Accueil > Contes > Tome 3 : La fin du monde > La conversion des musulmans
(Attention, ceci n’est pas une prophétie. Juste un conte théologique.)
« Médine ! Nous sommes retournés à Médine ! » Tel fut le cri de l’imam Ahmed El Masaoudi lorsqu’il s’adressa aux rares fidèles venus pleurer sur les traces de la Mecque. Il prêchait sur le lieu même de l’impact, dans le cratère au-dessus duquel la bombe nucléaire avait explosé, volatilisant la Kaaba et les mosquées saintes, la ville, ne laissant aucun vestige identifiable mais ce trou gigantesque d’un diamètre de près d’un kilomètre qui marquait comme un défi l’ancienne fierté des combattants d’Allah. Et le thème de sa prédication portait sur le retour de l’islam à l’âge d’or de l’humilité et de la prière, suite à sa ruine politique.
Le fameux sermon de l’imam El Masaoudi avait été prononcé plus d’un siècle auparavant et c’est sur lui qu’avaient été fondées toute la survie et l’espérance des derniers musulmans. Peu de gens avaient assisté à ce grand moment, car c’était à l’époque où les masses musulmanes s’étaient détournées violemment de la religion, lui reprochant les crimes et orgueils des moudjahidine durant la grande guerre. Mais le texte du sermon avait été diffusé partout.
Fatima était une parmi les réfugiés de Jérusalem. Elle s’y était installée en exil pour pouvoir continuer à prier cinq fois par jour. Elle vivait au temps du dernier Antéchrist et il n’était plus possible de concevoir des enfants naturellement et de les élever en leur parlant du vrai Dieu. Alors elle était venue à Jérusalem, capitale du peuple juif qui le tolérait.
Elle relisait fiévreusement le sermon de l’imam El Masaoudi, cherchant une explication aux événements qui se déroulaient dehors. Car hier, en fin de journée, un événement effrayant et inouï s’était produit. Du Temple de Jérusalem, une nuée était sortie, envahissant le ciel, cachant le soleil, empêchant la lune de donner sa lumière. Elle cherchait fiévreusement une mention de cette fumée impressionnante et surnaturelle. Son fils et son mari l’aidaient. Ils avaient certes fait le rapprochement avec l’acte héroïque du gouvernement d’Israël qui s’était refusé à les livrer, eux et toutes les communautés des réfugiés. Elle chercha, chercha et enfin trouva.
L’imam avait rappelé dans son sermon les dix grands signes annoncés par le prophète pour la fin du monde, et parmi eux, il avait cité, comme en passant, « l’apparition de la fumée qui restera 40 jours sur terre. Le Coran en parle longuement dans sa sourate 44, disait-il, et la Fumée va s’étendre sur terre. Selon certains, ce sera un temps terrible de faim, de misère semblable à ce qui est arrivé à la tribu de Quoraïch au temps de Mohamed. Mais ce signe se passera juste avant le retour du Messie Issa, fils de Marie (Jésus), celui qui doit venir rétablir l’islam. »
Il était midi et Fatima, calfeutrée dans sa maison, entendait les grondements sourds, comme le son d’une trompe, comme des voix, qui montaient du Temple de Jérusalem. Elle n’osait plus regarder l’effrayante colonne qui montait vers le ciel. Elle y ressentait la présence d’êtres surnaturels. Avec son mari, ils décidèrent de relire entièrement le sermon de l’imam El Masaoudi. Elle aimait le passage où il disait :
« A Médine, qu’étaient les musulmans devant Dieu ? Une petite communauté qui priait et travaillait humblement. Aucune jalousie n’existait entre les frères et les sœurs. Et ils plaisaient à Dieu. Puis Dieu envoya les sourates de la guerre et avec elles le pouvoir, et avec le pouvoir l’orgueil. Dieu avait donné le pouvoir et la richesse. Dieu a maintenant repris. Béni soit son nom. Et en tout ce qu’il a fait, il a agi avec sagesse afin que nul sur terre ne maintienne sa fierté jusqu’à la fin. Car Dieu aime les hommes humbles plus que ceux qui prennent des villes. »
L’imam avait ensuite donné les règles de vie pour le futur :
« Vous serez jusqu’à la venue de Jésus comme Ismaël lorsqu’il attendait, couché sur la pierre, le coup de couteau fatal de son père Abraham venu l’immoler à Dieu. C’est en pensant à cela que vous fêterez chaque année l’Aïd dans vos cœurs. Mais ne désespérez jamais. Vous resterez bien tranquillement à attendre, dans la certitude de la venue, au moment où vous ne l’attendrez plus, d’un agneau que Dieu ne manquera pas d’envoyer pour vous remplacer sur l’autel du sacrifice. »
Elle s’était toujours demandé qui serait l’agneau…
Pendant ces événements, Fatima et sa famille restèrent enfermés dans leur appartement. Le père sortit et revint avec une réserve de pain et d’olives pour deux jours. Il n’avait pu trouver davantage. Dans la journée, ils suivirent les émissions télévisées. Ils entendirent les récits simples et imagés de deux petites chrétiennes, Marine et Gabrielle, que les médias israéliens avaient déniché Dieu sait où dans le quartier catholique de Jérusalem. Les paroles de Gabrielle étaient pleines de simplicité joyeuse et la famille s’y accrochait comme à une bouée. Gabrielle ? C’était peut-être un nom prédestiné, et sa mission était peut-être d’annoncer les choses. Quant à Marine, l’autre jeune fille, elle indiquait que le temps était venu de se réconcilier avec Dieu, de confesser ses péchés. La famille musulmane suivit ces conseils et pratiqua les ablutions rituelles de purification.
