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Lc  18  35-43

S. Grég. (hom. 2, sur les Evang.) Comme les disciples encore charnels ne pouvaient comprendre le mystère que Jésus venait de leur prédire, il fait suivre cette prédiction d’un miracle sous leurs yeux, rend la vue à un aveugle, pour les affermir dans la foi par cette guérison toute divine : « Comme il approchait de Jéricho, il arriva qu’un aveugle était assis sur le bord du chemin. » — Théophile. Notre-Seigneur guérit miraculeusement cet aveugle pendant qu’il était en chemin pour ne pas laisser ses voyages même sans utilité, et nous apprendre à nous ses disciples que nous devons rendre toutes nos actions profitables au prochain, et à n’en point souffrir d’inutiles. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 48.) Ces paroles : « Comme ils étaient près de Jéricho, » pourraient signifier qu’ils en étaient déjà sortis, mais qu’ils n’en étaient pas encore éloignés. A la vérité, cette manière de parler n’est pas très-usitée, mais ce qui motiverait ici cette interprétation c’est que d’après le récit de saint Matthieu, comme ils sortaient de Jéricho, Jésus rendit la vue à deux aveugles qui étaient assis le long du chemin. Le nombre des aveugles ne pourrait faire difficulté ; qu’un évangéliste ne parle que d’un seul sans faire mention de l’autre, peu importe, saint Marc lui-même ne parle que d’un seul, lorsqu’il raconte que Jésus lui rendit la vue, comme il sortait de Jéricho. Il va même jusqu’à faire mention de son nom et de son père, pour nous faire entendre qu’il était très-connu, tandis que l’autre ne l’était pas du tout, ce qui explique pourquoi il a cru ne devoir parler que de celui que l’on connaissait davantage. Cependant comme la suite du récit, dans l’Évangile selon saint Luc, prouve évidemment que la guérison de cet aveugle eut lieu lorsque Jésus allait à Jéricho, il ne nous reste d’autre solution que de dire que le Sauveur a deux fois opéré ce miracle, la première fois sur un seul aveugle, lorsqu’il allait entrer dans Jéricho, et la seconde sur deux aveugles, lorsqu’il sortait de cette ville, de sorte que saint Luc a rapporté le premier miracle et saint Matthieu le second

S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Une foule nombreuse entourait Jésus-Christ, l’aveugle ne le connaissait pas, mais il sentait intérieurement sa présence, et son coeur lui faisait pressentir celui que ses yeux ne pouvaient apercevoir : « Entendant le bruit du peuple qui passait, il demanda ce que c’était. » Ceux qui le voyaient de leurs yeux lui répondirent d’après l’idée qu’on s’était faite du Sauveur : « Ils lui dirent que c’était Jésus de Nazareth qui passait. » Mais l’aveugle proclame bien haut la vérité. On lui enseigne une chose, et il en annonce hautement une autre : « Et il se mit à crier : Jésus fils de David, ayez pitié de moi. » Qui vous a donc enseigné cette vérité ? Avez-vous pu lire les livres sacrés, privé que vous êtes de la vue ? Comment donc avez-vous pu connaître celui qui est la lumière du monde ? Ah ! c’est vraiment ici que « Dieu éclaire les aveugles. » (Ps 145.) — S. Cyrille. Cet homme élevé dans la loi des Juifs ne pouvait ignorer que le Dieu fait homme devait naître de la race de David ; aussi s’adresse-t-il à lui comme à un Dieu, en lui disant : « Ayez pitié de moi ; » bel exemple qu’il donne à imiter à ceux qui divisent le Christ en deux personnes, il proclame ici que le Christ est Dieu, en même temps qu’il proclame sa descendance de David. Qu’ils admirent aussi la justice de sa foi ; ceux qui l’entendaient voulaient en comprimer les élans et la constance : « Ceux qui marchaient devant, le gourmandaient pour le faire taire, » mais sa pieuse hardiesse ne se laissait pas intimider par ces défenses répétées, c’est que la foi sait résister à tous les obstacles, et triompher de toutes les difficultés. Il est bon de se dépouiller de toute fausse honte, lorsqu’il s’agit du service de Dieu, car si nous en voyons quelques-uns déployer tant d’audace pour acquérir quelques sommes d’argent, ne faut-il pas que nous soyons saintement audacieux lorsqu’il s’agit du salut de notre âme : Voyez en effet cet aveugle : « Mais il criait beaucoup plus encore : Fils de David, ayez pitié de moi. » Jésus-Christ s’arrête à la voix de ceux qui l’invoquent avec foi, et il abaisse sur eux ses regards. Aussi appelle-t-il cet aveugle et lui commande-t-il de s’approcher : « Alors Jésus s’arrêtant, commanda qu’on le lui amenât. » Il voulait que celui qui l’avait déjà touché par la foi s’approchât aussi de lui par le corps : « Et quand il se fut approché, il lui demanda : Que voulez-vous que je vous fasse ? » Il lui fait cette question, non par ignorance, mais dans l’intérêt de ceux qui étaient présents, afin de les convaincre que ce pauvre aveugle ne demandait pas d’argent, mais un acte de puissance divine à Jésus comme à un Dieu : « Il lui dit : Seigneur, que je voie. »

