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III CHOSES INDÉCISES

 

PREMIÈRE CHOSE INDÉCISE : La nationalité de l'Antéchrist

DEUXIÈME CHOSE INDÉCISE : Le nom de l'Antéchrist

TROISIÈME CHOSE INDÉCISE : Le siège de l'empire de l'Antéchrist

QUATRIÈME CHOSE INDÉCISE : Le temple où l'Antéchrist se fera adorer

 

Ce sont celles qui ne sont établies ni par le consentement unanime des Pères, ni par des textes précis de la Sainte Écriture.

 

PREMIÈRE CHOSE INDÉCISE : La nationalité de l'Antéchrist


D'après plusieurs Pères de l'Église, suivis par certains exégètes, l'Antéchrist sortirait de la race juive et, même, de la tribu de Dan.

« C'est ici, objecte Bossuet, une affaire non de dogme ni d'autorité, mais de conjecture (13). »

Ajoutons que ces conjectures ne reposent sur aucun fondement solide.

1° D'abord par rapport à la race juive. Les raisons alléguées sont les suivantes, auxquelles il sera répondu au fur et à mesure.


a) En annonçant l'Antéchrist, Daniel l'a représenté sous la forme d'une petite corne. Or, conclut Théodoret : « Daniel appelle l'Antéchrist une petite corne, parce qu'il naîtra de la petite tribu des juifs (14). »

Réponse : C'est pour marquer la marche grandissante de l'Antéchrist, les développements de son règne que Daniel le montre d'abord sous le symbole d'une petite corne qui devient ensuite plus grande et plus forte que les autres. (Dan., VII, 8, 20.)

b) Daniel, ch. XI, 2, dit : « succédera un homme méprisé, à qui on n'accordera pas les honneurs royaux ; il viendra en secret, et il s'emparera du royaume par la fraude. » Explication de saint Jérôme : (D'après nos commentateurs, cela s'accomplira à la fin du monde par l'Antéchrist, qui doit surgir d'une nation petite, c'est-à-dire du Peuple juif ; ses débuts seront si humbles et il sera si méprisé qu'on ne lui accordera pas les honneurs royaux ; mais il obtiendra le pouvoir par des intrigues et par astuce (15). »

Réponse : ce texte, au sens littéral, s'applique non à l'Antéchrist mais à Antiochus qui l'a réalisé d'une manière exacte. Malgré le surnom d'Épiphane (l'Illustre), que lui décerna la flatterie de quelques-uns de ses sujets, Antiochus était en réalité un homme très vil et aux instincts grossiers. Aussi le peuple ne tarda-t-il pas à parodier ce surnom, qu'il transforma en Epimane (l'Insensé) (16). Qu'en cela Antiochus ait été la figure de l'Antéchrist, qui réaliserait plus tard l'interprétation rapportée par saint Jérôme, c'est possible, mais la chose reste indécise.

c) « Le Christ étant né des Hébreux, l'Antéchrist aura la même origine (17). » C'est la raison apportée par saint Hippolyte, martyr.

Réponse : Elle n'est qu'une supposition, sous forme d'antithèse.

d) C'est une opinion admise comme probable que les Juifs acclameront l'Antéchrist comme le Messie qu'ils attendent. Or ils ne sauraient le faire, qu'autant que l'Antéchrist sera de même race qu'eux-mêmes, c'est-à-dire d'origine juive. Tel est le raisonnement de Malvenda (18).

Réponse : À travers les siècles, les Juifs ont acclamé tous les ennemis de Jésus-Christ et de l'Église, quelle que fut leur origine, et ils se sont faits leurs auxiliaires. Dans le grand Sanhédrin, tenu à Paris en 1807, ils ont couvert le nom de Napoléon de louanges et de fleurs bibliques exclusivement réservées au Messie (19), et cependant Napoléon n'était pas de sang juif. Ils ont même reconnu le Messie dans les fameux principes de la Révolution française : « Le Messie est venu pour nous le 28 février 1790 avec la Déclaration des droits de l'homme (20). » À plus forte raison, pourquoi ne le reconnaîtraient-ils pas dans un être extraordinaire, tel que l'Antéchrist, alors même qu'il ne serait pas de leur race ?

e) L'Antéchrist doit sortir de la tribu de Dan, l'une des douze tribus d'Israël. Donc il sera d'origine juive.
Rép. : De toutes les raisons alléguées, cette dernière est la plus forte. Il est évident, en effet, que si l'Antéchrist doit être danite par le sang, sa nationalité juive demeure indiscutable. Mais le doit-il être ?

