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Jn  15  12-16

Théophile. Notre-Seigneur avait prédit à ses disciples que s’ils observaient sus commandements, ils demeureraient dans son amour, il leur enseigne ici quels sont les commandements qu’ils doivent observer : « Voici mon commandement, c’est que vous vous aimiez les uns les autres. » — S. Grég. (hom. 27 sur les Evang.) Toutes les pages des saintes Lettres sont remplies des commandements de Dieu, comment donc, le Sauveur nous recommande-t-il ici le précepte de l’amour comme le précepte spécial et unique, si ce n’est parce que tous les commandements ont pour but unique la charité, et qu’ils se réduisent tous à un seul, parce que tout précepte ne peut s’appuyer solidement que sur la charité ? De même que toutes les branches de l’arbre sortent d’une seule racine, ainsi toutes les vertus sont produites par la charité, et les branches, figure des bonnes oeuvres, ne peuvent se couvrir de verdure, si elles ne sont unies à la racine de la charité. Les commandements du Seigneur sont nombreux et variés, quant à la diversité des oeuvres, mais ils se réduisent à un seul, si l’on considère la racine du la charité qui les produit. — S. Augustin. (Traité 83 sur S. Jean.) Là où est la charité, quelle chose peut nous manquer ? mais si la charité n’existe pas, quelle compensation peut nous rester ? Or, cette charité est distincte de l’amour que les hommes ont les uns pour les autres, en tant qu’ils sont hommes, et Notre-Seigneur prend soin d’établir cette distinction, eu ajoutant : « Comme je vous ai aimés. » car dans quel dessein Jésus-Christ nous a-t-il aimés, si ce n’est pour nous faire régner avec lui dans les cieux ? Aimons-nous donc les uns les autres pour lit même motif, afin que notre amour nous sépare de ceux dont l’amour réciproque n’a point pour fin l’amour de Dieu, et qui ne s’aiment pas véritablement. Ceux au contraire qui s’aiment les uns les autres pour tendre d’un commun accord à la possession de Dieu, s’aiment d’un amour véritable.

S. Grég. La grande et unique preuve d’amour, c’est d’aimer ceux qui nous sont contraires. C’est ainsi que la vérité elle-même, tout en souffrant le supplice ignominieux de la croix, donne à ses persécuteurs un témoignage touchant d’amour dans cette prière : « Mon Père, Pardonnez-leur, parce qu’ils ne savent ce qu’ils font ; » (Lc 23) amour porté au plus haut degré, comme il le dit lui-même : « Personne ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Notre-Seigneur était venu mourir pour ses ennemis, et cependant il déclare qu’il doit donner sa vie pour ses amis, et il nous apprend ainsi que lorsque nous pouvons gagner nos ennemis par notre affection, nos persécuteurs eux-mêmes deviennent nos amis.

S. Augustin. (Traité 84) Le Sauveur avait dit précédemment : « Voici mon commandement, c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés, » la conséquence de ce précepte se trouve exprimée dans la première Epître de saint Jean : « De même que Jésus-Christ a donné sa vie pour nous, nous devons aussi donner notre vie pour nos frères. » (1 Jn 3, 16.) C’est ce que les martyre ont fait dans leur ardent amour pour Jésus-Christ ; aussi à la table de Jésus-Christ, nous n’en faisons pas mémoire comme des autres fidèles, en priant pour eux ; mais nous les prions bien plutôt de nous obtenir la grâce de marcher sur leurs traces, car ils ont donné à leurs frères le témoignage d’amour qu’ils avaient reçu eux-mêmes de la table du Seigneur. — S. Grég. Mais comment celui qui, en temps de paix, ne peut sacrifier sa tunique pour Dieu, pourra-t-il donner sa vie lorsque viendra la persécution ? Si donc la vertu de charité veut être invincible au moment de l’épreuve, il faut qu’en temps de paix elle se nourrisse et s’entretienne par l’exercice de la miséricorde.