S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Comme les Juifs toujours prêts à calomnier la vérité pouvaient dire ainsi que pour l’aveugle-né (Jn 9) : ce n’est pas lui, c’est quelqu’un qui lui ressemble, le Sauveur voulut que l’aveugle avouât ouvertement l’infirmité de sa nature, pour qu’il connût mieux ensuite la puissance de la grâce divine ; mais dès que cet aveugle a formulé l’objet de sa demande, Jésus, avec une majesté souveraine lui commande de voir : « Et Jésus lui dit : Voyez ; » ce ton d’autorité rendait plus coupable l’incrédulité des Juifs, car quel prophète avait jamais tenu un pareil langage ? Considérez cependant ce que le divin Médecin a exigé de celui qu’il a guéri : « Votre foi vous a sauvé. » C’est au prix de la foi que Dieu vend ses bienfaits, et la grâce ne se répand que là où la foi est prête à la recevoir. La grâce est comme une fontaine abondante, ceux qui viennent y puiser avec des vases de petite dimension, remportent une petite quantité d’eau, ceux au contraire qui puisent avec de plus grands vases, en remportent davantage ; ou bien encore, elle est comme la lumière du soleil qui pénètre plus ou moins dans l’intérieur d’un appartement selon la grandeur des fenêtres qui sont ouvertes, ainsi la grâce se répand dans une âme selon la mesure de ses intentions et de ses désirs. La voix de Jésus-Christ devient pour cet aveugle un principe de lumière, car il était la parole ou le Verbe de la véritable lumière : « Il vit aussitôt, » ajoute l’Évangéliste. Or, cet aveugle montra autant de reconnaissance après sa guérison, qu’il avait manifesté de foi avant de l’obtenir.

« Et il suivait Jésus en glorifiant Dieu. » — S. Cyrille. Preuve évidente qu’il est délivré d’une double cécité, de celle du corps et de celle de l’âme, car il n’eût point ainsi glorifié Dieu, s’il n’eût véritablement recouvré la vue. Il devient en outre pour les autres une occasion de rendre gloire à Dieu : « Et tout le peuple voyant cela, rendit gloire à Dieu. » — Bède. Non seulement pour le bienfait de la vue qui vient d’être rendue à cette aveugle, mais pour la foi vive qui lui a obtenu sa guérison.

S. Chrys. C’est ici le lieu d’examiner pourquoi Jésus-Christ défendit au possédé qu’il avait délivré du démon, de marcher à sa suite (Mc 5, 19 ; Lc 8, 38 ; Mt 8), tandis qu’il ne s’oppose pas à ce même désir que manifeste l’aveugle après sa guérison. Ces deux manières d’agir ont leur raison d’être. Il renvoie le premier comme un hérault qui devra proclamer partout par sa guérison, la puissance de son bienfaiteur ; car c’était un miracle vraiment extraordinaire, qu’un possédé aussi furieux eût recouvré le parfait usage de sa raison. Il permet au contraire à l’aveugle de le suivre, alors qu’il se rendait à Jérusalem pour y consommer le grand mystère de la croix, afin qu’en ayant sous les yeux le souvenir de ce miracle si récent, ses disciples fussent bien persuadés que sa passion était l’effet non de sa faiblesse, mais de sa miséricorde.

