Accueil  >  Contes  >  Tome 3 : La fin du monde  >  La bataille d’Harmagedôn et le jugement particulier

 

La bataille d’Harmagedôn
et le jugement particulier

(Attention, ceci n’est pas une prophétie. Juste un conte théologique. Il veut exprimer comment une dernière fois à la fin du monde et de manière visible, pourraient se réaliser toutes les prophéties. Elles sont déjà réalisées à chaque génération et pour chaque individu au cours de l’histoire.)

La Résurrection des morts, détail de la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange
La Résurrection des morts, détail de la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange.

 

Lucifer et ses anges 

Derrière tous ces événements, derrière le gouvernement mondial et caché sous les traits du dieu de ce monde, se tenait, tapi, un être réel, intelligent, pensant : Lucifer, un chérubin, le plus grand de tous. Sa puissance est telle que, face à lui, l’intelligence humaine est comme la goutte d’eau face à l’océan. Mais, devant Dieu, Lucifer ressemble à un grain de poussière qu’on comparerait à l’univers entier.

Le moment est venu de rapporter ici le secret ultime caché sous ce mal, le « Mystère de l’iniquité » (Daniel 8, 13).

Quand Lucifer fut créé, au début des œuvres de Dieu, en même temps que les milliards d’anges, son premier acte fut de se déplier. Comme un papillon dont les ailes se déploient au soleil, il contempla sa nature spirituelle et n’y vit que des merveilles. En lui se manifestaient toutes les perfections imaginables. Son intelligence portait déjà le plan de l’immense univers qui n’existait pas encore, les êtres les plus divers et, juste au-dessus des animaux, l’homme et la femme.

Parce qu’il était intelligent et puisqu’il faut bien une cause à ce qu’il vit, son deuxième acte consista à se tourner vers le Créateur dont il induisit immédiatement l’existence. Tous les anges firent de même. Tous adorèrent un Dieu invisible qu’ils savaient présent.

Enfin, les anges se regardèrent mutuellement. Et, comme naturellement, ils se disposèrent avec révérence selon l’ordre de la noblesse de chacun. Tous reconnurent Lucifer comme le premier. Personne ne discuta l’évidence. Ils formèrent, telle une armée d’ingénieurs, neuf chœurs et se préparèrent à prendre en main l’organisation de l’univers, puisqu’ils voyaient nettement dans leur esprit que tel était leur rôle assigné par Dieu.

Mais ils n’eurent pas le temps de commencer l’ouvrage. Une voix parla, forte comme un tonnerre, et douce comme une caresse. Comme la pluie qui tombe du ciel, elle entra dans l’intelligence de chaque ange, évidente, claire. C’était la voix du Créateur. Elle disait :

C’est moi, je vous ai créés.
Vous me verrez face à Face.
 
Mais il vous faudra mourir
Par amour, par amour pour moi.
 
Nul ne peut me voir sans mourir.
Je Suis « celui qui meurt par amour ».
 
Pour mourir, devenez anges gardiens
Des humains, hommes et femmes.

À cette parole, il y eut un bouleversement. Un grand silence se fit dans le Ciel… Une demi-heure en temps céleste… (Apocalypse 8, 1)

Ce fut pour les anges une épreuve terrible et une mort à ce qui fait leur richesse angélique : Ils sont des êtres intelligents et organisés selon l’ordre de cette puissance intellectuelle. Or Dieu, le Créateur de tout, se révélait d’abord un être humble et aimant. Ces deux qualités lui importaient bien plus que tout le reste. Les anges devraient donc servir pour leur salut de futurs mammifères (l’homme et la femme) qui deviendraient certainement pour beaucoup d’entre eux, étant plus portés à l’humilité et à l’amour, leurs rois et surtout Reines pour l’éternité.

Alors, dans le Ciel des anges, une voix s’éleva, ferme, définitive et froide : « Je ne servirai pas ! » (Jérémie 2, 20).

C’était la voix du plus grand des anges, le porte-lumière, Lucifer. D’autres voix se joignirent à lui : « Je ne servirai pas ! ». Le ciel en fut rempli. Un tiers des anges se révolta ce jour-là, avec une telle détermination que ce fut irrévocable. Chacun sait que le bien fait moins de bruit que le mal, mais il faut le dire : les deux tiers des anges proclamèrent : « Seigneur ! tu as les paroles de la vie ! Je servirai ! » Aucun ne revint jamais en arrière. Pour toujours les anges révoltés devinrent « les diables ».

