Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Jean > chapitre 8, versets 41-43
S. Augustin. (Traité 42 sur S. Jean.) Les Juifs avaient commencé à comprendre que Jésus ne leur parlait pas de la génération ou de la parenté selon la chair, mais qu’il s’agissait de la sage direction de toute la vie. Et comme les saintes Ecritures donnent le nom de fornication spirituelle au culte, que l’âme, semblable à une prostituée, rend à une multitude de fausses divinités, ils se hâtent de répondre : « Nous ne sommes pas nés de la fornication, nous avons un seul père qui est Dieu. » — Théophile. Ils lui font entendre par là qu’ils demandent vengeance à Dieu, et qu’ils invoquent son appui dans les desseins qu’ils forment contre lui.
Origène. (Traité 22 sur S. Jean.) Ou bien encore, comme Jésus leur a reproché de n’être pas les enfants d’Abraham, ils lui répondent par un outrage personnel, et veulent insinuer à mots couverts que le Sauveur est le fruit de l’adultère. Il me parait cependant plus vraisemblable que cette réponse fait suite à la discussion. Ils ont commencé par dire : « Notre père est Abraham, » et Jésus leur a répondu : « Si vous êtes les enfants d’Abraham, faites les œuvres d’Abraham, » ils déclarent maintenant qu’ils ont un père plus grand qu’Abraham, c’est-à-dire Dieu, et qu’ils ne sont point enfants de la fornication. Car ce n’est point d’une épouse légitime, mais de la matière comme d’une prostituée, que le démon qui ne fait rien de lui-même, produit ceux qui, plongés dans les jouissances charnelles, sont esclaves de la matière. — S. Chrys. (hom. 54) Mais que dites-vous ? Vous avez Dieu pour père, et vous faites un crime au Christ de tenir ce langage ? Et cependant un grand nombre d’entre eux étaient nés de la fornication, car les unions illicites étaient fréquentes chez les Juifs. Le Sauveur, toutefois, ne leur en fait point un reproche, mais il s’attache à leur prouver qu’ils ne sont point de Dieu : « Jésus leur dit donc : Si Dieu était votre père, vous m’aimeriez certainement, parce que je suis sorti de Dieu, et que je viens de sa part. » — S. Hil. (De la Trin., 6) Le Fils de Dieu ne défend pas que cet auguste nom soit porté par ceux qui, faisant profession d’être les enfants de Dieu, reconnaissent Dieu pour leur père ; mais il blâme la téméraire présomption des Juifs qui prétendaient que Dieu était leur père, et qui n’avaient pour lui, son Fils, aucun amour. On ne peut dire que sortir de Dieu et venir de Dieu soient deux termes identiques, mais comme il déclare que ceux qui proclament Dieu leur père, devraient l’aimer par ce seul motif qu’il est sorti de Dieu, il donne donc pour motif de cet amour le motif de sa naissance, car sortir de Dieu est la même chose que naître, incorporellement de lui. On n’est donc vraiment digne de la religion, par laquelle on reconnaît Dieu pour père, qu’en aimant Jésus-Christ qui a été engendré du Père, et il est impossible d’être vraiment religieux envers le Père, sans aimer le Fils, puisque l’unique cause d’aimer le Fils, c’est qu’il est sorti de Dieu. Le Fils virait donc du Père, non par avènement, mais par naissance, et la plus grande marque d’amour envers le Père sera toujours de croire que le Fils est venu de lui.
S. Augustin. (Traité 42) Le Verbe procède donc de Dieu, et il en procède éternellement, car il en procède comme le Verbe du Père, et il est venu jusqu’à nous, parce que le Verbe s’est fait chair. Son avènement c’est donc son humanité, et sa demeure, sa divinité. Vous dites que Dieu est votre Père, reconnaissez-moi au moins pour votre frère. — S. Hil. Notre-Seigneur enseigne clairement qu’il ne tire point son origine de lui-même en ajoutant : « Je ne suis pas venu de moi-même, mais c’est lui qui m’a envoyé. » — Origène. Je pense que le Sauveur s’exprime de la sorte pour blâmer la conduite de ceux qui venaient de leur propre autorité, sans être envoyés par le Père, et dont Jérémie disait : « Je ne les envoyais point, et ils couraient d’eux-mêmes. » (Jr 21, 23.) Mais comme les partisans des deux natures appuient leur erreur sur ces paroles, nous pouvons leur demander sous forme d’objection : Paul, sans doute, haïssait Jésus, lorsqu’il persécutait l’Eglise de Dieu ? Et voilà pourquoi le Seigneur lui disait : « Pourquoi me persécutez-vous ? » Si donc nous devons admettre la vérité de cette proposition : « Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez certainement, » il faut admettre également la vérité de cette autre proposition : « Si vous ne m’aimiez pas, Dieu ne serait pas votre Père. » Il fut donc un temps où Paul n’aimait pas Jésus, il fut un temps où Dieu n’était pas le père de Paul, Paul ne fut donc jamais enfant de Dieu par nature, mais il est devenu par la suite enfant de Dieu. Or, quand devient-on le fils de Dieu, si ce n’est quand on observe ses commandements ?
S. Chrys. (hom. 54.) Comme ils faisaient sans cesse cette question : Que veut-il dire, quand il nous déclare que là où il va, nous ne pouvons aller ? le Sauveur ajoute : « Pourquoi ne reconnaissez-vous point mon langage ? parce que vous ne pouvez point entendre ma parole. » — S. Augustin. (Traité 42.) Or, ils ne pouvaient l’entendre, parce qu’ils ne voulaient pas y croire pour réformer leur vie. — Origène. (Traité 22.) La première chose est donc d’obtenir la vertu d’écouter le Verbe divin, afin d’être plus fort ensuite pour suivre la doctrine de Jésus dans toute son étendue ; car tant que l’homme n’a pas été guéri dans le sens de l’ouïe, par la parole qui a dit au sourd de l’Evangile : « Ouvrez-vous, » (Mc 7) il lui est impossible d’en faire usage pour entendre.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.