Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Luc  >  chapitre 10, versets 29-37

Lc  10  29-37

S. Cyrille. L’éloge que le Sauveur vient de faire de la réponse du docteur de la loi lui inspire de l’orgueil, il ne croit point qu’il y ait pour lui de prochain, c’est-à-dire qu’il s’imagine que personne ne peut lui être comparé sous le rapport de la justice : « Mais cet homme, voulant faire paraître qu’il était juste, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? Il devient tour à tour la proie, pour ainsi dire, de tous les vices qui le font tomber de la ruse artificieuse avec laquelle il cherchait à tenter Jésus, dans une orgueilleuse arrogance. Cette question qu’il adresse à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » prouve qu’il n’avait aucun amour pour le prochain, puisqu’il ne croyait pas qu’il pût avoir un prochain. Il n’avait par conséquent aucun amour pour Dieu, car puisqu’il n’aimait pas son frère qu’il voyait, comment pouvait-il aimer Dieu qu’il ne voyait pas ? (1 Jn 4, 20.) — S. Ambr. Il répond encore qu’il ne sait, qui est son prochain, parce qu’il ne croyait pas en Jésus-Christ, et que celui qui ne connaît pas Jésus-Christ, ne peut connaître la loi, car si vous n’avez aucune connaissance de la vérité, comment pouvez-vous connaître la loi qui annonce et enseigne la vérité ?

Théophile. Ce n’est ni par les actions, ni par les dignités que le Sauveur détermine l’idée juste qu’on doit se faire du prochain. Ne croyez pas, semble-t-il dire, que personne ne soit votre prochain, parce que vous êtes juste, car tous ceux qui ont avec vous une même nature sont votre prochain ; devenez donc aussi leur prochain, non en habitant le même pays, mais en leur témoignant de l’affection et en leur donnant les soins que leur état réclame. C’est pour confirmer cette vérité qu’il cite l’exemple du Samaritain : « Jésus reprit : Un homme descendait, » etc. — Chaîne des Pères Grecs. (ou Sévère d’Antioche.) Le Sauveur se sert avec dessein du terme générique, il ne dit pas : Quelqu’un descendait, mais ; « Un homme descendait, » car soit discours embrasse l’humanité toute entière. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 19.) Cet homme représente Adam et tout le genre humain ; Jérusalem, la cité de paix, représente la Jérusalem céleste, dont l’homme a perdu la félicité par son péché ; Jéricho qui signifie lune est la figure de notre mortalité, qu’on voit successivement naître, croître, vieillir et disparaître.

S. Augustin. (Cont. les Pélag.) Ou bien encore, Jérusalem, qui veut dire vision de la paix, représente le paradis, car avant son péché, l’homme jouissait de la vision de la paix, c’est-à-dire des délices du paradis, où tout ce qu’il voyait était pour lui une source de paix et de joie. Lorsque le péché l’eut plongé dans l’humiliation et la misère, il descendit de Jérusalem à Jéricho, c’est-à-dire, dans le monde, où tout ce qui naît disparaît bientôt comme la lune. — Théophile. Le Sauveur ne dit pas : Il descendit, mais : « Il descendait, » car la nature humaine tend toujours à descendre, non seulement par une partie d’elle même, mais par toutes ses facultés sensibles. — S. Basile. (Chaîne des Pèr. gr.) On comprendra parfaitement cette expression du Sauveur, si l’on veut faire attention à la situation des lieux dont il parle ; Jéricho en effet est située dans les vallées de la Palestine ; Jérusalem au contraire est située sur une hauteur, au sommet d’une montagne. Cet homme descendit donc des hauteurs dans les vallées, où il fut saisi par les voleurs qui habitaient le désert : « Et il tomba entre les mains des voleurs. »

