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DEUXIÈME PARTIE : « … ET À L’HEURE DE NOTRE MORT »
 
 
Chapitre 7

« La septième porte »[235], la vision béatifique

La vision béatifique.

 

Voir Dieu face à face
L’absence du corps charnel
Pour mieux comprendre

 

Il faut ici se souvenir du moment de notre vie où nous avons été le plus heureux. Imaginons que cet instant s’arrête et, sans jamais s’user, revienne vivant et à chaque instant plus nouveau; multiplions ce bonheur par l’infini en paix, en joie, en douceur et en force; donnons-lui un visage et un sourire, pensons que cette béatitude est la personne la plus simple et la plus aimable qu’il soit possible d’imaginer et que son cœur nous appartienne pour toujours. Au terme de cet exercice, nous pouvons dire que nous n’avons rien compris à la Vision de Dieu. Ce paradis, personne n’a pu le décrire, pas même Jésus dans l’Évangile. Lorsque Marie apparaît à des enfants, alors qu’elle ne cesse de voir Dieu tout en leur parlant, elle ne leur dit jamais rien de sa vision béatifique. Il n’y a rien à dire. C’est Dieu et c’est tout. Jadis l’Église pour exprimer cette vision parlait du repos éternel. Cette expression effrayait les enfants qui avaient peur d’aller au lit pour l’éternité. Puis on a parlé de Vie éternelle pour signifier qu’au Ciel (le Ciel, c’est d’abord la Vision de Dieu lui-même), on ne cesse de courir, de danser devant son visage[236]. Cette expression fait référence à l’activité extrême que revêt l’exploration amoureuse de la Trinité. Mais là encore, l’expression ne convenait pas à certains et surtout aux adultes fatigués. Autant se taire et se souvenir que nous serons tellement comblés que nous n’aurons plus de désirs[237]. Il faut dire plutôt que nous serons un immense désir sans cesse comblé. La petite Thérèse disait avant sa mort : « Il ne pourra me surprendre tant je l’aime. » Elle dit maintenant : « Tu m’as surprise, mon Dieu. Je ne connaissais rien de toi. » La petite Thérèse est la plus grande sainte des temps modernes. Sa surprise a été immense. Qu’en sera-t-il pour nous ?

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Voir Dieu face à face

(Chose certaine)

Dans la vision béatifique, c’est la Trinité elle-même Père, Fils et Esprit Saint qui vient, telle une colombe au creux d’un rocher, se nicher dans notre intelligence. Elle se fait notre propre pensée et se laisse comprendre par nous dans l’exacte mesure où nous le désirons par notre amour. Celui qui aime désire davantage connaître son bien-aimé. Il le connaît et est comblé. Celui qui aime moins connaît moins bien Dieu mais est comblé dans son désir. Sainte Thérèse, pour expliquer ce mystère se souvient d’une image enseignée par sa sœur : « D’un grand verre et d’un petit dé à coudre remplis tous les deux d’eau à ras bord, lequel est le plus plein ? » Nous compren­ons alors pourquoi il est important d’aimer et d’aimer de plus en plus durant notre pèlerinage terrestre. Nous comprenons aussi pourquoi la souffrance (la croix dans notre vie) est utile, capable, à elle toute seule, de creuser notre cœur afin de le rendre immense en désir de Dieu. Celui qui a faim désire davantage la nourriture.

Dans la vision béatifique, le Fils de Dieu se laisse voir sans aucun intermédiaire créé. Alors que sur la terre nous ne pouvons comprendre quelque chose de Dieu que par l’humanité de Jésus, au Ciel nous compren­drons son humanité par sa divinité. En effet, la Trinité deviendra limpide en elle-même et éclairera tout le reste. Notre âme, faite à l’image de Dieu, se mettra à vibrer comme lui. Nous deviendrons semblable au Père et, en contemplant comme lui, nous verrons le Fils éternel. Nous deviendrons comme le Père et le Fils, tout en restant nous-mêmes[238] et, en les aimant, nous aimerons l’Esprit Saint.

Tout est simple en Dieu. Toujours est-il que grâce à cette vision face à face, nous n’aurons plus ni la foi ni l’espérance : nous n’aurons plus besoin de croire une quantité de choses sur Dieu puisque nous le verrons de nos propres yeux[239]. Nous n’aurons plus besoin d’espérer quoique ce soit par rapport à Dieu puisque nous le posséderons tout entier et pour toujours. Des trois vertus théologales, il ne restera plus que la charité, et cette charité se transformera en joie. C’est ce qu’enseigne saint Paul[240] : « La charité ne disparaîtra jamais. Les prophéties ? Elles disparaîtront. Les langues ? Elles se tairont. La science ? Elle disparaîtra. Car partielle est notre science, partielle aussi notre prophétie. Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra. Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité. Trois choses demeurent mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité. »

Dieu prend si peu de place dans une âme tout en la comblant qu’il est possible, sans jamais le perdre du regard, de faire une foule d’activités à son service. Il nous laisse toute la place et tout le temps, sans le quitter, de le prier pour nos frères de la terre ou du purgatoire, de parler (c’est-à-dire après la mort de voir de l’intérieur la pensée ou le cœur de l’autre âme ou de l’ange, tout en lui dévoilant sa propre pensée), de nous occuper de ceux qui sont sur terre. Lorsque sainte Thérèse de l’Enfant Jésus disait qu’elle passerait son Ciel à faire du bien sur la terre, ce n’était pas un vain mot ou une parole plus ou moins mystique. Il s’agit d’un apostolat aussi réel qu’efficace qui sera aussi le nôtre au Ciel. Étant unie à Dieu comme une épouse, elle a tous les droits. Il lui est loisible quand elle le veut de mobiliser les puissances angéliques pour faire le miracle qu’elle veut, pour apparaître à qui elle veut. Si elle semble apparaître bien peu souvent c’est qu’elle agit exactement de la même façon que son époux. Il lui paraît bon de laisser la plupart du temps les hommes dans la foi pour que la pauvreté de leur exil multiplie les désirs de leur cœur. Elle ne pense qu’aux mêmes choses que Dieu : amener ses amis à la charité la plus haute qui soit. L’un des apostolats les plus prenants de la petite Thérèse consiste à accueillir tous les hommes qui un jour ont pensé à elle, à l’heure de leur mort. Au bras de Jésus, avec son corps psychique transfiguré par la vision béatifique, elle les entraîne vers le paradis. Elle travaille à elle seule plus que tous les saints exceptés Marie et Joseph car elle est appelée par tous. N’est-elle pas appelée par beaucoup de gens simples « la petite sainte Vierge », la plus belle image de Marie ?

Nous-mêmes, au Ciel, nous aurons le même pouvoir royal sur Dieu. Il obéira à nos moindres désirs puisqu’il nous verra faire de même avec lui. Notre apostolat sera sans commune mesure avec celui de la terre.

Mais qu’adviendra-t-il lorsque nous serons témoins de la damnation d’un de nos frères ? Existe-t-il quelque sujet de douleur dans le paradis ? Si c’est le cas, ne doit-on pas remettre en cause tout ce qui était affirmé plus haut sur l’absence de désirs, la béatitude parfaite ? Il semble même qu’il existe des preuves de cette douleur du paradis puisque Marie, dans ses apparitions, ne cesse de se montrer en larmes pour les pécheurs et les damnés. Pour répondre à cette question, il convient de se rappeler ce que nous avons sans cesse affirmé sur l’enfer. Nul ne peut se damner que par un choix libre et fermement maintenu pour l’éternité. Durant la vie terrestre, Dieu fait tout ce qui est possible pour préparer l’homme à ne pas faire ce choix au moment de la mort. Mais s’il le fait[241], Dieu se réjouit. Il ne se réjouit pas parce que quelqu’un se sépare de lui mais parce qu’il le fait librement. Dieu aime les damnés jusque dans leur enfermement et parce qu’il les aime, il respecte leur liberté. On pourrait comparer son attitude avec celle d’un homme qui aime une femme avec tant de force qu’il fait tout pour qu’elle reste fidèle. Mais, en désespoir de cause, il est en paix si elle le quitte non parce qu’elle s’en va mais parce qu’elle a choisi la voie qui lui plaît[242]. Il en est de même pour le Ciel entier à l’heure où les hommes choisissent leur destin éternel. Quel que soit le choix, tout est paix[243].

Humilité.

Dans le paradis, tout est amour simple et paisible car tout est comme Dieu. Mais pour exprimer aux habitants de la terre cette charité éternelle, Dieu et Marie sont obligés d’utiliser un langage compréhensible. Ainsi, comprendrions-nous à quel point Marie veut le salut des pécheurs si dans ses apparitions elle restait silencieuse et souriante ? N’y verrions nous pas de l’indifférence ? Alors Marie exprime sa charité brûlante par le symbole des larmes et même des larmes de sang. Pourtant, Marie ne souffre plus. Sa paix et sa joie sont aussi profondes et stables que celles de Dieu. Tout le langage de la Bible est du même ordre. Dieu ne veut pas voir ses enfants égoïstes : il parle de sa colère, de sa fureur et de son bras vengeur. Mais chacun sait aujourd’hui que Dieu ne se met pas en colère comme les hommes et n’a pas de bras. Par contre, il agit et fait tout pour sauver du péché. Parfois son action est forte. L’effet en est pour nous une certaine souffrance, par laquelle il veut les amener d’abord à l’humilité puis à l’amour, d’où l’analogie de la colère d’un père. Nous expérimentons alors à quel point cela ressemble à de la colère.