Cependant Fatima ne savait plus quoi penser. L’enseignement, pourtant si frais et nouveau de ces deux témoins la laissait dans le trouble. Elles y parlaient de la divinité de Jésus, de sa mort sur la croix, de sa résurrection, de sa bonté. Or, d’après sa foi, et d’après un Hadith d’Abou-Horaïra, le Prophète avait dit :
« L’heure dernière ne viendra pas tant que le fils de Marie ne sera pas descendu parmi vous en qualité d’arbitre équitable. Il brisera la croix, il mettra à mort le porc, il supprimera le tribut. Alors l’argent sera si abondant que personne ne voudra plus l’accepter. »
Donc ces jeunes filles se trompaient certainement, restant dans l’exagération des chrétiens de jadis et faisant d’un homme (Jésus) un Dieu. Jésus dira certainement : « je suis homme et non pas Dieu. » Il confirmera ne pas être mort sur la croix. L’erreur de ces jeunes filles si limpides par ailleurs la gênait. Son mari eut le mot qu’il fallait pour la rassurer : « Ne t’inquiète donc pas. Ces petites sont chrétiennes. Que veux-tu qu’elles disent d’autre ? Quand Jésus va apparaître, il leur dira la vérité. Et tu vois bien qu’elles sont bonnes et humbles. Elles se soumettront à la vérité. »
Alors Fatima ne s’inquiéta plus et resta tranquille dans sa fidélité au prophète. C’est ainsi que se réalisa la prophétie de Mohamed :
« Il y aura toujours une partie de ma communauté qui combattra ouvertement dans la voie de la vérité jusqu’à la fin des temps, jusqu’à ce que Issa le fils Maryama (Jésus) descende. »
Ensuite, la famille de Fatima décida qu’il lui fallait participer et répandre par communication numérique le sens de tout ce qu’elle avait découvert par leur recherche à toutes les familles musulmanes qu’elle connaissait. Et c’est ainsi que, partout où se tenait quelque musulman, de communication en communication, on se transmit le texte suivant :
« Faites pénitence. Pratiquez des actes de confession pour vos péchés. Et soyez dans la joie. Car voici que le Messie arrive. Il va détruire la croix et rétablir la soumission au vrai Dieu. »
C’est vers le troisième jour que Fatima et les siens furent surpris par le grand miracle. Ils étaient finalement sortis de leur appartement pour trouver quelques provisions. Ils se tenaient par la main, avançant à la lumière des éclairages publics. Soudain, leur petit garçon s’écria : « Oh ! regardez le soleil ! »
Personne ne pensait au soleil, qui ne s’était pas montré depuis trois jours. Mais à l’exclamation de l’enfant, qui avait été dite sur le ton d’une intense surprise, tout le monde leva la tête pour voir ce qui se passait. Il y avait foule dans les rues de Jérusalem car l’inquiétude pour la nourriture s’était emparée du peuple. C’est alors que les gens virent un spectacle grandiose, stupéfiant et vraiment unique au monde !
Tout à coup, les nuages se déchirèrent largement, laissant voir une grande surface du ciel bleu. Et dans ce vaste espace sans nuage, le soleil apparut au zénith, mais avec un aspect étrange ! Aucun nuage ne le voilait, et cependant, tout en étant brillant, il n’éblouissait pas et on pouvait le fixer à volonté ! Tout le monde contemplait avec stupeur cette sorte d’éclipse d’un nouveau genre.
Soudain le soleil se mit à trembler, à s’agiter, à faire des mouvements brusques et finalement se mit à tourner vertigineusement sur lui-même comme une roue de feu, lançant dans toutes les directions, comme un projecteur gigantesque, d’énormes faisceaux de lumière, tout à tour verts, rouges, bleus, violets, etc., et colorant de la façon la plus fantastique les nuages, les arbres, les rochers, le sol, les habits et les visages de cette foule ! Les gens qui étaient dans les maisons assistaient aussi au spectacle et les murs ne faisaient pas obstacle à la lumière.