S. Augustin. (de la Trin., 8, 8.) C’est par la seule et même vertu de charité que nous aimons Dieu et notre prochain, avec cette unique différence que nous aimons Dieu pour Dieu, et que nous aimons le prochain et nous-mêmes pour Dieu. Ou comprend donc que bien qu’il y ait deux préceptes de charité qui renferment toute la loi et les prophètes (c’est-à-dire l’amour de Dieu et l’amour du prochain), l’Ecriture cite souvent l’un pour l’autre, parce qu’en effet, celui qui aime Dieu, est disposé à faire ce que Dieu lui commande ; il doit donc aimer un prochain pour obéir au commandement que Dieu lui en fait. Et c’est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. »

S. Grég. Un ami, amicus, est comme le gardien de l’âme, animi custos, et voilà pourquoi celui qui garde la volonté de Dieu en accomplissant ses préceptes, est appelé son ami. — S. Augustin. (Traité 85 sur S. Jean.) Quelle admirable condescendance ! comme on ne peut être bon serviteur si l’on n’accomplit les préceptes de son maître, il veut que le caractère spécial des bons serviteurs, soit aussi le signe distinctif de ses amis. Le bon serviteur peut donc à la fois être serviteur et ami. Mais comment comprendre que le bon serviteur puisse réunir à la fois les deux titres de serviteur et d’ami, le Sauveur l’explique lui-même : « Je ne vous appellerai plus serviteur, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. » Est-ce à dire que nous cesserons d’être serviteurs, parce que nous serons de bons serviteurs ? Est-ce qu’un maître ne confie pas aussi sus secrets à un serviteur, dont il a mis la fidélité à l’épreuve ? Je réponds qu’il y a deux sortes de servitudes, comme il y a deux sortes de craintes. Il y a la crainte que la charité parfaite bannit complètement du cœur (1 Jn 4, 18) ; et cette crainte entraîne avec elle la servitude qu’il faut mettre dehors avec la crainte ; et il y a une autre crainte chaste et pure, celle qui demeure éternellement. (Ps 18) Notre-Seigneur avait donc en vue ceux qui servent sous l’impression de la première servitude, lorsqu’il dit : « Je ne vous appellerai plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas, » etc. Il ne veut point parler de ce serviteur animé d’une crainte chaste, et à qui son maître dit : « Courage, bon serviteur, entrez dans la gloire de votre Seigneur ; » (Mt 24) mais du serviteur qui agit par ce sentiment de crainte que l’amour parfait chasse du cœur, et dont il est dit : « Le serviteur ne demeure pas toujours dans la maison, mais le fils y demeure éternellement. » Puisque donc Dieu nous a donné le pouvoir d’être ses enfants (Jn 1), ne soyons plus serviteurs, soyons des enfants, de sorte que par une admirable transformation, nous soyons serviteurs sans être serviteurs ; or, nous savons que c’est le Seigneur qui produit ce changement ineffable, tandis que le serviteur qui ne sait pas ce que fait son maître, l’ignore. Lorsqu’il fait quelque bien, il s’élève comme s’il en était l’unique auteur, et se glorifie en lui-même, plutôt que de renvoyer toute la gloire à son maître.

« Je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » — Théophile. C’est-à-dire, le serviteur ne connaît pas les pensées de son maître, mais pour vous que je considère comme mes amis, je vous ai communiqué tous mes secrets. — S. Augustin. (Traité 86 sur S. Jean.) Mais dans quel sens devons-nous entendre qu’il a fait connaître à ses disciples tout ce qu’il a entendu dire à son Père ? Il y a sans doute beaucoup de choses que le Sauveur n’a point dites à ses disciples, parce qu’ils n’étaient pas capables de les comprendre ; mais il dit qu’il leur a fait connaître toutes les vérités qu’il sait leur devoir un jour révéler avec cette plénitude de science, dont saint Paul a dit : « Alors je connaîtrai comme je suis connu. » (1 Co 13, 12.) Car de même que nous attendons l’immortalité de la chair et le salut éternel de nos âmes, nous espérons également la révélation et la connaissance de toutes les vérités que le Fils unique a entendues de son Père. — S. Grég. (hom. 27 sur les Evang.) Ou bien, toutes ces choses qu’il a entendues de son Père, et qu’il a voulu faire connaître à ses serviteurs, ce sont les joies que la charité répand dans nos âmes, et les fêtes éternelles de la patrie céleste que Dieu imprime tous les jours dans nos cœurs par les aspirations de son amour, car l’amour que nous avons pour les biens célestes, nous en donne déjà la connaissance, parce que l’amour est lui-même une espèce de connaissance. Il leur a donc fait tout connaître, parce qu’il les avait arrachés à tous les désirs de la terre pour les faire brûler du feu de l’amour divin. — S. Chrys. (hom. 77 sur S. Jean.) Ou bien encore, toutes ces vérités sont celles qu’ils devaient apprendre et savoir. Notre-Seigneur dit qu’il a entendu, et nous montre par-là qu’il ne dit rien qui ne soit entièrement conforme à la volonté de son Père.

