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Jn  6  28-34

Alcuin. Ils comprirent que cette nourriture, qui demeure pour la vie éternelle, c’était l’œuvre de Dieu, et ils demandent ce qu’ils doivent faire pour travailler à se procurer cette nourriture, c’est-à-dire pour opérer l’œuvre de Dieu : « Ils lui dirent donc : Que ferons-nous pour opérer les œuvres de Dieu ? » — Bède. C’est-à-dire, quels préceptes devrons-nous observer pour accomplir les œuvres de Dieu ? — S. Chrys. (hom. 45.) Ils lui faisaient cette question, non dans le dessein de s’instruire et d’agir en conséquence, mais pour l’amener à reproduire le miracle de la multiplication des pains. — Théophile. Bien que Jésus-Christ connût parfaitement l’inutilité de ses enseignements pour ce peuple grossier, il ne laisse pas de lui répondre pour l’utilité générale ; et il lui apprend ainsi qu’à tous les hommes quelle est cette œuvre de Dieu : « Jésus répondit : L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » — S. Augustin. (Traité 25.) Il ne dit pas : C’est que vous croyiez à lui, mais : « C’est que vous croyiez en lui. » On peut croire à Jésus-Christ, sans croire immédiatement en lui ; ainsi les démons croyaient à Jésus-Christ, sans cependant croire en lui ; ainsi nous croyons à Paul, sans pour cela croire en Paul. Croire en Jésus-Christ, c’est donc l’aimer en croyant, c’est unir la foi à l’amour, c’est s’unir à lui par la foi et faire partie du corps dont il est le chef. C’est la foi que Dieu exige de nous, et qui opère par la charité. (Gal 5) Cependant la foi est distincte des œuvres, selon la doctrine de l’Apôtre : « L’homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi. » (Rm 3, 28.) Il est des œuvres qui paraissent bonnes, quoique séparées de la foi en Jésus-Christ, mais elles ne le sont pas en réalité, parce qu’elles ne se rapportent pas à la fin qui les rend véritablement bonnes : « Car Jésus-Christ est la un de la loi, pour justifier tout homme qui croit. » (Rm 10) Voilà pourquoi Notre-Seigneur n’a pas voulu distinguer la foi des œuvres, mais qu’il a déclaré que la foi est l’ouvrage de Dieu ; car c’est la foi qui opère par la charité. Et il ne dit pas : Votre œuvre, mais : « L’œuvre de Dieu est que vous croyiez en lui, » afin que celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le Seigneur. (2 Co 10, 17.) Croire en lui, c’est donc manger la nourriture qui demeure pour la vie éternelle. Pourquoi préparer vos dents et votre estomac ? Croyez, et vous avez mangé. A cause de cette invitation que le Sauveur leur fait de croire en lui, ils répondent en demandant de nouveaux miracles pour appuyer leur foi ; car c’est le propre des Juifs de demander des miracles : « Ils lui répartirent : Quel miracle faites-vous, pour que, le voyant, nous croyions en vous ? »

S. Chrys. (hom. 45.) Rien de plus déraisonnable à des hommes qui ont pour ainsi dire un miracle entre les mains, que de tenir un pareil langage, comme s’ils n’avaient jamais été les témoins d’aucun miracle. Ils ne laissent même pas au Sauveur le choix du miracle, mais ils veulent le mettre dans la nécessité de n’opérer d’autre prodige que celui qui a été fait en faveur de leurs ancêtres : « Nos pères ont mangé la manne dans le désert. » — Alcuin. Et pour ne point exposer cette manne au mépris, ils la relèvent par l’autorité du Psalmiste en ajoutant : « Ainsi qu’il est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel. » (Ps 77) — S. Chrys. (hom. 45.) Parmi tant de miracles que Dieu opéra dans l’Egypte, dans la mer Rouge, dans le désert, ils rappellent de préférence le souvenir du miracle de la manne, dont leurs instincts sensuels leur faisaient désirer le retour. Remarquez qu’ils n’attribuent point ce miracle à Dieu, pour ne point paraître égaler le Sauveur à Dieu, ils ne présentent point non plus Moïse comme en étant l’auteur, parce qu’ils ne veulent point humilier Jésus-Christ ; ils échappent à cette double difficulté en disant : « Nos pères ont mangé la manne dans le désert. »

S. Augustin. (Traité 25.) Ou bien encore, Notre-Seigneur se posait comme supérieur à Moïse, car jamais Moïse n’osa dire de lui qu’il donnait la nourriture qui ne périt point. Au souvenir donc des granas miracles opérés par Moïse, ils en voulaient de plus grands encore, et semblaient dire au Sauveur : Vous promettez la nourriture qui ne périt point, et vous êtes loin de faire des miracles semblables à ceux de Moïse, ce ne sont point des pains d’orge qu’il a donnés au peuple de Dieu, mais la manne qui tombait du ciel.