S. Ambr. Cet aveugle est la figure du peuple des Gentils, qui dut au mystère de la rédemption du Seigneur de recouvrer la lumière qu’il avait perdue. Peu importe que sa guérison soit figurée par un seul aveugle ou par deux ; car comme il tire son origine de Cham et de Japhet (cf. Gn 10, 1), fils de Noé, il peut trouver dans ces deux aveugles la figure des deux auteurs de sa race. — S. Grég. (hom. 2, sur les Evang.) Ou bien encore, cet aveugle représente le genre humain, aveugle lui-même par la faute de son premier père qui lui a fait perdre la clarté de la céleste lumière, et l’a plongé dans les ténèbres de sa condamnation. Jéricho veut dire lune, et cet astre par ses décroissances mensuelles représente les défaillances continuelles de notre nature mortelle. C’est au moment où notre Créateur s’approche de Jéricho, que l’aveugle recouvre la lumière, parce qu’en effet le genre humain a recouvré la lumière qu’il avait perdue, lorsque la divinité s’est revêtue des infirmités de notre chair. Celui donc qui ne connaît pas la clarté de l’éternelle lumière est un aveugle. S’il se contente de croire au Rédempteur, qui a dit : « Je suis la voie, » (Jn 11) il est assis le long du chemin, mais si à la foi s’ajoute la prière pour obtenir de voir la lumière éternelle, il demande l’aumône. Ceux qui marchent devant Jésus représentent la multitude des désirs de la chair, et l’agitation tumultueuse des vices qui, avant que Jésus entre dans notre coeur, dissipent toutes nos pensées, et viennent nous troubler jusque dans l’exercice de la prière. Cet aveugle loin de se taire, criait beaucoup plus encore ; ainsi, plus nous sommes accablés par l’agitation et le tumulte de nos pensées, plus devons-nous persévérer avec ferveur dans la prière. Lorsqu’en priant nous sommes obsédés de pensées étrangères, nous sentons jusqu’à un certain point que Jésus passe. Si au contraire nous nous appliquons fortement à la prière, Dieu s’arrête dans notre coeur, et nous rend la lumière que nous avions perdue. Ou bien encore, l’action de passer est propre à l’humanité, celle de s’arrêter ne convient qu’à la divinité. Le Seigneur entendit en passant les cris de cet aveugle, et il s’arrêta pour lui rendre la vue, parce qu’en effet, c’est par son humanité qu’il a compâti avec miséricorde aux cris que nous poussons vers lui dans notre aveuglement, et c’est par la puissance de sa divinité qu’il a répandu en nous la lumière de sa grâce. Il lui demande tout d’abord ce qu’il veut, pour exciter notre coeur à prier, car il veut que nous lui demandions ce qu’il a prévu que nous demanderions et ce qu’il accorderait à nos prières. — S. Ambr. Ou bien encore, il fait cette question à cet aveugle, pour nous enseigner qu’on ne peut être sauvé sans confesser sa foi. — S. Grég. (hom. 2, sur les Evang.) Cet aveugle, ne demande pas au Seigneur de lui donner de l’argent, mais de lui rendre la vue ; gardons-nous donc nous-mêmes de demander les richesses trompeuses, mais demandons cette lumière, qu’il n’est donné de voir qu’à nous et aux anges ; et c’est la foi qui nous conduit à cette lumière. Comme Notre-Seigneur le dit à cet aveugle : « Voyez, votre foi vous a sauvé. » Il voit en effet, et marche à la suite du Sauveur, parce qu’il pratique le bien qu’il connaît.

S. Augustin. (Quest. évang., 2, 48.) Si Jéricho veut dire lune, et par là même est la figure de notre mortalité, nous pouvons dire que le Sauveur lorsque sa mort était proche, avait commandé de prêcher la lumière de l’Évangile aux Juifs seuls, qui sont représentés par cet aveugle dont parle ici saint Luc. Mais lorsqu’il ressuscite des morts et quitte la terre, il ordonne d’annoncer cette lumière aux Juifs et aux Gentils qui sont figurés par les deux aveugles dont parle saint Matthieu (Mt 10, 5 ; Mt 13, 10).

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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