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Lc  19  11-27

Eusèbe. Il en était qui pensaient que le premier avènement du Sauveur serait immédiatement suivi de l’établissement de son royaume, et ils croyaient que ce royaume commencerait lors de son entrée à Jérusalem, tant la vue des miracles qu’il avait opérés les avait frappés d’étonnement. Il les avertit donc que son père ne le mettrait pas en possession de son royaume, avant qu’il eût quitté les hommes pour retourner à son Père : « Comme ils écoutaient ces discours, il ajouta encore une parabole sur ce qu’il était près de Jérusalem, » etc. — Théophile. Le Seigneur leur fait voir qu’ils sont dans l’illusion ; car le royaume de Dieu n’est pas une chose extérieure et sensible. Il leur montre aussi que comme Dieu il connaît leurs pensées, en leur proposant la parabole suivante : « Il dit donc : Un homme de grande naissance s’en alla en un pays lointain pour prendre possession d’un royaume et revenir ensuite. »

S. Cyrille. L’explication de cette parabole retrace tous les mystères de Jésus-Christ, depuis le premier jusqu’au dernier. En effet, le Verbe qui était Dieu s’est fait homme, et quoiqu’il ait pris la forme d’esclave, il est cependant d’une noblesse éclatante par sa naissance ineffable au sein du Père. — S. Basile. (sur Is 13.) Cette noblesse, il ne la tire pas seulement de sa divinité, mais de son humanité, puisqu’il est né selon la chair de la race de David. Il s’en est allé dans un pays lointain, non point par la distance matérielle qui nous sépare de lui, mais par l’effet des rapports qui existent entre lui et nous. Dieu est près de chacun de nous, toutes les fois que nous lui sommes unis par la pratique des bonnes oeuvres, et il s’en éloigne, toutes les fois que poursuivant notre perte, nous nous séparons de lui. Il s’en alla donc dans cette région terrestre si éloignée de Dieu, pour prendre possession du royaume des nations, selon cette prédiction du Roi-prophète : « Demandez-moi, et je vous donnerai toutes les nations pour héritage. » (Ps 2 ; cf. Ac 13, 3 ; He 1, 5 ; He 5, 5) — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 40.) Ou bien cette région lointaine, c’est l’Église des Gentils qui s’est étendue jusqu’aux extrémités de la terre ; car le Sauveur s’en est allé pour faire entrer la plénitude des nations, et il reviendra pour que tout le peuple d’Israël obtienne la grâce du salut.

Eusèbe. Ou bien ce départ pour un pays lointain, signifie son ascension de la terre aux cieux ; et lorsqu’il ajoute « Pour prendre possession de son royaume et revenir, » il fait allusion à la gloire et à la majesté de son second avènement. Il prend seulement d’abord le nom d’homme, à cause de sa naissance temporelle, il y ajoute le titre de noble, mais il n’y joint pas celui de roi, parce que lors de son premier avènement il n’était pas environné de l’éclat de la majesté royale. Il ajoute avec raison : « Pour entrer en possession de son royaume, car il l’a reçu des mains de son Père qui le lui a donné, selon ces paroles de Daniel : « Le Fils de l’homme venait sur les nuées, et le royaume lui fut donné. » (Dn 7.) — S. Cyrille. En effet, lorsqu’il monte dans les cieux, il va s’asseoir à la droite de la majesté du Très-Haut ; et en y montant il répand suivant certaine mesure les grâces divines sur ceux qui croient en lui, de même qu’un maître confie ses biens à ses serviteurs pour qu’ils les fassent fructifier, et qu’ils méritent ainsi la récompense de leurs services : « Ayant appelé dix de ses serviteurs, il leur donna dix mines. » — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) La sainte Écriture emploie ordinairement le nombre dix pour exprimer la perfection. En effet, lorsqu’on veut dépasser ce nombre, il faut commencer de nouveau par l’unité, comme si le dernier était la limite du nombre parfait ; voilà pourquoi dans la distribution des talents, celui qui atteint la limite des devoirs que Dieu lui impose, reçoit dix mines. — S. Augustin. (quest. Evang.) Ou bien encore, les dix mines signifient le décalogue de la loi, et les dix serviteurs, tous ceux qui étaient soumis à la loi et auxquels la grâce de l’Évangile a été annoncée. Car nous devons entendre que ces dix mines ne leur ont été confiées, que lorsqu’ils comprirent que la loi, débarrassée de ses voiles, se rapportait à l’Évangile. — Bède. La mine que les Grecs appellent μνα, pesait cent drachmes, et tout discours de l’Écriture qui nous enseigne la perfection de la vie des cieux a, pour ainsi dire, la valeur éclatante du nombre cent.

