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Jn  15  17-21

S. Augustin. (Traité 87 sur S. Jean.) Notre-Seigneur venait de dire : « Je vous ai établis pour que vous alliez et que vous rapportiez du fruit. » La charité est le fruit que nous devons produire, et Jésus-Christ nous en fait un précepte formel : « Ce que je vous commande, est de vous aimer les uns les autres. » C’est pour cela que l’Apôtre nous dit : « Le fruit de l’esprit, c’est la charité, » (Ga 5) et il nous représente toutes les autres vertus sortant de cette source et se rattachant à ce lien de la charité. Notre-Seigneur nous recommande donc avec raison la charité, comme si elle était le seul précepte sans laquelle tout le reste est inutile et qui amène nécessairement avec elle tous les autres biens qui constituent la bonté de l’homme.

S. Chrys. (hom. 77 sur S. Jean.) On peut encore rattacher autrement ces paroles à ce qui précède : « Je vous ai dit que je donnais ma vie pour vous, et que je vous ai choisis le premier. Ce n’est point pour vous faire un reproche que je vous ai parlé de la sorte, mais pour vous engager à un tendre amour les uns pour les autres. Et comme il est toujours pénible d’être en butte à la persécution et aux outrages, il leur prouve que loin de s’en plaindre, ils doivent s’en réjouir : « Si le monde vous hait, leur dit-il, sachez qu’il m’a haï le premier, » c’est-à-dire, je sais que la haine est toujours dure à supporter, mais souffrez-la à cause de moi. — S. Augustin. Pourquoi, en effet, les membres s’élèveraient-ils au-dessus de leur chef ? Vous refusez de faire partie du corps, si vous ne voulez pas souffrir la haine du monde avec votre chef ; or, nous devons souffrir patiemment cette haine pour l’accomplissement du précepte de l’amour, car le monde doit nécessairement nous haïr en voyant que nous ne voulons point de ce qu’il aime, ainsi que le dit le Sauveur : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui. » — S. Chrys. Comme le motif de souffrir pour Jésus-Christ ne suffisait pas encore pour contrebalancer leurs craintes, il en ajoute un autre, c’est que c’est une preuve incontestable de vertu d’être haï du monde, et nous devrions gémir et nous attrister si nous en étions aimés, car ce serait un signe évident de notre dépravation.

S. Augustin. Ces paroles s’appliquent à toute l’Eglise, qui est souvent désignée sous le nom du monde, comme dans ce passage : « Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde. » (2 Co 5, 19) L’Eglise est donc le monde entier, et c’est le monde entier qui hait l’Eglise. C’est donc le monde qui hait le monde, le monde ennemi qui hait le monde réconcilié, le monde réprouvé qui hait le monde sauvé, le monde souillé qui hait le monde purifié. (Tr. 88.) Mais puisque les méchants tourmentent aussi les méchants (ainsi les rois et les juges impies, tout en persécutant les bons, punissent aussi les homicides et les adultères) ; ces paroles du Sauveur : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui, » doivent s’entendre dans ce sens, que le monde est dans ceux, qui punissent de tels crimes, et qu’il est aussi dans ceux qui les aiment. Le monde a donc de la haine pour ce qui est à lui, en tant qu’il châtie les coupables, et il aime ce qui vient de lui en ce qu’il favorise les mêmes crimes. (Traité 87.) Si l’on demande quelle affection peut avoir pour lui-même ce monde de perdition qui n’a que de la haine pour le monde de la rédemption, je répondrai qu’il s’aime d’une affection qui n’a rien de vrai, parce qu’il aime ce qui lui est nuisible. Il déteste eu lui la nature et n’aime que le vice. Aussi nous est-il défendu d’aimer ce qu’il aime en lui-même, tandis que Dieu nous commande d’aimer ce qu’il déteste, c’est-à-dire, qu’il nous est défendu d’aimer en lui le vice, et commandé d’aimer la nature. Or, c’est pour tirer les disciples de ce monde de perdition que Dieu les a choisis, et il les a choisis, non à cause de leurs mérites, puisqu’ils n’avaient aucune bonne œuvre à présenter, ni à cause de leur nature, qui avait été profondément viciée dans la racine, mais il les a choisis uniquement par grâce : « Parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. » — S. Grég. (hom. 9 sur Ezéch.) Le blâme des méchants est une approbation de notre vie, c’est une marque évidente que nous commençons à avoir quelque justice, lorsque nous commençons à déplaire à ceux qui ne plaisent pas à Dieu ; car personne ne peut dans une seule et même chose être agréable tout à la fois à Dieu et à ses ennemis ; c’est renier le titre d’ami de Dieu que de plaire à ses ennemis, et on est ouvertement opposé aux ennemis de la vérité, lorsqu’on est intérieurement soumis au règne de cette même vérité.

