Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Luc  >  chapitre 24, versets 25-35

Lc  24  25-35

Théophile. Notre-Seigneur voyant l’âme de ses deux disciples en proie à d’aussi grands doutes, les en reprend avec sévérité : « Alors il leur dit : O insensés (ils venaient en effet de tenir le même langage que les Juifs au pied de la croix : Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même) et lents de coeur, à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! » On en voit, en effet, qui croient à quelques-uns des oracles prophétiques, mais non pas à toutes les prophéties ; ainsi ils ajouteront foi aux prophéties qui ont pour objet la croix de Jésus-Christ, à celle-ci par exemple : « ils ont percé mes pieds et mes mains ; » (Ps 21) mais ils ne croiront pas à celles qui ont annoncé sa résurrection, comme à cette autre du même Roi-prophète : « Vous ne souffrirez point que votre saint soit sujet à la corruption. » (Ps 15.) Or, nous devons croire indistinctement à toutes les prophéties, à celles qui ont prédit ses gloires, comme à celles qui ont annoncé ses humiliations ; car c’est justement par ses humiliations et ses souffrances qu’il est entré dans sa gloire : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât ainsi dans sa gloire ? » ce qu’il faut entendre de son humanité.

S. Isidore de Péluse. Mais bien qu’il fallût que le Christ passât par les souffrances, ceux qui l’ont crucifié n’en sont pas moins coupables ; car ils ne cherchaient point à accomplir les desseins de Dieu ; aussi leur action a-t-elle été souverainement impie, tandis que la providence de Dieu s’est montrée pleine de sagesse en faisant servir leur iniquité au salut du genre humain, comme on se sert de la chair des vipères pour composer un antidote efficace et salutaire. — S. Chrys. Aussi le Sauveur leur explique comment les choses ne sont pas arrivées naturellement, mais par un dessein depuis longtemps prémédité de Dieu : « Et parcourant tous les prophètes, en commençant par Moïse, il leur expliquait ce qui le concerne dans toutes les Écritures. » Il semble leur dire : Puisque vous êtes ai lents à croire, je vais vous rendre une sainte activité en vous expliquant les mystères des Écritures ; ainsi le sacrifice d’Abraham, immolant un bélier à la place d’Isaac, a été la figure du sacrifice de la croix (Gn 22, 12), et c’est ainsi que les mystères de la croix et de la résurrection de Jésus-Christ se trouvent annoncés ça et là dans tous les oracles prophétiques. — Bède. Or, si Moise et les prophètes ont parlé de Jésus-Christ et prédit qu’il n’entrerait dans sa gloire que par le chemin des souffrances, comment peut-on se glorifier d’être chrétien, et ne point examiner avec soin le rapport que les Écritures ont avec Jésus-Christ, et surtout ne point vouloir obtenir par les souffrances la gloire qu’on désire partager avec Jésus-Christ ?

Chaîne des Pères Grecs. L’Évangéliste nous a fait observer précédemment que les yeux des deux disciples étaient comme fermés, et qu’ils ne purent le reconnaître, jusqu’à ce que les paroles du Sauveur eurent disposé leur âme à la foi ; il raconte maintenant comment Jésus se découvrit à eux après les avoir préparés par ses enseignements : « Cependant ils approchèrent du village où ils allaient, et Jésus feignit d’aller plus loin. » — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 51.) Il n’y a point ici de mensonge de la part du Sauveur, car toute feinte n’est pas un mensonge. il y a mensonge toutes les fois que l’action que nous, feignons de faire ne signifie absolument rien, mais lorsque cette action a une signification, ce n’est plus un mensonge, mais une figure de la vérité ; autrement il faudrait regarder comme autant de mensonges tout ce que les saints et Notre-Seigneur lui-même ont dit en termes figurés, puisque ces paroles, prises dans leur sens naturel et ordinaire, n’ont rien de vrai. On peut donc sans mensonge user de feinte dans ses actions aussi bien que dans ses paroles, en se proposant, dans ces actions, la signification d’une vérité quelconque.