Eusèbe. Ceux qui reçoivent ces mines représentent ses disciples, à chacun desquels il confie la même somme, en leur recommandant à tous le même emploi, c’est-à-dire de la faire fructifier : « Et il leur dit : Faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne. » Or, le seul moyen pour les disciples de les faire valoir, était d’annoncer aux hommes attentifs la doctrine de son royaume, doctrine qui est la même pour tous, c’est la même foi, le même baptême, et c’est pour cela que chacun d’eux reçoit une mine. — S. Cyrille. Mais il y a une grande différence entre ces derniers, et ceux qui ont refusé de recevoir le royaume de Dieu, et dont il ajoute : « Or, ceux de son pays le haïssaient, » etc. C’est le reproche que Jésus-Christ adressait aux Juifs : « Maintenant ils ont vu les oeuvres que j’ai faites, et ils ont haï, et mon Père et moi. » (Jn 15.) Ils ont refusé de se soumettre à son règne, lorsqu’ils dirent à Pilate : « Nous n’avons pas d’autre roi que César. » (Jn 19.) Dans ceux qu’il appelle ses concitoyens, les Juifs se trouvent clairement désignés, puisqu’ils avaient les mêmes ancêtres selon la chair, et parce qu’il se conformait comme eux aux prescriptions de la loi. S. Augustin. (quest. Evang.) Ils envoyèrent une députation après lui, parce que même après sa résurrection ils poursuivirent les Apôtres par de continuelles persécutions, et rejetèrent ouvertement la prédication de l’Évangile

Eusèbe. Le Sauveur, après avoir parlé de ce qui a trait à son premier avènement, prédit son retour dans tout l’éclat de sa gloire et de sa majesté : « Etant donc revenu après avoir été mis en possession de son royaume. » — S. Chrys. (hom. 39, sur la 1re Epît. aux Cor.) (1 Co 15, 24). La sainte Écriture distingue deux règnes de Dieu sur les hommes, l’un qu’il tient de la création, et qu’il possède comme Roi universel de tout ce qui existe, en vertu de son droit de Créateur ; l’autre qui est un règne d’affection qu’il n’exerce que sur les justes qui lui sont librement et volontairement soumis ; c’est ce dernier royaume dont il prend ici possession.

S. Augustin. (quest. Evang.) Il revient après avoir pris possession de ce royaume, parce qu’il doit revenir dans tout l’éclat de sa gloire, lui qui avait apparu d’abord si humble au milieu des hommes, lorsqu’il disait : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » (Jn 18.)

S. Cyrille. Or, lorsque Jésus-Christ reviendra, après avoir pris possession de son royaume, il donnera aux ministres de sa parole les éloges qu’ils ont mérités, et les comblera de joie et d’honneurs dans les cieux, parce qu’en faisant valoir le talent qui leur avait été confié, ils en ont acquis un grand nombre d’autres : « Le premier vint et dit : Seigneur, votre mine a produit dix autres mines. » Ce premier serviteur représente l’ordre des docteurs qui ont été envoyés au peuple de la circoncision, il a reçu une mine pour la faire valoir, parce que les docteurs ont reçu l’ordre de prêcher une seule et même foi. Cette mine en a produit dix autres, parce que leurs enseignements ont fait entrer en société avec eux le peuple qui vivait sous la loi.