2° L'Antéchrist descendra-t-il de la tribu de Dan ?

À cette question, les Pères, on doit le reconnaître, répondent, et en assez grand nombre, d'une manière affirmative : L'Antéchrist sera de l'ancienne tribu juive de Dan. Ont partagé cette opinion saint Irénée, saint Hippolyte, saint Ambroise, saint Augustin, saint Prosper, Théodoret, saint Eucher, saint Anastase le Sinaïte, saint Grégoire le Grand, saint Isidore, le Vénérable Bède, saint Anselme, Rupert, Richard de Saint-Victor, saint Antonin, et de non moins nombreux exégètes.

Sur quoi appuient-ils leur sentiment ? Sur les trois textes suivants des Écritures :

a) Sur un passage de la fameuse prophétie de Jacob, où le patriarche mourant découvre l'avenir des douze tribus d'Israël, représentées par ses douze fils. Arrivé à Dan, il s'écrie : « Que Dan devienne comme un serpent dans le chemin, et comme un, céraste dans le sentier, qui mord le pied du cheval, afin que celui qui le monte tombe à la renverse (21) ». Le céraste ou le serpent à cornes est un reptile des plus dangereux. Il se cache dans le sable, et s'élance sur le cavalier et sur sa monture. De ces images peu favorables, les Pères susnommés ont conclu que l'Antéchrist appartiendrait à la tribu de Dan.

Rép. : Le sens de cette prophétie est que Dan suppléera par la ruse à ce qui lui manquera en force. La ruse n'est pas méprisée chez les Orientaux, au contraire, elle est aussi estimée que la bravoure. Ce caractère, qui joint à la force la finesse et la ruse, et au besoin supplée par la ruse à la force, paraît déjà dans l'expédition des Danites contre Laïs (Juges, XVIII, 28-29) ; mais c'est surtout dans Samson, originaire de la tribu de Dan, que cette prophétie a reçu une éclatante réalisation. On sait toutes les embûches que Samson dressa aux Philistins. Mais, dans ce texte, il n'y a aucun indice qui autorise à le rapporter à l'Antéchrist, bien que Cornélius Lapierre dise : « Jacob ad litteram hæc prædixit de Samsone, allegorice de Antichristo (22). »

b) Sur un texte de Jérémie, VIII, 16 : « Depuis Dan on entend le frémissement de ses coursiers ; tout le pays est ébranlé par les hennissements de ses chevaux de guerre : ils sont venus, et ils ont dévoré le pays et ce qu'il renferme, la ville et ses habitants. »

Rép. : Il s'agit de l'invasion chaldéenne. L'armée de Nabuchodonosor est arrivée à Dan, sur la frontière septentrionale de la Palestine. Déjà on entend les hennissements de ses chevaux. Et Jérémie, qui a prêché en vain la pénitence, ajoute : « Ma douleur est au-dessus de toute douleur ; mon cúur est languissant au dedans de moi (23) ». C'est donc Nabuchodonosor, suscité de Dieu pour être son vengeur, qui est annoncé comme arrivant de Dan, et non l'Antéchrist.

c) Sur le silence que garde saint Jean par rapport à Dan dans l'énumération qu'il fait des tribus d'Israël, au chapitre VII de l'Apocalypse. On en a tiré cette conclusion : Puisque toutes les tribus d'Israël, sauf celle de Dan, fournissent leur contingent à la Jérusalem céleste décrite par saint Jean dans ce chapitre, c'est sans doute en haine de l'Antéchrist que la tribu de Dan n'est pas nommée.
Rép. : Le silence de saint Jean, s'il est réel, ne prouve rien, attendu que dans la plupart des énumérations bibliques il y a toujours quelque tribu omise. Ici, c'est Lévi, Nomb., XIII ; là, c'est Siméon, Deuter., XXIII. Du reste, il n'est pas certain que le silence de saint Jean soit réel, et on peut penser avec D. Calmet que cet apôtre n'avait pas omis Dan. Un des premiers copistes, trompé par la similitude du Æ et du M aura lu Mav au lieu de Æav et aura écrit Man., abrégé de Manassé, qui serait ensuite passé dans le texte. L'hypothèse est d'autant plus plausible que la présence de Manassé dans l'énumération de l'Apocalypse n'a pas de raison d'être, puisque cette tribu n'est qu'une division de la tribu de Joseph, dont le nom est mentionné en cet endroit.

