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Conclusion

Dialogue avec Monseigneur Lefebvre (1905-1991)

(Attention, ceci n’est pas un vrai dialogue. Juste un conte.)

Le Père Marie-Dominique Philippe et Mgr Marcel Lefebvre.
Le père Marie-Dominique Philippe et Mgr Marcel Lefebvre

 

Samedi 26 août 2006, 4 heures du matin

Monseigneur Marcel Lefebvre : Pour moi, il est évident que la fin du monde et le retour du Christ ne se produiront pas avant que l’Évangile ne soit annoncé et reçu par l’humanité entière. C’est attesté en Matthieu 24, 14 : « Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin. » Or le Concile Vatican II, en tournant l’Église jusque dans sa liturgie vers le seul amour de l’homme, a stérilisé le mouvement missionnaire et retardé d’autant la venue du Royaume de Dieu.

Père Marie-Dominique Philippe : Je vois. Vous prenez ce texte-là et, à partir de lui, vous vous êtes construit, n’est-ce pas, un scénario du progrès visible d’une Église de plus en plus puissante. Mais il ne faut pas procéder comme cela. L’Église, au plan profond, c’est la même mission que celle de Jésus-Christ prolongée sur terre. Puis-je vous raconter un mystère encore plus grand, un « plan » que Dieu commence à annoncer et qui va bouleverser toute notre vision de ce qui se passe actuellement ? Vous rappelez-vous ce passage curieux de l’évangile (Matthieu 16, 21) : « A dater de ce jour, Jésus commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter. » ? Eh bien, pour la première fois, en 1992, l’Église a fait la même chose pour elle-même. C’est un livre que vous n’avez pas connu. Il a été publié un an et demi tout juste après votre mort. (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 675-676) : « Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre dévoilera le « mystère d’iniquité ». »

Mgr Lefebvre : Je ne comprends pas. A partir de ce petit bout de texte, vous êtes en train de me dire que la royauté sociale du Christ par son Église ne va pas triompher sur la terre ? Vous comprenez qu’on ne peut vous suivre. Jésus est très net là-dessus (Matthieu 16, 18) : « Les portes de l’enfer ne l’emporteront pas sur elle. » Décidément, ce Concile Vatican II rend fous ses adeptes. Voilà maintenant qu’ils aspirent à l’échec…

Père Philippe : Votre réaction est naturelle. Et vous avez un grand exemple avant vous : Simon-Pierre ! Il ne voulait pas que Jésus monte à Jérusalem pour y mourir. Il le faisait par une vraie amitié humaine lorsqu’il disait à Jésus (Matthieu 16, 22) : « Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera point ! » En cela, il tentait Jésus plus fortement encore que s’il avait été Satan. Il visait une victoire humaine par des moyens humains. Et c’est pour cela que Jésus réagit si fortement (Matthieu 16, 23) : « Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! » Mais certainement, son intention n’a pas été assez spirituelle. (d’un ton plutôt ironique)

Mgr Lefebvre : Alors racontez votre scénario. Ça va être intéressant…

Père Philippe : Il faut revenir au début. Vous vous rappelez le projet de Dieu sur nous ? C’est une gloire éternelle. Il va nous proposer de l’épouser, vraiment. Et comme il est un Dieu d’humilité et d’amour, nul ne peut le voir, devenir comme lui, sans mourir en quelque sorte. Il doit en être de même pour l’Église. Et vous vous rappelez comment il a voulu prouver la nature de son amour. A la croix, il se laisse pendre. Des gens passent et ricanent (Matthieu 27, 40) en disant : « Toi qui détruis le Sanctuaire et en trois jours le rebâtis, sauve-toi toi-même, si tu es fils de Dieu, et descends de la croix ! » D’autres, rares, dont Marie, savent ce qui se passe, et pleurent au pied de la croix, debout. Moins de 40 ans plus tard, le Christ est apparu de manière glorieuse cette fois aux ricaneurs devenus confus. Il leur avait annoncé (Marc 14, 62) : « Dialogue entre le Père Marie-Dominique Philippe et Mgr Lefebvre » Quand c’est arrivé, certains de ceux qui l’avaient condamné l’ont beaucoup aimé selon cette parole de Jésus (Luc 7, 47) : « Celui à qui on remet peu montre peu d’amour. » Quant à Marie et aux femmes qui l’écoutèrent, quelle communion, quelle collaboration à la rédemption, quel soutien pour Jésus, même au plan humain.

