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Lc  22  35-38

S. Cyrille. Notre-Seigneur avait prédit à Pierre qu’il le renierait alors qu’il le verrait au pouvoir de ses ennemis ; et comme il avait déjà parlé de la manière dont les Juifs s’empareraient de sa personne, il annonce à ses disciples la lutte qu’ils vont avoir à soutenir contre les Juifs : « Il leur dit ensuite : Quand je vous ai envoyés sans bourse, » etc. En effet, le Sauveur avait envoyé ses saints Apôtres prêcher le royaume des cieux dans les villes et les bourgades, en leur défendant toute préoccupation des besoins du corps, et leur commandant de mettre en lui toute leur confiance pour lés choses de la vie,

S. Chrys. (sur ces par. de Rm 16, 3 : Saluez Priscille et Aquilée) Celui qui enseigne l’art de la natation, commence par soutenir avec grande attention ses élèves de la main, mais ensuite il retire de temps en temps la main, et leur commande de s’aider eux-mêmes, il les laisse même s’enfoncer quelque peu. Notre-Seigneur tient cette conduite à l’égard de ses disciples. Dans les commencements il était attentif à tous leurs besoins, et leur préparait toutes choses avec une extrême abondance : « Et ils lui dirent : Nous n’avons manqué de rien. » Mais lorsque le moment fut venu pour eux de montrer leurs propres forces, il leur retira une partie de son secours et voulut qu’ils agissent un peu par eux-mêmes. Il leur dit donc : « Mais maintenant que celui qui a une bourse (pour mettre son argent), la prenne, qu’il prenne de même son sac qui porte ses vivres. » Or, lorsqu’ils n’avaient ni chaussures, ni ceinture, ni bâton, ni argent, ils n’ont manqué absolument de rien ; au contraire, dès que le Sauveur leur eut permis d’avoir une bourse et un sac, ils furent exposés à souffrir la faim, la soif, la nudité ; comme s’il leur disait : Jusqu’à présent vous avez eu tout en abondance, maintenant je veux que vous éprouviez la pauvreté ; aussi je ne vous oblige plus d’observer la loi que je vous ai donnée en premier lieu (Mt 10, 18 ; Mc 6, 8 ; Lc 9, 3), et je vous permets de porter une bourse et un sac. Dieu aurait pu sans doute les maintenir dans cette même abondance, il ne le voulut pas pour plusieurs raisons : premièrement, afin que ses disciples, loin de rien s’attribuer, fussent obligés de reconnaître que tout ce qu’ils avaient venait de Dieu ; secondement, pour leur apprendre à se conduire eux-mêmes ; troisièmement pour prévenir l’idée trop avantageuse qu’ils auraient eue d’eux-mêmes. Ainsi, comme il permet que ses disciples soient exposés à des épreuves imprévues, il adoucit la sévérité de la première loi qu’il leur avait imposée, pour que la vie ne fût pas pour eux trop dure et trop accablante. — Bède. Le Sauveur ne prescrit pas à ses disciples la même règle de vie pour les temps de persécution et pour lés temps de paix. Lorsqu’il envoie ses disciples prêcher l’Évangile, il leur défend de rien emporter avec eux, il veut que celui qui annonce l’Évangile, vive de l’Évangile, mais quand l’heure de sa mort approche, et que le peuple juif tout entier est sur le point de persécuter à la fois le pasteur et le troupeau, il leur donne, une règle appropriée aux circonstances, et leur permet d’emporter les choses nécessaires à la vie, jusqu’à ce que la fureur des persécuteurs soit apaisée, et que le temps d’annoncer l’Évangile soit revenu. Il nous donne en même temps l’exemple de nous relâcher un peu pour une cause juste et pressante des règles sévères que nous nous sommes prescrites. — S. Augustin. (cont. Faust., 12, 77.) Le Sauveur n’agit donc point ici par inconstance, mais par une sage économie, il modifie suivant la diversité de temps, ses préceptes, ses conseils ou ses permissions.

