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Jn  8  31-36

S. Chrys. (hom. 54 sur S. Jean.) Notre-Seigneur voulait appuyer sur de solides fondements la foi de ceux qui avaient cru en lui, pour que cotte foi ne fut point purement superficielle. Jésus dit donc à ceux des Juifs qui croyaient en lui : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples. » Par ces paroles : « Si vous demeurez, » il révèle les dispositions intérieures de leur cœur ; il savait bien, en effet, qu’ils avaient cru, mais il savait aussi que leur foi ne persévérerait pas, et pour les affermir dans la foi, il leur fait une magnifique promesse, c’est qu’ils deviendront ses disciples. Il blâme indirectement par là ceux qui s’étaient précédemment séparés de lui ; ils l’avaient entendu, ils avaient cru en lui, et ils le quittèrent, parce que leur foi ne fut point persévérante.

S. Augustin. (serm. 40 sur les par. du Seig.) Nous n’avons tous qu’un seul maître, et nous sommes tous également ses disciples. Nous ne portons pas justement le titre de maîtres, parce que nous enseignons d’un lieu plus élevé, le véritable maître de tous les hommes est celui qui habite au dedans de nous. Or, l’important pour le disciple n’est point d’approcher de son maître, il faut que nous demeurions en lui ; et si nous ne demeurons pas en lui, notre chute est inévitable. Si vous demeurez, c’est là une œuvre abrégée en apparence, oui, abrégée dans les termes, mais bien étendue dans l’exécution. Qu’est-ce, en effet, que demeurer dans les paroles du Seigneur, si ce n’est ne succomber à aucune tentation ? Si vous agissez sans efforts, vous recevez la récompense sans l’avoir méritée, mais si vous avez de grands obstacles à vaincre, considérez aussi la grande récompense qui vous attend : « Et vous connaîtrez la vérité. » — S. Augustin. (Traités 40 et 41.) C’est-à-dire, vous croyez maintenant, si vous demeurez dans la foi, vous verrez ce qui fait l’objet de votre foi ; car remarquez-le bien, la foi ne fut point produite par la connaissance, mais la connaissance a été le fruit de la foi. Qu’est-ce que la foi ? croire ce que vous ne voyez pas ; qu’est-ce que la vérité ? voir ce que vous avez cru. Si donc nous demeurons dans ce que nous croyons, nous parviendrons à la claire vision, c’est-à-dire que nous contemplerons la vérité telle qu’elle est, non plus par l’intermédiaire de paroles qui retentissent à nos oreilles, mais à la splendeur éclatante delà lumière elle-même. Or, la vérité est immuable, c’est un pain véritable qui répare les forces de l’âme, et qui est inépuisable ; il change en lui celui qui s’en nourrit, mais il n’est pas changé en celui qu’il nourrit. La vérité c’est le Verbe de Dieu lui-même, cette vérité s’est revêtue d’une chair mortelle ; c’est pour nous qu’elle se cachait sous l’enveloppe de la chair, non point dans le dessein de se voir niée, mais elle différait de se faire connaître, afin qu’elle pût ainsi souffrir dans la chair, et racheter par ses souffrances la chair du péché. — S. Chrys. (hom. 53.) Ou bien vous connaîtrez la vérité, c’est-à-dire, vous me connaîtrez moi-même, car je suis la vérité, la loi des Juifs ne renfermait que des figures, c’est par moi que vous connaîtrez la vérité.

S. Augustin. (serm. sur les par. du Seign.) Quelqu’un dira peut-être : Et que me servira-t-il de connaître la vérité ? Ecoutez ce qu’ajoute Notre-Seigneur : « Et la vérité vous délivrera. » Il semble leur dire : Si la vérité vous touche peu, soyez du moins sensibles au charme de la liberté, car être délivré, c’est être libre, de même qu’être guéri, c’est être rendu à la santé. Cette signification ressort bien plus clairement du texte grec έλεθερώση, car dans la langue latine, le mot délivrer (liberari) signifie plutôt échapper au danger, être affranchi de toutes choses pénibles. — Théophile. Il a menacé plus haut ceux qui persévèrent dans leur infidélité de les laisser mourir dans leurs péchés, ici, au contraire, il promet à ceux qui demeurent dans sa parole l’absolution de leurs péchés. — S. Augustin. (de la Trin., 4, 18.) Mais de quoi la vérité nous délivrera-t-elle, si ce n’est de la mort, de la corruption, du changement ? car la vérité demeure immortelle, incorruptible, immuable, et la véritable immutabilité, c’est l’éternité elle-même.