Les anges parlent peu car ils sont des intelligences solitaires. Mais Lucifer et ses anges expliquèrent avec abondance la raison de leur révolte.

C’est pour ton honneur, ô Dieu
Créateur suprême.
C’est pour la gloire de ton nom
Que je ne servirai pas ce projet fou.
Car tu es esprit, intellect, puissance.
Et tu ne dois pas t’abaisser ainsi.
Dieu peut-il mourir ? N’est-ce pas contradictoire ?
Dieu donne-t-il la première place à ce qui est vulgaire et sans intelligence ?
J’ai un autre projet pour toi,
Un projet où tu seras honoré comme il convient,
Non comme le plus petit, mais comme le plus grand.

Tel fut le « mystère de l’iniquité », à l’origine de tout le mal qui est dans le monde.

Les victoires de Dieu 

À partir de ce jour, Lucifer et ses anges devinrent les « dieux » de l’autre projet, celui d’un monde hiérarchisé selon la noblesse intellectuelle. Ils n’eurent plus qu’une obsession : manifester à l’univers entier l’absurdité de l’ordre divin, fondé sur l’humilité et l’amour. Ils établirent le projet suivant : « Si l’univers entier se révolte, Dieu ne changera-t-il pas ? Ne se repentira-t-il pas de ses folies ? » Lucifer ne comprit pas, dans son orgueil, que Dieu ne change pas. Dieu est. Il ne crut pas à ce que signifiait cette parole, éternelle et immuable comme le sont le Père, le Fils et le Saint-Esprit : Je Suis « celui qui meurt par amour ».

Dieu laissa Lucifer libre de sa révolte. Cependant, par un décret mystérieux, il advint que les victoires totales de Lucifer devinrent, l’une après l’autre, sources de sa perte.

Michaël

Le premier échec de Lucifer vint d’un petit ange. Il faisait partie des ordres inférieurs. Par nature, il n’aurait jamais dû pouvoir prendre la parole devant ce grand Prince. Et pourtant il parla et dit, ce qui se traduit en hébreu par « Michaël » :

Qui est comme Dieu ? « Michaël ? »
Es-tu plus intelligent que Dieu, toi, Prince,
pour savoir ce qui est bien et mal mieux que lui ?
Tu dis te révolter par amour pour la noblesse de Dieu.
N’est-ce pas plutôt la crainte de ne plus être le premier ?
Que penses-tu des humains, ô Prince,
et surtout, parmi les humains, des femmes ?

La parole fit mouche. Elle frappa au cœur par sa vérité les hiérarchies démoniaques qui se dispersèrent pour ne plus l’entendre, niant haut et fort agir par orgueil. Ainsi, dès le commencement, grâce à saint Michel archange, l’univers constata que Lucifer était « le prince du mensonge, menteur dès l’origine ». (Jean 8, 44)

Ève

Mais ce premier succès, très ancien, fut sans lendemain apparent. La suite de l’histoire vit Lucifer triompher. Ses succès furent visibles, grandioses. Pour preuve, lorsque quelques milliards d’années plus tard, le monde fut prêt et que Dieu y eut installé son chef-d’œuvre de tendresse, sa création précieuse, un homme et une femme fragiles et innocents, il les révolta contre leur Créateur à sa première passe. Comme il fut simple pour lui de les convaincre du caractère ennuyeux d’une vie d’humilité et d’amour, dans le gnangnan quotidien de l’obéissance ! Il leur fit miroiter la liberté et ils plongèrent aussitôt, brisant le secret d’amour et d’intimité. D’ailleurs, Dieu lui-même se mit à douter de son projet, pensa Lucifer triomphant, puisqu’il bouda, se retirant de ce monde qui, visiblement, l’avait déçu. Les bons anges aussi se retirèrent, et Lucifer devint le « prince du monde ».

Lucifer se crut victorieux. Il fut ignorant.

