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Jn  17  24-26

S. Chrys. (hom. 82 sur S. Jean.) Après avoir prédit qu’un grand nombre croiraient par le ministère, des Apôtres, et qu’ils jouiraient d’une gloire extraordinaire, il les entretient de la couronne qui leur est réservée : « Mon Père, je veux que, là où je suis, ceux que vous m’avez donnés soient aussi avec moi. » — S. Augustin. (Traité 110 sur S. Jean.) Il veut parler de ceux que son Père lui a donnés, de ceux qu’il a choisis du milieu du monde, car comme il le dit au commencement de sa prière : « Dieu lui a donné puissance sur toute chair, c’est-à-dire, sur tous les hommes, pour leur donner la vie éternelle, preuve évidente du pouvoir qu’il a reçu sur tout homme pour sauver ceux qu’il veut et laisser qui il veut dans la damnation éternelle. Telle est donc la récompense qu’il a promise à tous ses membres, c’est que là où il est, nous serons avec lui. Or, il est impossible que le Père tout-puissant n’accomplisse pas la volonté exprimée par son Fils tout-puissant (Traité 111) ; et notre piété doit croire sans difficulté ce que notre faiblesse ne nous permet pas de comprendre que le Père et le Fils n’ont qu’une seule et même volonté. A ne voir en Jésus-Christ que la nature humaine, selon laquelle il est né de la race de David ; il a pu dire : « Là où je suis, » en se considérant comme étant déjà là où il devait bientôt aller. Il nous promet donc que nous serons un jour dans les cieux, car cette nature humaine qu’il a prise dans le sein d’une Vierge, il l’a élevée jusque dans les cieux et l’a placée à la droite de son Père. — S. Grég. (Moral., 27, 8.) Mais alors que signifient ces paroles que la vérité nous dit dans un autre endroit : « Personne n’est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel ? » Nous répondons que la vérité n’est point eu contradiction avec elle-même, car le Seigneur étant le chef de ses membres, il est seul avec nous après qu’il a rejeté loin de lui la multitude des réprouvés, et puisque nous ne faisons plus qu’un avec lui, on peut dire qu’il retourne seul en nous au ciel d’où il est descendu seul en lui-même.

S. Augustin. (Traité 111 sur S. Jean.) Si nous considérons au contraire la nature divine par laquelle il est égal à Dieu son Père, et que nous voulions comprendre à ce point de vue le sens de ces paroles : « Là où je suis, je veux qu’ils soient avec moi, » il nous faut éloigner de notre esprit toute image des choses sensibles, et ne pas rechercher où est le Fils égal à son Père, parce qu’on ne peut trouver un lieu où il ne soit pas. Remarquons encore que Notre-Seigneur ne se contente pas de dire : « Je veux que là où je suis, ils y soient eux-mêmes ; » mais il ajoute : « Avec moi. » En effet, être avec lui, c’est le plus grand des biens, car si l’on peut être malheureux en étant là où il est, on est nécessairement heureux lorsqu’on est avec lui. Ainsi, pour prendre un exemple dans les choses sensibles, quoique d’un ordre bien différent, de même qu’un aveugle qui se trouve là où brille la lumière, n’est cependant pas avec la lumière, mais en est séparé même en présence de la lumière, ainsi, bien que non-seulement l’infidèle, mais encore le fidèle ne puisse jamais être où n’est pas le Christ, il n’est cependant pas avec le Christ contemplé dans sa nature. Nul doute que le chrétien fidèle soit avec Jésus-Christ par la foi, mais le Sauveur voulait parler ici de la claire vue qui nous le fera voir tel qu’il est : c’est pour cela qu’il ajoute : « Afin qu’ils voient la gloire que vous m’avez donnée. » Remarquez : « Afin qu’ils voient, » et non : Afin qu’ils croient ; c’est la récompense de la foi, et non la foi elle-même. — S. Chrys. Il ne dit pas non plus : Afin qu’ils entrent en participation de ma gloire, mais : « Afin qu’ils voient ma gloire, » nous indiquant ainsi en termes couverts que le souverain repos consiste dans les cieux à voir le Fils de Dieu. Or, le Père a donné cette gloire à son Fils lorsqu’il l’a engendré.