Mgr Lefebvre : J’ajouterais que je connais cette plus que douteuse théologie de l’humilité en Dieu… n’insistons pas…
Et je devine votre scénario. Pour vous l’Église va se livrer à l’Antéchrist. Je le pense comme vous et c’est pour moi ce qui a commencé à se passer avec Vatican II, où certains textes ont mis l’homme avant Dieu et où la liturgie fut tournée vers l’homme et non vers Dieu.

Père Philippe : Monseigneur, non, je ne pense pas comme vous. Je pense que Vatican II est justement le Concile qui prépare l’Église à imiter le Christ dans sa mission de kénose. Il lui apprend l’humilité. Il l’invite à prier pour ceux qui ne connaissent pas le Christ. Le Concile ne tourne pas l’Église comme vous le pensez vers le seul homme. Il la tourne vers sa mission éternelle : l’alliance entre Dieu et l’homme. Vous pensez que par le Concile Vatican II, l’Église a failli à sa promesse. Je pense le contraire. Et Jésus ne l’aurais pas permis.

Mgr Lefebvre : Les hommes se détourneront de Dieu et ricaneront de l’Église. Je lis la suite dans votre texte (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 677) : « L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection. Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal qui fera descendre du Ciel son Épouse. » C’est inacceptable. Vous vous rendez compte du nombre des damnés, dans cette hypothèse ! Tous ces gens qui arriveraient dans la mort en se révoltant explicitement avec Lucifer. L’Église de Vatican II est visiblement en train de se justifier de ses échecs apostoliques, de l’apostasie des masses.

Père Philippe : Mais ces gens ne seront pas damnés (sauf ceux qui le voudront). Le Christ vient pour tous à la onzième heure de leur vie, dans sa gloire, pour les appeler à sa vigne. Et s’ils se convertissent, ils reçoivent la même récompense que nous, la vie éternelle. Ce jour-là, le jour de son retour, Jésus montrera son amour en montrant la gloire de son Sacré-Cœur et en proposant son pardon aux hommes… alors que ceux-ci ne l’attendront même plus. Vous vous rendez compte ! Quelle preuve d’amour, surtout après que leurs cœurs en auront soupé du culte du glacé Dragon que présentera la dernière religion de l’Antéchrist.

Mgr Lefebvre : Votre théorie ruine toute la tradition de l’Église. Les Apôtres, depuis le début, ne sont partis évangéliser que parce qu’il savaient qu’un homme qui meurt sans la charité est damné pour l’éternité. Le Concile Vatican II est décidément opposé à toute la Tradition apostolique.

Père Philippe : Mais ces gens ne meurent pas sans la charité. Le Christ leur apparaît avant leur mort, dans sa gloire. C’est lui qui se charge de la dernière prédication du salut. (Matthieu 20, 6). Rappelez-vous saint Paul (1 Corinthiens 15, 51) : « Oui, je vais vous dire un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. »
C’est comme cela que s’accomplit, depuis toujours, cette parole attesté en Matthieu 24, 14 : « Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin. » …

 

Mais Monseigneur Marcel Lefebvre n’écoutait plus le vieux Dominicain. Il était retourné à ses occupations dans le bureau qu’il occupait à Ecône, au séminaire qu’il avait fondé.

