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Lc  10  38-42

Bède. Le Sauveur nous a enseigné précédemment l’amour de Dieu et du prochain en discours et en paraboles, il nous l’enseigne maintenant par des actions et en vérité : « Or, il arriva que pendant qu’ils étaient en chemin, Jésus entra dans un village. » — Origène. Saint Luc ne dit point le nom de ce village, mais saint Jean nous le fait connaître en l’appelant Béthanie. (Jn 11.) — S. Augustin. (Serm. 20, sur les paroi. du Seig,) Or, le Seigneur qui est venu chez lui, sans que les siens aient voulu le recevoir (Jn 1), a été reçu ici comme étranger : « Et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison. » Elle le reçut comme on reçoit les voyageurs, et cependant la servante reçut son Seigneur, celle qui était malade reçut son Sauveur, la créature reçut son Créateur. Ne dites pas : Heureux ceux qui ont mérité de recevoir Jésus-Christ dans leur maison, n’enviez pas leur bonheur, car Notre-Seigneur à dit : « Tout ce que vous faites pour l’un de ces petits, c’est à moi que vous le faites, » (Mt 25.) En prenant la forme de serviteur, il a voulu être nourri par des serviteurs par condescendance et non par une nécessité de sa condition. Il était revêtu d’une chair soumise à la faim et à la soif, mais lorsqu’il eut faim dans le désert, les anges vinrent le servir. (Mt 4.) Si donc il consent à être nourri, c’est une grâce qu’il accorde à la personne qui le reçoit. Marthe faisait donc toute sorte de préparatifs pour recevoir dignement Notre-Seigneur, et s’occupait activement du service au contraire Marie, sa soeur, préférait être nourrie intérieurement par le Sauveur : « Elle avait une soeur, nominée Marie, laquelle, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. »

S. Chrys. L’Évangéliste ne dit pas seulement de Marie qu’elle était assise près de Jésus, mais « qu’elle était assise à ses pieds, » afin de mieux exprimer son zèle, son empressement, son attention, pour recueillir les paroles de Jésus, et le profond respect qu’elle avait pour le Seigneur. — S. Augustin. (Serm. 27, sur les parol. du Seig.) Mais plus elle s’humiliait aux pieds du Sauveur, plus elle recueillait abondamment ses divines paroles, car l’eau descend en abondance dans les profondeurs des vallées, tandis qu’elle découle du sommet des collines qui ne peuvent la retenir.