S. Grég. (hom. 22 sur les Evang.) Jésus feint d’aller plus loin, parce qu’il était encore étranger pour leurs coeurs qui avaient si peu de foi en lui. Feindre veut dire façonner, de là vient le nom que nous donnons à ceux qui façonnent l’argile. La vérité qui est simple, n’a donc rien fait ici par duplicité, elle s’est montrée extérieurement aux yeux de leur corps, telle qu’elle était pour les yeux de leur âme. Cependant comme ils ne pouvaient rester étrangers à la charité, alors qu’ils avaient pour compagnon de voyage la charité elle-même, ils lui offrent l’hospitalité comme à un étranger : « Et ils le pressèrent. » Apprenons par cet exemple, que nous devons non seulement inviter les étrangers, mais encore les forcer à accepter l’hospitalité. — La glose. Non contents de le forcer, ils lui apportent une raison déterminante : « Ils le pressèrent, en disant : Demeurez avec nous, car il se fait tard, et le jour est déjà sur son déclin. »

S. Grég. (hom. 22.) Lorsque Jésus-Christ est reçu dans la personne de ses membres, il s’approche lui-même de ceux qui le reçoivent : « Et il entra avec eux. » Ils dressent la table, servent les aliments, et ils vont reconnaître dans la fraction du pain le Dieu qu’ils n’ont pas reconnus quand il leur expliquait les saintes Écritures : « Etant avec eux à table, il prit le pain et le bénit, et l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent. » — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Ils le reconnurent non pas des yeux du corps, mais des yeux de l’âme. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 3, 25.) Ce n’est pas qu’ils eussent les yeux fermés en marchant avec lui, mais quelque chose les empêchait de reconnaître ce qu’ils voyaient par un effet semblable à celui que produit un brouillard, ou une humeur répandue sur les yeux). Notre-Seigneur aurait pu sans doute transformer son corps et lui donner une autre forme apparente que eau, qu’ils avaient coutume de voir, lui qui, avant sa passion, s’était transfiguré sur la montagne, et avait donné à son visage la splendeur du soleil. Mais il n’en fut point ainsi, et nous sommes fondés à croire que ç’est le démon qui avait placé ce bandeau sur leurs yeux, pour les empêcher de reconnaître Jésus-Christ. Or le Sauveur ne laissa ce bandeau sur leurs yeux que jusqu’au moment où il leur distribua le sacrement du pain, pour nous faire comprendre que la communion à son corps sacré, a la puissance d’écarter les obstacles qui nous empêchent de reconnaître Jésus-Christ. — Théophile. Il veut encore nous apprendre que la participation au pain sacré nous ouvre les yeux, pour que nous puissions le reconnaître, tant est grande et ineffable la vertu de la chair de Jésus-Christ.

S. Augustin. (Quest. évang.) Lorsque le Seigneur, marchant avec ses disciples qui ne le reconnaissent pas, et leur expliquant les Écritures, feint ensuite d’aller plus loin, il veut nous enseigner. encore qu’en pratiquant les devoirs de l’hospitalité, les hommes peuvent arriver à le connaître, et qu’il sera toujours avec ceux qui exerceront l’hospitalité à l’égard de ses serviteurs, lors même qu’il se sera plus éloigné des hommes en remontant dans les cieux. Celui donc qui, après avoir été instruit des choses de la foi, communique tous ses biens à celui qui l’a instruit (Ga 6), est sûr de retenir Jésus-Christ et de l’empêcher de s’éloigner de lui. En effet, les disciples d’Emmaüs avaient reçu l’enseignement de la parole, lorsque le Sauveur leur expliquait les Écritures. Et c’est parce qu’ils ont pratiqué à son égard l’hospitalité, qu’ils ont mérité de connaître lors de la fraction du pain celui qu’ils n’avaient pas reconnu lorsqu’il leur expliquait les Écritures, « car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, qui sont justes aux yeux de Dieu, mais ce sont ceux qui la pratiquent qui seront justifiés. (Rm 2.)