Pourtant, comme il fut grand son Royaume terrestre à cette époque ! Il ne cessa de s’amuser à ridiculiser le chef-d’œuvre de Dieu, transformant les hommes en les pires des bêtes, polluant l’âme des femmes par l’égoïsme, la luxure, l’aigreur d’une vie sans but. Il s’acharna particulièrement à abaisser les femmes, par l’instrument des hommes, de peur que leur nature sensible ne triomphe de leur bestialité. Il leur fit adorer des boucs, manger du fumier. Et tous, après la mort, il les emmenait dans son shéol, sombre lieu d’errance où ils vivaient comme des ombres sans but. Et il disait à Dieu, l’approchant dans sa persuasion :

« Donne la vision béatifique, Seigneur,
À ceux qui veulent te servir,
Chacun à sa place.
Et ton monde sera sauvé. »

Sainte Inconnue

Lorsque survint le déluge, Lucifer fut certain d’avoir gagné. Si Dieu lui-même se repentait d’avoir créé l’homme et la femme, alors c’en était fait. Pourtant, ce fut ce jour-là que parut la première fissure de son Royaume.

Cela vint d’une femme. Elle était jeune, à peine 14 ans. Elle habitait en Chaldée, entre le Tigre et l’Euphrate. Elle aurait aimé se promener dans la nature, se disant que les fleurs ne pouvaient pas être l’œuvre de dieux entièrement tyranniques, les dieux du sorcier de sa tribu. Elle n’osait pas à cause des voleurs de jeunes filles qui rôdaient et faisaient des esclaves. Alors, restant dans son village du néolithique, elle réfléchissait beaucoup. Elle se gardait d’aller avec ses compagnes pour ne pas partager leurs jeux cruels. Les démons l’approchaient sans cesse, patiemment, comptant bien lui faire prendre goût comme les autres, aux vices de cette vie passagère. Mais elle tenait son âme égale et tranquille, en paix. Lorsque le déluge survint brutalement, elle fut entraînée comme les autres. La force du raz de marée qui venait de la mer l’entraîna au fond. Effrayée et aveugle, elle mourut sans comprendre. Lorsqu’elle se réveilla, elle se retrouva comme une ombre sur cette terre recouverte de boue comme d’un toit. Rien ne restait de la belle nature. Elle vit les autres se résigner à leur sort et s’asseoir dans la vallée de la mort. Les enfants pleuraient. Alors elle décida qu’elle ne se résignerait pas. Elle voulait savoir. Elle appela, appela et appela encore : « Y a-t-il quelqu’un pour nous sauver ? Que celui qui a créé ce monde se fasse connaître ! ». Jusqu’à la fin du monde, le nom de cette jeune fille sera ignoré des habitants de la terre. Et pourtant, c’est à sa prière insistante, prière sincère et désespérée, qu’on doit le premier acte du salut. « Car cette fois-ci, sa prière fut agréée devant la Gloire de Dieu, et l’archange Raphaël fut envoyé pour la guérir elle, et tous ceux qui étaient dans le shéol. Il devait enlever les taches blanches qui aveuglaient les yeux des hommes, pour qu’ils voient de leurs yeux la lumière de Dieu ; et il devait donner les jeunes filles à Dieu, et les dégager d’Asmodée, le pire des démons. » (Tobie 3, 16)

Que Dieu ait cédé à une seule fillette, voilà qui fera rire les sages et les intelligents. C’est un des secrets bien gardés, pour le jour du jugement général. Sur terre, Dieu donna un signe de sa nouvelle Alliance, en réponse à la prière de cette vierge (Genèse 9, 13) : « Je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d’alliance entre moi et la terre. Lorsque j’assemblerai les nuées sur la terre et que l’arc apparaîtra dans la nuée, je me souviendrai de l’alliance qu’il y a entre moi et vous et tous les êtres vivants, en somme toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair. » C’est ainsi que dans la nature fut signifié ce qui, désormais, se passait à l’heure de la mort, pour ceux dont l’âme était prête : À compter de ce jour-là, il n’y eut plus, comme avant, l’abandon et l’errance pour tous. Au lieu du shéol, les morts furent accueillis par l’Archange Raphaël, dans la lumière de sa gloire, aussi brillante que l’Arc-en-ciel. Et au moment de son apparition, c’est lui qui fut chargé de raconter aux mourants le projet du vrai Dieu : « le royaume de l’humilité et de l’amour, la venue future d’un Sauveur, l’utilité de son silence, afin que le désespoir et l’esclavage du démon prépare des cœurs humbles. » Ce jour-là, trois demeures s’ouvrirent au shéol : un paradis provisoire (Luc 16, 22) pour ceux que cette révélation enthousiasmait. Il y régnait la grâce et la joie du salut à venir ; un purgatoire (2 Marc 12, 43) pour ceux qui devaient encore préparer leur cœur à l’humilité ; et un lieu de damnation pour ceux qui refusaient cette perspective.