Bien que les trois textes scripturaires allégués pour établir l'origine danite de l'Antéchrist ne soient pas probants, néanmoins il y aurait lieu de tenir compte de l'autorité des Pères qui s'autorisent de ces textes, s'ils les faisaient reposer sur une tradition. Or, tel n'est pas le cas en cette question. Non seulement ils ne mentionnent aucune tradition positive, mais plusieurs se servent d'expressions dubitatives telles que celles-ci : « On pense (existimatur)(24).... Moi je pense (ego arbitror) (25)... Quelques-uns rapportent (nonnuli ferunt) (26)... Il est rapporté (Fertur) (27)... Quelques-uns disent (Dicunt quidam) (28)... etc. À ces expressions qui dénotent des opinions personnelles plutôt qu'une tradition, si on ajoute la non unanimité des Pères, et aussi ce fait historique et indubitable que, depuis bientôt vingt siècles, toutes les tribus d'Israël sont confondues dans un pêle-mêle inextricable et que les généalogies ont péri, on conviendra que l'opinion qui fait sortir l'Antéchrist de la tribu de Dan est bien discutable.

En résumé la nationalité juive de l'Antéchrist reste indécise. Elle n'est ni certaine, ni probable, mais seulement possible : rien de plus. L'événement seul tranchera la question.

DEUXIÈME CHOSE INDÉCISE : Le nom de l'Antéchrist.


Saint Jean l'a indiqué, mais d'une manière extrêmement mystérieuse en donnant seulement le chiffre de ce nom : «...Que personne ne puisse acheter ni vendre, s'il n'a la marque ou le nom de la Bête, ou le chiffre de son nom... Que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la Bête ; car c'est un nombre d'homme, et son nombre est six cent soixante-six. » (Apoc., XIII, 17-18.)

Chez les anciens, et notamment chez les Hébreux, les Grecs et les Latins, on se servait des lettres de l'alphabet en guise de chiffres. Chaque lettre avait ainsi sa valeur numérale. D'où le procédé suivant : En additionnant la valeur numérique des lettres employées dans tel passage, on obtenait un chiffre, et avec les lettres qui représentaient le total, on trouvait un nom. Le nombre de la Bête étant 666, on a donc entrepris de transformer les chiffres de ce nombre en lettres et d'en composer le nom mystérieux de l'Antéchrist. On l'a tenté en grec, en hébreu et en latin. Peine inutile ! Les résultats qu'on a obtenus différent trop, entre eux, pour qu'on puisse y voir rien de précis et de définitif.

 

Selon la valeur des lettres grecques, le nom de l'Antéchrist serait l'un des suivants :

Selon la valeur des lettres hébraïques, le nom de l'Antéchrist serait Latinus (Latin) - Nero Cesar - Elion Adonai Jéhova hakados (Altissimus Dominus Jehova sanctus (d'après Malvenda) (29).

 

Selon la valeur des lettres latines, le nom de l'Antéchrist serait : Dioclès Augustus (Dioclétien), proposé par Bossuet - Caïus César (Caligula), etc.