S. Chrys. (hom. 53.) Il était du devoir de ceux qui avaient cru en Jésus-Christ du supporter au moins les reproches qu’il leur adressait ; loin de là, ils entrent aussitôt en fureur contre lui. Mais si les paroles du Sauveur avaient dû être pour eux une cause d’agitation et de trouble, c’était plutôt celles qui précèdent : « Et vous connaîtrez la vérité ; » et ils auraient eu quelque raison de dire : Nous ne connaissons donc point la vérité, notre loi n’est donc que mensonge, ainsi que notre science. Mais ils n’ont aucun souci de la vérité, et leur mécontentement porte tout entier sur des objets profanes, car ils ne connaissaient d’autre servitude que la servitude extérieure. Les Juifs lui répondirent : « Nous sommes la race d’Abraham, et nous n’avons jamais été esclaves de personne. » C’est-à-dire, vous ne devez pas traiter d’esclaves ceux qui sont libres par leur naissance, nous n’avons jamais été esclaves. — S. Augustin. (Traité 41.) On peut dire aussi que cette réponse fut faite non point par ceux qui avaient cru aux paroles du Sauveur, mais par ceux qui n’avaient pas encore la foi en lui. Mais comment pouvez-vous dire en vérité que vous n’avez jamais été en servitude, si vous l’entendez de la servitude extérieure et publique ? Est-ce que Joseph n’a pas été vendu ? Est-ce que les saints prophètes n’ont pas été conduits en captivité. O ingrats que vous êtes ! pourquoi donc Dieu vous reproche-t-il continuellement d’oublier qu’il vous a délivrés de la demeure de la servitude, si vous n’avez jamais été esclaves ? Mais vous-mêmes qui tenez ce langage, pourquoi payez-vous le tribut aux Romains, si vous n’avez jamais été asservis à personne ?

S. Chrys. (hom. 53.) Or comme le Sauveur ne parlait point par un motif de vaine gloire, mais uniquement pour leur salut, il s’abstient de leur prouver qu’ils étaient esclaves des hommes, et il se borne à leur montrer qu’ils sont sous l’esclavage du péché, esclavage le plus dur de tous, et dont Dieu seul peut délivrer : « Jésus leur répartit : En vérité, en vérité, je vous le dis, » etc.

S. Augustin. (Traité 41) Cette manière de parler dans la bouche du Sauveur, annonce toujours une vérité sur laquelle il veut attirer notre attention, c’est comme une espèce de serment. Amen veut dire vrai, et cependant ni l’interprète grec, ni l’interprète latin n’ont voulu exprimer cette signification du mot amen qui est un mot hébreu ; peut-être pour protéger le mystère de ce mot sous le voile du secret, non pas sans doute pour en cacher absolument la signification, mais pour en prévenir la profanation. Sa répétition même prouve son importance : « En vérité je vous le dis, » c’est la vérité même qui vous parle, quand bien même elle ne vous préviendrait pas qu’elle dit la vérité, il lui serait absolument impossible de ne point la dire ; cependant elle tient à le rappeler, elle réveille pour ainsi dire les âmes endormies, elle veut défendre de tout mépris ses divins enseignements. Tout homme, dit-elle, Juif ou Grec, riche ou pauvre, roi ou mendiant, s’il commet le péché, devient esclave du péché. — S. Grég. (4 Mor., 21 ou 42) Tout homme, en effet, qui se laisse dominer par un désir coupable, abaisse et plie la liberté de son âme sous le joug de la servitude ; nous résistons à cette servitude, lorsque nous luttons contre l’iniquité qui veut nous dominer, lorsque nous résistons énergiquement à la tyrannie de l’habitude, lorsque nous détruisons en nous le crime par le repentir, lorsque nous lavons dans nos larmes les souillures de nos fautes.

