Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Jean  >  chapitre 8, versets 57-59

Jn  8  57-59

S. Grég. (hom. 48 sur les Evang.) L’esprit charnel des Juifs en entendant ces paroles de Jésus-Christ n’élève pas les yeux au-dessus de la terre, et ne songe qu’à l’âge de la vie mortelle du Sauveur : « Mais les Juifs lui répliquèrent : Vous n’avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ? » c’est-à-dire, il y a bien des siècles qu’Abraham est mort, et comment a-t-il pu voir votre jour ? Ils entendaient ces paroles dans un sens tout charnel. — Théophile. Jésus-Christ n’avait alors que trente-trois ans, pourquoi donc ne lui disent-ils pas : Vous n’avez pas encore quarante ans, mais : « Vous n’avez pas encore cinquante ans ? » Question tout à fait inutile. Les Juifs dirent tout simplement ce qui se présenta à leur esprit. Il en est cependant qui pensent qu’ils ont choisi le nombre cinquante par respect pour l’année du jubilé, dans laquelle ils rendaient la liberté aux esclaves et où chacun rentrait dans les biens qu’il avait possédés. (Lv 25, 26) — S. Grég. (hom. 18.) Notre Sauveur les détourné avec douceur de ces pensées qui n’avaient pour objet que sa chair, et cherche à les élever jusqu’à la contemplation de sa divinité : « Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût fait, moi je suis, » paroles qui ne peuvent convenir qu’à sa divinité ; car le mot avant embrasse tout le temps passé, et le mot je suis, le présent, or comme la divinité ne connaît ni passé ni futur, mais qu’elle est continuellement au présent, Notre-Seigneur ne dit pas : Avant Abraham j’étais, mais : « Avant Abraham je suis, » selon ces paroles de Dieu à Moïse : « Je suis celui qui suis. » (Ex 3) Celui donc qui s’est rapproché de nous en nous manifestant sa présence, et qui s’en est séparé en suivant le. cours ordinaire de la vie, a existé avant comme après Abraham. — S. Augustin. Remarquez encore que comme Abraham est une créature, le Sauveur ne dit pas : Avant qu’Abraham existât, mais : « Avant qu’Abraham fût fait, » et il ne dit pas non plus : J’ai été fait, car le Verbe était au commencement.

S. Grég. (hom. 18.) Mais ces esprits incrédules ne peuvent supporter ces paroles d’éternité, et ils cherchent à écraser celui qu’ils ne peuvent comprendre : « Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter. » — S. Augustin. A quoi ces cœurs si durs pouvaient-ils avoir recours qu’à ce qui leur ressemblait, c’est-à-dire à des pierres ? — Théophile. C’est après qu’il a terminé tous les enseignements qui avaient pour objet sa divine personne, qu’ils lui jettent des pierres, et Jésus les abandonne comme incapables de revenir à de meilleurs sentiments : « Mais Jésus se cacha et sortit du temple. » Jésus ne se cache pas dans un coin du temple par un sentiment de crainte, il ne s’enfuit pas dans une maison écartée, il ne se dérobe pas à leurs regards derrière un mur ou une colonne, mais par un effet de son pouvoir divin, il se rend invisible aux yeux de ses ennemis, et passe au milieu d’eux. — S. Grég. S’il avait voulu faire un usage public de sa puissance divine, il eût pu les enchaîner dans leurs propres filets par un seul acte de sa volonté, ou les frapper du terrible châtiment d’une mort subite, mais il était venu pour souffrir, et ne voulait pas faire les fonctions de juge. — S. Augustin. Il valait mieux d’ailleurs nous recommander la pratique de la patience que l’exercice de la puissance. — Alcuin. Il fuit encore, parce que l’heure de sa passion n’était pas encore venue, et qu’il n’avait pas choisi ce genre de mort. — S. Augustin. Il fuit donc, comme le ferait un homme, les pierres qu’on veut lui jeter, mais malheur aux cœurs de pierre dont le Seigneur s’enfuit !

Bède. Dans le sens allégorique, autant de mauvaises pensées, autant de pierres lancées contre Jésus, et celui qui va plus loin jusqu’au délire de la passion, étouffe Jésus, autant qu’il le peut faire. — S. Grég. Mais quelle leçon le Sauveur veut-il nous donner eu se cachant ? c’est que la vérité se cache aux yeux de ceux qui négligent de suivre ses enseignements. La vérité s’enfuit de l’âme, en qui elle ne trouve point la vertu d’humilité. Que nous enseigne-t-il encore par cet exemple ? c’est que lors même que nous avons le droit de résister, nous nous dérobions avec humilité à la colère des esprits orgueilleux.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle