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Jn  9  1-7

S. Chrys. (hom. 56 sur S. Jean.) Comme les Juifs n’avaient pu comprendre la hauteur des enseignements de Jésus-Christ, en sortant du temple, il guérit un aveugle. Il veut en se dérobant à leurs regards apaiser leur fureur, et en même temps amollir leur dureté par le miracle qu’il va faire et confirmer la vérité de ses paroles : « Et comme Jésus passait, Jésus vit un homme qui était aveugle de naissance, » etc. Remarquons qu’en sortant du temple, il a le dessein formel d’opérer une œuvre qui fit connaître sa divinité, car c’est lui qui vit l’aveugle, ce ne fut point l’aveugle qui vint le trouver, et il le considéra avec tant d’intérêt, que ses disciples le remarquèrent et lui firent cette question : « Maître, est-ce cet homme qui a péché ou ses parents ? » — S. Augustin. (Traité 44 sur S. Jean). Rabbi veut dire maître, ils lui donnent le nom de maître, parce qu’ils voulaient apprendre de lui ce qu’ils ignoraient ; et ils proposent cette question au Seigneur comme à leur maître. — Théophile. Cette question paraît fautive de la part des Apôtres, qui n’admettaient pas cette opinion ridicule des Gentils, que l’âme avait péché dans un autre monde où elle avait vécu auparavant ; mais en y réfléchissant de plus près, cette question n’est pas aussi simple qu’elle le parait. — S. Chrys. (hom. 56.) Ils furent amenés en effet à lui faire cette question, parce qu’en guérissant le paralytique, Jésus lui avait dit : « Voilà que vous êtes guéri, ne péchez plus davantage. » (Jean, 5) Et dans la pensée que ses péchés avaient été la cause de sa paralysie, ils demandent si cet aveugle ne s’est pas rendu aussi coupable de péché, ce qu’on ne pouvait ni dire ni supposer, puisqu’il était aveugle de naissance ; ou bien ses parents, ce qui n’était pas plus raisonnable, car le fils ne porte pas le péché du père.

« Jésus répondit : Ce n’est point qu’il ait péché, ni ses parents. — S. Augustin. Est-ce donc qu’il était né sans la faute originelle ou qu’il n’y avait ajouté par la suite aucune faute volontaire ? Non, sans doute, ses parents aussi bien que lui étaient coupables, mais ce n’est pas à cause du péché qu’ils avaient commis que cet homme était né aveugle. Notre-Seigneur en donne la véritable cause, lorsqu’il ajoute : « C’est afin, dit-il, que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. » — S. Chrys. (hom. 56.) On ne peut conclure de ces paroles que les autres aveugles le sont devenus en punition des péchés de leurs parents, car il n’arrive pas qu’un homme soit puni pour le péché d’un autre. Ces paroles du Sauveur : « Afin que la gloire de Dieu soit manifestée, » doivent s’entendre de sa propre gloire et non de celle du Père, dont la manifestation avait déjà eu lieu. Mais cet homme souffrait-il donc injustement ? Non, et je réponds que la cécité fut pour lui un bienfait, car il lui dut de voir des yeux de l’âme. Il est évident que celui qui avait tiré cet homme du néant pour lui donner l’être, avait aussi le pouvoir de l’affranchir de toute infirmité. On peut dire du reste avec quelques-uns, que la particule ut n’exprime pas ici la cause, mais plutôt la conséquence. Comme dans cette autre phrase : « La loi est survenue, ut abundaret delictum, en sorte que le péché a abondé ; » (Rm 5, 20) de même ici, la conséquence de la guérison de cet aveugle et de toutes les autres maladies qui accablent l’infirmité humaine, a été la manifestation de sa puissance.

S. Grég. (1 Moral. ou Préf. sur Job.) Il y a des châtiments que Dieu inflige aux pécheurs sans qu’il y ait pour lui de retour possible ; il en est d’autres qui le frappent afin de le rendre meilleur ; il en est d’autres encore qui ont pour fin, non point de punir les fautes passées, mais de prévenir les fautes à venir ; d’autres enfin qui n’ont pour but ni de punir les péchés passés, ni de prévenir ceux que l’on peut commettre dans l’avenir, mais de faire connaître d’une manière plus éclatante et aimer plus ardemment la puissance de celui qui sauve par le salut inespéré qui suit immédiatement le châtiment.

S. Chrys. (hom. 56.) Notre-Seigneur vient de dire, en parlant de lui-même : « Afin que la gloire de Dieu soit manifestée, » il ajoute : « Il faut, pendant qu’il est jour, que je fasse les œuvres de celui qui m’a envoyé, » c’est-à-dire, il faut que je me manifeste moi-même, et que je fasse les œuvres propres à me manifester, les mêmes que celles que fait mon Père. — Bède. Lorsque le Fils affirme qu’il fait les œuvres de son Père, il prouve ainsi que ses œuvres sont les mêmes que celles de son Père, c’est-à-dire, guérir ce qui est infirme, fortifier ce qui est faible, éclairer tous les hommes. — S. Augustin. En disant : « Les œuvres de celui qui m’a envoyé, » il renvoie toute la gloire à celui de qui il vient, car le Père a un Fils qui vient de lui, et il n’a pas lui-même de Père de qui il vienne.

S. Chrys. (hom. 56.) Il ajoute : « Pendant qu’il est jour, » c’est-à-dire, il me faut agir tandis qu’il est permis aux hommes de croire en moi, ou bien tant que dure cette vie, et les paroles qui suivent viennent à l’appui de cette explication : « La nuit vient, où personne ne peut agir. » Cette nuit dont il a été dit : « Jetez-le dans les ténèbres extérieures. » (Mt 22) La nuit sera donc le temps où personne ne peut plus travailler et où l’on recevra la récompense de sou travail. Tandis que vous vivez, faites donc ce que vous devez faire, car au delà de cette vie, ni la foi n’est possible, ni les travaux, ni le repentir.

S. Augustin. Mais si nous prenons soin de travailler pendant cette vie, c’est vraiment le jour, c’est le Christ. Aussi Notre-Seigneur ajoute-t-il : « Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Il est donc lui-même le jour ; ce jour qui se mesure sur la révolution du soleil compte un petit nombre d’heures, mais le jour de la présence de Jésus-Christ s’étend jusqu’à la consommation des siècles, comme il le déclare lui-même : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. »

S. Chrys. (hom. 56.) C’est par des œuvres que le Sauveur veut confirmer la vérité de ce qu’il vient de dire, l’Evangéliste ajoute donc : « Après avoir parlé ainsi, il cracha à terre, et ayant fait de la boue avec sa salive, il l’étendit sur les yeux de l’aveugle. Celui qui a tiré du néant et appelé à l’être des créatures beaucoup plus importantes, eût bien pu donner des yeux à cet aveugle, sans une matière préexistante ; mais il a voulu nous enseigner qu’il était le Créateur, qui au commencement s’est servi de bouc pour créer l’homme. (hom. 57.) Il ne se sert pas d’eau, mais de salive pour faire cette boue, pour vous empêcher d’attribuer rien à la vertu de la fontaine, et vous apprendre que c’est la vertu de sa bouche qui a fait et ouvert les yeux de cet aveugle, et il lui ordonne ensuite de les laver pour que la guérison ne soit point non plus rapportée à une vertu secrète de la terre : « Et il lui dit : Allez vous laver dans la piscine de Siloë (mot qui veut dire envoyé), » pour vous apprendre que je n’ai pas besoin de boue pour faire des yeux. La piscine de Siloë tirait toute sa vertu de Jésus-Christ qui opérait toutes les guérisons qui s’y faisaient, et c’est pour cela que l’Evangéliste donne la signification de ce nom en ajoutant : « Qui signifie envoyé, » et il vous apprend par là que c’est Jésus-Christ qui a guéri cet aveugle. De même, en effet, que l’Apôtre nous dit : « La pierre c’était le Christ, » ainsi la piscine de Siloë, alimentée par un cours d’eau qui coulait soudainement à certains intervalles, nous figurait secrètement que Jésus-Christ se manifeste souvent contre toute espérance. Mais pourquoi donc ne lui commande-t-il pas de se laver immédiatement sans aller à la piscine de Siloë ? C’est pour mieux confondre l’impudence des Juifs. Il était bon, en effet, que tous le vissent se diriger vers cette piscine, ayant les yeux couverts de boue. Jésus voulait d’ailleurs montrer en l’envoyant à cette piscine, qu’il n’est opposé ni à la loi, ni à l’Ancien Testament. Il n’était point d’ailleurs à craindre qu’on attribuât la gloire de cette guérison à la piscine de Siloë, car beaucoup s’y lavaient les yeux sans obtenir une grâce aussi importante. Il voulait encore faire éclater la foi de cet aveugle, qui ne cherche pas à contredire le Sauveur, qui ne se dit pas en lui-même : La boue d’ordinaire est bien plus propre à faire perdre la vue qu’à la rendre, je me suis lavé plusieurs fois dans la piscine de Siloë, je n’en ai éprouvé aucun soulagement, si cette eau avait quelque efficacité, elle m’eût guéri sur-le-champ, il obéit avec simplicité : « Il y alla, se lava et revint voyant clair. » (hom. 56.) C’est donc ainsi qu’il manifesta sa gloire, car ce n’est pas une faible gloire que de passer pour le créateur de toutes choses ; la foi que l’on donnait à cette grande vérité en faisait accepter d’autres moins importantes. L’homme, en effet est la première et la plus honorable de toutes les créatures ; et de tous ses membres, l’œil est le plus digne d’honneur, car c’est lui qui gouverne le corps, lui qui est le plus bel ornement du visage, ce qu’est le soleil dans l’univers, l’œil l’est dans le corps de l’homme, c’est pour cela qu’il occupe la partie la plus élevée et qu’il y est placé comme sur son trône. — Théophylacte. Il en est qui pensent que cette boue ne fut pas lavée, mais qu’elle servit à former les yeux de cet aveugle.

Bède. Dans le sens allégorique, nous voyons ici que le Sauveur, chassé du cœur des Juifs, se dirige aussitôt vers les Gentils. Son passage, le chemin qu’il fait, c’est sa descente du ciel sur la terre. Il vit cet aveugle, lorsqu’il abaissa les regards de sa miséricorde sur le genre humain. — S. Augustin. Cet aveugle, en effet, c’est le genre humain tout entier qui a été frappé de cécité par le péché du premier homme, dont nous tirons tous notre origine ; il est donc aveugle de naissance. Le Seigneur laisse tomber à terre un peu de salive, et la mélangeant avec la poussière du chemin, il en fait de la boue, parce que le Verbe s’est fait chair, et il étend cette boue sur les yeux de l’aveugle. Lorsque ses yeux étaient ainsi couverts, il ne voyait pas encore, parce que le Seigneur ne fit de lui qu’un catéchumène, lorsqu’il lui couvrit ainsi les yeux. Il l’envoie à la piscine de Siloë, car c’est en Jésus-Christ qu’il a été baptisé, et c’est alors que le Sauveur lui donna l’usage de la vue. L’Evangéliste nous donne la signification du nom de cette piscine, qui veut dire envoyé, et, en effet, si le Fils de Dieu n’avait été envoyé sur la terre, personne d’entre nous n’eût été délivré de son iniquité. — S. Grég. (Moral., 8, 12 ou 18.) Ou bien encore, la salive figure la saveur de la contemplation intime. Elle descend de la tête dans la bouche, parce qu’elle part des splendeurs de Dieu, qu’elle nous fait goûter par les douceurs de la révélation alors que nous sommes encore dans cette vie. Notre-Seigneur mêle sa salive à la terre, et donne ainsi à cet aveugle l’usage de la vue, parce que c’est en mêlant la contemplation de la vérité à nos pensées charnelles, que la grâce céleste répand sa lumière dans notre âme, et délivre notre intelligence de la cécité originelle dont elle a été frappée dans le premier homme.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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