De ces divers exemples on peut conclure combien on s'est fatigué en vain pour découvrir le nom de l'homme de péché. Il demeure chose indécise. Au reste, « il est loin d'être sûr qu'il faille chercher un nom propre d'homme, avec ou sans titre de dignité, dans le chiffre 666. Nous sommes ici en face d'une énigme dont l'apôtre saint Jean n'a peut-être jamais révélé le secret à Personne, puisque les commentateurs les plus anciens et saint Irénée lui-même, quoiqu'il eût connu des disciples de saint Jean, n'en ont proposé l'explication qu'avec hésitation et incertitude. Il faudrait des pages entières pour énumérer seulement les personnages que l'on a cru découvrir dans ce nombre. Mais peut-être appartient-il à l'avenir seulement de nous révéler le mot de l'énigme, et quand le vrai Antéchrist aura paru, ce qui est si obscur aujourd'hui sera-t-il alors comme la lumière du jour (30). »

On sait que dans la secte des Francs-maçons les nombres jouent un grand rôle (31). Chaque grade y est caractérisé par un nombre spécial. Des noms ne le sont-ils pas aussi ? Qui sait ? Ce nombre 666 indique peut-être le numéro et le nom que l'Antéchrist portera parmi les sociétés secrètes qui ne manqueront pas de se presser à sa suite.

 

TROISIÈME CHOSE INDÉCISE : Le siège de l'empire de l'Antéchrist.

 

Encore deux opinions :

1° La première se présente avec saint Irénée qui s'exprime ainsi : « L'Antéchrist, au temps de son règne, transférera le siège de son empire dans la Jérusalem terrestre (32) ». À la suite de saint Irénée figurent saint Hippolyte, Sulpice Sévère, Andréas évêque de Césarée, Arétas, Rabanus, Sandérus, Bellarmin, Bécan, Viégas, Lessius, Ferrerius, Corn. a Lapide et aussi le docte Suarez dont voici les paroles : « Il est à croire que le règne de l'Antéchrist s'établira surtout chez les Juifs, et qu'il restaurera la cité de leurs pères dont ils se sont toujours glorifiés ainsi que de son temple (33). »

Les partisans de cette opinion se fondent :

a) Sur un texte de l'Apocalypse qui dit que les deux témoins de Dieu, Enoch et Élie, adversaires de l'Antéchrist, seront mis à mort dans la grande ville où leur Seigneur a été crucifié (34). Ces mots caractérisant Jérusalem, on en conclut que si les deux témoins sont mis à mort dans cette ville, c'est que l'Antéchrist y aura le siège de son empire.

b) Cette opinion se fonde encore sur des raisons de convenance.

Comme ç'a été en Judée et plus spécialement à Jérusalem que le Christ, durant sa vie terrestre, a établi le siège de son empire spirituel ; comme c'est là qu'il est né, qu'il a vécu, prêché, opéré ses miracles, établi l'Évangile ; qu'il y a été crucifié, qu'il y est mort, ressuscité, monté au ciel ; qu'il y a enfanté l'Église ; en un mot, qu'il y a accompli toute l'économie divine préordonnée de toute éternité en vue du salut du genre humain : pour tous ces motifs l'Antéchrist, inspiré par Satan, reviendra, afin de réaliser pleinement sa mission infernale d'adversaire du Christ, sur toutes les étapes de la vie du Sauveur, pour les combattre, les effacer, les détruire. Dans ce but, c'est à Jérusalem qu'il fixerait aussi le siège de son empire diabolique.

De plus, si l'Antéchrist agissait autrement, pourrait-il se faire accepter comme Messie par les Juifs, qui rêvent une gloire terrestre pour Jérusalem et s'imaginent que cette ville deviendra, dans l'avenir, le siège de l'empire messianique ? Cette dernière raison semble se fortifier, de nos jours, par l'apparition du Sionisme. En voici le programme : « Les temps ne sont-ils pas venus de reconstituer cette nationalité juive pour laquelle, du fond de ses synagogues et de ses ghettos, Israël n'a pas cessé de soupirer ? » Une vaste association s'est donc formée entre les Juifs croyants du monde entier, en vue de récupérer la Palestine et Jérusalem. Sept congrès se sont déjà tenus à Bâle pour en trouver les moyens. Le dernier, du 27 au 30 juillet 1905, a été particulièrement intéressant au point de vue qui nous occupe. S. M. le Sultan de Constantinople ne se montrant point favorable aux désirs des Sionistes, l'Angleterre avait gracieusement offert un vaste terrain dans l'Ouganda, à l'est de l'Afrique centrale, pour y essayer la formation d'un État juif autonome. Le Congrès, composé de plus de huit cents délégués du Judaïsme mondial, a adopté, à une forte majorité, la résolution suivante : « Le Congrès maintient fermement les principes de son programme tendant à établir une patrie pour le peuple juif en Palestine. Il refuse toute colonisation hors de la Palestine ou des pays voisins.