Quant au prêtre dominicain, qui venait de mourir, sa dernière prédication terrestre accomplie, il regarda et vit une porte s’ouvrir, la porte du ciel. C’était une lumineuse entrée juste au-dessus de lui. Il rejoignit Jésus qui l’accueillait.

Quant à Monseigneur Lefebvre, quand il eut compris, il le rejoignit plus tard vers le Ciel.

 

 

 

Une objection à cette histoire

Le 10 février 2006 — Cher monsieur, Je viens de lire votre imaginaire « Dialogue entre le Père Marie-Dominique Philippe et Mgr Lefebvre ».
J’ai un grand respect pour votre travail, et je partage, dans une certaine mesure, votre admiration pour le Père M.D. Philippe, mais je suis très surpris par la théorie d’une « progression visible de l’Église » que vous semblez attribuer à Mgr Lefebvre.
Je n’ai jamais rien rencontré dans ses écrits ou ses conférences quoi que ce soit qui puisse faire penser à cela.

Cher ami, D’abord croyez en mon admiration pour ce qu’à fait Monseigneur Lefebvre, même si je ne partage pas l’excès. Je pense qu’il a réalisé en partie l’un des grands signes annoncés, et que raconte cette histoire : Le signe de Simon-Pierre.
Vous dites :

D’abord parce que ce n’est pas une idée du futur historique de l’Église qui guidait, à l’en croire, ses positions, mais la compréhension qu’il avait de sa mission d’évêque : transmettre la doctrine et la sainteté catholique, affirmer le rôle social que l’Église se devait de jouer dans les nations chrétiennes pour remplir sa mission.

C’est certain. Mgr Lefebvre a été porté par une intention droite, son amour sincère de l’Église. Mais certainement, son intention n’a pas été assez spirituelle. Ou plutôt, il n’a pas eu une foi assez forte, alors que la tempête se déchaînait. Il a perdu la foi en l’Esprit Saint agissant dans l’Église. Il n’a pu passer le cap de l’absurdité des comportements des progressistes de l’époque.
En fait, il a cru que certains textes du Concile venaient de l’homme, voire du démon, ne soupçonnant pas que l’Esprit Saint était l’inspirateur de tout. Comment l’Esprit Saint pourrait-il abaisser son Église ?

Ensuite parce que s’il avait mis sa foi dans une progression linéaire de l’Église, n’aurait-il pas perdu la Foi devant l’apostasie générale qu’il constatait ?

Il s’est battu avec toute sa conscience pour que l’Apostasie ne vienne pas, quitte à rompre avec la barque de Pierre. C’est pourquoi il me fait penser à Pierre dans ce texte : « Seigneur, cela ne t’arrivera pas ! » C’était un combattant de l’espoir et de l’apostolat visible. Comment expliquer sans cela, l’acte de schisme ? Le rejet de certains textes de Vatican II ? C’était un risque : le risque de croire que l’Esprit Saint n’était pas dans le comportement nouveau de la Sainte Église, puisque de mauvais prêtres le récupéraient au profit du mondain (les idées du temps, purement humanistes).

Il savait, ayant lu La Salette et l’Apocalypse, que l’Église serait humiliée, éclipsée, que, le disciple n’étant pas plus grand que le maître, elle aurait à souffrir dans son âme comme dans sa chair, sans pour autant jamais renier sa sainteté, sa mission divine, son unicité, sa catholicité, qu’elle pourrait paraître morte, mais qu’elle serait toujours vivante.

C’est d’autant plus étonnant, c’est vrai. Parce que Mgr Lefebvre n’a pas cru que tout cela venait de Dieu, en vue du chemin de sa kénose. S’il avait osé croire en Jésus présent dans cette barque en train de couler (selon le songe de saint Jean Bosco), je pense qu’il était capable de devenir un homme semblable au Cardinal Ratzinger : Ce cardinal, devenu pape par la suite, fut lucide des excès qui suivirent Vatican II (on se rappelle ses textes condamnant la brutalité de la réforme liturgique), tout en restant dans l’Église pour remettre la barque de l’Église dans la stabilité.