S. Chrys. (hom. 45.) Notre-Seigneur aurait pu leur répondre que Moïse avait fait de plus grands miracles que celui de la manne ; mais ce n’était pas le moment de leur parler de la sorte, il n’avait en vue qu’une seule chose, c’était de leur inspirer le désir de la nourriture spirituelle : « Jésus leur répondit donc : En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, » etc. La manne ne venait donc point du ciel, et si l’Ecriture dit qu’elle venait du ciel, c’est dans le même sens qu’elle appelle les oiseaux, les oiseaux du ciel (Ps 8), et qu’elle dit ailleurs : « Le Seigneur a tonné du haut du ciel. » (Ps 17 ; Qo 46.) Le Sauveur dit que la manne n’était pas un pain véritable, non pas que la manne ne fût vraiment miraculeuse, mais parce que c’était une figure et non la vérité. Remarquez encore qu’il ne se met pas en opposition avec Moïse, c’est Dieu qu’il oppose à Moïse, et il se met lui-même à la place de la manne. — S. Augustin. (Traité 25.) Voici le vrai sens des paroles du Sauveur : La manne était le symbole de la nourriture dont je viens de vous parler, et toutes ces choses étaient des figures de la vérité qui devait s’accomplir en moi ; vous vous attachez aux figures, et vous n’avez que du mépris pour la vérité. C’est Dieu, en effet, qui donne le pain figuré par la manne, c’est-à-dire, Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Car le pain véritable est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde. » — Bède. Le monde doit s’entendre ici non pas des éléments qui le composent, mais des hommes qui l’habitent. — Théophile. Notre-Seigneur déclare qu’il est le pain véritable, parce que le premier et le principal objet figuré par la manne, c’était le Fils unique de Dieu fait homme. Le mot manne signifie en effet : Qu’est-ce que cela ? Car les Juifs ayant vu la manne tomber du ciel, se disaient l’un à l’autre dans leur étonnement : « Quelle chose est-ce là ? » (Ex 16) Or, le Fils de Dieu fait homme est par-dessus tout cette manne, objet d’étonnement pour les Juifs, qui se demandaient aussi les uns les autres : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment le Fils de Dieu peut-il être le Fils de l’homme ? Comment deux natures ne forment-elles qu’une seule personne ? » — Alcuin. Il est descendu des cieux en se revêtant de notre humanité, et c’est la divinité qui s’en est revêtue qui donne la vie au monde.

Théophile. Ce pain, qui de sa nature est la vie, parce qu’il est le Fils du Dieu vivant, fait l’œuvre qui lui est propre, en donnant la vie à tout ce qui existe ; de même, en effet, que le pain matériel conserve la vie du corps, ainsi Jésus-Christ donne la vie à l’âme par les secrètes opérations de l’Esprit. Il communique même au corps un principe d’incorruptibilité, qu’il lui assure par sa résurrection, et c’est en ce sens qu’il donne la vie au monde. — S. Chrys. (hom. 45.) Et ce n’est pas seulement aux Juifs, mais à tous les hommes répandus sur la surface de la terre. Mais ceux qui l’écoutaient ne portaient pas encore leurs pensées si haut : « Ils lui dirent donc : Seigneur, donnez-nous ce pain. » Il vient de leur déclarer que c’était son Père qui leur donnait ce pain, et ils ne lui disent pas : Priez-le de nous le donner, mais : « Donnez-nous ce pain. » À l’exemple de la Samaritaine, qui avait pris dans un sens matériel ces paroles du Sauveur : « Celui qui boira de cette eau n’aura jamais soif, » et qui lui disait pour se mettre à l’abri du besoin : « Donnez-moi de cette eau ; » les Juifs disent à Jésus : « Donnez-nous toujours ce pain pour nous soutenir. »

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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