Sainte Marie

Lucifer fut déçu de cet échec. Bien des âmes, pourtant réduites par lui à l’état de bêtes rampantes, lui échappèrent en raison même de cet ignoble esclavage, qu’elles fuyaient, se précipitant vers la tendresse maternelle de l’Ange de Dieu. Il se dit qu’il était tout de même inouï que tous les efforts entrepris par lui pour ridiculiser la création aient abouti finalement au salut d’un grand nombre. Il changea donc de tactique et décida qu’il était plus payant de laisser les hommes dans une certaine dignité, tout en développant chez eux fierté et égoïsme. Il les tenta donc de manière plus raisonnable, sans toutefois les écraser. Il se mit à apparaître aux hommes à l’heure de leur mort, contrant ainsi l’œuvre de l’ange de Dieu. Lui aussi présenta son projet, manifesta le caractère humiliant du monde selon Dieu, du moins pour un homme au cœur noble. Et certains le suivirent.

C’est alors que survint son deuxième échec, bien pire que le premier. Et c’est encore une femme qui le perdit. Elle s’appelait Marie.

Quand Marie naquit, rien ne semblait la différencier des autres enfants ; pourtant, elle était l’Immaculée Conception. Le démon s’approcha d’elle et constata qu’il n’avait pas le droit de pénétrer sa psychologie. Un ange en gardait la porte. Pour les autres humains sur lesquels il régnait, il lui était loisible de tenter en se servant des travers qu’il discernait. Lucifer estima ses droits bafoués. Il exigea donc de Dieu de pouvoir la tenter, c’est-à-dire de lui présenter les avantages de la liberté divine que donne l’orgueil. Il en reçut l’autorisation. Ainsi, quand Marie eut l’âge de raison, elle eut la visite du tentateur. Il lui parla, comme il l’avait fait à Ève, de liberté, de noblesse, de pouvoir. Il insista, revint à la charge. Mais elle n’écoutait pas ce qu’elle entendait. Elle restait simplement tournée vers Dieu, gardant son âme en paix et silence.

Sa fureur ne cessa pas. Il tourna sans cesse autour d’elle à partir de ce jour. Il vit naître Jésus, il devina qu’il devait être le Sauveur envoyé par Dieu. Il médita son projet, imparable : faire tuer le fils par ceux-là mêmes qu’il était censé sauver, et par la même occasion, faire trébucher la mère. Il réussit brillamment, étape après étape. C’est lui qui inspira Judas, angoissa Pilate. Il fut considérablement aidé par des prêtres du Temple qui partageaient avec lui l’idée d’un dieu de puissance et de gloire, quitte à y laisser leur âme. La croix fut son triomphe. Pendant que le fils nu et impuissant agonisait, pantelant, incapable d’enlever ses clous, il se dit que son triomphe était total. Il en eut la certitude lorsque le Fils lui-même reconnut son échec : « Mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? » Dieu se détournait définitivement du monde, puisqu’il ne sauvait pas son Messie. C’est lui, Lucifer, qui inspira l’humour des passants (Matthieu 27, 40) : « Toi qui détruis le Sanctuaire et en trois jours le rebâtis, sauve-toi toi-même, si tu es fils de Dieu, et descends de la croix ! »

Il s’approcha alors de la mère, sûr de son coup, certain de la faire tomber à sa première passe. Il lui disait (Job 2, 9) : « Pourquoi persévérer dans ton intégrité ? Maudis donc Dieu et meurs ! »

Ô Lucifer, toi le plus inintelligent des êtres, qui comprends le mystère des atomes mais ne saisis rien à l’humilité. À la croix, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une personne humaine résistait à ton intelligence supérieure. Une femme, à peine plus intelligente qu’une bête à tes yeux, restait fidèle à l’amour.

Ta colère fut intense. Mais tu croyais encore à ton triomphe.