« Il lui dit : Fort bien, bon serviteur, parce que vous avez été fidèle en peu de choses, » etc. Ce serviteur a été fidèle en peu de choses, c’est-à-dire qu’il n’a point altéré la parole de Dieu ; car tous les dons que nous pouvons recevoir dans la vie présente, ne sont rien en comparaison de ceux qui nous sont réservés pour l’avenir. — Evagr. (Ch. des Pèr. gr.) L’Évangile nous dit que ce serviteur reçoit le gouvernement de dix villes, parce qu’il reçoit la récompense de ses propres biens. Il en est qui interprétant ces promesses dans un sens grossier et laissant encore dominer dans leur âme l’ambition du pouvoir et des honneurs, s’imaginent qu’ils recevront les dignités de préteurs et de gouverneurs dans la Jérusalem terrestre qu’ils espèrent voir rebâtir avec des pierres précieuses. — S. Ambr. Ces dix villes sont les âmes à la tête desquelles est placé à juste titre celui qui a fait fructifier dans le coeur des hommes les trésors du Seigneur, c’est-à-dire : « Les paroles du Seigneur qui sont pures comme l’argent éprouvé par le feu. » (Ps 11.) Jérusalem est bâtie comme une ville (Ps 121) ; ainsi en est-il des âmes pacifiques, et ceux qui ont été jugés dignes de la vie des anges, sont établis comme les anges au-dessus de ces âmes pour les diriger et les conduire.

« Un autre vint et dit : Seigneur, votre mine a produit cinq autres mines. » — Bède. Ce serviteur représente la phalange de ceux qui ont été envoyés pour prêcher l’Évangile aux Gentils. La mine qui leur a été confiée, (c’est-à-dire la foi de l’Évangile) a produit cinq mines, parce qu’ils ont converti à la grâce de la foi les nations qui étaient auparavant esclaves des sens du corps : « Vous, lui répondit-il, vous aurez puissance sur cinq villes, » c’est-à-dire la perfection de votre vie brillera d’un éclat supérieur à celui des âmes que vous, avez initiées à la foi.

S. Ambr. Ou bien dans un autre sens : Celui qui a gagné cinq mines est celui qui est chargé d’enseigner les préceptes de la morale, parce que notre corps a cinq sens qui ont chacun leurs obligations distinctes ; celui qui en a gagné dix, reçoit le double, le pouvoir d’enseigner les mystères de la loi, et la sainteté de la morale chrétienne. Nous pouvons encore voir dans les dix mines, les dix commandements de la loi (c’est-à-dire la doctrine de la loi), et dans les cinq mines, les conseils de la perfection ; mais je veux que le docteur de la loi soit parfait en toutes choses. Comme il est ici question des Juifs, il n’y a que deux serviteurs qui apportent le produit de leur argent, non de l’argent de lui-même, mais de leur bonne administration ; car le produit de la doctrine céleste ne ressemble point au produit de l’argent que l’on prête à intérêt. — S. Chrys. Pour les biens de la terre, l’on ne peut guère devenir riche sans qu’un autre s’appauvrisse ; pour les biens spirituels, au contraire, on ne peut s’enrichir qu’à la condition d’enrichir les autres ; c’est qu’en effet, le partage des biens extérieurs les diminue nécessairement, tandis que les biens spirituels ne font que s’accroître en se partageant.