S. Grég. Mais que celui qui parvient à cet honneur insigne d’être appelé l’ami de Dieu, se garde bien d’attribuer à ses mérites les dons célestes qu’il reçoit, car poursuit le Sauveur : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis. » — S. Augustin. (Tr. 86 sur S. Jean.) Quelle grâce ineffable ! Qu’étions-nous, en effet, avant d’avoir choisi Jésus-Christ, si ce n’est des enfants d’iniquité et de perdition ? Nous n’avions pas encore cru en lui, pour mériter par notre foi d’être choisis par lui, car s’il avait choisi ceux qui ont cru, il aurait donc choisi ceux qui déjà l’avaient choisi. Loin donc d’ici les vains raisonnements de ceux qui prétendent1 que nous avons été choisis avant la création du monde, parce que Dieu, dans sa prescience, avait prévu que nous serions bons, et non qu’il nous rendrait bons lui-même. En effet, s’il nous avait choisis, parce qu’il prévoyait que nous serions bons, il aurait également prévu que nous devions le choisir les premiers, car c’est la seule manière dont nous pouvions être bons, à moins qu’on n’appelle bon celui qui n’a pas choisi le bien. Qu’a-t-il donc pu choisir dans ceux qui n’avaient rien de bien ? En effet vous ne pouvez dire : J’ai été choisi parce que je croyais déjà, car si vous croyiez alors en lui, c’est vous qui l’aviez choisi. Ne dites pas non plus : Avant de croire, je faisais déjà le bien, et j’ai mérité par-là d’être choisi, car quelle bonne œuvre peut exister avant la foi ? Que nous reste-t-il donc à dire ? C’est que nous étions mauvais et que nous avons été choisis pour devenir bons par la grâce de celui qui nous a choisis. — S. Augustin. (de la prédes. des saints, 17) Ils ont donc été élus avant la création du monde, en vertu de celte prédestination dans laquelle Dieu prévoyait tout ce qu’il devait faire, et nous avons été choisis du milieu du monde par suite de cette vocation qui réalisait la prédestination de Dieu, « car ceux qu’il a prédestinés, il les a appelés. » (Rm 8)

S. Augustin. (Traité 86 sur S. Jean.) Remarquez donc bien qu’il ne choisissait pas ceux qui étaient bons, mais qu’il rendait bons ceux qu’il avait choisis : « Et je vous ai établis pour que vous alliez et que vous rapportiez du fruit. » C’est ce fruit dont il avait dit plus haut : « Sans moi vous ne pouvez rien faire, » car il est lui-même la voie dans laquelle il nous a placés pour que nous y marchions. — S. Grég. (hom. 27.) Je vous ai établis (par ma grâce), je vous ai comme plantés afin que vous alliez (par la volonté qui est comme la marche pour l’âme), et que vous rapportiez du fruit (par les bonnes œuvres). Il leur fait connaître quelle espèce de fruit ils doivent produire, lorsqu’il ajoute : « Et que votre fruit demeure. » En effet, tous nos travaux pendant cette vie, peuvent à peine suffire à nos besoins jusqu’à la mort ; et la mort vient d’un seul coup anéantir tout le fruit de notre travail sur la terre ; mais les travaux qui ont pour objet la vie éternelle, survivent à la mort, et le fruit de ces travaux commence à paraître, lorsque le fruit des œuvres charnelles est à jamais anéanti. Produisons donc de ces fruits qui demeurent et qui prennent naissance à la mort qui détruit et renverse tout. — S. Augustin. Le fruit que nous devons produire, c’est donc l’amour qui n’est que dans le désir et ne jouit pas encore entièrement de son objet ; et tout ce que nous demandons sous l’inspiration de ce désir au nom du Fils unique, nous est donné par le Père : « Et tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera ; » or, nous demandons au nom du Sauveur, lorsque nous demandons ce qui est utile au salut de notre âme.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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