S. Chrys. Déplorons d’abord le malheur de cet homme qui tombe entre les mains des voleurs, sans armes et sans défense, et qui, dans son imprévoyante témérité, choisit ce chemin où il ne pouvait échapper aux brigands qui l’infestaient ; car comment, sans armes, sans prévoyance, sans précaution, aurait-il pu se défendre contre ces voleurs qui fondent sur lui à main armée, et avec les intentions les plus meurtrières ? En effet, la méchanceté marche toujours, ayant pour armes les ruses, pour remparts la cruauté et les artifices, et prête à se livrer aux plus violents excès. — S. Ambr. Or, quels sont ces voleurs, si ce n’est les anges de la nuit et des ténèbres ? Il ne serait certainement pas tombé entre leurs mains, s’il ne se fût exposé à les rencontrer, en quittant la voie des commandements de Dieu. — S. Chrys. (hom. précéd. cit.) C’est donc à l’origine du monde, que le démon a déployé toute son artificieuse méchanceté contre l’homme, en versant sur lui son venin mortel, et en inaugurant dans sa personne sa malice meurtrière. — S. Augustin. (contre les Pélag.) Cet homme est donc tombé entre les mains des voleurs, c’est-à-dire au pouvoir du démon et de ses anges qui, par la désobéissance du premier homme, l’ont dépouillé des vêtements de l’innocence, et l’ont couvert de blessures, en affaiblissant en lui la force du libre arbitre : « Ils le dépouillèrent, et le laissèrent couvert de blessures. » Le démon a fait une blessure au premier homme lors de son péché, mais il nous couvre de blessures, lorsqu’à ce premier péché, dont nous avons contracté la souillure, nous en ajoutons volontairement un grand nombre d’autres. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 19.) Ou bien encore, ils ont dépouillé l’homme de l’immortalité, et l’ayant couvert de plaies (en le portant au mal), ils le laissèrent à demi-mort. En effet, l’homme est vivant en tant qu’il peut concevoir et connaître Dieu, mais il est mort dans la partie de lui-même qui succombe aux atteintes mortelles du péché, c’est ce que le Sauveur indique par ces paroles : « Et ils le laissèrent à demi-mort » — S. Augustin. (contre Pélage) Dans cet homme demi-mort, l’action vitale (c’est a-dire le libre arbitre) est blessé, et n’est plus capable de le conduire à la vie éternelle qu’il avait perdue : il est donc là étendu, incapable de se relever par ses propres forces, aussi appelait-il le médecin, c’est-à-dire Dieu, pour le guérir. — Théophile. Ou bien encore, l’homme est à demi-mort après son péché, parce que son âme est immortelle, et son corps mortel, de manière que la moitié de lui-même est assujettie à la mort. Ou bien encore, l’homme est à demi-mort, parce que la nature humaine espérait arriver au salut par Jésus-Christ, et ne pas devenir entièrement la proie de la mort ; mais par suite du péché d’Adam, la mort est entrée dans le monde, et elle ne pouvait être détruite que par la rédemption de Jésus-Christ. (Rm 5, 12.) — S. Ambr. Ou bien encore, les démons commencent par nous dépouiller des vêtements de la grâce spirituelle, avant de nous couvrir de blessures ; car si nous savions conserver ces vêtements dans toute leur beauté, nous serions inaccessibles aux coups des voleurs. — S. Basile. On peut encore entendre qu’ils ne le dépouillèrent qu’après l’avoir couvert de blessures, pour nous faire comprendre que c’est après le péché commis, que la grâce nous est enlevée. — Bède. Les péchés sont appelés des blessures, parce qu’ils détruisent l’état d’intégrité de la nature humaine. Il est dit qu’ils s’en allèrent, non pour cesser leurs embûches criminelles, mais pour dissimuler leurs ruses artificieuses,

S. Chrys. (comme précéd.) Cet homme, c’est-à-dire Adam, était donc là étendu, privé de tout secours, profondément atteint par les blessures que ses péchés lui avaient faites, et le prêtre Aaron passe sans pouvoir le secourir par ses sacrifices : « Or, il arriva qu’un prêtre descendait par le même chemin, il vit cet homme, et passa outre, » etc. Son frère Moïse, de la tribu de Lévi, voit la loi qu’il a donnée, frappée de la même impuissance : « De même, un lévite, se trouvant près de là, le vit et passa outre. » — S. Augustin. (contre Pélage.) On peut aussi considérer ce prêtre et ce lévite comme représentant les deux temps de ha loi et des prophètes : le prêtre est la figure de la loi qui a institué le sacerdoce et les sacrifices ; le lévite représente les oracles des prophètes. Or, le genre humain ne put être guéri à aucune de ces deux époques, parce que la loi donne bien la connaissance du péché, mais ne le détruit pas. (Rm 3, 20 ; 8, 3.) — Théophile. Remarquez ces paroles : « Il passa, » parce qu’en effet, la loi vint et dura jusqu’au temps que Dieu avait marqué ; et comme elle ne pouvait guérir, elle passa. Remarquez encore que la loi n’a pas été donnée dans ce dessein, que l’homme y trouvât sa guérison ; car il ne pouvait alors recevoir le mystère de Jésus-Christ. Aussi voyez comme l’Évangéliste s’exprime : « Or, il arriva qu’un prêtre descendait par le même chemin, » ce que nous disons généralement des choses qui arrivent sans avoir été prévues. — S. Augustin. (serm. 37 sur les par. du Seig.) Le Sauveur donne à entendre que cet homme, qui descendait de Jérusalem à Jéricho, était israélite, par là même que le prêtre qui passa, n’en eut aucune compassion, bien qu’il fût du même peuple, et que le lévite qui était aussi de la même race, passât également sans daigner le secourir. — Théophile. Peut-être leur première pensée fut — elle une pensée de compassion, mais la dureté naturelle reprit bientôt le dessus, ce qui nous est exprimé par cette parole : « Il passa. »

S. Augustin. (comme précéd.) Le samaritain vint aussi à passer, il était étranger pour cet homme par sa race, mais il était son prochain par la compassion, et il fit ce qui suit « Mais un samaritain, qui était en voyage, vint près de lui » etc. Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu être représenté dans ce samaritain. En effet, le mot Samaritain signifie gardien. Or, c’est de lui qu’il est dit : « Celui qui garde Israël, ne sommeillera ni ne dormira point » (Ps 120), parce qu’une fois ressuscité des morts, il ne meurt plus. (Rm 6.) D’ailleurs, lorsque les Juifs lui dirent : « Vous êtes un samaritain, et vous êtes possédé du démon, » il nia qu’il fût possédé du démon, lui qui savait qu’il était venu pour chasser le démon, mais il ne nia point qu’il fût le gardien des infirmes. — Sévère d’Antioche. Notre-Seigneur s’appelle ici samaritain on ne peut plus à propos, en répondant à ce docteur, fier de la connaissance de la loi ; il veut lui faire comprendre que ni le prêtre, ni le lévite, ni ceux qui vivaient sous la loi, ne pratiquaient les commandements de la loi, mais qu’il était venu lui-même pour en accomplir les prescriptions. — S. Ambr. Ce samaritain descendait ; car quel est celui qui est descendu du ciel, si ce n’est celui qui est monté au ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel ? (Jn 3.) — Théophile. Il était en voyage, ajoute le Sauveur, c’est-à-dire qu’il venait avec le dessein formel de nous guérir. — S. Augustin. (contre Pélage.) Il est venu revêtu de la ressemblance de la chair de péché (Rm 8), et c’est pour cela qu’il est dit « qu’il vint près de lui, » en se rendant comme semblable à lui. — Sévère d’Antioche. Ou bien encore, il vint près du même chemin, car il a véritablement suivi la voie droite, sans s’en écarter jamais en descendant sur la terre. pour notre salut.

S. Ambr. Or, en venant sur la terre, il s’est fait notre prochain par la sincère compassion qu’il nous porte, et notre voisin par la miséricorde dont il nous comble : « Et le voyant, il fut touché de compassion, » etc. — S. Augustin. (comme précéd.) Il le voit étendu sans force, sans mouvement, et il est touché de compassion, parce qu’il ne trouve en lui aucun mérite qui le rende digne de guérison ; mais « à cause du péché, il a condamné le péché dans la chair (Rm 8) : « Et s’approchant, il banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, » etc. — S. Augustin. (serm. 37 sur les par. du Seig.) Quelle distance plus grande peut-on imaginer, que celle qui sépare Dieu de l’homme, l’immortel de ceux qui sont soumis à la mort, le juste des pécheurs ? distance produite non par l’éloignement extérieur, mais par la différence de nature. Il possédait deux biens, la justice et l’immortalité, et nous avions, au contraire, deux maux, l’injustice et la mortalité. Or, s’il eût pris les deux maux qui étaient notre partage, il fût devenu semblable à nous, et il aurait eu besoin comme nous d’un libérateur. Et comme il ne voulait pas se rendre entièrement notre égal, mais s’approcher seulement de nous, il ne s’est point fait pécheur à votre exemple, mais il s’est fait mortel comme vous ; il a pris sur lui le châtiment sans prendre la faute, et il a ainsi détruit la faute et le châtiment.

S. Augustin. (Quest. évang., 2, 19.) Le samaritain, en bandant les plaies de cet homme, figure la répression des péchés ; l’huile représente la douce consolation de l’espérance donnée par la miséricorde divine, qui nous obtient le bienfait de ha réconciliation ; le vin, l’exhortation à une vie fervente dans l’Esprit saint. — S. Ambr. Ou bien encore, il bande nos plaies, en nous imposant une loi plus sévère ; par l’huile, il fomente nos plaies, en nous remettant nos péchés ; et par le vin, il nous pénètre de la crainte de ses jugements. — S. Grég. (Moral., 20, 8.) Ou encore, le vin figure les atteintes secrètes de la justice, et l’huile, la douceur de la miséricorde ; le vin baigne les plaies corrompues, et l’huile adoucit celles qui peuvent être guéries. Il faut donc faire un mélange de la douceur avec la sévérité, et tempérer l’une par l’autre, pour ne pas donner lieu à l’irritation par une trop grande dureté, ou au relâchement par une trop grande condescendance. — Théophile. Ou bien dans un autre sens, l’huile figure la vie humaine du Sauveur, et le vin, qui est l’emblème de la divinité, figure sa vie-divine, dont personne ne pourrait soutenir l’éclat, si elle n’était unie à l’huile, c’est-à-dire à la vie humaine ; aussi le voyons-nous agir tantôt d’une manière humaine, tantôt d’une manière toute divine. Il verse donc de l’huile et du vin, parce que c’est tout à la fois par son humanité et par sa divinité qu’il nous a sauvés. — S. Chrys. (comme précéd.) Ou bien encore, il a versé le vin, c’est-à-dire le sang de sa passion, et l’huile, c’est-à-dire l’onction sainte, dans le dessein que le pardon de nos fautes nous fut donné par son sang, et la sanctification de notre âme par l’onction de l’huile sainte. Ce céleste médecin bande nos plaies ouvertes, afin qu’elles puissent retenir le remède qu’il leur applique, et dont l’heureuse efficacité doit les guérir entièrement. Après avoir versé sur ses plaies de l’huile et du vin, il mit cet homme sur son cheval : « Et le mettant sur sa monture, » etc.

S. Augustin. (Quest. évang., 2, 19.) Cette monture représente la chair dont le Fils de Dieu s’est revêtu pour venir jusqu’à nous. On est placé sur cette monture quand on croit en son incarnation. — S. Ambr. Ou bien, il nous place sur sa monture, en portant lui-même nos péchés et en souffrant pour nous (Is 53). L’homme, en effet, est devenu semblable aux animaux (Ps 48), il nous a donc placés sur sa monture, afin que nous ne soyons pas semblables au cheval et au mulet (Ps 31), et pour détruire l’infirmité de notre chair en se revêtant lui-même de notre corps. — Théophile. Ou bien encore, il nous a placés sur sa monture, c’est-à-dire sur son propre corps ; car son incarnation nous a rendus ses membres, et nous fait entrer en participation de son corps. La loi n’admettait pas tous les hommes à faire partie du peuple de Dieu : « Les Moabites et les Ammonites, est-il écrit, n’entreront point dans l’Église de Dieu » (Dt 23) ; mais maintenant, dans toute nation, tout homme qui craint Dieu, qui veut embrasser la foi et faire partie de l’Église, est admis dans son sein. C’est pourquoi le Sauveur ajoute que le samaritain conduisit cet homme dans une hôtellerie. — S. Chrys. (comme précéd.) Cette hôtellerie, c’est l’Église qui reçoit tous ceux qui viennent fatigués des voies du monde, et accablés sous le poids de leurs péchés ; c’est là qu’après avoir déposé ce fardeau, le voyageur harassé se repose et reprend de nouvelles forces au festin salutaire qui lui est préparé. C’est ce qu’expriment ces paroles : « Et il prit soin de lui ; » car tout ce qui pouvait lui être contraire, nuisible ou mauvais, se trouve en dehors, tandis que cette hôtellerie offre un repos assuré et une sécurité complète. — Bède. Remarquez que le Samaritain met cet homme sur sa monture avant de le conduire à l’hôtellerie, parce que personne ne peut entrer dans l’Église, s’il n’est uni tout d’abord au corps de Jésus-Christ par le baptême (1 Co 12, 12.13).

S. Ambr. Mais le bon Samaritain ne pouvait rester longtemps sur la terre, et il lui fallait retourner au ciel d’où il était descendu : « Le jour suivant, il tira deux deniers, et les donna à l’hôte, » etc. Quel est cet autre jour, si ce n’est le jour de la résurrection du Seigneur, dont il est dit : « Voici le jour que le Seigneur a fait ? » (Ps 117.) Les deux derniers sont les deux Testaments qui portent tous deux gravée l’image du roi éternel, et par le mérite desquels nos blessures sont guéries. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 19.) Ou bien, ces deux deniers sont les deux préceptes tic la charité que les Apôtres ont reçus de l’Esprit saint pour annoncer l’Evangile ; ou encore, la promesse de la vie présente et celle de la vie future. — Origène. (hom. 34 sur S. Luc.) Ou bien encore, ces deux deniers représentent la connaissance de ce mystère par lequel le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, connaissance qui est donnée comme récompense à l’ange de l’Église, pour qu’il prodigue tous ses soins à l’homme qui lui est confié, et dont le Sauveur s pris soin lui-même pendant la courte durée de sa vie mortelle. Il promet à l’hôtelier de lui rendre aussitôt tout ce qu’il aurait dépensé de plus pour la guérison de ce pauvre blessé : « Et tout ce que vous dépenserez de plus, je vous le rendrai à mon retour. »