S. Grég. (Moral., 25, 14 ou 20.) Plus on se plonge librement dans tous les excès du crime, et plus on resserre étroitement les chaînes de cet esclavage. — S. Augustin. (Traité 41) O misérable servitude ! L’esclave d’un homme, fatigué du joug tyrannique de son maître, cherche son repos dans la fuite, mais où peut fuir l’esclave du péché ? Partout où il dirige ses pas, il se porte avec lui ; le péché qu’il a commis est nu-dedans de lui-même ; la volupté passe, le péché ne passe pas ; le plaisir qui flatte passe, le remords qui déchire demeure. Celui-là seul peut nous délivrer du péché qui est venu sur la terre sans aucun péché, et qui s’est offert en sacrifice pour le péché. Car pour l’esclave, ajoute le Sauveur, il ne demeure pas toujours dans la maison. Cette maison, c’est l’Eglise, l’esclave, c’est le pécheur ; un grand nombre de pécheurs entrent dans l’Eglise, aussi Notre-Seigneur ne dit pas : L’esclave n’est pas dans la maison, mais : « Il ne demeure pas toujours dans la maison. » Mais s’il n’y a point d’esclave dans la maison, qu’y aura-t-il donc ? Qui peut se glorifier d’être pur de tout péché ? Cette parole du Sauveur est vraiment effrayante, aussi ajoute-t-il : « Mais le Fils y demeure toujours. » Est-ce donc que le Christ sera seul dans sa maison ? Ou bien, sous le nom de Fils, comprend-il le chef et les membres ? Ce n’est pas sans raison qu’il inspire tour à tour la crainte et l’espérance, la crainte pour nous détourner d’aimer le péché, l’espérance pour ne point nous laisser désespérer du pardon de nos péchés. Notre espérance est donc d’être délivré par celui qui est libre ; c’est lui qui a payé notre rançon, non point avec de l’argent, mais avec son sang, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Si le Fils vous délivre, vous serez véritablement libres. »

S. Augustin. (serm. 48 sur les par. du Seig.) Vous serez libres, non point du joug des barbares, mais des chaînes du démon, non point de la captivité du corps, mais de l’iniquité de l’âme. — S. Augustin. (Traité 41 sur S. Jean.) La liberté qui vient en premier lieu consiste à être exempt de tout crime, mais ce n’est que le commencement de la liberté, ce n’en est point la perfection, parce que la chair ne laisse point de convoiter encore contre l’esprit, de sorte que vous ne fassiez pas ce que vous voulez. (Ga 6) La liberté pleine et parfaite nous sera donnée, lorsque toutes les inimitiés auront cessé, et que la mort, c’est-à-dire, le dernier ennemi, sera détruite. (1 Co 15, 26.)

S. Chrys. (hom. 43 sur S. Jean.) On peut encore donner cette explication. Les Juifs, à ces paroles du Sauveur : « Celui qui commet le péché est esclave du péché, pouvaient objecter : nous avons des sacrifices qui peuvent nous délivrer du péché ; Notre-Seigneur les prévient donc en leur disant : « L’esclave ne demeure pas toujours dans la maison. » Sous le nom de maison, il veut désigner le royaume de son Père, et par cette comparaison empruntée aux choses humaines, il leur apprend qu’il a puissance et autorité sur toutes choses, de même que le maître d’une maison sur tout ce qu’elle renferme. En effet, cette expression : « Il ne demeure pas, » signifie : Il n’a le pouvoir de rien donner, le Fils, au contraire, qui est le maître de la maison, a ce pouvoir ; voilà pourquoi les prêtres de l’ancienne loi n’avaient point le pouvoir de remettre les péchés par les sacrifices de la loi ancienne, « car tous ont péché, » (Rm 7, 23) même les prêtres, qui ont aussi besoin, comme le dit l’Apôtre, d’offrir des sacrifices pour eux-mêmes (He 7, 27) ; le Fils, au contraire, a ce pouvoir, c’est pour cela qu’il conclut en disant : « Si le Fils vous délivre, vous serez vraiment libres, » leur montrant ainsi que la liberté extérieure dont ils se glorifiaient, n’était pas la vraie liberté. — S. Augustin. (Traité 41) Gardez-vous donc d’abuser de celte liberté pour pécher plus librement, mais servez-vous-en, au contraire, pour fuir le péché, car votre volonté sera libre si elle est sincèrement pieuse ; vous serez affranchis du péché si vous êtes esclaves de la justice.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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