S. Grég. (hom. 22.) Que celui donc qui veut comprendre les enseignements qu’il a reçus, se hâte de mettre en pratique ce qu’il a déjà pu comprendre. Voyez, le Seigneur n’a pas été connu pendant qu’il parlait, et il daigne se faire connaître lorsqu’il se donne en nourriture. L’Évangéliste ajoute : « Et il disparut de devant leurs yeux. » — Théophile. La nature de son corps ressuscité ne lui permettait pas de demeurer plus longtemps avec eux, et il voulait aussi par là augmenter leur amour : « Aussi ils se dirent alors l’un à l’autre : N’est-il pas vrai que notre coeur était tout brûlant au dedans de nous, lorsqu’il nous parlait dans le chemin, et qu’il nous expliquait les Écritures ? » — Origène. Nous voyons ici que les paroles du Sauveur embrasaient du feu de l’amour divin ceux qui les écoutaient. — S. Grég. (hom. pour la Pentec.) Lorsque la parole divine se fait entendre, le coeur s’enflamme, la froide langueur disparaît, et l’âme est comme agitée par les saintes inquiétudes du désir des cieux. Elle se plaît à entendre les divins préceptes, et les enseignements qu’elle reçoit sont comme autant de feux qui l’embrasent.

Théophile. Leur coeur était donc brûlant, soit du feu des paroles du Sauveur qu’ils recevaient comme la vérité, soit parce qu’en l’écoutant expliquer les Écritures, ils comprenaient à la vive émotion de leurs cœur qu’il était le Seigneur. Aussi leur joie était si grande que, sans tarder, ils retournèrent aussitôt à Jérusalem : « Et se levant à l’heure même, ils retournèrent à Jérusalem. » Ils partirent à l’heure même, mais ils n’arrivèrent que quelques heures après, car ils avaient à parcourir une distance de soixante stades.

S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 3, 25.) Déjà le bruit que Jésus. était ressuscité avait été répandu et par les saintes femmes, et par Simon Pierre, à qui il était apparu, et les deux disciples, étant arrivés à Jérusalem, trouvèrent les Apôtres qui s’entretenaient de ce grand événement : « Et ils trouvèrent assemblés les onze, et ceux qui étaient avec eux, disant : Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon. » — Bède. C’est donc à saint Pierre, le premier de tous, que Notre-Seigneur est apparu d’après le témoignage des quatre Évangélistes et de l’Apôtre saint Paul. Il ne se manifestait, pas à tous, parce qu’il voulait jeter les semences de la foi ; en effet, celui à qui le Seigneur apparaissait le premier, et qu’il rendait ainsi certain de sa résurrection, racontait cette apparition aux autres ; et ce récit, se propageant, préparait ceux qui l’entendaient à voir le Sauveur lui-même. C’est donc pour cette raison qu’il apparut d’abord au plus digne et au plus fidèle de tous ses Apôtres. Il fallait, en effet, une âme dont la fidélité fût à toute épreuve pour recevoir cette apparition sans être troublé d’une vision aussi inattendue. Il apparaît donc à Pierre qui méritait d’être le premier témoin de la résurrection, parce qu’il avait confessé le premier qu’il était le Christ. Il lui apparaît encore le premier, parce que Pierre l’avait renié, et qu’il voulait ainsi le consoler et le préserver du désespoir. Il apparût ensuite à d’autres, tantôt plus, tantôt moins nombreux, au rapport des deux disciples : « Eux-mêmes, à leur tour, racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu dans la fraction du pain. »

S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 3, 25.) Saint Marc dit, il est vrai, que les Apôtres ne crurent pas au rapport des deux disciples, tandis que d’après saint Luc, ils déclarent eux-mêmes que le Seigneur est vraiment ressuscité ; mais cette contradiction apparente s’explique en disant que quelques-uns seulement de ceux. qui étaient présents refusèrent de croire au récit des deux disciples.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle