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Jn  9  8-17

S. Chrys. (hom. 57.) L’étrangeté de ce miracle le rendait plus difficile à croire, et c’est en effet ce qui arrive : « Les gens du voisinage, dit l’Evangéliste, et ceux qui l’avaient vu auparavant demander l’aumône, disaient : N’est-ce pas là celui qui était assis et mendiait ? » Admirable condescendance de la clémence de Dieu ! Le Sauveur guérissait avec une grande bonté les pauvres mendiants, et il ferme ainsi la bouche aux Juifs, en jugeant dignes de ses bienfaits les hommes obscurs et inconnus de préférence aux personnages illustres ou distingués par leurs talents ou leurs dignités, car il était venu pour le salut de tous les hommes : « Les uns disaient : C’est lui. » Comme cet aveugle avait une longue route à parcourir et que leur attention était excitée par la singularité de ce miracle dont ils avaient été les témoins, ils ne pouvaient pas dire : Ce n’est point lui. « D’autres cependant, poursuit l’Evangéliste, disaient : Point du tout, mais il lui ressemble. » — S. Augustin. (Traité 44.) En effet, ses yeux ouverts avaient changé sa physionomie : « Mais lui disait : C’est moi, » c’est la voix de la reconnaissance qui veut se mettre à couvert du reproche d’ingratitude. — S. Chrys. (hom. 57.) Il ne rougit pas de son premier état, il ne redoute point la colère du peuple, et il n’hésite pas à se montrer en public pour faire connaître son bienfaiteur : « Ils lui disaient donc : Comment vos yeux se sont-ils ouverts ? » De quelle manière fût-il guéri, nous ne le savons pas, il ne le savait pas lui-même, il savait seulement qu’il était guéri sans pouvoir comprendre comment cela s’était fait : « Il répondit : Cet homme qu’on appelle Jésus, a fait de la boue et l’a étendue sur mes yeux. » Voyez comme il s’attache à ne dire que la vérité. Il ne dit pas comment Jésus a fait cette boue, parce qu’il ne le savait pas, qu’il avait craché à terre, tandis que le sens du toucher lui fit connaître qu’il avait étendu de la boue sur ses yeux : « Et il m’a dit : « Allez à la piscine de Siloë et vous y lavez. » Il put encore certifier ce fait par le sens de l’ouïe, car il reconnut la voix de Jésus, dont il avait entendu la discussion avec ses disciples. Et comme il s’était préparé à une seule chose, c’est-à-dire, à faire avec docilité tout ce qui lui serait commandé, il ajoute : « J’y ai été, je me suis lavé et je vois. »

S. Augustin. (Traité 44.) Le voici devenu prédicateur de la grâce, il évangélise et confesse Jésus-Christ. Mais tandis que cette aveugle confesse ainsi la vérité, le cœur des impies se resserrait, parce qu’ils n’avaient pas dans le cœur les yeux qui brillaient sur sa figure : « Et ils lui dirent : Où est cet homme ? » — S. Chrys. (hom. 57.) Ils lui faisaient cette question dans le dessein qu’ils avaient formé de mettre Jésus à mort, car déjà ils avaient conspiré contre lui. Mais Jésus ne restait pas auprès de ceux qu’il avait guéris, parce qu’il ne cherchait ni la gloire ni l’ostentation, il se retirait aussitôt qu’il avait opéré un miracle de ce genre, pour éloigner tout soupçon de fraude on de concert, car comment ceux qui ne le connaissaient pas auraient-ils déclaré dans son intérêt, que leur guérison venait de lui ? « Et il répondit : Je ne sais. » En faisant cette réponse, il est semblable au catéchumène, qui n’a reçu que l’onction, et qui n’est pas encore éclairé, il prêche et il ne connaît pas encore ce qu’il annonce. — Bède. Il est donc en cela la figure des catéchumènes qui ont bien la foi eu Jésus-Christ, mais qui ne le connaissent pas encore parfaitement, parce qu’ils ne sont pas encore purifiés.

C’étaient aux pharisiens qu’il appartenait d’approuver ou de blâmer cette œuvre. — S. Chrys. Les Juifs donc, en demandant où était Jésus, avaient le dessein de le conduire aux pharisiens, mais n’ayant pu le trouver, ils leur amènent l’aveugle : « Alors ils amenèrent aux pharisiens celui qui avait été aveugle, pour le presser par de nouvelles et plus vives questions. » C’est pour cela que l’Evangéliste fait cette remarque : « Or, c’était le jour du sabbat que Jésus détrempa ainsi de la terre, » etc. Il voulait ainsi nous faire connaître les mauvaises dispositions du leur âme, et la cause pour laquelle ils le cherchaient, c’est-à-dire, pour trouver l’occasion de la perdre, et détruire l’impression produite par ce miracle par la prétendue violation de la loi, ce qui ressort évidemment des questions qu’ils lui adressent : « Les pharisiens lui demandèrent donc aussi comment il avait recouvré la vue. » Voyez comment l’aveugle répond sans se troubler ; quand le peuple l’interrogeait, il n’avait aucun danger à craindre, il ne fallait pas un grand courage pour dire la vérité ; mais ce qui est vraiment admirable, c’est que bien qu’ayant tout à craindre de la haine des pharisiens, il ne songe ni à nier le fait, ni à dire le contraire de ce qu’il a déclaré précédemment : « Il leur dit : Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et je vois. » Il abrège ici sa réponse, parce qu’il parle à des hommes qui connaissaient déjà le fait. Il ne leur dit pas le nom de celui qui lui a donné cet ordre, il ne rapporte pas les paroles que Jésus lui a adressées : « Allez, et lavez-vous ; » il va tout de suite au fait : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et je vois. » Ils éprouvèrent donc le contraire de ce qu’ils espéraient, ils l’amenèrent dans l’intention de lui faire nier le fait de sa guérison, et ils en acquirent une certitude beaucoup plus grande.

« Sur cela, quelques-uns des pharisiens disaient, » etc. — S. Augustin. Ce n’étaient pas tous, mais quelques-uns seulement, car déjà il y en avait parmi eux qui recevaient l’onction. Ceux donc qui ne voyaient pas encore et qui n’avaient pas reçu la grâce de l’onction, disaient : « Cet homme n’est point de Dieu, puisqu’il n’observe point le sabbat. » Au contraire, il en était le plus fidèle observateur, lui qui était sans péché, car l’observation spirituelle du sabbat, c’est de n’avoir aucun péché, et c’est l’avertissement que Dieu nous donne quand il nous recommande l’observation de la loi du sabbat : « Vous ne ferez aucune œuvre servile. » Qu’est-ce qu’un œuvre servile ? le Seigneur lui-même vous l’apprend : « Tout homme qui commet le péché est esclave du péché ; » (Jn 7) or, les pharisiens tout en observant extérieurement la loi du sabbat, la violaient spirituellement.

S. Chrys. Ils passent malicieusement sous silence le fait de la guérison, et ne mettent en avant que la prétendue violation du sabbat. Ainsi, ils ne disent pas : Il guérit le jour du sabbat, mais : « Il transgresse la loi du sabbat. » D’autres disaient : « Comment un pécheur peut-il faire de tels prodiges ? » Vous voyez qu’ils sont vivement impressionnés par ce miracle, mais leurs dispositions étaient imparfaites, car ils auraient dû plutôt chercher à prouver qu’il n’y avait point ici transgression de la loi du sabbat. Mais ils ne croyaient pas encore qu’il était Dieu, et ne pouvaient répondre que c’est le maître du sabbat qui avait opéré ce miracle. Nul d’entre eux n’osait déclarer ouvertement ce qu’il aurait voulu dire, ils tenaient un langage ambigu, les uns, parce qu’ils n’osaient parler librement, les autres par amour du pouvoir : « Et ils étaient divisés entre eux. » Cette division avait lieu dans le peuple et avait gagné jusqu’aux chefs du peuple. — S. Augustin. Jésus-Christ était le jour qui sépare la lumière des ténèbres.

S. Chrys. Ceux qui avaient osé dire : Un pécheur ne peut faire de tels prodiges, voulant fermer la bouche à leurs contradicteurs, fout avancer au milieu d’eux celui qui avait éprouvé les heureux effets de la puissance de Jésus-Christ, pour éviter tout reproche de flatterie : « Ils dirent donc de nouveau à l’aveugle : Et vous, que dites-vous de celui qui vous a ouvert les yeux ? » — Théophile. Voyez comme leur question est pleine de bienveillance ; ils ne lui demandent pas : Que dites-vous de celui qui n’observe pas la loi du sabbat ? Ils ne rappellent que le miracle qu’il a opéré, mais : « Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » Ils semblent exciter le zèle de cet homme, et lui dire : Il est votre bienfaiteur, et c’est un devoir pour vous de proclamer ses bienfaits. — S. Augustin. Ou bien peut-être ils cherchaient une occasion de calomnier cet homme et de le chasser de la synagogue, mais il continua de dire avec courage tout ce qu’il pensait : « Il répondit : C’est un prophète. » Il avait déjà reçu l’onction du cœur, mais il ne reconnaît pas encore Jésus pour le Fils de Dieu. Cependant il ne ment pas, car Notre-Seigneur a dit, en parlant de lui-même : « Aucun prophète n’est sans honneur, si ce n’est dans sa patrie. » (Lc 4)

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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