S. Basile. (Const. monast., ch. 1.) Toutes les actions, toutes les paroles du Sauveur sont pour nous autant de règles de piété et de vertu, car il s’est revêtu de notre corps pour que nous puissions imiter les exemples de sa vie selon la mesure de nos forces. — S. Cyrille. Il apprend donc à ses disciples par son exemple la conduite qu’ils doivent tenir lorsqu’ils sont reçus dans quelque maison ; ils doivent en y entrant, ne pas goûter exclusivement les douceurs du repos, mais remplir de la sainte et divine doctrine l’âme de ceux qui les reçoivent. Quant à ceux qui leur donnent l’hospitalité, ils doivent l’exercer avec joie et empressement pour deux motifs, ils trouveront d’abord un sujet d’édification dans la doctrine de ceux qu’ils reçoivent, et recevront à leur tour la récompense de leur charité : « Or, Marthe s’occupait avec empressement, » etc. — S. Augustin. (serm. 27, sur les parol. du Seig.) Marthe s’occupait avec raison de pourvoir aux nécessités corporelles, et aux désirs de la nature humaine du Seigneur ; mais celui qu’elle voyait revêtu d’une chair mortelle, « dès le commencement était le Verbe. » C’est ce Verbe que Marie écoutait. Ce Verbe s’est fait chair, c’est celui que Marthe servait. L’une travaillait, l’autre contemplait. Cependant Marthe, accablée de ce travail et de tout le soin du service, s’adresse au Seigneur, et se plaint de sa soeur : « Seigneur, souffrirez-vous que ma soeur me laisse servir seule ? » etc. Marie, en effet, était tout absorbée de la douceur de la parole du Seigneur, Marthe préparait un festin au Sauveur, qui lui-même servait alors à Marie un festin bien plus délicieux. Or, comment n’aurait-elle pas craint que le Seigneur pressé par sa soeur, vint à lui dire : « Levez-vous, et venez en aide à votre soeur, » alors qu’elle goûtait avec suavité les douces paroles du Sauveur, et que son coeur était plongé tout entier dans cette divine nourriture ? Elle était absorbée dans d’ineffables délices, bien supérieures à toutes les délices corporelles. Elle accepte donc ce reproche d’oisiveté, et confie sa cause à son juge, sans se mettre en peine de répondre, dans la crainte que le soin même de répondre ne vint à la distraire de l’attention qu’elle donne aux paroles du Seigneur. Le Seigneur répondit donc pour elle, lui pour qui la parole n’est pas un travail, parce qu’il est le Verbe : « Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, vous vous inquiétez, » etc. Cette répétition du nom de Marthe, est un signe de l’affection du Sauveur pour elle, ou un moyen de la rendre plus attentive à la leçon qu’il va lui donner. Après l’avoir ainsi appelée deux fois, il lui dit : « Vous vous inquiétez de beaucoup de choses, » c’est-à-dire vous êtes occupée de beaucoup de choses. En effet, quand l’homme se charge de servir, il veut suffire à tout, et il ne peut y réussir ; il cherche ce qui lui manque, il prépare ce qu’il a sous la main, et son esprit est dans le trouble et l’agitation. Ainsi Marthe n’eût point demandé que sa soeur vînt l’aider, si elle avait pu seule suffire au travail. Elle s’inquiète de beaucoup de choses, ses inquiétudes, ses préoccupations sont nombreuses, elles sont de diverses sortes, parce qu’elles ont pour objet les choses de la terre et du temps. Or, à toutes ces choses, Notre-Seigneur en préfère une seule ; car ce ne sont pas toutes ces choses qui en ont produit une seule, mais elles sont elles-mêmes sorties d’un seul principe. Aussi écoutez la parole du Sauveur : « Or, une seule chose est nécessaire. » Marie a voulu n’être occupée que d’une seule chose, selon cette parole du Psalmiste : « Il est bon pour moi de m’attacher à Dieu. » (Ps 72.) Le Père, le Fils, le Saint-Esprit, ne font qu’une seule et même chose ; et nous ne pouvons parvenir à cette seule chose, qu’autant que nous avons tous un même coeur. (Ac 4.) — S. Cyrille. On peut encore donner cette explication : Lorsque quelques-uns de nos frères reçoivent Dieu dans leur demeure, qu’ils ne poussent pas la préoccupation à l’excès, qu’ils n’exigent pas tout ce qui est à leur disposition, mais n’est pas nécessaire ; car en toutes choses, la trop grande abondance est un embarras, c’est une cause d’ennui pour ceux qui la recherchent, et elle donne à penser aux convives qu’ils sont pour les autres une occasion de préoccupation et de fatigue.

S. Basile. (Régl. développ., quest. 19.) N’est-il pas absurde de prendre des aliments pour soutenir notre corps, et de faire de ces aliments une cause d’appesantissement pour le corps, et un obstacle à l’accomplissement des commandements de Dieu ? ( Quest. 20.) Si donc il survient un pauvre, donnons-lui la règle et l’exemple de la modération dans l’usage des aliments ; ne donnons jamais de festin pour flatter le goût de ceux qui aiment le luxe, et les désirs de la table. La vie d’un chrétien doit être uniforme, puisqu’elle tend à un même but, la gloire de Dieu. Au contraire la vie des mondains prend mille formes diverses, et ils la varient sans cesse au gré de leurs caprices. Mais pourquoi donc vous, qui chargez votre table de mets abondants et recherchés pour le plaisir de votre frère, l’accusez-vous de sensualité, et lui faites-vous le reproche honteux de gourmandise, en le condamnant de savourer avec délices les mets que vous lui préparez ? Nous ne voyons pas que le Seigneur ait loué Marthe de s’être livrée tout entière aux soins multipliés du service.