S. Ambr. Mais pourquoi Notre-Seigneur, qui défend de frapper, commande-t-il d’acheter un glaive ? C’est pour les préparer à une légitime défense, et non pour autoriser un acte de vengeance, et pour qu’il soit bien constant qu’on a renoncé à se venger, alors qu’on aurait pu le faire. Il ajoute : « Et que celui qui n’en a point, vende sa tunique et achète une épée. » — S. Chrys. Que signifient ces paroles ? Jésus a dit à ses disciples : « Si l’on vous frappe sur la joue droite, présentez l’autre, » (Mt 6) et voilà qu’il les arme pour se défendre, et seulement d’une épée. S’il jugeait nécessaire de les armer, il fallait joindre à l’épée le bouclier et le casque. Mais encore quand ils auraient eu ces armes par milliers, comment les Apôtres auraient-ils pu lutter contre tant de violences et d’embûches venant à la fois des peuples, des tyrans, des villes et des nations. Le seul aspect des armées ennemies eût jeté la terreur dans l’âme de ces hommes, qui avaient passé leur vie sur le bord des lacs et des fleuves. Ne croyons donc pas que Notre-Seigneur commande ici à ses disciples de se munir de glaives, il se sert ici de cette expression pour figurer les embûches que les Juifs lui tendaient pour le perdre. C’est pour cela qu’il ajoute : « Car je vous le dis, il faut encore que cette parole de l’Écriture s’accomplisse en moi. » « Il a été mis au rang des malfaiteurs. » (Is 52.) — Théophile. Le Sauveur, qui venait d’entendre ses disciples se disputer entre eux la préséance, leur dit : Ce n’est point ici le moment de vous occuper des premières places, c’est le temps des dangers et des blessures, moi-même qui suis votre maître, je vais être conduit à une mort ignominieuse et mis au rang des malfaiteurs, car toutes les prédictions qui me regardent touchent à leur fin, c’est-à-dire, à leur accomplissement. Sous cette image du glaive, Notre-Seigneur leur fait pressentir l’agression violente dont il va être l’objet, il ne la leur révèle pas tout entière pour ne point les frapper de terreur et d’abattement, il ne veut pas non plus la leur laisser entièrement ignorer, de peur que cette attaque subite et imprévue ne vînt les ébranler. Les disciples ainsi avertis, rappelleraient plus tard leurs souvenirs, et admireraient comment leur divin Maître s’était offert lui-même dans sa passion pour être la rançon du genre humain. — S. Basile. (Règl. abrég., quest. 31.) Ou encore, le Seigneur ne fait pas ici un commandement de porter une bourse et un sac et d’acheter un glaive, mais il prédit ce qui doit arriver à ses Apôtres, qui, oubliant les circonstances de la passion, les grâces qu’ils avaient reçues, et la loi de Dieu, oseront se servir de l’épée ; souvent, en effet, l’Écriture emploie l’impératif pour le futur dans les prophéties, quoique cependant, dans plusieurs manuscrits, on ne lise point : Qu’il prenne, qu’il porte et qu’il achète, mais : « Il prendra, il portera, il achètera. » — Théophile. Ou bien, il leur annonce qu’ils auront à souffrir la faim et la soif (sous l’expression figurée du sac), et de nombreuses tribulations (figurées par le glaive).

S. Cyrille. Ou bien encore, ces paroles du Sauveur : « Que celui qui a une bourse la prenne, et qu’il prenne aussi un sac, » ne s’adressent pas à ses disciples, mais à tous les Juifs en général, et il semble leur dire : Si quelqu’un, parmi vous, a de grandes richesses, qu’il les réunisse et qu’il prenne la fuite ; et si quelque habitant de ce pays se trouve réduit à la dernière indigence, qu’il vende sa tunique pour acheter une épée ; car le choc de l’attaque qui viendra fondre sur eux sera si terrible, que rien ne pourra lui résister. Il leur fait connaître ensuite la cause de ces calamités, c’est-à-dire parce qu’il a été condamné au supplice destiné aux criminels, et qu’il a été crucifié avec des voleurs. Or, lorsque ce crime aura été consommé, les prophéties qui avaient pour objet la rédemption seront accomplies, et les persécuteurs subiront les châtiments prédits par les prophètes. Notre-Seigneur a donc prédit ici le sort réservé à la nation juive ; mais les disciples ne comprenaient pas la portée de ses paroles et pensaient que c’était pour résister à l’attaque du perfide disciple qu’il était besoin d’épées : « Ils lui dirent donc : Seigneur, voici deux épées. » — S. Chrys. Si son intention était qu’ils eussent recours pour le défendre à des moyens humains, cent épées n’auraient pas suffi, et s’il ne voulait qu’ils se servissent de ces moyens naturels, ces deux épées étaient même de trop.

Théophile. Le Seigneur ne voulut point les reprendre de leur peu d’intelligence, il se contenta de leur dire : « C’est assez, » c’est ce que nous disons nous-mêmes lorsqu’une personne à qui nous adressons la parole, ne nous comprend pas : C’est bien, cela suffit, pour ne pas la fatiguer davantage. Quelques-uns prétendent que c’est par ironie que le Sauveur dit : « C’est assez, » comme pour dire : Puisqu’il y a deux épées, elles suffiront pour nous défendre contre la multitude qui doit nous assaillir. — Bède. Ou bien encore, ces deux épées suffisent pour attester que le Sauveur a souffert volontairement sa passion, l’une témoigne du courage des Apôtres pour défendre leur divin Maître, et de la puissance qu’il a de guérir les blessures ; l’autre, qui n’est point tirée du fourreau, prouve qu’il ne leur a pas permis de faire tout ce qu’ils auraient pu pour le défendre. — S. Ambr. Ou bien encore, comme la loi ne défendait pas de frapper celui qui avait frappé, peut-être le Seigneur dit-il a Pierre : « C’est assez, » pour faire entendre que cette juste vengeance n’était permise que jusqu’au règne de l’Évangile, parce que la loi ne commandait que la stricte justice, tandis que l’Évangile enseigne la charité parfaite. Il y a aussi un glaive spirituel qui porte le chrétien à vendre son patrimoine pour acheter la parole qui est comme le vêtement intérieur de l’âme. Il y a encore le glaive de la souffrance qui nous fait sacrifier notre corps, et acheter la couronne sacrée du martyre avec les dépouilles de notre chair immolée. Dans ces deux glaives que les disciples avaient avec eux, je ne puis m’empêcher de voir encore la figure de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui sont les armes mises en nos mains contre les attaques insidieuses du démon (Ep 6, 13.17). Enfin Notre-Seigneur dit : « C’est assez, » comme pour dire que rien ne manque à celui qui a pour armes la doctrine de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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