« Le Congrès vote des remerciements au gouvernement anglais pour son offre d'un territoire en Afrique orientale (35). »

Serait-ce un acheminement à l'établissement du siège de l'Antéchrist à Jérusalem, grâce au concours futur des Juifs ?

 

2° La deuxième opinion désigne la Rome des Papes comme siège de cet empire, et voici ses arguments.

Reprenant d'abord le texte de saint Jean touchant la mort des deux témoins (36) Enoch et Élie, elle fait remarquer, et avec raison, qu'il n'est pas concluant. Il se pourrait, en effet, que ces deux témoins fussent mis à mort dans Jérusalem par ordre de l'Antéchrist, sans que celui-ci y ait alors le siège de son empire, et même sans qu'il y soit résidant.

Rome, au contraire, ne semble-t-elle pas indiquée ? C'est là que, pour mieux faire opposition au vrai Christ, l'Antéchrist établirait le siège de sa puissance. Il siégerait à Rome redevenue païenne, selon une ancienne tradition (37), et, se posant en face du chef de l'Église, il ressusciterait l'empire romain ou latin. Il semble que ceux qui préparent le règne de l'Antéchrist, aient conçu et adopté ce plan. C'est contre Rome, en effet, que se coalisent, depuis des années, les efforts de toutes les sectes maçonniques. Rome redevenue païenne, ce serait l'étape préparatoire à la royauté romaine de l'Antéchrist. Une grave allocution de Léon XIII donne à réfléchir. C'est dans le Consistoire du 30 juin 1889 qu'elle a été prononcée :

« Il est douloureux à constater que dans cette auguste Ville où Dieu a établi le domicile de son Vicaire retentisse l'éloge de la raison humaine en révolte contre Dieu, et que là où le monde entier a été instruit à demander les purs principes de l'Évangile et les conseils du salut, aujourd'hui, par l'effet d'un bouleversement criminel, des erreurs coupables et l'hérésie elle-même soient impunément consacrées par des statues. Les événements nous ont conduits à ce point que nous voyons l'abomination de la désolation dans le lieu saint... C'est à un homme impie et perdu de moeurs qu'on élève un monument (38). Cette ville de Rome, qu'on affirmait devoir être toujours le siège glorieux et assuré des Pontifes Romains, on veut en faire la tête d'une impiété nouvelle en y fondant le culte absurde et insolent de la raison humaine portée comme à un faite divin. »

La douleur que Léon XIII épanchait de la sorte au sein du Sacré Collège, il l'exprimait quelques années plus tard, le 8 décembre 1892, au peuple italien tout entier :

« Peut-on voir sans pleurer la partie la plus privilégiée du troupeau de notre adorable Rédempteur, un peuple toujours demeuré fidèle pendant dix-neuf siècles, exposé aujourd'hui à toute heure au péril imminent de l'apostasie et entraîné dans la voie des erreurs et des vices, des misères matérielles et des abjections morales ?... Mais d'où vient-elle cette guerre ? Elle sort surtout de cette secte maçonnique dont Nous vous avons entretenus au long dans l'Encyclique Humanum genus, du 20 avril 1884, et plus récemment, le 15 octobre 1890, en Nous adressant aux évêques, au clergé et au peuple d'Italie. Par ces deux lettres, Nous avons arraché le masque dont la maçonnerie se couvrait aux yeux du peuple, et Nous l'avons dévoilée dans sa hideuse difformité, dans son action ténébreuse et funeste... Grâce aux complots, à la corruption et à la violence, elle est parvenue à dominer l'Italie et Rome elle-même...(39). »

Dans l'Encyclique Humanum genus, rappelée par l'auguste Pontife et l'une des premières de son Pontificat se trouvait déjà cet avertissement solennel :