Devant le prétoire de Pilate, Jésus n’a renié ni sa filiation divine, ni sa royauté sociale. Voilà ce que, selon lui, les successeurs des Apôtres ne devaient pas faire non plus. Royauté sociale, c’est à dire que les lois politiques devaient respecter les droits de Dieu et s’inspirer des commandements du Christ. Pas de séparation de l’Église et de l’État, mais distinction des pouvoirs.

Dans la notion de Royauté sociale, il y avait sans doute chez Monseigneur Lefebvre plus que cela : il se souvenait des textes de Pie IX condamnant la liberté religieuse. Ces textes étaient pastoraux. Le pape Pie IX voulait dire pour résumer : « N’instaurez pas la liberté religieuse. Nos peuples européens vont apostasier ». Mgr Lefebvre aurait voulu qu’ils soient dogmatiques. Or Vatican II a dit l’inverse sur ce plan : « Dieu veut que tout homme, selon sa conscience, soit dans la liberté religieuse. » Mgr Lefebvre n’a pas suivi cet avis de Vatican II. C’est un signe que, pour lui, royauté sociale de l’Église veut dire pouvoir exercé depuis un trône de puissance visible, alors que nous en sommes sans doute à l’âge du trône de la croix.

Si cela était vrai au temps de St Thomas, pourquoi ne le serait-ce plus aujourd’hui ?

Jésus, comme Pasteur, montre que la Royauté de l’Église visible sur le monde ne sera pas pour toujours (Jean 21, 18) : « “En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas.” Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant dit cela, il lui dit : “Suis-moi.” »

L’Église doit-elle participer à son propre martyre ?

Oui, des membres de l’Église semblent devoir être acteurs de ce drames : Comme Pierre et Judas, Apôtres de Jésus. Ils semblent être des images archétypales de la fin de l’Église. Et Mgr Lefebvre et la FSPX ont un rôle là dedans, prophétique. Mais il y aura semble-t-il aussi, l’image de Jean, fidèle par amitié jusqu’au bout, et surtout de Marie, fidèle par charité.

J’ai un autre sujet de m’émouvoir : Vous faites dire au Père Marie-Dominique que, lors de son retour glorieux, Jésus proposerait son pardon à tous les hommes qui ne l’attendraient même plus : faut-il comprendre que la désespérance, ce péché contre le St Esprit, pourrait être récompensé ? Vous dîtes que le Christ apparaît aux hommes avant leur mort dans sa gloire, mais alors que reste t-il de la liberté humaine ? Le passage sur Terre n’est-il pas le temps d’épreuve probatoire à l’entrée dans le Royaume des Cieux ?

La désespérance est un péché contre l’Esprit Saint quand elle est fondée sur la parfaite lucidité du fait suivant : Dieu propose a tous son pardon. C’est sans doute le péché de Judas, à qui Jésus proposa jusqu’au bout la réconciliation et qui pourrait être résumé ainsi : « Mon péché est trop grand. Tu me proposes tout de même ton pardon ? Un peu de dignité, voyons, Seigneur ! Adieu ». C’est en fait un acte d’orgueil.
Ici, il s’agit plutôt du désespoir, ou plutôt d’une forme de désespérance fondée sur la croyance fausse (une ignorance donc), imposée par l’Antéchrist, qu’il n’y a ni Dieu d’amour ni salut par la mort à soi-même. Ce désespoir là, provoquant une grande souffrance, provoque les gens à se précipiter vers le vrai salut lorsqu’il paraît. C’est un si bonne surprise pour eux, un peu comme le dit saint Augustin dans les Confessions : « Avant de te connaître, je t’ai aimé. Et mon coeur n’avait pas de repos tant qu’il ne se reposait en toi ».
Avec toute mon amitié, In Christo, Arnaud Dumouch

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