S. Augustin. (Quest. évang., 2, 19.) Cet hôtelier représente l’Apôtre qui a donné en plus en ajoutant ce conseil : « Quant aux vierges, je n’ai pas reçu de commandement du Seigneur, mais voici le conseil que je donne » (1 Co 7, 25) ; ou bien encore en travaillant de ses mains, pour n’être à charge à personne, au commencement de la prédication de l’Évangile (1 Th 2, 9), quoique cependant il lui fût permis de vivre de l’Évangile (1 Co 20.) Les Apôtres eux-mêmes ont aussi donné en plus, ainsi que les docteurs venus dans la suite des temps, et qui recevront la récompense qui leur est due pour avoir expliqué l’Ancien et le Nouveau Testament. — S. Ambr. Heureux donc cet hôtelier qui peut panser et guérir les blessures de son frère ; heureux celui qui entend ces paroles sortir de la bouche de Jésus : « Et tout ce que vous dépenserez en plus, je vous le rendrai à mon retour. » Mais quand reviendrez-vous, Seigneur, si ce n’est au jour du jugement ? Car, bien que vous soyez partout et que vous habitiez au milieu de nous, sans que nos yeux puissent vous apercevoir, il viendra cependant un temps où toute chair vous verra revenir sur la terre. Vous rendrez alors ce que vous devez aux bienheureux, puisque vous avez voulu être leur débiteur. Puissions-nous être nous-mêmes de bons débiteurs, et rendre fidèlement ce que nous avons reçu.

S. Cyrille. Après ce récit, Notre-Seigneur peut maintenant faire au docteur de la loi cette question « Lequel de ces trois vous semble avoir été le prochain de l’homme qui tomba entre les mains des voleurs ? » Le docteur répondit : « Celui qui a pratiqué la miséricorde envers lui. » Ce n’est, en effet, ni le prêtre ni le lévite qui sont le prochain de ce pauvre blessé, mais celui qui a eu compassion de lui. Ainsi la dignité sacerdotale, la science de la loi sont complètement inutiles, si elles ne sont comme relevées et consacrées par la pratique des bonnes oeuvres. Aussi le Sauveur ajoute-t-il : « Allez et faites de même. » — S. Chrys. (hom. 10 sur l’Ep. aux Hébr.) C’est-à-dire : Si vous voyez quelqu’un dans le malheur, ne dites pas c’est un scélérat, mais qu’il soit gentil ou juif, dès lors qu’il a besoin de secours, n’en faites pas un objet de railleries ; quel que soit son malheur, il a droit à être secouru. — S. Augustin. (de la doct. chrét.) Nous devons apprendre de là que notre prochain est celui envers lequel nous devons exercer la miséricorde, si son état la réclame ; ou celui à l’égard duquel nous en serions redevable, s’il en avait besoin. Il suit de là, que celui qui doit à son tour nous prêter assistance au besoin, est aussi notre prochain ; car le nom de prochain suppose une relation, et nous ne pouvons être le prochain d’un homme, sans que lui-même ne devienne notre prochain. Or, nul n’est excepté de ce grand devoir de la miséricorde ; au témoignage de Notre-Seigneur, qui nous recommande de faire du bien à ceux-là mêmes qui nous haïssent (Mt 5) : « Faites du bien à ceux qui vous haïssent. » Il est donc évident que ce commandement qui nous est fait d’aimer le prochain, embrasse les saints anges eux-mêmes, qui exercent à notre égard tant d’oeuvres de miséricorde. Que dis-je ? Notre-Seigneur a voulu lui-même être appelé notre prochain, en nous faisant entendre que c’est lui-même qui est venu au secours de cet homme, laissé à demi-mort dans le chemin. — S. Ambr. Ce ne sont donc point les liens du sang, mais la miséricorde qui rend un homme notre prochain, parce que la miséricorde est un sentiment que la nature inspire ; en effet, quoi de plus conforme à la nature, que de secourir ceux qui ont avec nous une même nature ?

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle