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Jn  8  37-41

S. Augustin. (Traité 42 sur S. Jean.) Les Juifs se proclamaient libres, parce qu’ils étaient les enfants d’Abraham. Que répond le Sauveur à cette prétention ? « Je sais que vous êtes enfants d’Abraham, » c’est-à-dire, je sais que vous êtes les descendants d’Abraham par la chair, mais non par la foi du cœur, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Mais vous cherchez à me faire mourir. » — S. Chrys. (hom. 53 sur S. Jean.) Notre-Seigneur ajoute ces paroles pour réprimer leur arrogance et les empêcher de dire : « Nous n’avons point de péché. » Il s’abstient de relever les autres crimes de leur vie, il les prend sur le fait et leur met sous les yeux l’acte coupable qu’ils voulaient consommer. Il leur enlève peu à peu l’honneur de cette parenté et leur apprend à ne point tant s’en glorifier, car ce sont les œuvres surtout qui établissent la véritable parenté, de même que ce sont les œuvres qui font les hommes libres ou esclaves. Et pour leur ôter tonte excuse de dire qu’ils agissaient en cela avec justice, le Sauveur leur fait connaître la cause de leurs desseins coupables : « Parce que ma parole ne prend point en vous. » — S. Augustin. (Traité 42) C’est-à-dire, elle ne prend point votre cœur, parce qu’il ne la reçoit pas. La parole de Dieu est pour les fidèles ce qu’est l’hameçon pour le poisson, il prend l’hameçon lorsqu’il est pris, et ici aucun mal n’est fait à ceux qui sont pris de la sorte, car c’est pour leur salut et non pour leur, perte qu’on les prend. S. Chrys. (hom. 53.) Notre-Seigneur ne dit pas : Vous ne prenez pas ma parole, mais : « Ma parole ne prend point en vous, » pour montrer la hauteur des vérités qu’il enseigne. Mais ils pouvaient lui dire : Où est la justice de votre réponse, si vous parlez de vous-même ? Il se hâte donc d’ajouter : « Ce que j’ai vu dans mon Père, je le dis, » non-seulement j’ai la même nature, mais la même vérité que lui. — S. Augustin. (Traité 42.) Notre-Seigneur veut leur faire comprendre que son Père est Dieu : J’ai vu la vérité, leur dit-il ; je dis la vérité, parce que je suis la vérité. Si donc le Seigneur dit la vérité qu’il a vue dans son Père, il s’est vu lui-même, il s’affirme lui-même, parce qu’il est lui-même la vérité du Père. — Origène. (Traité 20 sur S. Jean.) Ces paroles prouvent que le Sauveur a vu par lui-même ce qui était dans le Père, taudis que les hommes à qui la vérité est révélée, ne la voient point par eux-mêmes. — Théophile. Il ne faut pas entendre ces paroles du Sauveur : « Je dis ce que j’ai vu ; » dans le sens d’une vision corporelle, elles expriment une connaissance naturelle, véritable et parfaite, et veulent dire : De même que les yeux en fixant un objet, le voient dans son intégrité et dans sa vérité sans se tromper ; ainsi je dis dans toute leur vérité toutes les choses que j’ai vues dans mon Père.

« Et vous, ce que vous avez vu dans votre père, vous le faites. » — Origène. (Traité 20.) Il ne nomme pas encore leur Père, il a parlé plus haut d’Abraham, mais il va leur parler d’un autre père, c’est-à-dire du démon, dont ils sont enfants, non pas en tant qu’hommes, mais en tant qu’ils sont livrés au mal. C’est ce mal qu’ils commettent, que le Seigneur reprend et condamne en eux. — S. Chrys. (hom. 53.) Une autre version porte : « Faites ce que vous avez vu dans votre père. » C’est-à-dire, de même que je montre mon Père par mes paroles et par la vérité de mes œuvres, montrez vous-mêmes Abraham par vos œuvres. — Origène. Une autre version porte encore : Pour vous, faites ce que vous avez entendu de votre père, car ils avaient appris du Père ce qui est écrit dans la loi et les prophètes. Si l’on adopte cette version, on pourra la faire servir à prouver contre ceux qui sont d’une opinion contraire, que le Dieu qui a donné la loi et inspiré les prophètes, n’est autre que le Père de Jésus-Christ. Interrogeons aussi ceux qui soutiennent le système des deux natures, diront-ils qu’ils ont entendu la parole du Père, quoique lui étant étrangers ? Cela n’est pas possible ; soutiendront-ils qu’ils participaient à la même nature que le Sauveur, comment alors cherchaient-ils à le mettre à mort, et ne pouvaient-ils comprendre sa parole ?

Ils ne purent supporter que le Sauveur prolongeât la discussion sur cette question, quel était leur père, car ils se prétendaient les enfants de celui que Dieu a déclaré le père d’un grand nombre de nations : « Ils lui répondirent : Notre père est Abraham. » — S. Augustin. Ils semblent lui dire : Quel reproche pouvez-vous faire à Abraham ? Et veulent-ils l’exciter à dire du mal d’Abraham pour y trouver eux-mêmes l’occasion d’exécuter leur dessein ? — Origène. Mais le Sauveur leur enlève ce moyen de défense comme n’étant point fondé sur la vérité : « Jésus leur dit : Si vous êtes les enfants d’Abraham, faites les œuvres d’Abraham. » — S. Augustin. Et cependant il leur a dit plus haut : Je sais que vous êtes les enfants d’Abraham, il ne met donc point en doute leur origine, mais il condamne leur conduite. Leur chair descendait d’Abraham, mais leur vie n’en venait pas. — Origène. (Traité 20.) On peut encore donner une autre explication fondée sur le texte grec : « Je sais que vous êtes de la race, ou littéralement de la semence d’Abraham. » Pour rendre cette explication plus claire, voyons d’abord la différence qui existe entre la semence destinée à former le corps et l’enfant. Il est évident d’abord que la semence a en elle-même toutes les raisons constitutives de celui dont elle est la semence, bien qu’elles soient encore à l’état d’inaction et de repos. Mais après la transformation de cette semence et son action particulière sur la matière qui lui est présentée par la femme, l’enfant, au moyen de l’alimentation qu’il reçoit, prend lui-même la forme de celui qui l’a engendré. Quant au corps, tout enfant vient nécessairement d’une semence, mais toute semence ne se transforme pas en enfant. Mais puisque c’est par les œuvres que l’on juge quels sont ceux qui méritent d’être considérés comme la race, comme la semence d’Abraham, voyons si ce ne serait pas au moyen de certaines semences intellectuelles répandues dans les âmes qu’on pourrait reconnaître ceux qui sont de la race d’Abraham. Tous les hommes ne sont donc pas la semence d’Abraham, parce que tous n’ont pas ces semences intellectuelles infuses dans leurs âmes. Il faut que celui qui est la semence d’Abraham, devienne aussi son fils en prenant sa ressemblance. Or, il peut arriver que par suite de sa négligence ou de son inaction, il détruise en lui cette précieuse semence. Quant à ceux à qui Notre-Seigneur s’adressait, toute espérance n’était pas encore détruite, Jésus savait qu’ils étaient encore la semence d’Abraham, et qu’ils n’avaient pas encore perdu le pouvoir de devenir enfants d’Abraham. C’est pourquoi il leur dit : « Si vous êtes les enfants d’Abraham, faites les œuvres d’Abraham. » S’ils avaient voulu laisser croître cette précieuse semence jusqu’à son parfait développement, ils auraient compris la parole de Jésus. Mais comme ils ne sont point parvenus à être les enfants d’Abraham, ils ne peuvent comprendre cette parole, et ils cherchent à la détruire et comme à la briser, parce qu’ils n’en comprennent point la grandeur. Si donc quelqu’un d’entre vous est la semence d’Abraham, et qu’il ne comprenne pas encore le Verbe de Dieu, qu’il se garde bien de chercher à mettre le Verbe à mort, mais qu’il se transforme en fils d’Abraham, et alors il pourra comprendre le Fils de Dieu. Il en est qui se bornent à choisir une seule des œuvres d’Abraham, celle que l’Apôtre relève en ces termes : « Abraham crut à la parole de Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice. » Mais si, comme ils le prétendent, la foi est la seule œuvre nécessaire, pourquoi le Sauveur n’a-t-il pas dit au singulier : « Faites l’œuvre d’Abraham, » mais au pluriel : « Faites les œuvres d’Abraham » ? Ces paroles sont l’équivalent de celles-ci : Faites toutes les œuvres d’Abraham, en prenant toutefois la vie d’Abraham dans le sens allégorique et ses actions dans un sens spirituel. En effet, celui qui veut devenir le fils d’Abraham, ne doit point, à l’exemple d’Abraham, prendre ses servantes pour épouses, ni après la mort de sa femme en épouser une autre dans sa vieillesse.

« Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité. » — S. Chrys. (hom. 53.) Quelle vérité ? Qu’il est égal au Père, car c’est pour cela que les Juifs cherchaient à le mettre à mort. Et pour leur montrer que cette vérité n’est pas contraire à Dieu, il ajoute : « Que j’ai entendue de Dieu. » — Alcuin. C’est qu’en effet, celui qui est la vérité, avait été engendré par le Père, car pour lui entendre du Père, n’est autre qu’être engendré de Dieu le Père. — Origène. « Moi, un homme qui vous ai dit la vérité. » Je ne dis pas encore : Moi le Fils de Dieu, je ne dis pas : Moi le Verbe, parce que le Verbe ne meurt pas ; je dis ce que vous voyez, parce que vous pouvez mettre à mort ce que vous voyez, et que vous ne pouvez qu’outrager ce que vous ne voyez pas.

« Ce n’est point ce qu’à fait Abraham. » — Alcuin. C’est-à-dire, vous prouvez justement que vous n’êtes pas les enfants d’Abraham, parce qui ; vous faites des œuvres contraires à celles qu’a faites Abraham. — Origène. Mais, me dira-t-on, c’est bien in utilement qu’on fait un mérite à Abraham de n’avoir point fait ce qu’il n’aurait pu faire de son temps, car le Christ n’était pas né du temps d’Abraham ? Nous répondons qu’au temps même d’Abraham il y avait des hommes qui annonçaient la vérité qu’ils avaient entendue de Dieu, et que certainement Abraham ne chercha point à les mettre à mort. Il faut se rappeler, en effet, que l’avènement spirituel de Jésus a toujours été présent pour les saints, d’où je conclus que tout homme qui après sa régénération et les grâces célestes qu’il a reçues, retombe dans le péché, crucifie de nouveau le Fils de Dieu par les crimes dans lesquels il retombe. Ce que n’a pas fuit Abraham.

« Vous faites les oeuvres de votre père. » — S. Augustin. (Traité 42.) Il ne leur dit pas encore quel est leur père. — S. Chrys. (hom. 53.) Son dessein, en leur parlant de la sorte, est de détruire en eux ces sentiments de vaine gloire, que leur inspire leur parenté avec Abraham, et de bien les persuader de placer l’espérance de leur salut, non point dans une parenté toute naturelle, mais dans la parenté fondée sur l’adoption spirituelle, parce, qu’en effet ce qui les empêchait de venir à Jésus-Christ, c’est qu’ils pensaient que cette parenté avec Abraham suffisait pour le salut.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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