S. Augustin. (Serm. 27, sur les parol. du Seig.) Quoi donc, devrons-nous penser que Notre-Seigneur blâme ici l’empressement de Marthe, tout occupée des devoirs de l’hospitalité, et heureuse de recevoir un hôte comme le Sauveur ? S’il en est ainsi, cessons de servir les pauvres, livrons-nous au ministère de la parole, que la science du salut soit notre unique objet, ne nous inquiétons nullement s’il y a quelqu’étranger parmi nous, si quelqu’un manque de pain ; laissons toutes les oeuvres de miséricorde, pour ne nous occuper que de la science. — Théophile. Notre-Seigneur ne nous défend donc point de remplir les devoirs de l’hospitalité, mais la préoccupation excessive, la dissipation et le trouble. Remarquez d’ailleurs la prudence du Sauveur, il n’avait d’abord rien dit à Marthe, ce n’est que lorsqu’elle veut détourner sa soeur d’écouter la parole du divin Maître, qu’il prend occasion de là, pour lui faire un reproche. L’hospitalité est donc honorable, tant qu’elle ne nous entraîne qu’aux choses nécessaires, mais dès lors qu’elle nous détourne de devoirs plus importants, il est évident que l’attention aux enseignements divins est bien préférable.

S. Augustin. (Serm., 26 et 27.) Notre-Seigneur ne blâme donc pas ici la pratique de l’hospitalité, mais il établit une distinction entre les oeuvres : « Marie a choisi la meilleure part, » etc. Votre part n’est pas mauvaise, mais celle que Marie a choisie est meilleure. Pourquoi est-elle meilleure ? parce qu’elle ne lui sera point ôtée. Un jour viendra où vous serez déchargée des soins nécessaires de cette vie, (car une fois entrée dans la patrie, vous n’aurez plus à exercer l’hospitalité envers les étrangers), mais cette part vous sera ôtée dans votre intérêt, et afin que vous en receviez une meilleure. On vous déchargera du travail pour vous donner le repos : Vous naviguez encore, et Marie est déjà arrivée au port, car la douceur de la vérité est éternelle ; elle s’accroît successivement dans cette vie, mais elle reçoit sa consommation dans l’autre vie, où on la possède sans crainte de la perdre.

S. Ambr. Laissez-vous donc conduire comme Marie, par l’amour de la sagesse, car c’est l’oeuvre la plus parfaite, l’oeuvre par excellence. Que les soins extérieurs ne vous détournent jamais de la connaissance de la parole céleste, et gardez-vous de condamner et d’accuser d’oisiveté ceux qui s’appliquent à l’étude de cette divine sagesse.

S. Augustin. (Quest. Evang., 2, 30.) Dans le sens allégorique, Marthe recevant Jésus dans sa maison est la figure de l’Église, recevant le Seigneur dans son coeur ; Marie, sa soeur, assise aux pieds du Sauveur, et écoutant sa parole, représente aussi l’Église, mais dans le siècle à venir, où affranchie du soin et du service des pauvres, elle n’aura plus qu’à jouir de la sagesse. Elle se plaint que sa soeur ne vient pas l’aider, et elle donne occasion à Notre-Seigneur de nous montrer l’Église de la terre, inquiète et troublée de beaucoup de choses, tandis qu’il n’y a de nécessaire qu’une seule chose, à laquelle on arrive par les mérites de cette vie d’action. Il déclare que Marie a choisi la meilleure part, parce que c’est par la première qu’on parvient à la seconde qui ne sera jamais ôtée. — S. Grég. (Moral., 6, 18.) Ou bien encore Marie, qui écoute assise les paroles du Seigneur, est la figure de la vie contemplative. Marthe au contraire occupée des oeuvres extérieures représente la vie active. Notre-Seigneur ne blâme pas le genre de vie de Marthe, mais il donne des éloges à celui de Marie, parce que si les mérites de la vie active ont du prix, les mérites de la vie contemplative en ont beaucoup plus. Aussi le Sauveur déclare-t-il que la part de Marie ne lui sera jamais ôtée ; en effet, les oeuvres de la vie active n’ont d’autre durée que celle du corps, tandis que les joies de la vie contemplative ne font que se multiplier à la mort,

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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