S. Augustin. Lors donc que nous verrons la gloire que le Père a donnée à son Fils, quand même nous entendrions ici, non pas la gloire que le P’ère donne à son Fils qui lui est égal, en l’engendrant, mais celle qu’il a donnée à son Fils fait homme après la mort de la croix ; lorsque nous verrons cette gloire du Fils, c’est alors qu’aura lieu le jugement, et que l’impie disparaîtra pour ne pas être témoin de la gloire du Seigneur. Quelle est cette gloire ? Celle qui lui est propre comme Dieu. En admettant donc que c’est comme Fils de Dieu et Dieu lui-même que le Sauveur dit : « Je veux que là où je suis ils y soient avec moi, » nous serons alors dans le Père avec Jésus-Christ, qui après ces paroles : « Afin qu’ils voient la gloire que vous m’avez donnée, » ajoute aussitôt : « Parce que vous m’avez aimé avant la création du monde. » C’est en Jésus-Christ, en effet, qu’il nous a aimés avant la création du monde, et c’est alors qu’il a réglé dans sa prédestination ce qu’il devait accomplir à la fin du monde. — Bède. Il donne le nom de gloire à l’amour dont son Père l’a aimé avant la création du monde, et c’est dans cette gloire qu’il nous aime nous-mêmes avant l’établissement du monde.

Théophile. Après avoir prié pour les fidèles et leur avoir fait de si magnifiques promesses, Notre-Seigneur place une considération pleine de piété et digne de la mansuétude dont il faisait profession : « Père juste, le monde ne vous a pas connu, » c’est-à-dire, mon désir eût été de voir tous les hommes en possession des biens que j’ai demandés dans cette prière ; mais ils ne vous ont point connu, et ne pourront obtenir ni la gloire, ni les couronnes que je leur ai promises. — S. Chrys. Le langage du Sauveur paraît ici empreint d’un profond sentiment de tristesse, de ce que les hommes n’ont point voulu connaître l’auteur de toute bonté et de toute justice. Les Juifs sont donc dans l’erreur quand ils prétendent vous connaître, et qu’ils me reprochent à moi de ne point vous connaître ; c’est le contraire qui est vrai : Pour moi, je vous ai connu, et ceux-ci ont connu que vous m’avez envoyé, et je leur ai fait connaître votre nom et le leur ferai connaître, en leur donnant par l’Esprit saint une connaissance parfaite. Or, quand ils auront appris ce que vous êtes, ils sauront que je ne suis point séparé de vous, mais que vous m’avez aimé d’un amour extraordinaire, que je suis votre propre Fils, et que je vous suis uni par les liens les plus étroits. C’est ce que je leur ai enseigné, afin que je demeure en eux, et c’est ainsi qu’ils conserveront infailliblement la foi qu’ils ont en moi, et l’amour qui doit en être le fruit : « Afin que l’amour dont vous m’avez aimé soit en eux. » Comme s’il disait : C’est l’amour qu’ils auront pour moi, qui leur méritera que je demeure en eux.

S. Augustin. Ou bien encore : Qu’est-ce que la connaissance de Dieu, si ce n’est la vie éternelle, qu’il n’a point donnée au monde réprouvé, mais au monde réconcilié ? Le monde ne vous a donc point connu, parce que vous êtes juste, et qu’il a mérité, que vous lui refusiez la grâce de vous connaître ; au contraire, le monde réconcilié vous a connu, parce que vous êtes miséricordieux, et que ce n’est point à ses mérites, mais à votre grâce qu’il doit de vous connaître. Il ajoute : « Pour moi je vous ai connu. » En tant que Dieu, il est par nature la source de la grâce, et en tant qu’homme, né du Saint-Esprit et de la vierge Marie, il l’est devenu par une grâce ineffable. Enfin, comme la grâce de Dieu nous est donnée par Jésus-Christ, il termine en disant : « Et ceux-ci (c’est-à-dire, le monde réconcilié) ont connu, mais parce que vous m’avez envoyé ; cette connaissance leur est donc venue par la grâce. Et je leur ai fait connaître votre nom (par la foi), et je le leur ferai connaître (par la claire vue), afin que l’amour dont vous m’avez aimé soit en eux. » L’Apôtre s’est servi d’une locution semblable lorsqu’il a dit : « J’ai combattu un bon combat. » (1 Tm 1, 4.) Il ne dit pas : J’ai combattu d’un bon combat, ce qui serait plus conforme au langage ordinaire. Or, comment l’amour dont le Père a aimé le Fils est-il en nous, si ce n’est parce que nous sommes ses membres, et que Dieu nous aime dans son Fils, qu’il aime tout entier, c’est-à-dire, le chef et les membres, c’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Et moi en eux. » Il est, en effet, en nous comme dans son temple, et nous sommes en lui en tant qu’il est notre chef.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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