« Dans l'espace d'un siècle et demi, la secte des francs-maçons a fait d'incroyables progrès. Employant à la fois l'audace et la ruse, elle a envahi tous les rangs de la hiérarchie sociale et commence à prendre, au sein des États modernes, une puissance qui équivaut presque à la souveraineté... À l'égard du Siège Apostolique et du Pontife romain, l'inimitié de ces sectaires a redoublé d'intensité. Après avoir, sous de faux prétextes, dépouillé le Pape de sa souveraineté temporelle, nécessaire garantie de sa liberté et de ses droits, ils l'ont réduit à une situation tout à la fois inique et intolérable, jusqu'à ce qu'enfin, en ces derniers temps, les fauteurs de ces sectes en soient arrivés au point qui était depuis longtemps le but de leurs secrets desseins : à savoir que le moment est venu de supprimer la puissance sacrée des Pontifes romains et de détruire entièrement cette Papauté qui est d'institution divine...(40). »

Aux deux opinions exposées, l'événement accompli donnera une solution péremptoire. Jusqu'à cette époque, elle demeure indécise. Si Jérusalem devient le siège de l'empire de l'Antéchrist, ses principaux fauteurs auront été les Juifs ; si c'est Rome, ce seront les Francs-Maçons.

 

QUATRIÈME CHOSE INDÉCISE : Le temple où l'Antéchrist se fera adorer.


Saint Paul a dit : « L'adversaire qui s'élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se faisant lui-même passer pour Dieu. » (II Thess., II, 4.)

Quel sera le temple témoin de cette abomination ?

a) Une première opinion désigne le temple de Jérusalem qui serait en partie ou en totalité relevé de ses ruines par l'Antéchrist, et où il se ferait rendre les honneurs divins. Elle est adoptée par saint Irénée, saint Hippolyte, saint Cyrille de Jérusalem, saint Damascène, Sever, Sulpicius et un certain nombre d'exégètes tant anciens que modernes. C'est selon son sens propre et littéral qu'il faut, disent-ils, prendre le mot temple. Car, au temps de saint Paul, auteur de cette épître aux Thessaloniciens, c'était le temple de Jérusalem qui portait le nom de Temple par antonomase ; on le désignait simplement par ce nom, comme cela ressort de saint Luc (Act. III et V) et d'autres textes. Alors il n'existait pas encore de temples chrétiens, et seul le temple de Jérusalem était appelé Temple de Dieu. Il est donc plus vraisemblable, dit Suarez, que c'est de lui qu'a parlé saint Paul, (41).

b) À l'encontre de ce sentiment, une seconde opinion répond qu'il n'est point démontré que saint Paul, en prédisant que l'Antéchrist s'assiéra dans le Temple de Dieu, ait eu en vue celui de Jérusalem. En effet, saint Jérôme, expliquant les paroles de l'Apôtre, dit : « Il s'assiéra dans le Temple de Dieu, c'est-à-dire ou dans Jérusalem, comme quelques-uns le pensent, ou dans l'Église, ce qui nous paraît plus vrai (42). » Saint Chrysostome dit aussi : « Non dans le temple de Jérusalem, mais dans le temple de l'Église (43). » Mais comment l'Antéchrist s'assiérait-il dans le temple de l'Église ? Théodoret l'explique : « Ce que l'Apôtre appelle le Temple de Dieu, ce sont les églises dans lesquelles cet impie prendra le premier rang, la première place, s'efforçant de se faire reconnaître pour Dieu (44). » Théophylacte l'explique encore plus clairement : « Non pas dans le temple de Jérusalem, mais simplement dans les églises, dans tout temple consacré à Dieu (45). » C'est aussi le sentiment de saint Hilaire, de Cajetan, Villalpand, Estius, etc.

Devant ce partage d'opinions, saint Augustin a jugé la question indécise : « Quel est le Temple de Dieu où l'Antéchrist doit s'asseoir ? Sera-ce sur les ruines du Temple que Salomon avait fait bâtir ? Sera-ce dans l'Église de Dieu ? Cela est incertain(46) ». Il faut se mettre à la suite de l'évêque d'Hippone et convenir que cette question, comme celle relative au siège de l'empire de l'Antéchrist, reste indécise.

 

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