S. Augustin. (Quest. évang., 2, 46.) On peut dire encore que les dix et les cinq mines qui ont été gagnées par les deux serviteurs qui ont fait un bon emploi de la somme qui leur était confiée, représentent ceux à qui la grâce avait déjà donné l’intelligence de la loi et qui ont été comme acquis au troupeau de Dieu ; analogie fondée sur les dix préceptes de la loi, ou sur les cinq livres écrits par Moïse qui a été chargé de donner la loi. Les dix et les cinq villes, à la tête desquelles le Seigneur place ces fidèles serviteurs, se rapportent au même sujet ; car la multiplicité des interprétations variées qui sortent en abondance de chaque précepte ou de chaque livre, ramenées ou réduites à un seul et même objet, forme comme la ville des intelligences, qui vivent des pensées éternelles. En effet, une ville n’est pas une agglomération d’êtres quelconques, mais une multitude d’êtres raisonnables unis entre eux par les liens d’une loi commune. Les serviteurs qui reçoivent des éloges pour avoir fait valoir et fructifier la somme qui leur était confiée, représentent ceux qui justifieront du bon emploi qu’ils ont fait du talent qu’ils ont reçu en multipliant les richesses du Seigneur, c’est-à-dire le nombre de ceux qui croient en lui. Ceux qui ne peuvent rendre compte sont figurés par le serviteur qui avait gardé dans un linge la mine qu’il avait reçue : « Et un troisième vint et dit : Seigneur, voilà votre mine que j’ai gardée enveloppée dans un suaire, » etc. Il y a, en effet, des hommes qui se rassurent dans cette coupable erreur, qu’il suffit que chacun rende compte de lui-même. A quoi bon, disent-ils, prêcher aux autres et travailler à leur salut, pour assumer ainsi devant Dieu la responsabilité des autres ? puisque d’ailleurs ceux-mêmes qui n’ont pas reçu la loi, sont inexcusables devant Dieu, aussi bien que ceux qui sont morts sans que l’Évangile leur ait été annoncé, parce que les uns et les autres pouvaient connaître le Créateur par les créatures : « Je vous ai craint, parce que vous êtes un homme sévère », etc. En effet, Dieu semble moissonner ce qu’il n’a pas semé, en condamnant comme coupables d’impiété, ceux qui n’ont jamais entendu parler ni de la loi, ni de l’Évangile. Or, c’est sous le prétexte d’éviter la responsabilité de ce jugement sévère, qu’ils vivent dans l’oisiveté, et négligent le ministère de la parole, et c’est comme s’ils enveloppaient dans un suaire le talent qu’ils ont reçu. — Théophile. C’est avec un suaire que l’on couvre la face des morts. Ce n’est donc pas sans raison qu’il est dit que ce serviteur paresseux avait enveloppé dans un suaire la mine qu’il avait reçue, parce qu’il l’avait laissée comme ensevelie et sans emploi, sans la faire ni valoir ni fructifier.

Bède. On peut dire encore qu’envelopper l’argent dans un suaire, c’est ensevelir dans l’oisiveté d’une indolente apathie les dons qu’on a reçus de Dieu. Or, ce que ce serviteur prétendait donner comme excuse, est justement ce qui le fait déclarer plus coupable : « Le maitre lui répondit : Je te juge sur tes paroles, méchant serviteur. » Il l’appelle méchant serviteur, tant pour sa négligence à faire valoir le talent qui lui était confié, que pour l’orgueilleuse hardiesse avec laquelle il accuse Injustice du Seigneur : « Vous saviez que j’étais un homme sévère, reprenant ce que je n’ai pas déposé, et moissonnant ce que je n’ai pas semé, pourquoi donc n’avez-vous pas mis mon argent à la banque ? » c’est-à-dire : Vous saviez que j’étais dur et prêt à reprendre ce qui ne m’appartenait pas, pourquoi cette pensée ne vous a-t-elle pas inspiré la crainte que j’exigerais avec bien plus de sévérité encore ce qui m’appartient ? Cet argent, c’est la prédication de l’Évangile et la parole divine, car la parole de Dieu est pure comme l’argent éprouvé par le feu. (Ps 11.) Cette parole de Dieu devait être mise à la banque, c’est-à-dire déposée dans des coeurs ouverts et bien disposés. — S. Augustin. (Quest. évang.) Ou encore, cette banque à laquelle l’argent doit être placé, c’est la profession extérieure et publique de la religion qui nous est imposée comme un moyen nécessaire de salut.

S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Dans l’ordre des richesses matérielles, les débiteurs ne sont obligés qu’à représenter la somme qui leur a été donnée ; ils ne doivent rendre qu’autant qu’ils ont reçu, et on ne leur en demande pas davantage. Mais pour la parole divine, non seulement nous sommes obligés de la garder fidèlement, mais nous devons encore la faire fructifier, comme le Sauveur nous en avertit par les paroles qui suivent : « Afin qu’à mon retour, je reprisse mon argent avec intérêt. » — Bède. Celui, en effet, qui reçoit par la foi l’argent de la parole divine que lui confient les docteurs de l’Évangile, doit le rendre avec usure, soit par la pratique des bonnes oeuvres, soit en se servant de ce qu’il a entendu pour chercher à comprendre ce que les prédicateurs ne lui ont point encore expliqué. — S. Cyrille. Le devoir des docteurs c’est d’annoncer aux fidèles les salutaires enseignements de l’Évangile ; mais il n’appartient qu’à la grâce divine de leur faire comprendre ce qu’ils écoutent avec docilité, et de seconder leur intelligence. Or, ce serviteur n’a mérité ni louange, ni honneur, loin de là, il a été condamné comme un serviteur paresseux et inutile : « Et il dit à ceux qui étaient présents : ôtez-lui la mine, et la donnez à celui qui en a dix. » — S. Augustin. (Quest. évang.) Nous apprenons de là qu’on peut perdre les dons de Dieu, si on les a sans les avoir, c’est-à-dire sans en faire usage, et qu’on mérite, au contraire, de les voir augmenter lorsqu’on les possède véritablement, c’est-à-dire quand on en fait un salutaire emploi.

Bède. Dans le sens figuré, cette dernière circonstance signifie je pense, que lorsque la plénitude des nations sera entrée dans l’Église, tout Israël sera sauvé (Rm 11), et qu’alors la grâce spirituelle se répandra avec abondance sur les docteurs. — S. Chrys. (hom. 43 sur les Actes.) Le Seigneur dit à ceux qui étaient présents : « Ôtez-lui la mine, » parce qu’il ne convient pas à l’homme sage de punir par lui-même, et il se sert d’un autre pour infliger le châtiment qu’il a prononcé comme juge ; ainsi Dieu ne punit point par lui-même les pécheurs, mais par le ministère des anges. — S. Ambr. On ne dit rien des autres serviteurs, qui, comme des débiteurs prodigues, ont laissé perdre ce qui leur avait été confié. Les deux serviteurs qui ont fait fructifier ce qu’ils avaient reçu, représentent le petit nombré de ceux qui, par deux fois, sont appelés à cultiver la vigne du Seigneur ; les autres représentent tous les Juifs : « Seigneur, lui dirent-ils, il a déjà dix mines. » Mais pour justifier cette mesure de toute injustice, le Seigneur ajoute : « On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance. »

Théophile. Puisqu’il a décuplé la mine qu’il avait reçue, et en a représenté dix à son maître, il est évident que s’il en multiplie un plus grand nombre dans la même proportion, le profit de son maître sera plus considérable. Quant au serviteur oisif et paresseux, qui n’a point cherché à augmenter ce qu’il avait reçu, on lui ôtera même ce qu’il possède : « Et à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a, » afin que l’argent du maître ne demeure pas infructueux, tandis qu’il peut être donné à d’autres qui le feront fructifier. Cette vérité s’applique non seulement à la prédication et à l’enseignement, mais à la pratique des vertus morales. En effet, Dieu nous donne pour ces vertus des grâces et une aptitude particulière, il donne à l’un la grâce du jeûne, à l’autre celle de la prière, à un troisième la grâce de la douceur et de l’humilité. Si nous sommes attentifs à profiter de ces grâces, nous les multiplierons, mais si nous sommes indifférents, nous les perdrons sans retour. Notre-Seigneur ajoute ensuite pour ses ennemis : « Quant à mes ennemis, qui n’ont pas voulu m’avoir pour roi, amenez-les ici, et tuez-les devant moi. » — S. Augustin. (Quest. évang.) Il désigne ici l’impiété des Juifs qui n’ont pas voulu se convertir à lui. — Théophile. Il les livrera à la mort en les jetant dans le feu extérieur (cf. Mt 8, 22 ; 25), et dès cette vie même, ils ont été massacrés impitoyablement par les armées romaines.

S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Cette sentence tombe directement sur les Marcionites. Jésus-Christ dit ici : « Amenez mes ennemis, et qu’on les mette à mort en ma présence ; » et cependant ils prétendent que le Christ est bon, et que le Dieu de l’Ancien Testament est mauvais. Or, il est évident que le Père et le Fils font ici la même chose, le Père envoie une armée à la vigne pour détruire ses ennemis (Mt 21), et le fils les fait mettre à mort en sa présence. — S. Chrys. (hom. 79 sur S. Matth.) Cette parabole est différente de la parabole des talents racontée par saint Matthieu (Mt 25). Nous voyons ici le même capital donner divers produits, puisqu’une seule mine rapporte d’un côté cinq, de l’autre, dix mines. Dans la parabole de saint Matthieu, c’est le contraire, celui qui a reçu deux talents, en a gagné deux autres, celui qui en avait reçu cinq, en a gagné autant ; et c’est la raison pour laquelle ils ne reçoivent pas la même récompense.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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