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Jn  6  35-49

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Jean.) Notre-Seigneur, sur le point d’initier les Juifs à la connaissance de ses mystères, commence par établir sa divinité et leur dit : « Je suis le pain de vie, » paroles qui ne s’appliquent point à son corps, dont il dira plus tard : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair. » Il leur parle donc de sa divinité, car c’est par suite de son union avec le Verbe que la chair est un véritable pain qui devient le pain du ciel pour celui qui reçoit l’Esprit lui-même. — Théophile. Il ne dit point : Je suis le pain qui sert d’aliment, mais : « Je suis le pain de vie.» Tout était devenu la proie de la mort, et c’est par lui-même que Jésus-Christ nous a rendu la vie ; et la vie que ce pain soutient et alimente n’est pas cette vie naturelle et passagère, mais la vie sur laquelle la mort n’a aucun empire. C’est pour cela qu’il ajoute : « Celui qui vient à moi, c’est-à-dire, celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » Ces paroles : « Il n’aura jamais faim, » doivent être entendues dans le même sens que ces autres : « Il n’aura jamais soif, » elles expriment ce rassasiement éternel qui ne laisse place à aucun besoin, à aucun désir.

Théophile. Ou bien il n’aura jamais ni faim ni soif, c’est-à-dire, qu’il n’éprouvera jamais aucun dégoût, aucune langueur pour entendre la parole de Dieu, et qu’il ne souffrira jamais de la soif spirituelle, comme ceux qui n’ont point été régénérés dans l’eau du baptême et qui n’ont point été sanctifiés par l’Esprit saint.

S. Augustin. (Traité 25.) Vous désirez donc le pain du ciel que vous avez devant vous, mais vous ne le mangez pas. « Je vous l’ai dit, vous m’avez vu et vous ne croyez point. » — Alcuin. Si je m’exprime de la sorte, ce n’est pas que j’espère que vous chercherez à vous rassasier de ce pain, mais c’est bien plutôt pour condamner votre incrédulité qui, tout en me voyant, refuse de croire en moi. — S. Chrys. (hom. 45.) Ou bien, Notre-Seigneur fait ici allusion au témoignage des Ecritures dont il a dit plus haut : « Les Ecritures rendent témoignage de moi ; » et encore à ces antres paroles : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez pas reçu, » etc. Quant à ce qu’il leur dit ici : « Parce que vous m’avez vu et vous n’avez pas cru ; » il veut parler en termes couverts des miracles qu’il a opérés sous leurs yeux.

S. Augustin. (Traité 25.) Cependant je n’ai point perdu le peuple de Dieu tout entier, parce que vous avez vu et que vous n’avez pas cru : « Car tout ce que me donne mon Père viendra à moi, et celui qui vient à moi je ne le rejetterai pas dehors. » — Bède. Il dit en termes absolus : « Tout ce que me donne mon Père, » c’est-à-dire, la plénitude des fidèles. Ce sont ceux que le Père donné au Fils, lorsque, par une inspiration secrète, il les fait croire au Fils. — Alcuin. Celui donc que le Père attire à la foi qui le fait croire en moi, viendra à moi par la foi pour entrer en union avec moi, et je ne rejetterai pas dehors celui que les pas de la foi et des bonnes œuvres conduiront jusqu’à moi, c’est-à-dire, qu’il demeurera avec moi dans le secret d’une conscience pure, et je finirai par le recevoir dans l’éternelle béatitude. — S. Augustin. (Traité 25.) Cette retraite intérieure, d’où l’on n’est point chassé dehors, est un sanctuaire profond et une douce solitude sans aucun ennui, sans l’amertume des mauvaises pensées, sans les agitations des tentations et des douleurs, et c’est de cette retraite intérieure que Notre-Seigneur a voulu parler lorsqu’il dit : « Entrez dans la joie de votre maître. » (Mt 25)

S. Chrys. (hom. 45.) Ces expressions : « Tout ce que me donne mon Père, » prouvent que la foi en Jésus-Christ n’est point une chose ordinaire et facile, ni qui soit l’œuvre exclusive de notre volonté, elle demande en même temps une révélation supérieure et une âme sincèrement disposée à recevoir cette révélation. Il suit de là que ceux à qui le Père ne donne point cette grâce ne sont pas à l’abri de toute accusation, car nous avons aussi besoin de notre volonté pour croire. Notre-Seigneur condamne en même temps leur incrédulité, en montrant que celui qui ne croit point en lui, va contre la volonté de son Père. Saint Paul dit de son côté, que c’est lui-même qui donne les fidèles à son Père : « Ensuite viendra la fin de toutes choses, lorsqu’il aura remis son royaume à Dieu son Père. » (1 Co 15, 24.) Le Père, lorsqu’il donne, ne se dépouille pas de ce qu’il donne, il en est de même du Fils ; et s’il est dit de lui qu’il nous remet entre les mains de son Père, parce que c’est lui qui nous amène à son Père ; il est aussi écrit du Père : « C’est par lui que nous avons été appelés dans la société de son Fils. » (1 Jn 1) Celui donc qui croit en moi sera sauvé, car c’est pour les hommes que je suis venu sur la terre, et que je me suis incarné : « Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » Quoi donc ! est-ce que votre volonté est différente de celle de Dieu ? Notre-Seigneur va au-devant de cette pensée, en ajoutant : « Or, la volonté de mon Père, qui m’a envoyé, est que, quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle ; » donc c’est aussi la volonté du Fils, puisque le Fils donne la vie à ceux qu’il veut. Tel est donc le sens de ces paroles : Je ne suis point venu faire autre chose que ce que veut le Père, et je n’ai point d’autre volonté que la sienne : « Car tout ce qui est à mon Père, est également à moi ; » ce qu’il réserve de dire à la fin de son discours, car il voile de temps en temps les vérités trop relevées pour l’intelligence de ses auditeurs.

