Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Luc  >  chapitre 23, versets 6-12

Lc  23  6-12

Bède. Pilate, convaincu qu’il ne peut ni interroger, ni condamner le Sauveur, sur les accusations portées contre lui, saisit avec empressement l’occasion qui lui est offerte, d’échapper à la responsabilité du jugement de Jésus : « Pilate, entendant nommer la Galilée, demanda si cet homme était Galiléen. » Il craint d’être obligé de prononcer une sentence de mort contre un homme innocent à ses yeux, et qui n’est accusé, il le sait, que par la noire envie de ses ennemis ; il le renvoie donc au tribunal d’Hérode, pour être absous ou condamné par le tétrarque qui gouvernait son pays : « Et dès qu’il sut qu’il était de la juridiction d’Hérode, il le renvoya à ce prince qui se trouvait lui-même à Jérusalem en ces jours-là. » — Théophile. Il se conforme en cela aux prescriptions de la loi romaine, d’après laquelle chacun devait être jugé par son prince naturel.

S. Grég. (Moral., 10, 17.) Or, Hérode voulut s’assurer de la renommée de Jésus-Christ, et il désirait lui voir opérer quelque prodige : « Hérode eut une grande joie de voir Jésus, » etc. — Théophile. Ce n’est pas qu’il voulut tirer quelque utilité de la présence du Sauveur, mais il avait la passion des nouveautés, et il s’attendait à voir un homme extraordinaire dont il avait entendu vanter la sagesse et les prodiges : « Car il avait entendu raconter beaucoup de choses de lui, et il espérait lui voir faire quelque miracle. » Il voulait aussi savoir ce qu’il lui dirait, et dans ce dessein il l’interroge sur le ton de la dérision et de la raillerie : « Il lui fit donc beaucoup de questions. » Mais Jésus, dont toute la conduite est dirigée par une raison souveraine, et qui, au témoignage de David, règle tous ses discours avec prudence et jugement (Ps 111, 5), crut plus utile pour Hérode de garder le silence dans cette circonstance. En effet, tout discours adressé à celui qui n’en fait aucun profit, devient pour lui une cause de condamnation : « Mais Jésus ne lui répondit rien. » — S. Ambr. Jésus se tait et ne fait aucun miracle, parce qu’Hérode n’avait pas la foi qui mérite d’avoir des miracles, et que lui-même fuyait toute ostentation. Peut-être aussi, Hérode est-il la figure de tous les impies, qui ne peuvent voir et comprendre les miracles de Jésus-Christ, racontés dans l’Évangile, qu’à la condition de croire à la loi et aux prophètes. — S. Grég. (Moral., 22, 42.) Cette conduite de Jésus nous apprend à garder nous-mêmes un silence absolu, toutes les fois que nos auditeurs témoignent le désir de nous entendre pour faire l’éloge de nos discours plutôt que pour corriger leurs vices, de peur qu’en annonçant la parole de Dieu par un motif de vaine gloire, nos discours n’aient d’autre résultat que de nous rendre coupables, sans avoir rendu les autres meilleurs. Or, nous pouvons reconnaître à plusieurs signes les intentions douteuses de ceux qui nous écoutent, mais surtout lorsque nous les voyons louer sans cesse ce qu’ils entendent, sans jamais mettre en pratique les enseignements dont ils font l’éloge.

S. Grég. (Moral., 10, 17.) Notre-Seigneur ne répond à aucune des questions qui lui sont adressées, il dédaigne d’opérer les prodiges qu’on attend de lui, il se recueille dans l’intérieur de son âme, et laisse dehors sans leur accorder aucune grâce, ceux qu’il voit ne rechercher que ce qui frappe les sens, il préfère le mépris public des orgueilleux aux louanges stériles de ceux qui refusent de croire en lui : « Cependant les princes des prêtres et les scribes étaient là, l’accusant avec opiniâtreté. Or, Hérode, avec sa cour, le méprisa, et l’ayant par dérision revêtu d’une robe blanche, il le renvoya. » — S. Ambr. Ce n’est pas sans un dessein mystérieux que Jésus est revêtu par Hérode d’une robe blanche, le symbole de sa mort innocente et le signe glorieux de l’agneau sans tache, qui devait expier les péchés du monde.

Théophile. Cependant, considérez comme le démon est pris et entravé dans ses propres filets. Il multiplie contre Jésus-Christ les dérisions et les outrages, qui prouvent jusqu’à l’évidence qu’il n’est point coupable de sédition, car on ne se serait pas contenté de se moquer de lui, s’il avait soulevé contre l’autorité, ce peuple qui aimait tant les nouveautés. Ce renvoi de Jésus, de Pilate à Hérode, devint pour eux une occasion de rapprochement, Pilate voulant ainsi prouver à Hérode qu’il n’usurpait point la juridiction sur ses propres sujets : « Et ce jour-là, Hérode et Pilate devinrent amis, car auparavant ils étaient ennemis l’un de l’autre. » Voyez comme le démon sait réunir ceux qui sont le plus divisés, pour arriver à consommer la mort de Jésus-Christ. Rougissons donc nous-mêmes, si, dans l’intérêt de notre propre salut, nous ne savons pas conserver l’union avec nos amis.

S. Ambr. Dans un sens figuré, Hérode et Pilate, qui se réconcilièrent à l’occasion de Jésus-Christ, représentent jusqu’à un certain point le peuple juif et le peuple des Gentils, qui devaient aussi se réconcilier entre eux par la passion du Seigneur, en suivant néanmoins cet ordre que les Gentils recevraient les premiers la parole de Dieu, et feraient ensuite entrer en participation de leur foi et de leur charité, les Juifs qui revêtiraient aussi de gloire et de majesté le corps de Jésus-Christ, objet autrefois de leurs mépris. — Bède. Ou encore, la réconciliation d’Hérode et de Pilate signifie que les Gentils et les Juifs, si différents d’origine, de religion et de sentiments, se réuniront et se ligueront pour persécuter les chrétiens.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle