaient répandu de la résurrection de Jésus : « A la vérité, quelques-unes des femmes qui sont avec nous, nous ont fort étonnés, » etc. ils rapportent ce bruit sans y croire, la seule impression qu’il ait produite sur eux, c’est l’étonnement, la frayeur, car ils ne pouvaient supposer la vérité de ce qui leur était raconté ni croire à l’apparition des anges, cette nouvelle les jetait donc dans l’étonnement et le trouble. Le témoignage de Pierre lui-même ne leur paraissait pas certain, car il n’affirmait pas qu’il avait vu le Seigneur, mais de ce que son corps n’était plus dans le sépulcre, il conjecturait qu’il pouvait être ressuscité : « Quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre, et ont trouvé toutes choses comme les femmes les leur avaient rapportées, mais pour lui, ils ne l’ont point trouvé. » — S. Augustin. (de l’acc. des Evang.) Saint Luc vient de dire précédemment que Pierre courut au sépulcre, et en rapportant les paroles de Cléophas : « Quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre, » il confirme le récit de Jean, d’après lequel deux disciples (Jn 20) allèrent au sépulcre ; mais saint Luc n’a parlé d’abord que de Pierre, comme étant le premier à qui Marie annonça ce qu’elle avait vu.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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