Puis tu te dis, dans ta suffisance :

« Qu’importe Marie !
Le monde entier vient de montrer sa barbarie, sa lâcheté, son humour cruel.
Seigneur, Créateur du Ciel et de la terre, ne renonceras-tu pas maintenant ?
Préféreras-tu l’horreur à mon projet, certes moins romantique,
mais équilibré ?
Les hommes y auront leur place, au-dessous des anges,
et tu seras honoré par tous. »

Puis, sur l’inspiration de Lucifer, le cœur du Christ fut percé. C’est à cet instant que son échec éclata : Lucifer et ses anges virent l’âme de Jésus sortir comme l’éclair. Elle fendit la terre et pénétra dans les enfers. Ils la suivirent. Ils assistèrent au spectacle le plus dramatique de leur existence, un spectacle unique, sans comparaison : cette pauvre âme, encore flageolante de sa Passion, se montra aux morts, qui se levèrent. La vie entra en eux. Et Jésus ordonna : « Que le cœur De Dieu s’ouvre. » Et Dieu obéit à l’ordre d’un homme (un simple homme ?), parce qu’il avait aimé jusqu’à la mort ! La vision béatifique fut donnée, pour la première fois, aux humbles parce qu’un humble la demandait.

Sainte Gabrielle

Après la victoire du Christ, Lucifer mit du temps à lécher ses plaies. Il ne renonça pourtant pas, s’appuyant sur son expérience et se disant qu’on ne l’y reprendrait plus. Il médita qu’il lui restait une chose à faire : faire adhérer l’humanité entière, dans la liberté, à son projet d’éternité individualiste. C’est ainsi que de génération en génération, après l’Ascension du Christ, étape par étape, il travailla. Il suivit les lois de la sociologie humaine, corrompant chaque période de succès mystique de l’Église, dans tel ou tel sens. Tant et si bien que, après les guerres de religion, les hommes finirent par se lasser de ces excès. Ils rejetèrent le christianisme et se donnèrent ensuite, sous l’influence du diable, à des idéologies mortifères. Ils s’y brûlèrent aux XIXe, XXe et XXIe siècles. Enfin, échaudés, les hommes mûrirent et réussirent à inventer des lois pour établir ici-bas un monde équilibré sans Dieu, un monde athée…

Une génération passa, puis une autre. Lorsque ce monde athée eut suffisamment duré, laissant les cœurs angoissés et effrayés par l’absurdité de toute chose, la peur de la mort, l’absence de religion, Lucifer se choisit un prophète à qui il communiqua sa force. Alors il put établir sur le monde, dans l’enthousiasme de l’humanité entière, sa nouvelle religion ! Aucune des anciennes religions, toutes disparues du monde médiatique, ne put dénoncer la fausse divinité (2 Thessaloniciens 2, 6) : « Et vous savez ce qui le retient maintenant, de façon qu’il ne se révèle qu’à son moment », avait prévenu saint Paul.

Les hommes, le cœur desséché, trouvèrent enfin un sens à leur vie. Ils louèrent ce dieu qui les respectait tant et proclamèrent ne plus jamais vouloir de l’ancien Dieu et de sa soumission. C’est ainsi que les quelques vestiges des anciennes croyances furent bannis de ce monde.

À cette époque, l’air était plein de démons qui servaient les hommes, leur donnant à profusion richesse et nourriture.

Lorsque son succès fut consolidé, Lucifer se présenta au sanctuaire de Dieu et dit :

« Seigneur, maître de l’Univers,
Regarde le désir de ton humanité entière.
Elle crie vers toi et veut la vision béatifique,
Parce qu’elle la mérite, parce que tu l’as créée pour cela.
Écoute-la et renonce à l’humilité de ton projet.
Reviens vers la dignité. »

Nul ne pouvait nier la victoire de Lucifer tant l’humanité semblait unanime et satisfaite. Il avait fait fort (2 Thessaloniciens 2, 4) : « Il s’était élevé au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu, il recevait un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui-même comme Dieu. »

Et Dieu le laissa entièrement faire. Il ne lui répondit pas. Il le laissa triompher au point que, extérieurement, il ne semblait rester rien de vivant.

Extérieurement… car pour les anges qui regardaient de l’intérieur, il se préparait autre chose. D’abord, les anciennes religions étaient toutes là, bien vivantes, peu importantes en nombre mais saintes comme jamais.

Ensuite, les habitants du monde n’étaient heureux qu’en apparence. Leur corps rayonnait de force et de santé et leur âme était dans le désastre, désespérée, comme des morts. Jamais le monde n’avait autant manqué d’amour et de lumière. (Matthieu 24, 22) Et si ces jours-là n’avaient été abrégés, nul n’aurait eu la vie sauve. Car les suicides se multipliaient.