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L’absence du corps charnel

(Chose certaine)

Avant la fin du monde, notre corps charnel ne nous sera pas rendu. Seuls Jésus et Marie le possèdent[244]. Nous devrions souffrir de ce manque d’une partie de nous même. Nous ne sommes pas seulement notre âme mais notre âme est faite par nature pour donner vie non seulement à notre psychisme mais à notre chair. Cette question a laissé dans l’expectative bien des théologiens. Pourtant, la solution de ce problème semble avoir été trouvée dès les premiers siècles de l’Église. Saint Augustin dit : « Te posséder, Ô Dieu, c’est être riche de tous les biens; tout avoir en étant loin de toi, c’est ne rien posséder.[245] » Il en est ainsi au Ciel, au sens le plus littéral. La vision béatifique nourrit l’âme au point de lui faire oublier son appel bien réel pour le corps. Son énergie tout entière est happée par ses noces avec l’Agneau, au point qu’elle n’a plus autre chose que lui.

Nous avons cependant montré que le psychisme subsiste, c’est-à-dire toutes les facultés de la sensibilité qui sont communes aux hommes et aux animaux. Des sens nouveaux apparaissent et se démultiplient après la disparition des conséquences du péché originel. Un mort n’est pas un pur esprit comme le pensait saint Thomas d’Aquin. En plus d’une intelligence et d’une volonté, il dispose des sens, de l’imagination, des souvenirs sensibles de son passé. Ainsi, bien avant la résurrection de sa chair, le mort est accueilli dans un monde adapté à son psychisme. C’est un monde d’images magnifiques[246].

Quant à l’époux, il prépare secrètement d’autres surprises qui n’apparaîtront qu’à l’heure de la résurrection de la chair. Lui seul en connaît la date[247].

 

235. Jacob, fils d’Isaac, rêva du Ciel. Genèse 28, 12 « Il eut un songe : Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient! » Cette échelle possède six barreaux (voir chapitre 4, les six degrés du purgatoire). Le septième est la porte du Ciel. Il est remarquable de constater que les religions antiques, comme celle de l’Egypte, avaient déjà reçu mystérieusement cette révélation. Le livre des morts décrit sept portiques. Le mourant devait connaître une formule magique pour les franchir un par un… Est-ce une simple coïncidence ? Il ne me semble pas. L’Évangile semble dire avec raison :  « D’Égypte, j’ai appelé mon Fils » (Matthieu 2, 15), tant ces anciens avaient reçu des vestiges de l’Esprit Saint (Vatican II). Ils savaient qu’il y aurait après la mort un jugement dernier, un enfer et un paradis; Ils n’ignoraient pas Seth, le démon; Ils avaient reçu une préfiguration du Christ en Osiris, mort et ressuscité et de Marie en Isis, son aimante sœur; Ils attendaient la résurrection de la chair. [↩]

236. 2 Samuel 6, 14. [↩]

237. Sur terre, ne plus avoir de désirs signifie s’ennuyer. Au Ciel, c’est l’inverse. [↩]

238. Certains imaginèrent qu’en voyant Dieu, on devient l’être même de Dieu. Leur dire est vrai à condition de le prendre à la manière d’une métaphore. C’est la même qui permet à Dieu de dire de l’homme et de la femme qui s’aiment : « ils deviennent une seule chair ». En réalité, la Vision béatifique est comme un mariage. Il reste deux personnes distinctes. [↩]

239. Ici, nous parlons des yeux de notre intelligence, autrement dit, les yeux de notre cœur, puisque la Trinité est esprit. [↩]

240. 1 Corinthiens 13, 8. [↩]

241. Malgré : 1. la vie terrestre et l’expérience de sa misère jusqu’à la mort; 2. pour certains, l’expérience d’un temps d’errance après la mort; 3. l’apparition bouleversante du Christ; 4. accompagné des personnes les plus proches du mort, son père, sa mère etc. Bref, si quelqu’un se damne malgré tout, c’est que son choix est libre et obstiné. [↩]

242. Saint Thomas d’Aquin traite explicitement dans sa Somme de théologie de cette joie des élus face à la damnation. C’est une thèse extrêmement choquante… sauf si on comprend l’extrême liberté du choix des damnés. [↩]

243. Ainsi lorsque nous parlions antérieurement d’une possible grande joie au Ciel devant la possible conversion d’Hitler, nous appuyant sur une parole de Jésus, nous ne parlions avec lui que par mode d’image. Tout est objet de joie au Ciel puisque tout est en définitive la manifestation de l’amour et de la sagesse de Dieu. [↩]

244. Peut-être pas seulement eux d’après Matthieu 27, 52, sans compter Hénoch et Elie. [↩]

245. Les Confessions, 1. [↩]

246. D’après certains témoignages liés à la N.D.E., l’homme peut lui-même créer des images nouvelles. Il peut modifier l’univers qui l’entoure. Le pouvoir créateur de l’imagination devient unique puisque, à volonté, tout ce qu’un homme se met à imaginer existe devant lui. [↩]

247. Ce sera l’objet d’un chapitre suivant. [↩]

Arnaud Dumouch, L’heure de la mort, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2006.

 

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