S. Augustin. (Traité 8S sur S. Jean.) Notre-Seigneur, pour encourager ses serviteurs à supporter patiemment la haine du monde, ne leur a point proposé d’exemple plus grand et plus efficace que le sien : « Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître ; s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi, » etc. — La glose. Ils ont suivi la même conduite pour la calomnie, selon ces paroles : « Le pécheur observera le juste. » (Ps 36) — Théophile. S’ils ont persécuté le Seigneur, à plus forte, raison, vous persécuteront-ils, vous, ses serviteurs ; s’ils ne l’avaient point persécuté et qu’ils eussent gardé sa parole, ils auraient aussi gardé la vôtre. — S. Chrys. C’est-à-dire, en d’autres termes : Ne vous troublez point, si vous avez part à mes souffrances, parce que vous n’êtes pas au-dessus de moi. — S. Augustin. Lorsque le Sauveur dit : « Le serviteur n’est pas au-dessus de son maître, » il veut parler du serviteur qui est rempli de cette crainte chaste et sainte qui demeure éternellement. (Ps 18)

S. Chrys. Il leur donne encore un nouveau motif de consolation, c’est que les outrages qu’ils reçoivent s’adressent on même temps à Dieu le Père : « Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent point celui qui m’a envoyé. » — S. Augustin. Quelles sont toutes ces choses ? celles dont il vient de parler, la haine, les mauvais traitements, et le mépris qu’on fera de leur parole : « Ils vous feront toutes ces choses ; à cause de mon nom, » n’est-ce pas dire équivalemment : c’est moi qu’ils poursuivront de leur haine dans votre personne, c’est moi qu’ils persécuteront en vous persécutant, et ils ne garderont pas votre parole, parce qu’elle est la mienne. Ceux qui vous feront ces mauvais traitements à cause de mon nom, sont donc d’autant plus malheureux, que le bonheur de ceux qui les souffrent à cause de mon nom est plus grand. Les méchants les font endurer également aux méchants, et ils sont misérables les uns comme les autres, ceux qui font souffrir comme ceux qui souffrent. Mais comment Notre-Seigneur a-t-il pu dire : « Ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, » alors que ces impies n’agissent point pour le nom de Jésus-Christ, c’est-à-dire, par un motif de justice, mais par amour de l’iniquité ? Si on applique exclusivement ces paroles aux justes, voici comme on peut résoudre cette question : «Vous souffrirez toutes ces choses à cause de mon nom. » Mais si on entend ces paroles dans ce sens : « Ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom. » qui est en vous l’objet de leur haine, » on peut leur donner cette signification : A cause de la justice qu’ils ne peuvent s’empêcher de haïr dans votre personne. Par la même raison, lorsque les bons sont obligés de persécuter les méchants, ils le font, et à cause de la justice dont ils défendent les intérêts en châtiant les méchants, et à cause de l’iniquité qu’ils détestent dans leur personne. Notre-Seigneur ajoute : « Parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé, » et cette connaissance est celle dont il est écrit : « Vous connaître, c’est la parfaite prudence. »

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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