La foule était haletante et contemplait ce spectacle saisissant. Soudain le fils de Fatima s’écria de nouveau : « Regardez ! il y a des gens qui arrivent autour du soleil. »
Et effectivement, comme sous l’influence des rayons émis par le soleil, les noires nuées du ciel avaient changé d’aspect. Les gens voyaient apparaître ce qui leur paraissait être une foule immense, comme habillée de lumière. On aurait dit que le ciel entier se présentait, formant comme une sainte Famille. Mais c’était cette lumière centrale, envahissante, celle du « soleil » qui frappait le plus. Ce n’était pas que de la lumière physique. Il émanait d’elle un climat de joie et de paix qui faisait que les gens ne savaient plus s’ils devaient avoir peur ou se réjouir.
Puis soudain, au milieu de sa danse « effarante » de feu et de couleurs, telle une roue gigantesque qui à force de tourner se serait dévissée, voici que le soleil sembla se transformer en une forme de tunnel, un passage aux mille nuances de couleur. Et ce tunnel semblait se détacher du firmament et se précipiter sur la foule atterrée, irradiant une chaleur de plus en plus intense. Non seulement on voyait ce soleil tomber du ciel, mais on sentait l’augmentation progressive de la chaleur avec son approche. Cela donnait à tous les assistants l’impression nette de la fin du monde prédite, où le soleil et les astres se précipiteront en désordre sur la terre !
Alors, de cette foule épouvantée, s’échappe soudain un cri formidable, une clameur intense, traduisant la terreur religieuse des âmes qui se préparent sérieusement à la mort, en confessant leur foi et en demandant à Dieu pardon pour leurs péchés. Et d’un seul mouvement, tombant à genoux sur ce sol les spectateurs récitent, d’une voix entrecoupée de sanglots, le plus sincère acte de contrition qui soit jamais sorti de leur cœur !
Fatima s’était prosternée sur le sol et, persuadée que son heure était venue, elle récitait sa profession de foi : « Je crois en Dieu et Mohamed est son prophète ! Je crois en Dieu et Mohamed est son prophète ! »
Mais son petit garçon la toucha et lui dit : « Regarde maman, le soleil ! Quelqu’un vient ! »
Elle regarda. Et voici que de cette sorte de tunnel, un homme s’avançait vers elle en son centre. C’était un être de lumière, le plus étonnant qu’on puisse imaginer. Il semblait avoir décidé de descendre vers chaque personne, adaptant les visites au cœur de chacun. Son regard semblait dirigé sur l’âme même de Fatima. A côté d’elle, elle voyait distinctement que chacun des assistants faisait la même rencontre personnelle, absolument bouleversante. Cela se passait sans paroles et cela touchait le fond de l’âme.
Laissons Fatima raconter :
« Il s’est approché de moi. Il m’a dit : “Je suis Issa, Fils de Maryama. C’est moi l’agneau de Dieu.”
Je lui ai demandé. “Monseigneur, tu es l’agneau ? Es-tu venu pour mourir à notre place et pour être l’agneau de l’Aïd el Kebir ?”
Il m’a dit : “Oui. Je suis l’Agneau de l’Aïd. Mais je suis déjà mort sur la croix comme tu le vois.”
Il m’a alors montré ses mains. “Et je suis venu pour détruire la croix de ce monde. Il n’y aura plus de souffrance ni de mort.”
Je lui ai demandé : “Dois-je t’appeler Allah ou es-tu son serviteur ?”
— Je suis Allah.
Alors je me suis prosternée à ses pieds et je l’ai adoré. Je savais qu’il ne mentait pas. Et lui m’as touchée. Il m’a dit :
— Jusqu’ici, tu as été ma servante fidèle. Accepteras-tu de devenir mon amie ?
— Seigneur mon Dieu, est-ce vrai alors ?
— C’est vrai. »
Dans le monde entier, à la même heure, les disciples de Mohamed reçurent l’étonnante proposition de se mettre à table avec les invités de la noce, eux qui pensaient n’être, pour l’éternité, que d’humbles serviteurs. Ceux qui s’étaient montrés fidèles entrèrent dans le mystère de la charité. Cela ne se passa pas pour eux avant le retour du Christ dans sa gloire, mais bien à cette heure-là, comme pour le peuple juif, à cause d’un décret de Dieu qui préférera, pour le temps de la terre, la division de ses enfants à leur unité orgueilleuse.
C’est ainsi que Jésus, ce jour-là, réalisa ce qu’il avait annoncé (Jean 10, 16) : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les mène ; elles écouteront ma voix ; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur ; c’est pour cela que le Père m’aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre. »
Arnaud Dumouch, 31 décembre 2005