S. Augustin. (Traité 25.) Ou bien encore, le Sauveur donne ici la raison pour laquelle il ne rejette pas dehors celui qui vient à lui : « C’est parce que je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » L’âme est sortie de Dieu, parce qu’elle était orgueilleuse, c’est par l’orgueil que nous avons été chassés dehors, c’est par l’humilité seule que nous pouvons rentrer. Lorsqu’un médecin qui entreprend la guérison d’une maladie, guérit la maladie elle-même, sans guérir la cause qui l’a produite, la guérison n’est que momentanée, et le mal revient sous l’action de la cause qui persévère. Or, c’est pour guérir la cause de toutes les maladies ; c’est-à-dire, l’orgueil, que le Fils de Dieu est descendu des cieux, et qu’il s’est profondément humilié. Pourquoi donc vous enorgueillir, ô homme ? C’est pour vous que le Fils de Dieu s’est réduit à cet état d’humiliation. Peut-être rougirez-vous d’imiter l’exemple de l’humilité qui vous serait donné par un homme, imitez-le du moins quand cet exemple vous est donné par un Dieu, qui vous recommande si hautement l’humilité en vous disant : « Je suis venu, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé. » L’orgueil, en effet, ne veut faire que sa volonté, l’humilité, au contraire, fait la volonté de Dieu.

S. Hil. (de la Trin., 3) En s’exprimant de la sorte, le Sauveur ne veut point dire qu’il fait ce qu’il ne veut pas, mais il fait paraître son obéissance dans sa soumission à la volonté de son Père, volonté qu’il veut accomplir dans toute sa perfection. — S. Augustin. (Traité 25.) Celui-là donc qui viendra à moi, je ne le rejetterai pas dehors, parce que je ne suis pas venu pour faire ma volonté ; humble moi-même, je suis venu enseigner l’humilité ; celui qui vient à moi s’unit et s’incorpore à moi, parce qu’il ne fait pas sa volonté, mais celle de Dieu, et c’est pour cela qu’il ne sera pas jeté dehors, car l’orgueil seul l’avait chassé dehors. On ne peut venir à moi qu’à la condition d’être humble, et on n’est rejeté dehors que par l’orgueil : celui qui pratique l’humilité ne tombe jamais des hauteurs de la vérité. Mais pour quelle raison ne jette-t-il pas dehors celui qui vient à lui, parce qu’il n’est pas venu faire sa volonté ? La voici : « Car la volonté de mon Père qui m’a envoyé, est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. » Celui qui est donné à Jésus-Christ est celui qui est resté fidèle à la pratique de l’humilité : « Votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’il se perde un seul de ces petits. » (Mt 18, 14.) Il en peut périr parmi les orgueilleux, mais aucun de ceux qui sont petits ne périt, car il faut devenir semblable à ce petit pour entrer dans le royaume des cieux. (Mt 18, 3-5.) — S. Augustin. (de la correct, et de la grâce, ch. 9) Ceux donc, qui dans les décrets de la providence de Dieu, ont été prévus, prédestinés, appelés, justifiés, glorifiés, sont déjà enfants de Dieu, avant leur seconde naissance et même avant la première, et il est impossible qu’ils périssent, parce qu’ils sont véritablement venus à Jésus-Christ. C’est lui donc qui leur donne la persévérance finale dans le bien, car elle n’est donnée qu’à ceux qui ne doivent point périr. Quant à ceux qui ne persévèrent point, leur perte est certaine.

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Jean.) Lorsque Notre-Seigneur dit : « Je ne perdrai aucun d’eux ; » ce n’est pas qu’il ait besoin d’eux, mais en s’exprimant de la sorte, il fait voir le désir qu’il a de leur salut. Après avoir dit : « Je n’en perdrai aucun, et je ne le jetterai pas dehors ; » il ajoute : « Mais je le ressusciterai au dernier jour. » C’est qu’en effet, à la résurrection générale, les méchants seront jetés dehors, selon ces paroles du Sauveur : « Prenez-le, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. » (Mt 22 et 25) Vérité que confirment ces autres paroles : « Lui qui peut précipiter dans la géhenne l’âme et le corps. » (Mt 10) Il ramène souvent la pensée de la résurrection, pour que les hommes ne jugent pas la conduite de la Providence divine par les seules choses présentes, et pour qu’ils vivent dans l’attente d’une autre vie.

S. Augustin. (Traités 23 et 25.) Voyez comme il parle ici en termes précis de cette double résurrection : « Celui qui vient à moi ressuscite dès maintenant, en partageant l’humilité de mes membres ; » et de plus : « Je le ressusciterai au dernier jour. » Pour expliquer davantage ce qu’il venait de dire : « Tout ce que mon Père m’a donné ; » et encore : « Je ne perdrai aucun d’eux. » Notre-Seigneur ajoute : « Telle est la volonté de mon Père qui m’a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle. » Il avait dit précédemment : « Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m’a envoyé. » Ici au contraire : « Celui qui voit le Fils et qui croit en lui. » Il ne dit point : Et qui croit dans le Père, parce que croire dans le Fils et croire dans le Père, sont une seule et même chose ; car de même que le Père a la vie en lui-même, il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même ; et ainsi celui qui voit le Fils et qui croit en lui, a la vie éternelle, en arrivant par la foi à la vie qui est comme la première résurrection. Mais cette première résurrection n’est pas la seule, aussi Notre-Seigneur ajoute : « Et je le ressusciterai au dernier jour. »

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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