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Lc  22  31-34

Bède. Dans la crainte que les onze Apôtres ne se laissent aller à un sentiment d’orgueil et n’attribuent à leurs propres forces d’avoir été presque les seuls de tant de milliers de Juifs, pour demeurer avec le Seigneur au milieu des tentations, le Sauveur leur déclare que s’ils n’avaient été protégés et soutenus par l’assistance divine, ils eussent été brisés comme les autres par la même tempête : « Le Seigneur dit encore Simon, Simon, voilà que Satan vous a demandés pour vous cribler comme le froment, » etc. C’est-à-dire, qu’il a demandé à vous tenter et à vous secouer, comme on secoue le froment pour le cribler, paroles qui nous apprennent que le démon ne peut tenter la foi de personne sans la permission de Dieu. — Théophile. Il s’adresse à Pierre, parce qu’il était plus fort que les autres, et qu’il pouvait s’enorgueillir des promesses que Jésus-Christ lui avait faites. Ou encore, il veut nous apprendre que les hommes qui ne sont rien (tant par leur nature que par la faiblesse de leur esprit), doivent fuir tout désir de domination sur leurs frères, c’est pour cela que, laissant tous les autres disciples, il s’adresse à Pierre qui avait été placé à leur tête : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. »

S. Chrys. (hom. 83 sur S. Matth.) Il ne dit pas : J’ai voulu, mais : « J’ai prié, » langage plein d’humilité qu’il tient aux approches de sa passion, pour prouver la vérité de sa nature humaine. Car comment supposer que celui qui, sans recourir à la prière, avait dit avec le ton du commandement : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et je te donnerai les clefs du royaume des cieux, » ait eu besoin de la prière pour confirmer dans la foi l’âme chancelante d’un homme ? Il ne lui dit pas non plus : J’ai prié, afin que tu ne me renies point, mais afin que tu ne perdes point la foi. — Théophile. Tu seras, il est vrai, ébranlé pour un moment, mais tu conserveras la semence de la foi que j’ai déposée dans ton âme ; le vent des tentations fera tomber les feuilles, mais la racine demeurera ferme. Satan, jaloux de l’amour que je te porte, demande et cherche à te nuire, et bien que j’ai prié pour toi, tu ne laisseras pas de succomber à ses attaques : « Et quand tu seras converti, confirme tes frères. » C’est-à-dire, après que tu auras expié dans les larmes et dans la pénitence le crime de m’avoir renié, confirme tes frères, toi que j’ai établi le prince des Apôtres ; c’est là ton devoir, comme étant avec moi la force et la pierre fondamentale de l’Église. Ce ne sont point seulement les Apôtres qui existaient alors que Pierre devait fortifier, mais tous les fidèles qui se succéderont jusqu’à la fin du monde. Que personne donc, parmi les chrétiens, ne perde confiance en voyant cet Apôtre renier son divin Maître, et recouvrer ensuite par la pénitence la sublime prérogative qui fait de lui le souverain Pontife du monde entier.

S. Cyrille. Admirez ici la patience vraiment inépuisable de Dieu, pour empêcher son disciple de tomber dans la défiance et le désespoir, il lui promet le pardon avant même qu’il ait commis son crime, et il le rétablit ensuite dans tous les droits de sa dignité d’Apôtre, en lui disant : « Et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères. » — Bède. C’est-à-dire, j’ai préservé ta foi par mes prières, afin qu’elle ne vint point à défaillir. Souviens-toi donc aussi de fortifier la faiblesse de tes frères, afin qu’ils ne désespèrent point du pardon. — S. Athan. Gardez-vous donc de tout sentiment d’orgueil, gardez-vous du monde, c’est à celui qui a dit : « Nous avons tout quitté pour vous suivre, » (Mt 19) que Notre-Seigneur commande de confirmer ses frères.

Bède. Le Seigneur ayant promis à Pierre qu’il prierait, pour que sa foi ne vînt pas à défaillir, cet Apôtre, plein de confiance dans l’amour qu’il ressent pour le Sauveur, dans la ferveur de sa foi, et ne prévoyant point la chute lamentable qu’il va faire, ne peut croire qu’il puisse jamais être infidèle à son maître : « Pierre lui dit : Seigneur, je suis prêt à aller avec vous en prison et à la mort. » — Théophylacte. La grandeur de son amour l’enflamme et lui fait promettre l’impossible, tandis qu’il aurait dû ne point s’obstiner, en entendant la vérité même lui prédire qu’il succomberait à la tentation. Or, le Seigneur voyant ce langage présomptueux, lui précise la tentation à laquelle il doit succomber ; et lui prédit qu’il le reniera « Jésus lui répondit : Je te le dis, Pierre, le coq ne chantera point aujourd’hui que tu ne m’aies renié, » etc. — S. Athan. Le Sauveur prédit à Pierre, dont l’esprit était prompt mais dont la chair était faible, qu’il le renierait, car il ne pouvait égaler le courage et la force d’âme de son divin Maître. Notre-Seigneur, dans sa passion, peut avoir des imitateurs mais pas d’égaux. — Théophile. Il nous donne ici une grande leçon, c’est que la volonté de l’homme ne peut rien sans le secours de Dieu. Pierre, en effet, malgré toute sa ferveur, fut abandonné de Dieu, et vaincu par l’ennemi du salut.

S. Basile. (Régl. abrég., guest. 8.) Il est bon de savoir que Dieu permet quelquefois que les justes eux-mêmes fassent des chutes pour les guérir de l’orgueil dont ils se sont précédemment rendus coupables. Bien que leurs fautes paraissent avoir les mêmes caractères que celles des autres, il y a cependant une grande différence ; le juste, en effet, pèche comme par surprise, et presque sans le vouloir, tandis que les autres pèchent sans prendre aucun souci, ni d’eux-mêmes, ni de Dieu, et ne mettent même aucune distinction entre le péché et la vertu. Aussi ne doivent-ils pas être repris de la même manière, l’âme timorée a besoin d’être soutenue, et la réprimande qui lui est faite doit se borner à la faute qu’elle a commise. Quant aux autres, au contraire, qui ont détruit dans leur âme tout ce qu’il y avait de bien, il faut les soumettre aux châtiments, aux avertissements, aux reproches sévères, jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’ils ont pour juge un Dieu juste, et qu’ils en conçoivent une crainte salutaire.

S. Ambr. (De l’acc. des Evang., 3, 2.) Tous les évangélistes racontent cette prédiction que le Sauveur fit à Pierre, qu’il le renierait, mais tous ne la racontent pas dans les mêmes circonstances. Saint Matthieu et saint Marc placent cette prédiction après que Notre-Seigneur fut sorti de la maison où il avait mangé la pâque ; saint Luc et saint Jean, avant qu’il en fût sorti. Il nous serait facile de les concilier en disant que les deux derniers racontent cette prédiction, comme par récapitulation, et les deux autres par anticipation, si nous n’étions arrêtés par les paroles si diverses du Sauveur, et par les avertissements si différents, qui donnent lieu à Pierre de faire cette promesse si téméraire de mourir pour son Maître ou avec son Maître ; ce qui nous force d’admettre que Pierre fit éclater trois fois sa confiance présomptueuse à l’occasion de trois divers discours du Seigneur, et qu’à trois reprises, le Seigneur lui répondit qu’il le renierait trois fois avant que le coq eût chanté.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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