C’est encore à une femme que l’on dut le retour du Christ. Son nom est un secret qui ne sera révélé qu’au jugement dernier parce qu’il est nécessaire que le secret du Roi soit gardé jusque là. Un soir, après avoir parlé avec ses amies de classe et vu leur désespoir, Gabrielle, une jeune fille, retourna dans sa chambre et pria la Vierge Marie. Elle lui demanda d’intercéder auprès de son Fils : « L’heure est venue. Ils n’ont plus de vie. » Mais sa prière était celle d’une sainte. Gabrielle n’était pas une immaculée conception. Mais elle était devenue, à force de ne pas se voir, un jardin scellé où Dieu séjournait plus que nulle part ailleurs sur terre. C’est ainsi que Dieu ne résista plus. Alors commencèrent les derniers événements annoncés. Quand tout fut accompli, un peu plus tard, Jésus revint, tout simplement.

La bataille d’Harmagedôn

Voici comment s’est passée cette dernière bataille. Harmagedôn, c’était tout simplement l’endroit où chacun se trouvait au moment de la Venue du Messie. C’est aussi le nom du combat des mourants, face à Lucifer, depuis le commencement du monde.

Lucifer vit son monde s’écrouler d’un coup par le souffle de la bouche, par la manifestation de la Venue du Messie (2 Thessaloniciens 2, 8). Sa colère fut grande. Il s’adressa à Dieu et récrimina :

« Le Messie apparaît seul.
Il rayonne de gloire.
Pas étonnant que, séduits, les gens le suivent comme des brebis.
Mais laisse-moi venir dans la lumière de ma propre gloire.
Je te jure qu’ils te maudiront en face. »

« Fais », dit Dieu.

Lucifer était sûr de sa victoire (Apocalypse 16, 14). Il rassembla ses forces, se préparant à ce qu’il savait être sa dernière chance : « Et de fait, ce sont des esprits démoniaques, des faiseurs de prodiges, qui s’en vinrent sur la terre ce jour-là pour rassembler les rois du monde entier pour la guerre, pour le grand Jour du Dieu Maître-de-tout. Ils les rassemblèrent au lieu dit, en hébreu, Harmagedôn. »

Le Christ glorieux, qui tenait ceux qui le voulaient par la main, s’effaça un instant, laissant la place aux démons. Ils se présentèrent à chaque homme, à chaque enfant. En ce dernier moment, ils vinrent à plusieurs milliards, autant qu’il y avait d’habitants sur terre. Ils apparurent dans la noblesse de leur idéal, non comme des dragons, mais comme des hommes de lumière. Mais leur lumière était froide. Et ils révélèrent à chacun la raison de leur combat.

Ce fut une bataille terrible, un corps à corps sanglant, ou plutôt un « âme à esprit ». Chacun, dans le secret le plus profond de son égoïsme, eut envie de suivre le diable. Ceux qui étaient réellement et froidement égoïstes se perdirent, et parmi eux l’Antéchrist, celui qui dirigeait l’humanité et qui n’éprouvait que mépris pour l’humilité et l’amour.

Dès qu’un homme se sentait prêt à succomber à son égoïsme, il appelait Jésus ou Marie, qui le défendait comme sa gloire.

Mais, en fin de compte, chacun choisissait son destin éternel dans une liberté totale.

Jugement dernier

Qui remporta le combat final ?

On se dit : « Ce ne peut qu’être Lucifer, lui qui, quelques semaines auparavant, régnait sur un monde qui lui était entièrement acquis. »

N’en croyez rien. Lucifer perdit. Ceux qui le suivirent furent peu nombreux ; car, à la Venue du vrai Dieu, le cœur des gens fondit et ils le reconnurent. Dieu gagna ce jour-là sans armes ni artifices, simplement en présentant son amour, en revenant chercher sans arrière-pensée une humanité toute entière éloignée de lui. Et le plus rageant pour Lucifer, fut de devoir reconnaître que sa victoire temporaire était justement à l’origine de sa grave défaite, complète cette fois, les gens ayant expérimenté jusqu’au désespoir la vanité de sa « divinité ».

Quant à la puissance de Dieu, elle se trouvait tout entière ici :

« Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l’amour est fort comme la Mort, la passion inflexible comme le Shéol. Ses traits sont des traits de feu, une flamme de Yahvé. Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves le submerger. Qui offrirait toutes les richesses de ma maison pour acheter l’amour, ne recueillerait que mépris. » (Cantique 8, 6)

Arnaud Dumouch, 3 avril 2006

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle